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nom du chevalier de C....., s'est marié depuis peu avec Miss P....., demoiselle de condition, d'origine irlandaise, dont il a fait la connaissance l'année dernière aux eaux de Spa. Madame la duchesse d'Orléans, qui l'a prise en grande amitié, s'est empressée de se l'attacher. De toutes les maîtresses qu'eut jamais M. de C....., sa femme étant la plus jeune, car elle n'a guère plus de trente ans, il en est, comme on peut croire, fort amoureux. L'autre jour, au Rainci, à la table de M. le duc d'Orléans, un beau jeune homme s'étant placé à côté de madame de C....., il parut l'intéresser assez pour distraire entièrement de tous les signes et de toutes les mines que lui fesait son époux pour se rappeler à son souvenir. En sortant de table, il s'approcha d'elle et voulut lui en faire quelques reproches : Vous étiez bien occupée, madame, on n'a pas même pu obtenir de vous un seul regard. Le marquis de Genlis, qui dans ce moment se trouvait par hasard tout près d'elle, repoussa doucement le pauvre mari, et lui dit d'un air qu'on devine plus aisément qu'on ne saurait le rendre: Allons, passez, bon-homme, on vous a donné.

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On avait déjà remarqué, du temps de M. de Fontenelle, que le carnaval paraissait devenir toutes les années moins intéressant. Cela n'annonceraitil-pas, disait le philosophe, que le carême est un peu tombé ?

Le style du président Montesquieu! disait, il y a quelque temps avec dédain M. de Buffon; mais Montesquieu a-t-il un style? N'aurait-il pas mérité qu'on eût osé lui répondre: Il est vrai, Montesquieu n'a que le style du génie, et vous, monsieur, vous avez le génie du style.

Feue madame la marquise de Voyer assistait à une leçon d'anatomie, dans laquelle on expliquait le peu que nous savons du mécanisme mystérieux de la reproduction. Le démonstrateur ayant suivi le cours du chyle dans tous les viscères qu'il parcourt avant d'arriver à son dernier terme, madame de Voyer dit avec une surprise dont la naïveté pourra paraître assez originale: Cela passe donc aussi par le cœur? Ah! j'en suis bien aise!

Le jour de la réception de M. d'Aguesseau à l'Académie française n'est pas encore fixé; mais le public a déjà fait les deux discours, celui du ré. cipiendaire et la réponse du directeur. Le premier, M. d'Aguesseau, dira: Je suis ici pour mon grandpère.* Et moi, lui répondra M. Beauzée, je suis ici, monsieur, pour ma Grammaire. Honneur et gloire au calembour!

* Le célèbre chancelier d'Aguesseau.

+ C'est à M. Beauzée que nous devons, comme on sait, une nouvelle édition des Synonymes de l'abbé Girard, une Grammaire très-volumineuse, etc.

Eloge historique de l'abbé de Mably, discours qui a partagé le prix, au jugement de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, en 1787; par M. l'abbé Brizard. Brochure in-8. de 122 pages, avec cette épigraphe :

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Le discours avec lequel celui de M. l'abbé Brizard a partagé le prix extraordinaire proposé par une personne qui ne veut pas être connue,* est de M. Lévêque, l'auteur de l'Histoire de Russie; il a pour épigraphe ce mot d'Horace:

Laudat fortunam et mores antiquæ plebis.

Brochure in-8° de 102 pages.

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Voilà bien des pages pour louer un homme qui ne se souciait guère de la louange, et dont il était, ce semble, bien facile d'apprécier le mérite en peu

de mots.

L'abbé de Mably † fit de bonne heure une étude approfondie de l'histoire ancienne, et surtout de celle des principales républiques de la Grèce et de l'Italie. Il avait recueilli de cette étude trois ou quatre principes de politique et de législation auxquels il s'était tellement attaché qu'il en avait fait, pour ainsi dire, les barrières de sa pensée; rien ne pouvait le déterminer à les franchir. C'est à ces principes, d'une utilité peut-être incontestable,

* Madame la duchssse d'Enville.

† Gabriel Bonnot de Mably, né à Grenoble, le 14 Mars, 1709, d'une famille honorable, mort à Paris, le 23 Avril, 1785.

mais d'une application nécessairement bornée, qu'il voulait tout rapporter; ce qu'il ne pouvait apercevoir sous ce point de vue échappait à ses regards ou ne les frappait que faiblement. En legislation, il ne voyait guère de salut hors la communauté des biens; ce qui s'éloignait des formes de la liberté démocratique était à ses yeux une violation maniféste des premiers droits de l'humanité. Confondant sans cesse la morale privée avec la morale publique, selon lui, l'art des négociateurs se réduisait aux plus simples maximes de la justice, de la modération et de la bonne foi. La sévérité de son humeur, sans l'avoir garanti toujours de la fougue des passions, avait empreint du moins de ce caractère toutes ses vues et toutes ses idées. Son respect pour les lois de Lycurgue tenait du fanatisme, et l'on peut dire que l'espèce de superstition qu'il avait vouée aux principes qu'il crut devoir adopter exclusivement borna d'une manière très-sensible l'horizon naturel de ses lumières.

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De tous ses ouvrages, les seuls qui jouissent encore de l'estime générale sont:

L'abrégé qu'il fit des traités depuis la paix de Westphalie jusqu'à nos jours, sous le titre de Droit public de l'Europe; c'est un précis clair et méthodique, c'est proprement l'a, b, c de la politique moderne.

Son Discours sur l'Etude de l'Histoire, adressé au duc de Parme. M. l'abbé de Mably n'a rien écrit avec plus d'intérêt que ce petit ouvrage, et peut-être

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est-ce encore de tous ses écrits celui qui renferme le plus de vues neuves et utiles.

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Ses Observations sur l'Histoire de France sont l'ouvrage d'un jugement sain, d'une érudition bien digérée, d'une critique lumineuse.... Egalement "éloigné des systèmes de Dubos et des paradoxes "de Boulainvilliers, il les combat tous deux avec "avantage, cherche et trouve souvent la vérité..."

La vie de l'abbé de Mably, tout entière dans ses écrits, offre peu d'évènemens importans; la seule anecdote de sa jeunesse qu'il nous paraît intéressant de ne pas oublier est relative à ses liaisons avec le cardinal de Tencin. Le jeune Mably ayant été admis dans la société de madame de Tencin, dont sa famille était alliée, cette dame, l'entendant parler des affaires publiques, jugea que c'était l'homme qu'il fallait à son frère, qui commençait à entrer en faveur et dans la carrière du ministère......Le cardinal sentait sa faiblesse dans le conseil; pour le tirer d'embarras, l'abbé de Mably lui persuada de demander au roi la permission de donner ses avis par écrit ; c'était Mably qui préparait ses rapports et fesait ses mémoires......Ce fut lui qui, en 1743, négocia secrètement à Paris avec le ministre du roi de Prusse, et dressa le traité que Voltaire alla porter à ce prince...C'est une singularité digne de remarque, que deux hommes de lettres, sans caractère public, fussent chargés de cette négociation, qui allait changer la face de l'Europe.

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