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A la foule sans nom des villes, des hameaux :
Fleuves majestueux, dans votre auguste course
N'oubliez pas la source

Dont l'urne intarissable alimente vos eaux.

Toutefois des sujets la facile tendresse
De vous n'exige pas cette sublime ivresse.
Non, non, vos vertus sont d'un usage plus doux :
D'un seul mot, d'un regard, d'un geste populaire,
L'amour est le salaire;

Vivez pour nous, ô rois! et nous mourrons pour vous. Il est à remarquer que, dans l'extrait des deux accessit, on n'a conservé aucune des strophes consacrées à l'éloge de monseigneur le comte d'Artois.

Après l'annonce des prix ordinaires de poésie et d'éloquence, l'Académie a proposé de nouveau, pour l'année 1788, un prix d'éloquence pour l'Eloge de feu M. d'Alembert. M. Marmontel, en se plaiguant avec une douleur amère de n'avoir pas encore reçu un seul ouvrage pour ce prix proposé déjà depuis quatre ans, a observé que c'était sans doute la difficulté de louer dignement un des plus grands géomètres de l'Europe qui avait intimidé les concurrens.

Août, 1787.

Complainte imitée de l'Anglais.

Naissez, mes vers, soulagez mes douleurs,
Et sans effort coulez avec mes pleurs.
Voici d'Emma la tombe solitaire,

Voici l'asile où dorment les vertus.

Charmante Emma, tu passas sur la terre
Comme un éclair qui brille et qui n'est plus.
J'ai vu la mort dans une ombre soudaine

1

Envelopper l'aurore de ses jours,

Et ses beaux yeux, se fermant pour toujours,
A la clarté renoncer avec peine.
Naissez, etc..

Ce jeune essaim, cette foule fritole
D'adorateurs qu'enchaînait sa beauté,
Ce monde vain dont elle fut l'idole,
Vit son trépas avec tranquillité.

Les malheureux que sa main bienfaisante
A fait passer de la peine au bonheur,
N'ont pu trouver un soupir dans leur cœur
Pour consoler son ombre gémissante.
Naissez, etc.

L'amitié même, oui, l'amitié volage
A rappelé les ris et l'enjoûment;
D'Emma mourante elle a chassé l'image,
Son deuil trompeur n'a duré qu'un moment.
Sensible Emma, douce et constante amie,
Ton souvenir ne vit plus dans ces lieux ;
De ce tombeau l'on détourne les yeux,
Ton nom s'efface et le monde t'oublie.
Naissez, etc.

Malgré le temps, fidèle à sa tristesse,
Le seul Amour ne se console pas,
Et les soupirs renouvelés sans cesse
Vont te chercher dans l'ombre du trépas :
Pour te pleurer je devance l'aurore;
L'éclat du jour augmente mes ennuis;
Je gémis seul dans le calme des nuits;
La nuit s'envole, et je gémis encore.
Vous n'avez point soulagé mes douleurs,
Laissez, mes vers, laissez couler mes pleurs.

Panégyrique de Trajan, par Pline, nouvellement trouvé; traduit du Latin en Italien par M. le comte d'Alfieri d'Asti, et de l'Italien en Français

par M. de S..., de l'Académie royale de Florence. Brochure in-8°, avec cette épigraphe tirée du premier livre de l'Histoire de Tacite:

Rara temporum felicitate, ubi sentire quæ velis

et quæ sentias dicere licet.

Il n'est pas besoin sans doute d'apprendre à nos lecteurs que ce nouveau panégyrique n'a été trouvé que dans la tête de M. le comte Alfiéri,* déjà connu par quelques tragédies où l'on a remarqué de l'élévation, de la chaleur, mais dont le style n'a pu plaire à des oreilles accoutumées au ramage harmonieux des vers de Métastase. L'objet de ce nouveau panégyrique est de prouver à l'empereur Trajan que le meilleur parti qu'il ait à prendre pour sa propre gloire et pour le bonheur de sa patrie, c'est d'abdiquer la suprême puissance. "Je n'ai pas fait le moindre éloge, lui dit-il, des grandes et belles actions par lesquelles vous vous êtes signalé tant de fois; mais il me semble, Trajan, vous avoir offert tacitement un éloge bien plus digne de vous, en vous reconnaissant capable d'une seule action dont la première tentative serait plus honorable pour vous que l'accomplissement de toutes les autres."

* C'est un gentilhomme Piémontais, qui a cédé à sa sœur la meilleure partie d'une très-grande fortune pour dépenser l'autre à sa fantaisie. Ses passions dominantes sont les vers et les chevaux. On sait qu'il a porté long-temps les chaînes de madame la comtesse d'Albanie. S'il faut l'en croire, on s'est beaucoup trompé jusqu'ici en France et en Italie sur la manière de concevoir la tragédie; on a cru que c'était avec des larmes, c'est avec du sang qu'il faut l'écrire.

Il n'y a pas une grande profondeur d'idées dans les moyens que l'orateur emploie pour déterminer son héros à ce sublime sacrifice, mais quelques-uns de ces moyens nous ont paru présentés du moins d'une manière fort heureuse. "Nous désirons ardemment la liberté, lui dit-il, et certes c'est un titre bien fort pour la mériter. N'allez pas croire qu'au mot de liberté j'attache une autre idée que celle d'obéir toujours à Trajan, c'est-à-dire aux lois dont il est l'observateur et le défenseur."

Et quel fut enfin le résultat de ce beau discours? Le voici: "On dit que Trajan et les sénateurs "présens à ce discours en furent touchés jusqu'aux "larmes, que cela fit beaucoup d'honneur à Pline, "mais que Trajan conserva l'empire, et que Rome, "le sénat et Pline lui-même restèrent dans l'escla« vage."

Ceci nous rappelle la réponse que fit le roi de Pologne au comte de Rzewski, qui lui disait un jour: Sire, à votre place j'abdiquerais.-Vous pourriez bien avoir raison; mais croyez-moi, mon cher comte, quelque près qu'on soit du trône, on ne le voit jamais d'en bas comme lorsqu'on y est monté.

Septembre, 1787. Billet envoyé à M. l'abbé Delille, pour lui offrir un appartement au Palais-Royal; par M. Artaud.

Vous avez fait tout le butin

Qu'on peut faire au pays latin,
En volant Horace et Virgile;

Mêlant l'agréable à l'utile,
Venez jouir dans ce palais
De votre brillante richesse:
C'est pour la Grâce enchanteresse
Que nos beaux portiques sont faits.
Nous sommes dans le voisinage

De mille Grâces et des neuf Sœurs;
Vous avez le rare avantage

De choisir entre leurs faveurs.

Tout homme fou, tout homme sage

Pour être heureux içi n'a rien qu'à le pouvoir,
Enfin je crois que notre aimable Horace
Aurait été charmé de rencontrer le soir

Amathonte au bas du Parnasse.

Octobre, 1787.

En 1766, Madame Feydeau de Brou, fille d'un garde des sceaux de France, et abbesse du couvent de Villancourt, à Abbeville, avait fait venir auprès d'elle le chevalier de la Barre son neveu, jeune militaire, petit-fils d'un officier général, dont le père avait dissipé sa fortune. Elle le logea dans l'extérieur de son couvent. Un nommé Belleval, lieutenant d'une petite jurisdiction de cette ville, était amoureux de cette abbesse, et elle fut obligée, pour faire cesser ses importunités, de le chasser de sa maison. Belleval ne douta pas que ce ne fût l'amour de la tante pour son neveu qui l'eût fait expulser, et il conçut le projet de perdre le chevalier de La Barre. Il sut que ce jeune militaire et un sieur d'Etallonde, fils d'un président de l'élection, à peine âgé de dix-huit ans, avaient passé devant une procession sans ôter leurs chapeaux; que des

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