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beauté et de gràces. Le char brillant qui la portait avait peine à fendre les flots du peuple qui ne pouvait se rassasier de la voir, de l'admirer, et de la bénir. Lorsque de la cathédrale, où elle avait été d'abord offrir à Dieu ses actions de grâces, elle se rendit à l'Hôtel-de-Ville, le maréchal de Brissac, gouverneur de Paris, vint à sa rencontre à la tête du corps municipal; et avec cette originalité chevaleresque qui le caractérisait, il lui dit pour toute harangue : Madame, vous avez là sous vos yeux deux cent mille amoureux de votre personne. Il disait vrai. Son propos vola de bouche en bouche sur cette place immense, et excita des applaudissemens passionnés. Arrivés aux Tuileries, le dauphin et la dauphine se promenèrent à pied dans le jardin, pour répondre aux empressemens du public. C'était la même affluence et la même ivresse qu'ils avaient rencontrée sur la place de l'Hôtel-de-Ville. La joie, dit un journal du temps, rayonnait sur le visage de la princesse, ainsi que sur celui de M. le

avancé par M. de Montjoye, et tous ont traité de folie une pareille assertion. Tous se sont accordés sur cette réunion de circonstances fortuites et malheureuses, que je viens de décrire, et qui ont été la seule cause d'un si cruel désastre. Les étrangers ont besoin d'être mis en garde contre tous ces récits erronés, et la vérité nous oblige d'observer qu'il y en a beaucoup de ce genre dans les écrits de M. de Montjoye. Ils présentent des intentions si pures, et renferment des pages si touchantes, qu'on éprouve un vif regret de voir qu'il ait si souvent écrit d'après des informations inexactes, et, il faut le dire, des préventions injustes.

W.

dauphin, qui demandait souvent s'il n'arrivait point d'accident, et si les gardes, occupés de contenir la multitude, ne faisaient de mal à personne. L'un et l'autre s'écriaient avec reconnaissance: Ah! le bon peuple! le bon peuple! Ce jour-là l'exclamation était juste. Cependant le roi attendait à Versailles avec impatience, et presque avec anxiété, le retour de ses petits-enfans. En arrivant ils se jetèrent dans ses bras. Mes enfans, leur dit-il, j'étais presque inquiet! vous devez étre bien fatigués de votre journée! — C'est la plus douce de notre vie, dit la dauphine, et le dauphin le disait en même temps qu'elle (1).

Empressés de retourner dans cette capitale, où ils avaient recueilli des sentimens si doux et un triomphe si pur, ils vinrent ensemble y voir une représentation du Siége de Calais, de cette tragédie qui excitait un si grand enthousiasme, comme monument de l'honneur national et de l'amour des Français pour leur roi. Dans le moment où

(1) Louis XV, quand il se montrait en public à cette époque de sa vie, n'était plus accueilli comme autrefois par des transports d'allégresse. Ce changement n'était point échappé à la pénétration de Marie-Antoinette. Lorsqu'accompagnée du dauphin, elle fit son entrée dans Paris, les témoignages de la joie la plus vive éclatèrent sur leur passage, ainsi que le rapporte Weber. Un contraste aussi frappant pouvait blesser le cœur du monarque. Ah! sire,lui dit la dauphine avec une ingénieuse adresse, il faut que Votre Majesté soit bien aimée des Parisiens : comme ils ont fété vos enfans! (Note des nouv. édit.

furent prononcés sur la scène ces deux vers:

Le Français, dans son prince, aime à trouver un frère,
Qui, né fils de l'État, en devienne le père,

des applaudissemens innombrables s'élevèrent da sein de l'assemblée. Toutes les voix, tous les yeux se portèrent sur la loge de M. le dauphin, qui, l'instant d'après, saisissant une application non moins heureuse pour exprimer sa reconnaissance, applaudit avec la même vivacité ce vers charmant :

Rendre heureux qui nous aime est un si doux devoir'

La dauphine s'unissant tour à tour, avec une expression pleine de grâce, au double sentiment qui entraînait la nation vers le prince, et le prince vers la nation, semblait à chaque instant méditer davantage la conquête qu'elle avait faite de l'un et de l'autre. On ne fut pas long-temps sans être bien convaincu que la beauté de son ame égalait celle de sa personne.

L'aventure d'Achère, arrivée peu de mois après, célébrée alors par la poésie, par la peinture, par l'applaudissement de toutes les ames sensibles, surtout par les bénédictions de l'infortune secourue, cette aventure est oubliée aujourd'hui. Je vais la retracer entre plusieurs autres, dont la longue énumération excéderait les bornes de cet ouvrage.

Louis XV chassait dans la forêt de Fontainebleau.

Un cerf furieux, percé de plusieurs coups, franchit la muraille peu élevée d'un petit jardin dans le village d'Achère, s'élance sur un paysan occupé à bê

cher, et lui enfonce son bois dans le ventre. Des voisins, témoins de ce cruel accident, et voyant le jardinier sur le point d'expirer, courent avertir sa femme qui travaillait aux champs à une demi-lieue de là. La malheureuse jette les hauts cris, et donne toutes les marques du plus violent désespoir. La dauphine passait alors non loin de cet endroit, allant en calèche au rendez-vous de chasse. Elle entend les cris désespérés de cette femme, fait arrêter sa voiture, saute, franchit la vigne, et vole au secours de l'infortunée qu'elle trouve sans connaissance. Pendant qu'elle lui fait respirer des eaux spiritueuses, elle s'informe du malheur qui vient d'arriver, et cette pauvre femme, en revenant à elle, se trouve dans les bras de la dauphine en pleurs. Tout ce que le cœur de la jeune princesse peut lui suggérer de tendres consolations, tout l'or que contenait sa bourse, est prodigué à cette victime du malheur. Le dauphin, le comte et la comtesse de Provence surviennent; tous s'unissent aux sentimens de la dauphine, tous imitent ses largesses. Alors elle fait avancer sa calèche, y fait monter la malheureuse paysanne avec son enfant et deux autres villageoises, charge un de ses serviteurs de conduire en toute hâte la femme à son mari et l'enfant à son père, et de venir, avec la même célérité, lui rendre compte de l'état du blessé. Tan

dis que la dauphine attendait avec angoisse le retour du valet de pied, le roi paraît. On l'informe de ce qui vient de se passer. « Quel malheur, s'é

J

» crie le roi, si cet homme vient à mourir! comment >> consoler la veuve et l'enfant?-Ah! Sire, reprend >>la dauphine, en les tirant de la misère, ce sera » du moins adoucir la cruauté de leur sort. » Le roi promet une pension, et ordonne que son premier chirurgien aille tous les jours visiter le blessé. Le paysan fut rappelé à la vie pour bénir son auguste bienfaitrice.

Un malheur d'un autre genre venait de plonger dans la détresse une famille recommandable. La suppression de plusieurs offices de finances avait dépouillé et ruiné un homme distingué par son aptitude et sa fidélité à ses devoirs. Père de seize enfans, époux d'une femme modèle, ainsi que lui, de toutes les vertus domestiques, M. Léon, c'était le nom de cet homme probe et infortuné, part du fond de la Bretagne, où il était directeur des monnaies; il part avec sa femme et tous ses enfans dans un chariot couvert, et arrive ainsi à Compiègne où était la cour, n'ayant d'autre espoir que celui de porter au pied du trône l'image d'une si affreuse et si intéressante détresse. Il n'était guère dans la nature de l'abbé Terray de sentir la compassion. Le roi, instruit par d'autres du sort de ce bon serviteur et de sa nombreuse famille, l'avait en vain recommandé à l'impitoyable ministre : aucun dédommagement n'arrivait; les dernières ressources de cette pauvre famille se consumaient avec une rapidité effrayante; l'indigence approchait. Dans cette extrémité, ils trouvent moyen de faire parvenir à la jeune dau

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