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l'un à l'autre : « Qu'elle est jolie, notre dauphine!» Une dame qui était dans sa voiture lui fit remarquer ce propos flatteur pour une jeune personne. « Madame, répliqua la dauphine, les Français ont » pour moi les yeux de l'indulgence (1). »

A quelques lieues de Châlons, un vieux pasteur, à la tête de ses paroissiens, s'approche de la voiture. Ses yeux baissés par respect ne s'étaient point encore levés sur la jeune dauphine. Il avait pris pour texte de son petit discours ces paroles du cautique des cantiques, Pulchra es et formosa. Il avait déjà articulé quelques phrases de sa harangue. Par hasard, au moment où, selon la manière des orateurs, il rappelait son texte, il jette un regard sur Marie-Antoinette. Au même instant sa mémoire est en défaut; il balbutie et s'arrête.... L'archiduchesse s'empresse d'accepter le bouquet qu'il tenait dans ses mains. Le pasteur, pénétré de cet acte de

(1) Les Français ne furent pas seuls sensibles à cet empire de la beauté qu'exerça long-temps Marie-Antoinette. Nous rapporterons à ce sujet une anecdote agréable et peu connue. Le souverain de la cour de Maroc avait, en 1778, un ambassadeur à la cour de France. Il fut admis au bal de la reine. Ses yeux parurent étonnés de l'appareil de la fête, et frappés surtout du spectacle qu'offrait une foule de jeunes femmes plus remarquables peut-être par leur beauté que par leur parure. S. A. R. M. le comte d'Artois, qui jouissait de sa surprise, lui fit demander à laquelle de toutes les femmes qu'il voyait il donnerait la préférence, la reine exceptée. Dites au prince, répondit l'ambassadeur à son interprète, que l'exception rend la réponse impossible. La galanterie française s'exprima cette fois par la bouche d'un Africain.

(Note des nouv. édit.)

bonté, lui dit aussitôt : « Madame, ne soyez pas surprise de mon peu de mémoire; à votre as» pect, Salomon eût oublié sa harangue, il eût ou» blié sa belle Égyptienne, et vous eût avec bien plus de raison adressé ces mots, Pulchra es et » formosa.

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Dans tous les lieux où la dauphine fit quelque séjour, elle gagna les cœurs par son extrême douceur, par sa bonté et sa bienfaisance. Tous ceux qui l'avaient vue s'en retournaient enchantés, faisaient des vœux pour son bonheur, et se félicitaient de ce qu'un jour elle serait leur souveraine.

Dans quelques villes au-dessus de Compiègne, des professeurs et des écoliers vinrent la complimenter en latin; et quel fut l'étonnement de ces petits Cicérons lorsque l'archiduchesse leur répondit dans la même langue, avec une facilité inconcevable!

Toute la cour était à Compiègne. Le duc de Choiseul fut au-devant d'elle à quelques lieues de cette maison royale. Cette faveur lui était bien due. La princesse l'accueillit comme un ami, dont les conseils pouvaient lui être utiles et aider son inexpérience.

Louis XV, s'étant rendu à dessein à Compiègne, alla en grand cortége au-devant de madame la dauphine dans la forêt. Aussitôt qu'elle aperçoit le monarque, Marie-Antoinette descend de son carrosse et se jette à ses genoux. Louis est ému; il la relève, et l'embrasse affectueusement. Toute la

cour admirait sa beauté, sa candeur; Louis XV, naturellement très-poli, et qui savait observer les bienséances, présenta lui-même la jeune princesse à son époux. Le dauphin s'approche avec vivacité, saisit une de ses mains et la baise avec transport. De temps à autre il jette sur elle des regards d'admiration. La dauphine avait les yeux baissés ; une aimable rougeur colorait ses joues.

Les dames qui présidaient à son coucher lui dirent «Madame, vous avez enchanté tout le >> monde, mais particulièrement M. le dauphin. >> "On me voit ici avec trop d'intérêt,» répondit Marie-Antoinette; mon cœur contracte des >> dettes qu'il ne pourra jamais acquitter; mais au >> moins on me tiendra compte, j'espère, du désir » que j'en ai. »

Le lendemain même du jour où l'archiduchesse arriva à Compiègne, elle se mit en route avec toute la cour pour Versailles. Elle arrive à SaintDenis, et demande à voir madame Louise (1). Cet hommage rendu aux vertus, à la vraie piété, lui mérita les respects et les éloges de tous les gens de

bien.

Cependant les voitures prenaient la route de Versailles, et tous les habitans de Paris et des villes voisines se répandaient entre Saint-Denis et la porte Maillot; les carrosses formaient une double haie, et le peuple applaudissait avec ivresse. Les

(1) Tante de M. le dauphin, depuis Louis XVI.

équipages de la dauphine sont obligés d'aller au petit pas ; on se presse autour de sa voiture; on a joui de ce plaisir, on veut la revoir encore. On fit remarquer à l'aimable dauphine combien son arrivée excitait d'enthousiasme. Dans sa réponse, elle eut l'art de laisser croire qu'elle s'était imaginé que tous les vœux étaient pour le roi. Elle disait : « Les Français ne voient jamais assez leur >> roi; ils ne peuvent me traiter avec plus de bonté qu'en me prouvant qu'ils savent aimer celui que j'ai déjà l'habitude de regarder comme un second » père. »

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La cour soupa au château de la Muette. Madame Du Barry avait obtenu des bontés du roi l'honneur de se trouver à la même table que l'archiduchesse. Trop jeune encore pour juger du rôle que jouait à la cour cette favorite, elle comprit qu'il lui convenait de respecter la volonté du roi. Elle ne fit paraître aucune émotion; toujours polie, elle daigua même répondre à ceux qui voulurent connaître son opinion sur la comtesse Du Barry, qu'elle la trouvait charmante. Ce mot fut répété; il faisait l'éloge de la beauté de cette maîtresse de Louis XV; mais c'était aussi le seul qu'elle méritât, et toute la cour applaudit à la justesse de la réponse.

Le roi quitta le château de la Muette, et se rendit à Versailles. Le lendemain, 16 mai 1770, Marie-Antoinette de Lorraine, après s'être revêtue de ses habits de cérémonie, fut menée en triomphe

à la chapelle du château, où, conduite au pied de l'autel, elle reçut la bénédiction nuptiale, et fut unie à ce jeune prince qui devait être l'héritier de Louis XV.

A trois heures de l'après-midi, le ciel se couvrit de nuages; des torrens de pluie inondèrent Versailles, de violens coups de tonnerre retentirent, et la foule des curieux qui remplissaient les jardins fut obligée de se retirer. La soirée fut triste dans la ville; le feu d'artifice ne fut point tiré, et les illuminations ne purent produire aucun effet.

Au château, on servit un repas magnifique; la cour de Versailles n'avait jamais été aussi brillante. La curiosité, l'envie de paraître, le désir d'obtenir un regard, avaient attiré une foule immense de courtisans qui parurent avec tout l'éclat que donnent le rang et l'opulence (1). Dans le nombre des personnages qui furent présentés à la dauphine, il se trouvait beaucoup de seigneurs qu'elle avait vus à la cour de Vienne; ce qui lui fit dire à madame la princesse de Chimai : « On m'a>> vait bien annoncé que rien n'était comparable » à la magnificence de la cour de Versailles; mais » on ne m'avait pas dit qu'elle était le point de

a

(1) Après le bal magnifique qui fut donné à Versailles, au dauphin et à la dauphine, le roi, dans l'ivresse, rencontra l'abbé Terray, contrôleur-général des finances, et lui demanda comment il trouvait ces fêtes. Ah! sire, répondit le ministre, je les trouve impayables! (Note des nouv. édit.)

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