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Avant de vous entretenir du Nevers actuel, avec toute son activité commerciale et industrielle; avec son apparence d'opulence sans ostentation, de bien-être sans faste, nous avons à vous parler du Nevers monumental: sous ce rapport aussi la ville a ses richesses.

Le château ducal attire surtout l'attention de tous les voyageurs, et même celle des artistes, quoique sa façade, jadis élégamment ouvrée, ait été mutilée par le vandalisme destructeur, et peut-être par le vandalisme réparateur, non moins redoutable que le premier. Ce que ni l'un ni l'autre n'ont pu enlever à ce monument, c'est cette ordonnance vaste et imposante; cette splendeur architecturale qui révèle tout d'abord une construction de la renaissance. En effet, celle-ci, commencée au xve siècle par les Clèves, ne fut terminée que dans le cours du siècle suivant. La façade est divisée par trois tours pentagones: deux d'entre elles encadrent heureusement l'édifice du côté de la place, et celle du milieu renferme l'escalier principal du château. Sur ces tours. la sculpture avait fait courir de charmantes arabesques, des enroulements d'une originalité bizarre, desquels s'élançaient ces figures étranges, que l'on pouvait prendre pour l'œuvre d'un rêve fantastique, si l'on ne savait que la pierre s'était faite satire piquante sous la main de l'art malicieux. Parmi tous ces caprices, on distinguait, sur la tour du milieu, des bas-reliefs représentant un train de chasse qui s'harmoniait bien avec les autres ornements, et adinettait, sans trop de contraste, des écussons variés, parmi lesquels on pouvait reconnaître ceux des maisons de France, de Clèves, de Gonzague, de Brabant, de Limbourg, d'Anvers, de Rethel et de Nevers: toutes familles dont les inagnificences s'étaient épanouies, les passions ébattues, les intrigues secrètes abritées sous le toit du château ducal. Le régime révolutionnaire, qui voulut niveler tout ce qui faisait saillie, dans le monde social comme sur les monuments, a passé sa râpe sur les armoiries qui couvraient la tour de l'escalier : avec les insignes héraldiques, ont été pulvérisées les sculptures dont elle était comme émaillée. Les lucarnes qui se trouvent à la naissance du toît, rappellent seules maintenant la splendide architecture à laquelle le palais appartient, par une ornementation opulente et de bon goût. L'escalier dont nous avons parlé, tourne avec autant de grâce que de hardiesse dans la cage jadis élégante que nous venons de décrire: c'est aujourd'hui l'une des parties les plus remarquables d'un intérieur extrêmement dégradé. Car, dans ces grandes pièces qui, depuis cinquante ans, changèrent souvent de destination, Vous ne retrouverez plus que des vestiges de la grandeur princière, qui, durant près de trois siècles, y dessina si largement les phases de sa vie. Vainement voudrez-vous y ressaisir les traces du passage de ces adorables

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princesses de Clèves, qui firent parler d'elles avec tant d'insouciance de ce qu'on en disait, parce qu'on disait toujours qu'elles étaient belles. On vous montre bien les appartements qu'elles habitèrent; mais ils ne sont plus parfumés de leur souffle; l'écho de leurs soupirs peu mystérieux s'y est tù depuis bien des années. Vous regretterez moins assurément les musiques barbares qui retentirent dans ces salles immenses, à grand renfort de trompettes aux stridentes fanfares, auxquelles se mêlait l'aigre grincement de trente violons. Maintenant ces pièces, occupées par les tribunaux, résonnent des accents non moins inharmoniques et d'une plus fatale conséquence, qu'échangent les organes de la procédure : la procédure, mot consacré par l'usage moderne qui ne déguise pas mieux ce qu'on appelait autrefois la chicane, que la qualification d'avoue ne couvre les vieilles subtilités de la profession de procureur.

La face du château opposée à celle qui regarde la place, se perd dans les débris du vieux manoir seigneurial, dont les restes, encore considérables, s'étendent derrière l'édifice qui l'a remplacé. Ces vestiges se composent d'un mur fort épais et d'une grande solidité, percé ça et là d'étroites embrasures pour le service des armes de trait. Cette muraille, ruinée dans quelques parties, laisse reconnaître, par son appareil puissant et régulier, une construction du XIIIe siècle. La vieille demeure seigneuriale offrait une plate-forme avec plantation d'arbres, dont on avait fait depuis un jardin, mais qui a été abattue dans les temps modernes. Cette terrasse était surmontée, vers la rue du Doyenné, de deux tourelles à pans, et assez bien conservées, quoiqu'elles datassent des premières années du XIVe siècle. « Autour des fenêtres rares et étroites de ces tourelles, disent des auteurs de l'Album, on voyait de nombreuses cicatrices imprimées par les balles, échangées sans doute durant les guerres d'invasion, ou pendant les hostilités plus malheureuses encore dont les dissidences religieuses furent le sujet.

Près de là s'élevait l'ancienne chapelle du château, édifice des beaux temps. de la période ogivale, dont il ne reste plus rien, et que regrettent vivement les amis des arts. C'est encore sous les coups du pic révolutionnaire que se sont écroulés ces arceaux élégants, ces délicatesses exquises de l'architecture et de la sculpture que l'aveuglement des passions politiques ne sut pas reconnaître, et dont Grégoire recommanda trop tard, par malheur, la conservation.

Un mur crénelé entourait en 1575 le château; il disparut probablement vers le commencement du XVIIe siècle; et alors la cour fut close par une grille, qui laissait découvrir la façade principale de l'édifice. La république, disent les vieux habitants de Nevers, en a fait fabriquer des piques: métamorphose allégo

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rique sans doute, car le fer ne pouvait manquer dans le pays. Les dépendances de l'habitation des anciens ducs étaient considérables: la belle promenade qui s'étend à l'une de ses parties latérales, faisait partie du parc contigu jadis à toute demeure seigneuriale; et l'espace occupé par les jardins de celle-ci, est maintenant couvert de constructions particulières. Les princes de la maison de Gonzague se proposaient d'agrandir la place, déjà fort belle, qui s'allonge en parallelogramme devant le château: ils avaient même le projet d'ouvrir l'un de ses côtés sur la Loire. Durant la révolution, ce plan fut repris par le représentant Fouché; mais, ainsi que la plupart des conceptions du temps, ce travail demeura indéfiniment ajourné.

L'un des monuments historiques les plus dignes d'attention après le château ducal, c'est l'ancien Palais-de-Justice, construit au XIVe siècle, par le comte Philippe de Bourgogne, avec l'assistance des Bénédictins de la Charité, qui accordèrent à ce seigneur cent cinquante pieds de chêne à prendre dans leur forêt de Bretange. Il est situé rue de la Revenderie, à l'extrémité méridionale de la nouvelle rue du Commerce. On y montait naguère encore par une double rampe, parce que si la partie supérieure de l'édifice était destinée aux corps judiciaires, les halles en occupaient la partie inférieure. Ce dernier local appartenait au prieuré de la Charité, sans doute par suite d'un accord entre lui et les comtes de Nevers; les marchands étalagistes devaient donc payer un droit de location aux religieux de cette communauté. La disposition intérieure du lieu où se rendait la justice a subi peu de changements: on voit encore la salle des Pas perdus, soutenue par de forts piliers en bois. Au fond, se trouvait la salle où siégeait le bailli, premier magistrat de la province, le lieutenantgénéral et les juges: on l'a distribuée en appartements. Sur l'un des côtés, se tenaient le procureur fiscal et l'avocat-général; plus près de l'entrée, trouvaient, à droite, le logement du concierge, à gauche, le greffe.

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En 1400, le beffroi de la ville fut transporté du clocher de l'église de SaintMartin, dans une tour carrée, haute et svelte qui avait été élevée à la partie antérieure du Palais de Justice. Cette tour, peu solide apparemment, fut refaite en 1439, puis en 1456, à la suite d'un orage qui l'avait fortement endommagée. On y plaça une horloge après cette dernière reconstruction. L'aspect général de cette vénérable construction, qui n'est nullement monumentale sous le rapport de l'art, enlaidit passablement la voie publique; les habitants de Nevers la regretteraient peu, si l'on se décidait à la démolir.

Il faut l'avouer, les édifices civiles recommandables au jugement de l'art sont rares à Nevers toutefois, en pénétrant dans les cours, en recherchant certaines constructions du moyen-âge, masquées par des bâtiments modernes,

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