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pouvait manquer de faire époque dans l'économie agronomique. Aussi mérita1-elle à M. de la Merville, le titre de correspondant de l'Institut.

Durant la révolution, M. le duc de Charost forma aussi dans la terre de ce nom un établissement pareil à celui de la Périsse; et s'il n'égala pas ce dernier en perfection, le fondateur, par une compensation toute philanthropique étendit davantage son bienfait, en prêtant ses béliers aux propriétaires qui se trouvaient dans l'impossibilité d'en acheter. Ce digne citoyen fit plus, il donna ces mêmes béliers en primes aux agriculteurs qui, par le croisement, avaient obtenu les plus belles brebis. Entin, M. Busson de Villeneuve, émule des deux agronomes que nous venons de désigner, fonda à son tour une bergerie à Bussy, canton de Dun-le-Roi, et ses succès égalèrent ceux de M. Heurtault de la Merville lui-même.

L'introduction des mérinos dans le département du Cher, et l'obtention progressive des races métisses eut les plus heureux résultats; les laines y devinrent d'une qualité supérieure: elles furent recherchées par les fabriques de Reims, de Louviers, de Sédan; et ce produit de l'économie agricole, de tous temps recherché dans le Berry, acquit une valeur qu'il n'avait jamais eue précédemment. Mais, au rapport de M. Butet, auteur de la Statistique du Cher, ce département est menacé de voir tarir une si riche source de prospérité. « L'espèce de discrédit dans lequel, depuis quelques années, sont tombés les mérinos, disait-il en 1829, fait craindre de voir nos laines perdre cette supériorité qu'elles avaient acquise... » Et comment ce discrédit peut-il donc être survenu? Le même écrivain nous l'apprend. « Les mérinos, continue-t-il, exigent trop de fourrages dans un pays où ils ne sont rien moins qu'abondants, et les dépenses qu'ils causent sont à peine couvertes par les bénéfices qu'ils procurent, dit-on, pour justifier ce retour blamable à d'anciens préjugés, dont pourtant l'expérience aurait pu guérir. Vous vous plaignez du manque de fourrages; que faites-vous donc de ces vastes champs que vous laissez s'énerver dans un stérile repos? Pourquoi confier annuellement à la même terre, la même semence, qui épuise promptement ses sucs nutritifs? Pourquoi couvrir sans relâche, de bled ces sillons qui, mal façonnés et dépourvus d'engrais, ne donnent jamais qu'une médiocre récolte? A ces tristes et improductives jachères, substituez des prairies artificielles, ensemencez moins en bled et multipliez vos prairies; alors d'abondants fourrages vous permettront d'élever de nombreux troupeaux de moutons, dont vous pourrez attendre une augmentation certaine de revenu.

<< La force de l'habitude, poursuit M. Butet, laisse encore subsister un usage bien préjudiciable à la qualité des laines, et non moins nuisible à la santé

des moutons : c'est celui d'avoir des bergeries presque hermétiquement fermées dans toutes les saisons. Daubenton, en 1768 et 1769, présenta à l'Académie des sciences deux mémoires dans lesquels il rapporte toutes les expériences qu'il a faites pour établir les avantages que l'on peut obtenir des étables très-aérées, ou bien même en tenant les bêtes à laine en plein air.

<<< Il existe encore dans le département un vice bien contraire à la conservation des bêtes à laine, et très-préjudiciable aux intérêts de l'agriculture: c'est l'usage presque général de ne nettoyer les bergeries que deux fois l'an, et le plus souvent qu'une; il s'échappe continuellement d'une litière vieille, et par conséquent dans un état complet de pourriture, des exhalaisons méphytiques qui ajoutent encore à la corruption de l'air que respirent les brebis1. »

Il résulte de la citation ci-dessus, que, par suite d'un malheureux retour à la routine, les agriculteurs du département du Cher laissent évanouir une branche de spéculation que ne remplacent nullement les déviations agricoles auxquelles ils la sacrifient. C'est mal comprendre un intérêt susceptible d'un vaste développement, que semble favoriser l'industrie des autres départements. En effet, il est de notoriété que le Berry passe pour une province essentiellement productive en bonnes laines; et le mouvement commercial dans la contrée que nous explorons est assez peu prononcé pour qu'il puisse paraître urgent de ne pas le laisser affaiblir. Nous reviendrons à ce sujet dans le résumé général sur notre quatrième section; mais les détails qui précèdent, nous ont paru à leur place dans le canton du département où se sont formées les plus importantes bergeries.

Sous d'autres rapports, l'agriculture, et nous l'avons déjà dit, est en progrès dans le canton de Dun: elle a surtout éprouvé une amélioration sensible dans la commune de Bussy, grâce aux sacrifices de M. le comte de Chabrol, ancien préfet de la Seine, l'un des grands propriétaires de cette commune; grâce aussi à l'activité intelligente de M. Busson de Villeneuve. Nous avons remarqué, ainsi que M. Butet, qu'il existe dans les communes de Contres et de Parnay une grande quantité de marais que l'on pourrait dessécher et convertir en pacage, sinon en prés.

Dans les communes de Dun et de Saint-Denis de Palin, il existait d'abondants minerais de fer qui sont à peu près épuisés. Le canton de Dun, dans la direction de Saint-Amand et sur le versant nord des coteaux qui limitent le bassin de Bourges, offre plusieurs dépôts de gypse cristallisé, en rognons

(1) Statistique du département du Cher, par M. P. A. Butet, inspecteur des contributions directes, page 157 et suivantes.

plus ou moins gros. Ces dépôts gypseux sont disséminés dans des marnes bigarrées, jaunes, noires et grises. Un dépôt de calcaire horizontal jurassique, immense en étendue et en profondeur, qui paraît remplir le bassin de Bourges, s'étend vers le sud-est du département, et se remarque sur plusieurs points dans le canton de Dun-le-Roi. Il est blanc ou jaunâtre et d'une pâte fine, compacte, schistoïde. Sa dureté, variable, est souvent susceptible, toutefois, de recevoir le poli. On peut l'employer avantageusement pour la lithographie. Sur quelques points, ce calcaire offre des herborisations curieuses, produites par l'oxide de fer ou par la manganèse phosphatée. Il se rencontre aussi dans ce gisement jurassique des empreintes de végétaux qui paraissent provenir de roseaux; d'autres ont l'aspect d'une sorte de lumachelle. « Si l'on casse la pierre, elle présente des sections de petits coquillages indéterminables, cristallisés, rougeâtres, sur un fond jaune, et qui, dans leurs sections, ont la forme de caractères d'écriture, de sorte qu'on pourrait donner à cette couche le nom de calcaire graphique 1. »

Le canton de Nérondes confine au nord-est celui de Dun: c'est un pays entièrement agricole sur lequel nous nous arrêterons peu. Le chef-lieu, gros bourg dont la population approche de 1,800 âmes, manque par malheur de communications praticables: en hiver, on s'engloutit littéralement dans les chemins vicinaux conduisant de Nérondes, soit à Bourges, soit à Saint-Amand, soit aux bords de la Loire, soit enfin dans les communes environnantes: ce qui fait perdre en partie à ce bourg l'avantage qu'il pourrait tirer de ses foires et marchés, comme centre d'un pays essentiellement rural. De la même cause résulte, pour le canton entier, un défaut de prospérité qui cesserait si les produits du sol, en général bon et fertile, pouvaient être transportés avec plus de facilité. Cependant les foires de Nérondes sont rendues actives par la vente des boeufs qu'on engraisse dans presque toutes les communes du canton, où les prairies et les pacages abondent. Ces foires ont lieu en mai, juin et septembre. Nérondes, qui peut-être devrait appartenir à l'arrondissement de Bourges plutôt qu'à celui de Saint-Amand, est à dix lieues nord-est de cette dernière ville, tandis qu'il ne se trouve qu'à sept lieues est de la première. Nous avons dit, dans notre seconde section, que certains chercheurs intrépides d'origines antiques, ont prétendu faire venir le nom de ce bourg, qui appartient aussi à une ville du département

(1) Mémoire pour servir à la Statistique du département du Cher, par J. M. Fabre, ancien ingénieur, etc.

(2) Tome I, page 540.

de la Loire, de l'empereur Néron; nous avons fait remarquer en même temps que beaucoup de familles, dans le département du Cher, portent ce nom romain... C'est une singularité qu'il est difficile d'expliquer; mais nous pouvons affirmer qu'il n'existe à Nérondes, ni vestiges romains sur ou sous la terre; ni parmi les habitants, de ces physionomies héroïques qui, dans certaines localités, rappellent d'illustres origines. L'habitant rural du canton que nous parcourons est bien Berrichon (notez bien que nous ne disons pas Berruyer), par les traits, les allures, la démarche et la candeur morale.

Il existe dans la commune de Menetou-Couture et au lieu de Feuillarde un haut fourneau, qui produit annuellement 8 à 900,000 de fonte, que l'on exporte pour le département de la Nièvre.

A Nérondes et sur quelques communes environnantes, on rencontre des marnes grises en roches dures, empâtant une immense quantité de belemnites, des griphites, des ammonites à stries simples, bifurquées et à surfaces lisses ou persillées. C'est au milieu de cette formation que, dans la commune de Charly, on exploite une sorte de roche calcaire d'un grain plus serré et plus fin que ne l'offre la carrière de La Celle Bruère. La pierre de Charly est susceptible de prendre un beau poli, et peut être employée non-seulement dans les travaux d'architecture, mais dans ceux de sculpture. Au rapport de M. Butet, toutes les statues de saints qui figurent en si grand nombre à la façade de l'église métropolitaine de Bourges, et les ornements délicats qui s'y harmonient avec une si heureuse entente de l'art, ont été faites avec la pierre de Charly.

La surface du canton de Nérondes est entièrement plane, et son aspect n'offre, à perte de vue, aucun accident de terrein qui rompe la monotonie d'un pays coupé sans agrément de bois, d'étangs nombreux, de guérêts et de prairies. Seulement, à l'horizon, le voyageur abusé voit, dans une perspective toujours rapprochée en apparence et toujeurs fugitive, les tours de Saint-Étienne de Bourges, vers lesquelles, en sortant de Nérondes, il marche une journée entière sans les avoir atteintes, tant les sept lieues qui séparent ce chef-lieu de canton de la ville départementale, ont été généreusement mesurées.

Le canton de la Guerche est situé à l'est de celui de Nérondes, et s'étend dans la même direction, jusqu'aux bords de la Loire, à la hauteur du confluent de l'Allier et de ce fleuve. Le chef-lieu, bourg d'une certaine importance à cause des usines établies dans son voisinage et sur la commune même, est situé sur la rivière d'Aubois, à une lieue environ de la Loire. Peut-être y eut-il, ou sur l'emplacement de ce bourg, ou non loin de là, quelque

établissement romain, annexe de ceux qui existèrent certainement à Sancoins; car on y trouve quelquefois des médailles antiques. Quoiqu'il en soit, nulle trace ne reste à la Guerche de la civilisation romaine, et une porte assez bien conservée rappelle seule les constructions féodales. Un haut fourneau établi

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en ce lieu et mû par l'eau d'un étang, fournit annuellement de 8 à 900,000 de fonte, qui s'écoulent par le département de la Nièvre. Il se tient à la Guerche, trois foires chaque année en mars, octobre et décembre. Ce cheflieu de canton, dont la population est de 1,940 habitants, est à douze lieues nord-est de Saint-Amand; il n'est qu'à dix lieues est de Bourges, et les communications avec cette dernière ville sont mieux établies qu'avec la première elles rendraient donc plus facile la centralisation administrative.

La commune de Germigny, dont le nom semble venir d'une végétation fraîche et luxuriante, a dit un historien de la localité, est celle du canton de la Guerche qui offre le plus d'intérêt historique. C'était dès le XIIe siècle, le siége d'une châtellenic du Bourbonnais, appartenant aux sires de Bourbon eux-mêmes. Nous avons rapporté, dans notre troisième section, le siége de cette place féodale par Louis-le-Gros, ayant marché pour punir Haymon VaireVache de ses tyranniques usurpations. Malgré son énorme donjon carré, flanqué de tours formidables, ce baron ne put se défendre long-temps contre les troupes royales: il se soumit avec autant d'humilité qu'il avait montré de hauteur dans sa rebellion. Jusqu'à la défection du connétable Charles de

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