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temps aux seigneurs de Montbrun. L'église paroissiale, edifice du XIIe siècle, offre trois nefs; les ornements sont d'une sculpture grossière.

Saint-Léopardin, situé dans une position agréable, sur la rive gauche de l'Allier, n'offre plus que les ruines informes d'un ancien prieuré, et des débris moins appréciables encore de son château féodal.

Le village aujourd'hui fort peu important de Château, fut jadis une petite ville, selon le géographe Nicolaï; il y existait alors un prieuré. L'église est romane et située sur un coteau qui domine l'Allier. Au midi de cet édifice, il se trouvait un tumulus, que l'on fouilla dans ces derniers temps: on y trouva une grande quantité de médailles et d'ossements humains. Dans un sarcophage très-large, dont on avait fait sans doute les honneurs à des chefs supérieurs, il se trouvait deux squelettes couchés côte à côte, et qu'une chaîne de fer tenait attachés l'un à l'autre par le bras. Une lance était placée entre les deux corps. Tués apparemment sur le même champ de bataille, ces frères ou ces amis n'avaient pas voulu que la mort les séparât. Les médailles qui auraient pu révéler l'âge de ce monument, paraissent avoir été perdues. Sur la commune de Château, se voit le petit castel de Saint-Augustin, qui fut possédé par l'ancienne famille de Souche: cet édifice, construit en briques, avec deux tourelles aux angles de sa façade, date de la première moitié du XVIIe siècle. La grande église de Notre-Dame-de-Lorette, située près de Château, remonte au XVIe siècle; son portail est de bon goût et richement décoré.

Pour terminer la description du canton de Lurcy et celle du département de l'Allier, il ne nous reste plus à signaler que la commune du Veurdre, qui confine au nord et à l'ouest le département du Cher, et à l'est, au-delà de l'Allier, le département de la Nièvre. Le Veurdre occupe une position agréable sur la rive gauche de la rivière; c'était jadis une des villes closes du Bourbonnais, et, comme telle, elle a dû avoir à souffrir des guerres de religion. Il reste encore quelques parties de son enceinte.

Il existait au Veurdre un chapitre qui a été dissous dans le courant du XVIIIe siècle. L'église paroissiale est entièrement du XIe siècle; mais elle appartient à la basse architecture de ce temps. Dulaure, dans son livre du Culte de Phalus, dont nous ne donnons point l'explication par respect pour les oreilles chastes, prétend qu'il y eut autrefois dans cette église une chapelle dédiée à Saint-Faustin, dont la statue aurait été l'objet d'un hommage étrangement païen. Mais on sait qu'il faut se défier de la verve anti-sacerdotale de cet écrivain, qui se montrait généreux de vices envers le clergé, par cette inclination naturelle qui porte à prêter aux riches. Cette inclination est un goût blåmable on doit, avant tout, la justice aux hommes.

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Mœurs, usages, superstitions. Costume. Constitution physique.

Maladies. Langage. - Sciences, lettres, beaux-arts, instruction, industrie, agriculture, commerce. Population. [Organisation politique. Avenir probable du département, au moyen de quelques améliorations.

Le Bourbonnais, compris aujourd'hui presque entièrement dans le département de l'Allier, se composait, ainsi que nous l'avons vu, de quelques portions de la Bourgogne, de l'Auvergne et du Berry. Il ne faut donc pas chercher dans cette circonscription territoriale un type uniforme de caractère, une physionomie morale unique, à moins qu'on ne restreigne le cercle de l'observation au point central du département, c'est-à-dire, à la ville de Moulins et ses

environs, dans un rayon de quatre à cinq lieues. Commençons par là, sauf ensuite

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à examiner ailleurs les nuances auvergnates, bourguignones ou berruyères. Le trait saillant des habitants du Bourbonnais, proprement dit, est l'urbanité hospitalière: vertu qu'ils exercent avec des manières polies, affables et prévenantes. Ce qui vaux mieux encore, c'est que ces démonstrations, fallacieuses dans quelques provinces méridionales, sont ici l'expression de la franchise. La population qui nous occupe est généreuse par caractère, non par calcul. Cette dernière assertion se justifie par un penchant, ou plutôt un abandon du naturel Bourbonnais sur lequel tous les moralistes sont d'accord: il règne parmi les habitants des rives de l'Allier une insouciance, une paresse, peutêtre même une impuissance de vouloir, qui rarement se prennent corps à corps avec les difficultés: cela tient-il à une légèreté, à une mobilité de goûts, d'idées et de sentiments qui ne pourrait se fixer assez aux choses pour les faire entrer dans le commerce de la vie; ou faut-il faire honneur à ces citoyens d'une philosophie convaincue que les biens de ce monde ne valent pas la peine d'être conquis. On ne peut admettre au moins sans restriction ni l'une ni l'autre. version de ce dilemme, puisqu'il est constant que la vanité est aussi l'un des traits qui font saillie dans la physionomie morale du riverain de l'Allier. Oh! par Dieu! voilà un excellent aiguillon pour stimuler l'inertie locale, et faire récuser un jour la fidélité du tableau suivant, tracé par une sincérité indigène qu'on n'accusera pas de partager la vanité commune : « Sous certains rapports, le Bourbonnais est une molle contrée, que n'ont jamais agitée les passions qui conduisent aux grandes choses. Là, point de cette énergie bouillante ni de cette ardeur ambitieuse nécessaires pour créer et faire prospérer les vastes entreprises industrielles, et pour jouer un rôle important dans les affaires. Chez nous, les fortes organisations sont rares: c'est à peine si l'on compte quelquesuns de ces hommes vigoureusement trempés, qui ont le courage de la résistance et l'opiniâtreté de l'initiative. Sans cesse préoccupés des intérêts de leur vanité, les Bourbonnais ne comprennent de la vie que le côté le plus frivole et le plus extérieur; on a toujours remarqué qu'ils mettaient autant d'afféterie dans leur manière de se vêtir que dans leur langage, et qu'ils apportaient dans les choses les plus vulgaires, une ostentation qui touche de bien près au ridicule. Je ne sais pas où j'ai lu qu'ils tenaient du paon, dont ils ont le faste orgueilleux et la luxueuse coquetterie. Aussi un de ces vieux proverbes populaires, qui sont quelquefois sévères, mais qui ne se trompent jamais, dit-il: Bourbonnichon, habits de velours et ventre de son le dicton est rude et quelque peu brutal 1. »

(1) Ancien Bourbonnais, Voyage pittoresque, par M. Louis Bâtissier, p. 8.

On peut même ajouter qu'il manque jusqu'à un certain point d'exactitude, si comme le dit plus loin l'écrivain bourbonnais, le caractère simple, honnête de ses compatriotes se nuance de finesse et d'un certain instinct de ruse et d'habileté, s'offrant sous les dehors de la naïve bonhomie; car ce n'est pas au profit de la seule vanité que le naturel se déguise ainsi : il y a là une certaine incitation d'intérêt qu'on ne peut nier. M. Bâtissier, prenant soin lui-même de signaler cette tendance, nous apprend que le campagnard Bourbonnais apporte dans l'achat d'une pièce de bétail, ou dans la vente d'une pièce de terre une sagacité, une émission d'intrigue subtile qui feraient honneur à un courtier de bourse ou à un diplomate de l'école Talleyrand.

Si, dans son Mémoire sur la Généralité de Moulins, Levayer a dit avec raison que le peu de solidité de l'esprit des Bourbonnais, comme l'instabilité de leurs opinions et de leurs goûts, tient des variations du climat, que faut-il en conclure quant à la fidelité des deux sexes au lien conjugal ? Rien à coup sûr d'aussi peu civil envers les dames, que le jugement de MM. les intendants, rapporté dans notre notice sur le chef-lieu du département. Quoiqu'en général les beautés bourbonnaises aient la réputation d'être un peu coquettes, nous ne leur appliquerons pas cette comparaison discourtoise, qui assimile l'inconstance. des habitants à celle de la rivière d'Allier: « roulant toujours ses sables mouvants, enlevant et redonnant à ses riverains les terres qu'elle submerge, et les délaissant tour à tour selon son caprice. >>

Dans les villes du Bourbonnais, la religion compte encore bon nombre de fidèles; mais la superstition des vieux temps n'y existe plus. Dans les campagnes elle a conservé tout son empire: hommes et femmes croient avec autant de naïveté qu'au XVe siècle. Les sorciers, les magiciens, les farfadets et surtout les revenants, n'ont pas cessé d'être les hôtes de leur imagination. Ceux-ci ont vu des morts soulever la pierre des tombeaux; ceux-là ont entendu, dans la maison déserte, murmurer une âme en peine, demandant des prières. Pas une de ces vieilles ruines féodales dont le pays est couvert, qui ne soit peuplée de fantômes ou d'esprits malfaisants; pas un bois un peu sombre au-dessus duquel la Chasse-Gayère ne traverse les airs, invisible, mais bruyante et brûlant la cime des arbres comme si le feu y passait. Les paysans bourbonnais ajoutent encore une foi robuste au follet: tantôt, flamme trompeuse qui luit dans les

(1) La Chasse-Gayère, c'est le Diable qui poursuit avec sa meute les âmes des mourants. Un homme, entendant le bruit inusité de cette chasse, dit très-haut en riant: « Apporte-moi donc ma part de ta La voilà, répondit une voix; et un bras ensanglanté tomba, par la cheminée, aux pieds de cet homme glacé d'effroi.

chasse.

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ténèbres, il conduit le voyageur attardé dans un précipice; tantôt, être complaisant et serviable, il panse les chevaux dans les écuries, les soigne, les brosse, fait reluire leur poil et noue leur crin avec infiniment d'art: ce qui ne laisse pas d'être économique pour le fermier. Mais malheur à celui que le follet a pris en haine ses chevaux maigrissent à vue d'œil; vainement emplit-on leur råtelier de foin ou leur crèche d'avoine, ces animaux ne mangent point; enfin, un matin le maître les trouve étendus sur la litière, et percés de coups de fourche, tandis qu'à la porte, l'esprit malfaisant fait entendre un rire moqueur et claquer son fouet. Les fées aussi jouent un grand rôle dans les croyances superstitieuses des campagnes, où comme puissances bénignes, ou comme agents de malheur; mais la malice domine le plus souvent dans leur intervention. Il y en a qui se plaisent à se promener sur les champs ou les prés pour emporter la rosée bienfaisante avec leur robe flottante; d'autres souflent en passant sur les vignes et les blés : dès-lors les vignes se dépouillent de leurs pampres, la grappe est brûlée par le soleil, et les épis se vident de leur grain.

Les sorciers ne sont pas, pour le crédule paysan bourbonnais, moins redoutables que les fées elles-mêmes: ils peuvent charmer le fusil des chasseurs, empêcher les poules de pondre, faire passer le lait d'une vache dans les mamelles d'une autre, faire voir au jeunes filles leur futur en songe, mettre à la main du conscrit un bon numéro. Les sorciers exercent aussi la médecine : la faculté n'a pas de rivaux plus dangereux. Voulez-vous avoir une idée de leur manière de traiter les maladies? voici un remède contre la rage: le sorcier écrit sur un papier Iram, quiram, caffram, caffrantem, trousque, secretum, securit, securisit, securtit, seduit... Il ne s'agit nullement de comprendre : le point n'est pas essentiel; on enveloppe seulement cette formule dans du beurre, puis on l'avale... La rage subsiste; mais le médecin est payé, parti, et lorsque l'escroquerie se découvre, on n'ose pas se plaindre de peur d'être ensorcelé.

Dans la montagne bourbonnaise proprement dite, il y a des nuances morales particulières que nous devons mentionner. Les paysans sont généreux, hospitaliers, mais irascibles, sans indulgence et presque féroces. Il n'y a nulle modification possible à apporter aux penchants qu'ils montrent; aucun raisonnement ne peut être opposé avec succès à l'unique argument dont ils reconnaissent l'autorité: la force. Les haines, les rivalités, les vengeances sont inextinguibles dans ces contrées montueuses; là le crime ne coûte ni combats, ni remords, lorsqu'il s'agit de satisfaire l'une de ces passions. Ces montagnards sont nés poètes comme les orientaux du moyen-âge : ils poussent jusqu'au délire l'amour du merveilleux; et chaque jour leur imagination crée des fables fantastiques, qu'ils environnent de toute la confiance due aux réalités.

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