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en 1553; Charles IX y tint les états-généraux en 1566; Henri IV y fut reçu au milieu des fêtes en 1595, Louis XIII en 1632, Louis XIV en 1658. On sait qu'après la confiscation des domaines de la maison de Bourbon, le grand fief du Bourbonnais fut donné à plusieurs reines, à titre de douaire; conséquemment le palais de Moulins dut être habité ou du moins visité par Catherine de Médicis, Élisabeth d'Autriche, Marie de Médicis et Anne d'Autriche; il avait dû l'être précédemment par Louise de Savoie, mère de François Ier; mais apparemment cette princesse tenait peu à ce magnifique château, car dès le règne de son fils, on négligea de l'entretenir. A la fin du XVIIe siècle, plusieurs parties de l'édifice tombaient en ruines; l'incendie de 1755 ouvrit de vastes brèches dans ces bâtiments dégradés; enfin, les grands niveleurs de la révolution vinrent, et frappant au front cet édifice féodal, le réduisirent à la situation. où nous le voyons aujourd'hui.

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La tour Mal-Coiffée, avec ses sept étages, est devenue, par une destinée commune à tant d'autres demeures princières, la prison de la ville. L'intérieur de ce donjon, qui put avoir sa magnificence, est maintenant dépouillé, lugubre, fétide. Le pavillon d'Anne de France, occupé par la gendarmerie départementale, atteste encore quoique défiguré, son ancienne splendeur architecturale.... Le reste du palais n'est plus qu'un amas presque. méconnaissable de ruines tours et tourelles, voûtes et jardins, appartements et chapelles, péristyles et fontaines, tout a disparu 1. »

Continuant la description des monuments civils de Moulins, nous revenons à la tour de l'horloge, Jacquemart, dont nous avons précédemment entretenu nos lecteurs. Cet édifice, dont plusieurs écrivains ont exagéré l'ancienneté, est évidemment du XVe siècle; mais seulement jusqu'au balcon qui s'appuie sur une corniche ornée de gargouilles à ses angles. La partie supérieure, ruinée par l'incendie de 1655, a été refaite vers la fin du XVIIe siècle. L'horloge avait été détruite, la cloche qui sonnait les heures, fondue; celle qu'on voit aujourd'hui a été coulée à Moulins dans la cour de l'hôtel de ville: on la baptisa sous les noms de Marie-Anne, qui étaient ceux de sa royale marraine, Anne d'Autriche, représentée dans la cérémonie par la comtesse de Saint-Gérand, femme du gouverneur. Les conscrits voyageurs s'arrêtent avec admiration au pied de Jaquemart, pour voir manœuvrer des figures mouvantes de dimensions colossales qui frappent sur la cloche pour marquer les heures et les demi-heures. Ces automates, placés extérieurement, représentent une famille, composée de l'homme, la femme et deux enfants: Jaquemart, Jaquette, Jacquelin et Jacqueline tous vêtus en bons bourgeois. Ce n'est pas à une époque où la mécanique a fait de si grands progrès que l'on peut s'extasier sur le jeu de ces

(1) Ancien Bourbonnais, Voyage pittoresque; t. II, p. 70.

(2) L'étymologie du nom de Jaquemart a long-temps occupé les savants, et nous ne voyons aucune solution acceptable sortie de leurs dissertations. Les uns, partisans des définitions simples plas que de l'exactitude orthographique, trouvent ici le nom d'un mécanicien flamand nommé Jaques Marc. D'autres composent Jaquemart de Jaques et de Maille, deux pièces de l'habillement militaire an moyen-âge. Quelques-uns pensent et soutiennent que, puisqu'on disait habillé comme un Jaquemart, pour faire allusion au costume guerrier de Jacques Marc de Bourbon, connétable de France sous le roi Jean, on pouvait fort bien avoir appelé Jaquemart la principale figure de la tour. Parmi les érudits chercheurs d'étymologies, il en est qui prétendent que Jacques Aimard, mécanicien, donna son nom à toutes les statues sonneuses. Enfin, quelques écrivains ont prétendu que les veilleurs de nuit, chargés d'annoncer les heures à son de trompe, se nommaient Jaquemarts, et que par analogie, ce nom s'était étendu aux mécaniques des horloges, lorsqu'elles avaient une forme humaine. Nous n'essaierons pas de guider nos lecteurs dans ce labyrinthe d'explications, qui, à notre avis, n'expliquent rien. Il existe des Jaquemarts à Besançon, à Lille, à Dijon et dans plusieurs autres villes de France; mais celui de Moulins est le plus complet.

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figures, que l'on retrouve dans plusieurs villes de France. Une pièce déposée à la mairie, constate que la décoration du cadran de l'horloge a été exécutée en 1755; il est probable que le mécanisme est de beaucoup antérieur à cette date. Voilà cette tour telle qu'on la voit aujourd'hui.

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Pour achever la mention des monuments civils de Moulins, nous devons parler maintenant des édifices modernes; car la ville ne renferme plus d'habitations remontant au moyen-âge qui méritent d'être citées. L'Hôtel-de-Ville, se présente d'abord dans l'ordre d'importance; il a été trop amèrement critiqué: si en effet c'est un ornement peu sévère que les divinités en terre cuite qui

surmontent la façade de cet hôtel, au moins ne peut-on disconvenir que c'est une construction régulière, trop simple peut-être, mais qui ne manque pas d'une certaine majesté. Cet édifice offre à ses deux faces des arcades ouvertes sous lesquelles on circule pour traverser la cour. L'intérieur nous a paru distribué commodément : une partie est occupée par la bibliothèque publique. L'Hôtel-de-Ville a été construit au commencement de ce siècle sur l'emplacement de l'ancien hôtel de Maltaverne. La Bibliothèque contient 15,208 volumes: ce sont en grande partie des livres tirés des anciens couvents, et conséquemment les ouvrages de piété dominent dans cette collection. On y voit aussi plusieurs beaux manuscrits, entr'autres celui intitulé Claudiani opera, ouvrage calligraphique remontant au XIIe siècle, et qui passe pour une copie exacte des œuvres du poëte latin. Nous citerons encore les Méditations sur la vie de Jésus-Christ, par le Père Hayneufve, copiées jusqu'à la page 142 de la main de l'infortunée et pieuse duchesse de Montmorency. On se sent touché d'une douce compassion, en arrêtant sa vue sur ces caractères, que durent mouiller plus d'une fois les larmes de cette veuve d'un héros sacrifié par la vindicte farouche de Richelieu. Mais ce que les bibliophiles admirent surtout à la bibliothèque de Moulins, c'est la fameuse Bible provenant du monastère de Souvigny. Nous empruntons à l'Annuaire de l'Allier quelques détails sur ce chef-d'œuvre de calligraphie, que M. Desrosiers, l'un des éditeurs renommés de l'époque, doit faire connaître tout à fait au monde savant, dans un ouvrage ad hoc, qu'il va publier incessamment. La Bible de Moulins paraît avoir été écrite et ornée à l'abbaye même de Souvigny, du XIe au XIIe siècle. On lit dans le Voyage de deux Bénédictins de la Congrégation de Saint-Maur, don Martène et don Durand : « Le monastère de Souvigny est redevable au prieur Jeoffroi Cholet de la splendeur avec laquelle il subsiste aujourd'hui: il lui doit en particulier la plupart des manuscrits, qui sont très-beaux et en grand nombre dans sa bibliothèque. On estime surtout une grande Bible qui fut portée au concile de Basle en 1343, et dont on a offert une très-forte somme en or. On prétend que ce livre, considéré comme la copie qui devait inspirer le plus de confiance, a figuré aussi au concile de Constance, en 1415. Quelques chroniqueurs assurent que la grande Bible de Souvigny fut encore portée au concile de Trente, en 1550, par Beaucaire de Pequillon, évêque de Metz. Enfin, à une époque tout à fait moderne, l'administration de la Bibliothèque royale obtint du gouvernement l'autorisation de faire venir à Paris cette Bible précieuse, pour l'examiner et faire ensuite des offres d'acquisition à la ville de Moulins. En effet, ces administrateurs, après un mùr examen, proposèrent en échange de cette merveille calligraphique des ouvrages modernes, pour

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une somme de 6,000 francs1. Il est presque superflu d'ajouter que cette proposition ne fut point acceptée. La Bible de Moulins, par suite des voyages cidessus mentionnés, était réduite au plus pitoyable état; elle a été restaurée avec beaucoup de soin en 1833. On a conservé religieusement les ornements enlevés de son. antique couverture en bois de chêne, revêtu de peau de truie: ornements en bronze, en cuivre et en émail, qui décorent maintenant la nouvelle reliûre en velours de couleur amaranthe. « Le manuscrit, dit l'auteur de la notice insérée dans l'Annuaire de l'Allier, se compose aujourd'hui de 392 feuillets d'un vélin très-fort et très-blanc, ayant 20 pouces 6 lignes de haut, écrits au recto et au verso, et divisés de chaque côté en deux colonnes, Pour écrire le manuscrit, on s'est servi de la grande et de la petite minuscule capétienne; assez souvent on y rencontre des mots entièrement écrits en caractères grecs, mais dont la traduction latine se lit au-dessus du texte. D'autres mots sont en capitales rustiques écourtées. Les explicit sont en capitales rustiques très-dégagées, très-sveltes, mélangées d'onciales. Enfin, les titres sont en capitales romaines qui rappellent les belles inscriptions latines, mélangées également d'onciales, comme dans tous les manuscrits de transition vers l'écriture gothique. Il paraît que ce caractère n'a pas été, aux yeux des savants, assez explicitement démonstratif pour leur faire assigner l'époque précise de ce grand travail: M. Cayrol, membre de l'académie d'Amiens, a cru y reconnaître une origine du xe au XIe siècle; un professeur anglais s'est déclaré positivement pour la première époque. M. Buchon, littérateur recommandable par ses connaissances paléographiques, a déclaré que les caractères étaient du XIe siècle; l'auteur de l'article que nous citons, pense que le manuscrit appartient au XIIe, et nous le croyons arrivé plus près de la vérité que les autres savants.

La Bible de Souvigny n'est pas moins remarquable par les lettres enluminées qu'elle présente que par les caractères du manuscrit: ces peintures d'une délicieuse fraîcheur après tant de siècles, et reposant sur des fonds d'or et d'argent qui brillent encore du plus vif éclat, se composent en général d'entre-lacs,

(1) Peut-être proposa-t-on aux magistrats de Moulins un lot de ces livres qui s'entassent dans les greniers de la bibliothèque royale, et parmi lesquels figurent des compositions d'un puissant intérêt. C'est par suite de cet encombrement, que très-peu d'ouvrages nouveaux prennent place dans les collections cataloguées : ils sont pourtant déposés tous sans exception par la librairie; mais les conservateurs n'en ignorent pas moins leur existence, et répondent intrépidement aux demandes journalières qu'on leur fait: Vous n'avons pas cela. Les bibliothèques publiques sont restées à cinquante ans en arrière de la presse actuelle ; et si nos neveux en jugent d'après ces dépôts, l'époque littéraire la plus féconde, sinon la plus illustre, n'aura rien ou à peu près rien produit.

T. II.

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