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Les habitants de Colombiers conservent le souvenir de plusieurs traditions sur leur saint patron: ils vous diront, par exemple, qu'une biche était devenue sa compagne dans son oratoire, et qu'un seigneur l'ayant blessée, elle se jeta dans un ruisseau qui est toujours resté teint de son sang. Ils vous diront encore qu'il y a dans leur village une fontaine qui ne se tarit jamais, et dans laquelle l'eau reste constamment au même niveau. On n'a jamais pu parvenir à fermer la voûte de l'ancienne construction sous laquelle cette fontaine se trouve; les oiseaux du ciel viennent s'y abreuver avec délices; les chiens malades accourent y boire, et sont immédiatement guéris. Nous avons vu cette fontaine, mais nous n'avons pas été témoin de ses vertus.

Au village d'Ids, on vous montre une croix dont les extrémités lancent des flammes, par un temps d'orage. A Malicorne, on voit une église assez remarquable, dont le portail a beaucoup de rapport avec celui de la basilique de Colombiers: l'abside se distingue surtout par une ornementation d'un travail parfait. Voici une histoire populaire du lieu par laquelle les habitants, étymo logistes à leur manière, expliquent l'origine des deux noms ci-dessus : un soldat ayant perdu une licorne, dit à un enfant i (va) chercher ma licorne; d'où le village prit le nom d'Ids, et le lieu où l'animal fut retrouvé le nom de malicorne : Odry trouverait mieux que cela. Malicorne fut jadis une ville close, qui eut son château fort. Ces constructions militaires ont été rasées. A Montvicq, on retrouve les ruines importantes d'un château ayant appartenu aux Templiers : elles s'élèvent sur un mamelon, et percent çà et là le gazon qui le couvre; une partie du fossé existe encore. L'enceinte de cette forteresse était polygonale et flanquée de tours. Sous un donjon carré, couronné de machicoulis, et regardant le midi, s'ouvrait l'entrée du fort, défendue par deux ponts-levis, placés l'un à côté de l'autre. L'enceinte contenait, outre des bâtiments d'habitation assez vastes, une église romane, dont la nef n'avait qu'un seul collatéral.

Au nord du canton de Montmarault, est située l'ancienne cité de Villefranche, appelée autrefois Montcenoux. Elle était ceinte de hautes murailles et de larges fossés. Le monastère, très-ancien, qui existait en ce lieu dépendait du chapitre de Saint-Ursin de Bourges. Montcenoux fut affranchie en 1137

(1) Les noms de Villefranche ou Francheville ont été donnés à des localités, lorsque, par leurs immunités, elles formaient exception avec les autres lieux ; et ces désignations ont fiui par prévaloir sur les anciens noms, même lorsque la franchise est devenue commune aux autres cités. On lit dans la charte d'affranchissement de Villefranche cette disposition pénale : « Quiconque entre, le jour, dans le jardin ou dans la vigne d'autrui pour y commettre un délit, devra trois sous d'amende, ou aura l'oreille coupée, si l'accusation est prouvée; s'il a été surpris la nuit, l'amende sera de soixante sous, ou il perdra l'oreille, à sa volonté.

par Archambaud VI, sire de Bourbon. On doit penser qu'à cette époque il existait une sorte de rivalité entre ce seigneur et les moines de Montcenoux; car, dans l'acte d'affranchissement, ils n'obtinrent aucune réserve de priviléges; ils n'y sont pas même nommés. On voit qu'Archambaud VI, possesseur du château de Murat, employa plus d'une fois la bourgeoisie de Villefranche contre ces religieux et leurs nobles patrons de Saint-Ursin de Bourges. Plus tard, le couvent de Montcenoux fut érigé en chapitre, puis réuni à la collégiale de laquelle il dépendait. Il reste peu de vestiges de cette ancienne maison; l'église, devenue paroissiale, a été fort mal traitée : il ne subsiste que le tiers de sa nef primitive, qui appartient à la plus ancienne architecture gothique. « On vantait beaucoup son portail, dit M. Bâtissier; il était rehaussé de fort belles sculptures, offrant des rinceaux de feuillages et des statues d'une belle exécution. La rosace du pignon occidental était citée aussi pour la hardiesse de sa construction. Enfin, un clocher surmonté d'une flèche en bois aussi élevée que délicate, auquel on arrivait par un escalier élégant, annonçait la ville au loin dans la campagne. »

Villefranche est une cité singulièrement déchue, depuis que la grande route de Montluçon, qui passait autrefois dans ses murs, a pris une autre direction. La population, jadis assez considérable, dit-on, se réduit aujourd'hui à moins de 1,000 habitants. La situation de cette cité, d'une physionomie assez triste, est cependant pittoresque et même imposante: elle est située sur un plateau, entre les rivières d'OEil et d'Aumance, au pied de la colline que couronnent les vestiges du monastère de Montcenoux. Non loin, s'ouvre la gorge profonde qui longe le mamelon escarpé de Murat, et l'on aperçoit les immenses constructions de ce château féodal, situées à l'est de Villefranche.

Murat était le siége d'une ancienne châtellenie faisant partie du domaine des premiers sires de Bourbon. Ils y construisirent un vaste château, dont on voit encore les ruines, couvrant la surface d'un rocher isolé de toutes parts, et baigné au midi et à l'ouest par l'Aumance. Une épaisse muraille flanquée, dit-on, de vingt-sept tours cylindriques, enveloppait le rocher dans toute sa circonférence, et ne présentait qu'une entrée, au midi. Dans cette formidable enceinte étaient renfermés les bâtiments d'habitation et la chapelle. Presque toutes ces constructions avaient été faites par le duc Louis II; et ce château l'un des plus grands du Bourbonnais, fut démantelé, mais non détruit entièrement, après la défection du connétable de Bourbon. Depuis deux siècles, on travaille à le démolir sans avoir diminué sensiblement l'inépuisable carrière qu'il offre aux bâtisseurs du voisinage. C'est un coup-d'œil affligeant que celui de ces pans de murailles déchirés, de ces tours effondrées, squelettes

gigantesques de la grandeur féodale, déchiquetés par une myriade d'intérêts, ainsi que le cadavre d'un lion expiré sur une fourmillère. Il nous est impossible d'exprimer ce que nous avons éprouvé en voyant, par un beau clair de lune, ces vestiges blanchâtres variés de formes et de grandeurs, et que l'illusion animait, comme tout objet immobile sur lequel le regard demeure long-temps fixé: on eût dit un branle de fantômes, tournoyant au sommet de la montagné.

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Beatrix, femme de Robert, comte de Clermont et sire de Bourbon, mourut au château de Murat, en l'année 1310; Marie de Hainault termina aussi sa vie dans cette splendide demeure. L'église de Murat appartient à l'époque de transition; mais elle ne présente ni les détails heureux de l'ère bysantine, ni l'architecture noble et hardie de la période ogivale : c'est un édifice d'une construction assez grossière. On conserve dans la sacristie un reliquaire de la Sainte-Croix c'est un objet en filigrane et en émail d'un travail précieux. Murat fut aussi une ville: elle est encore plus déchue que Villefranche, et sa population ne s'éleve pas à 700 individus. Ici, les légendes et les contes de fées sont en grand crédit : vous ne sortirez pas du bourg, sans qu'on Vous ait raconté l'histoire de la Fée de Murat. Elle s'était éprise d'une violente passion pour le jeune Arnold de Vieure, qui fut insensible à ses soupirs, bien qu'elle se révélat à lui belle comme la fille des anges. Mais Arnold aimait de véritable amour une jeune châtelaine nommée Bonne-du-Mont. Les puissances

fantastiques s'irritent des rivalités comme celles de la terre: la fée, en proie aux fureurs de la jalousie, jura qu'elle romprait ce lien, qu'elle abhorrait. Un jour, que le beau seigneur s'était endormi sur la rive ombreuse de l'Aumance, elle lui apparut en songe, et lui dit qu'un trésor immense était enfoui dans un souterrain du château de Murat. Arnold s'éveille altéré de richesses, et quoique ce fût l'heure à laquelle il allait ordinairement tenir à sa belle de tant doux propos d'amour, il sauta sur son léger coursier, et se diriga en toute hâte vers la forteresse de Murat. Il suivit un sentier escarpé qui s'offrit à lui tel qu'il l'avait vu dans son rêve, et ne tarda pas à découvrir l'entrée de la caverne qui recélait les trésors. Mais, au moment où le noble jeune homme essayait d'y pénétrer, il entendit près de lui des rires moqueurs : c'étaient ceux de la maligne fée. Puis elle appela les mauvais génies qui lui obéissaient; et l'infortuné fut traîné trois fois autour de l'enceinte crénelée que je vous ai décrite, comme Hector autour des murs de Troie ; teignant de son sang les pics des rochers; se déchirant le visage et les mains aux ronces sauvages. Enfin, les démons familiers de la jalouse fée le laissèrent meurtri, sanglant, presque sans vie au bord de la rivière. Cependant Bonne du Mont ne voyant pas arriver son amant à l'heure accoutumée, s'inquiète et se désespère. La mauvaise fée se montre à elle, et lui apprend qu'Arnold gît mourant au pied du château de Murat... Pleurer et se lamenter n'est que d'une ame sensible et tendre; s'armer de courage pour voler au secours de ce qu'on aime, voilà le vrai témoignage d'un amour puissant. La jeune fille, oblieuse de l'obscurité et des dangers de la nuit, s'élance hors du manoir pour courir à la recherche de son amant la cruelle fée, par un rafinement de vengeance, guide la pauvre enfant à travers les ténèbres et la fait bientôt arriver au lieu où le désespoir l'attend. Haletante, pâle, échevelée, elle se précipite sur le corps de son amant: hélas ! elle arrive à temps pour recevoir un adieu déchirant et se faisant jour à travers le dernier soupir d'Arnold, avec cette sentence d'une sagesse trop tardive: « Une fidèle amie est un trésor si précieux que c'est une folie sacrilège d'en chercher un autre. » Au point du jour, le pâtre matinal aperçut sur la rive fleurie de l'Aumance, les deux amants couchés l'un auprès de l'autre ; il crut qu'ils dormaient; il ne se trompait pas; mais leur sommeil ne devait pas finir. Achille Allier, poéte avec le crayon comme avec la plume, a composé sur cette légende un dessin grâcieux, qui passe pour une de ses meilleures compositions en ce genre.

Voulez-vous une histoire plus gaie, le conteur rustique de Murat ou des environs vous chantera la ballade d'un pauvre moine, qui crut avoir trouvé le chemin du cœur d'une belle jolie dame, et qui, après avoir été baffoué par elle,

lui laissa sa défroque entre les mains. Il me prend envie de rapporter cette ballade, traduite de la langue romane en patois Bourbonnais, et qui, dans cet idiome. ne manque pas de traits piquants; vous en jugerez : la voici :

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Que si vous trouviez cette citation ultra-historique, je vous prierais de rappeler à votre souvenir ce mot d'un grand moraliste :

L'ennui naquit un jour de l'uniformité.

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