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Postes.

Finances.

surtout, déployaient la plus grande magnificence; ils tenaient une cour qui le cédait peu à celle du monarque, et exerçaient un pouvoir sans bornes. Afin toutefois d'en empêcher l'abus, le roi plaçait auprès d'eux des commissaires, appelés les yeux et les oreilles du prince, auxquels les ordres étaient transmis directement; outre cette surveillance, il envoyait une fois au moins chaque année, des inspecteurs faire le tour des provinces, ou bien il les parcourait lui-même avec un immense cortége. Le moindre soupçon suffisait pour perdre un satrape.

Pour faciliter la correspondance de la métropole avec les provinces, les Perses firent usage les premiers de courriers rapides et sûrs, qu'il ne faut pas confondre avec l'institution des postes telle qu'elle existe aujourd'hui ; les nôtres, en effet, sont à la disposition des particuliers, les leurs ne servaient qu'au gouvernement. Des chevaux et des hommes étaient préparés de distance en distance, et l'un recevait de l'autre les dépêches à transporter : moyen de communication très-expéditif. En outre, une série de feux allumés donnaient avis des soulèvements ou des invasions, de telle sorte qu'un jour suffisait pour recevoir des nouvelles d'une extrémité du royaume à l'autre.

Un peuple nomade, devenu conquérant, veut vivre aux dépens de la conquête; il impose donc des tributs à son gré et les perçoit en nature tel est le caractère que conservèrent les finances des Perses. Les satrapes recevaient la plupart des taxes en denrées pour l'entretien de la cour et de l'armée, ou en lingots de métal fin que l'on déposait dans le trésor particulier du roi pour les monnayer au besoin. Chaque satrapie avait aussi son trésor particulier, et Alexandre trouva dans la seule ville de Suze 55,000 talents d'argent en barres. Les Perses ne battirent pas monnaie jusqu'à Darius, fils d'Hystaspe, qui fit frapper des dariques (1). Cyrus et Cambyse établissaient des impôts à mesure du besoin. Darius les rendit annuels, et voulut qu'ils fussent proportionnés

(1) Leurs pièces de monnaie portaient pour empreinte un archer; d'où le mot d'Agésilas: Artaxerxès me chasse avec trente mille archers, par allusion à l'argent qui avait servi à corrompre les autres Grecs. — On peut supposer, d'après un passage de Plutarque, que, dès l'époque de Cyrus, les Perses faisaient usage de l'argent monnayé. Cet auteur rapporte en effet que Cyrus, pour récompenser les femmes qui par leur exemple avaient ramené au combat leurs maris prêts à prendre la fuite, leur fit distribuer à chacune une pièce d'or. Voy. Plut., de Virt. mul., p. 246, et Eckhel, Doctrina nummorum veterum, t. III, p. 551 (note de la 2e éd. française).

au revenu, ce qui le fit appeler marchand. Hérodote dit (1) que le roi tirait des provinces 14,560 talents euboïques, ce qui ferait moins de 90 millions de francs. Le roi de Perse actuel en perçoit presque autant de son petit royaume. Nous pensons donc qu'il ne faut voir dans ce produit que la somme qui restait au trésor, prélèvement fait des dépenses générales de l'entretien et de la solde de l'armée, et en dehors des revenus en nature. Nous savons en effet que les Ciliciens donnaient chaque jour un cheval blanc; la Médie seule cent mille moutons et quatre mille chevaux par an (2); la Babylonie, outre les chevaux de guerre, devait entretenir un haras de huit cents étalons et de six mille juments; l'Arménie fournissait chaque année vingt mille poulains; la contribution de la Cappadoce était de mille cinq cents chevaux, deux mille mulets, cinquante mille têtes de bétail; celle de l'Égypte consistait en froment, et la pêche du lac Moris était réservée au roi. Darius soumit à une contribution de femmes les provinces circonvoisines pour repeupler Babylone. La Colchide et les pays limitrophes jusqu'au Caucase envoyaient tous les cinq ans cent garçons et autant de jeunes filles; l'Assyrie, cinq cents eunuques chaque année; les Éthiopiens et les Indiens apportaient en don tous les trois ans deux chénices (3) d'or non brûlé, deux cents madriers d'ébène, vingt grandes dents d'éléphant; les Arabes, cent trente talents d'oliban; chaque peuple enfin, les produits de son sol. La Perside seule, comme pays des conquérants, était exempte de tribut. L'irrigation, extrêmement étendue, rapportait aussi de riches revenus, grâce aux écluses dont les rois s'étaient arrogé la propriété; il faut ajouter la pêche, les biens confisqués et les dons volontaires de toutes sortes (4).

Le trésor n'avait d'ailleurs à supporter aucune dépense, puisque les personnes attachées à la cour recevaient leur traitement en nature (5). Les magistrats et autres fonctionnaires obtenaient, à

(1) Livre III.

(2) XÉNOPHON.

(3) Un boisseau. Voy. les $$ 90 à 98 du livre III d'HÉRODOTE.

(4) Aujourd'hui encore, aux fêtes du Neurouz, tous sont obligés d'apporter au roi un don volontaire, dont le produit n'est pas évalué à moins de 69 millions de francs (1,500,000 tomans ).

(5) Athénée ( IV, 26, p. 145 ) rapporte un passage d'Héraclide de Cumes, où l'on trouve sur la cour de Perse les renseignements suivants :

« Ceux qui servent le roi, bien lavés et bien vêtus, passent presque la moitié de la journée à préparer son dîner. Quelques-uns des commensaux du roi mangent séparément dehors, et chacun peut les voir; d'antres, chez lui, dans l'intérieur, mais ceux-là même ne sont pas véritablement avec lui. Il y a dans le palais deux

titres d'émoluments, des villes et des bourgades. Xerxès assigna trois villes (1) à l'entretien de Thémistocle réfugié dans ses États. Ces libéralités faisaient retour au roi après la mort du bénéficiaire, mais quelquefois elles devenaient héréditaires. On pourvoyait à tout besoin nouveau au moyen des produits d'une contrée, et chaque province devait entretenir ses magistrats. Le gouverneur de la Babylonie en tirait chaque jour un médimne attique, c'est-à-dire deux millions de francs par an: quatre villes étaient affectées au seul entretien des chiens de chasse de Masistius, satrape de Babylone (2): tant était grand le luxe de ces hauts dignitaires.

La richesse des dons royaux était égale à l'immensité des revenus (3). Le monarque remettait à chaque ambassadeur étranger un talent babylonien en argent et deux vases du même métal d'une valeur double; des bracelets, un cimeterre et un collier valant ensemble mille dariques, enfin une robe médique; les plus favorisés recevaient davantage.

Jugements. Il paraît que les juges appartenaient à la classe sacerdotale, et qu'ils avaient toujours un âge mûr. On mettait l'accusé en face de l'accusateur, et si ce dernier était convaincu de calomnie, il subissait la peine due au délit imputé à tort. Un premier crime n'é

appartements en face l'un de l'autre le roi se tient dans celui-ci; ses convives, dans celui-là. Le monarque les voit à travers le rideau tendu près de la porte, mais eux ne peuvent l'apercevoir. Quelquefois, les jours de fête, ils dînent tous ensemble dans la grande salle. Quand le roi donne un festin, ce qui arrive souvent, il n'admet que douze convives. Il a sa table à part; un eunuque va appeler ses hôtes, et, quand ils sont réunis, ils boivent avec le roi, mais non pas du même vin: ils s'asseyent sur un coussin, tandis qu'il est couché sur un petit lit aux pieds d'or. Ils sont presque toujours ivres quand ils le quittent. D'ordinaire, cependant, le roi dîne seul. Parfois sa femme ou l'un de ses fils est admis à sa table; alors les jeunes filles du harem chantent en sa présence. Le dîner du roi est magnifique, bien qu'ordonné avec une sage économie, ainsi que tous ceux des grands. On tue chaque jour pour le service du palais mille victimes, comme chevaux, chameaux, bœufs, ânes et moutons surtout. On y sert un grand nombre de volatiles. Chaque convive a sa portion devant lui et en emporte le reste. La majeure partie des mets, comme aussi le pain, est destinée à la nourriture des satellites, des gardes et autres gens semblables; elle est portée sous les portiques et là distribuée par rations. Tandis qu'en Grèce les soldats mercenaires reçoivent leur paye en argent, là ils la reçoivent en nature, de même que tous les grands et les commandants des villes et des provinces. >>

(1) Des titres semblables furent chez les modernes l'origine du mot apanage, c'est-à-dire ad panem, et du mot turc arpalik, de arpa, avoine, c'est-à-dire pays donné pour fournir l'avoine aux chevaux.

(2) HÉRODOTE, liv. III.

(3) Aujourd'hui on évalue à 60 millions de francs le produit des dons, appelés pisckesc, encaissés par le roi ; il est d'usage antique que personne ne doit se présenter devant le roi sans lui offrir quelque don.

tait pas passible de la peine capitale; mais on devait examiner la vie entière de l'accusé, pour voir ce qui l'emportait du bien ou du mal: disposition sage dans une certaine mesure seulement, puisque les bonnes actions ne sauraient pas toujours excuser celles qui sont coupables; pour des cas spéciaux, le droit de grâce réservé aux législateurs vaut sans doute beaucoup mieux. L'ingratitude était punie. Aucune loi ne prévoyait le parricide: silence presque général dans les codes antiques, de même que pour le régicide dans nos codes modernes. Certains condamnés étaient enfermés dans un tronc d'arbre creusé, d'où ne sortaient que la tête, les mains et les pieds, que l'on frottait de miel, et qu'on abandonnait en pâture aux guêpes.

La tribu des Perses, qui l'emporta sur les autres, se composait de guerriers; ainsi, conformément à son origine, l'empire fut constitué militairement, et, suivant une division décimale, partagé en cantons militaires pour l'entretien des armées. Les troupes royales étaient distribuées dans les provinces, quelques-unes en cantonnements dans les campagnes, d'autres en garnison dans les villes. Elles consistaient d'abord uniquement en cavalerie, qui, à la manière des nomades, entraînait à sa suite toute la population, et, au besoin, se passait de bagages; aussi opérait-elle avec une extrême rapidité, comme l'ont fait plus tard les Mongols. Afin que les Perses ne perdissent pas leurs habitudes de bons cavaliers, Cyrus leur avait défendu de se montrer à pied sur les chemins; mais ce fut une nouvelle occasion de luxe dans un pays qui offre encore aujourd'hui les races de chevaux les plus belles et les plus robustes. Cela est si vrai que le moderne Kérim-Kan parcourut naguère trois cents milles en cinquante-huit heures, sans changer de monture.

Le guerrier qui mourait les armes à la main acquérait, selon les Perses, le bonheur éternel; cette croyance pouvait donner de l'élan et une audace farouche, mais non le courage réglé et soutenu qu'inspirént l'amour de la patrie et le sentiment de l'honneur. Les femmes et les enfants suivaient l'armée, ce qui pouvait exciter sa valeur, mais ce qui devait souvent l'embarrasser dans ses mouvements; il en était de même des chars armés de faux, qui fréquemment devenaient très-nuisibles. Les Perses ne portaient ni arcs ni javelots, mais seulement des armes propres à combattre de près, une cuirasse sur la poitrine, un bouclier, un cimeterre ou une hache.

Ceux qui veulent trouver des ressemblances entre eux et les Germains peuvent invoquer l'usage mentionné par Xénophon, lors

HIST. UNIV. -T. II.

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Guerre.

qu'il dit que Cyrus, élu par sa république chef d'expédition, choisit deux cents de ses pairs (1), chacun desquels fit choix de quatre autres; puis chacun de ces mille guerriers recruta parmi le peuple dix hommes armés de la lance et du bouclier, dix frondeurs et dix archers.

Selon l'ordre établi par Cyrus, chaque compagnie était composée de cent hommes, commandés par un capitaine qui avait sous ses ordres quatre lieutenants avec vingt-cinq soldats, puis des sous-officiers par dix et cinq hommes. Une compagnie logeait tout entière sous une seule tente; derrière les quatre pelotons marchait un officier appelé chef de l'arrière-garde (oʊpayos). Au milieu du camp s'élevait le pavillon royal, tourné vers l'orient ; autour se rangeaient les gardes du corps, puis la cavalerie, ensuite les lanciers, les archers. A l'extrême droite étaient les boulangers et les chevaux, à la gauche les vivandiers et les juments, chacun à son poste déterminé. Dresser les tentes, les enlever, les charger sur les mulets, toutes ces opérations et autres semblables s'exécutaient rapidement et avec ensemble; une banderole distinguait les tentes des chefs.

Dans les guerres nationales, on avait recours aux levées en masse, ce qui ne produisait que confusion. Le roi se tenait au centre avec les Perses; le bagage était envoyé en avant, et, comme toutes les provinces devaient fournir leur contingent, l'armée grossissait dans sa marche comme un torrent prêt à déborder. On formait sur la route d'énormes magasins de blé pour les troupes, et l'on amassait pour le roi de telles quantités de vivres qu'on appauvrissait un pays; car il emmenait avec lui femmes, serviteurs, chiens et bêtes de somme en nombre infini. Le repas terminé, on emportait la vaisselle d'argent dont le monarque s'était servi, par suite de l'idée orientale que le roi est le seigneur et maître de tout et de tous.

Après avoir agrandi son territoire par la conquête, la Perse devint aussi puissance maritime; mais la plupart des navires qui composaient ses flottes, appartenaient à la Phénicie ou à l'Asie Mineure.

Amollis bientôt par le luxe, les Perses dégénérèrent de leur ancienne valeur. Les chars armés de faux ne servirent plus à charger l'ennemi aux fortes armures, mais à se transporter commodément sur le lieu de la mêlée. Arrivé là, le guerrier qui le montait en descendait à la hâte, et souvent les chevaux, restés sans

(1) Oμótipo, les Comites de Tacite.

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