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par la faim, ils se décidaient à capituler, lorsqu'ils furent secourus à temps. Furius Camillus, oubliant les outrages de la patrie qui l'avait exilé, réunit les fugitifs, est proclamé dictateur, et survient au moment où, à Pesaro (Pesa-auro), on traitait de la délivrance à prix d'argent : « C'est avec le fer, s'écrie-t-il, et non avec l'or qu'il faut racheter la patrie! » Il délivra la citadelle, expulsa les Gaulois, et prouva par l'événement l'immobilité du Jupiter Capitolin; Camille fut regardé comme le second fondateur de la cité.

Ainsi parle une tradition d'orgueil national et patricien, aussi riche de poésie que de contre-sens et d'erreurs; mais une autre, plus positive, révèle que les Romains ne se rachetèrent qu'à prix d'or, et que cet or, transporté dans la Gaule et gardé comme un précieux trophée, fut plus tard recouvré par Drusus. Il est certain que les Gaulois ne vidèrent pas si promptement le pays; mais, campés près de Tibur, que Tite-Live appelle arcem gallici belli, ils parcouraient les campagnes voisines, et répandaient une telle terreur que les Romains furent au moment d'abandonner Rome, où ils n'étaient pas en sûreté, pour se transporter à Véies : heureusement les patriciens, qui auraient perdu toute supériorité en perdant le territoire sacré, les en détournèrent à l'aide des augures. La ville plébéienne fut alors réédifiée à la hâte et sans ordre, au même lieu où le lituus étrusque avait d'abord fondé rituellement la cité patricienne.

Les Gaulois, qui s'étaient retirés dans la partie supérieure de l'Italie, appelée de leur nom Gaule Cisalpine, ne cessèrent d'inquiéter la république. Les Romains conservèrent même une telle appréhension des barbares qui avaient ruiné leur ville, qu'ils gardaient exprès un trésor, pour les cas où il y aurait avec eux quelque guerre (tumultus gallicus). Tous les citoyens étaient alors, sans aucune exception, obligés de prendre les armes'; les affaires restaient suspendues, et l'on élisait un dictateur afin de pourvoir à ce que la république n'éprouvât aucun dommage.

CHAPITRE XXXI.

POLITIQUE EXTÉrieure. Italie Subjuguée.

Rome réalisait tout à la fois le progrès intérieur et se répandait au dehors; à la différence des États grecs, qui recherchaient l'originalité, l'isolement, et répugnaient à la fusion des races, elle

s'ouvrait à tous, et se plaçait à la tête d'une société grandissant tous les jours. Rome, en effet, tira sans cesse un nouveau peuple romain de toute nation italique, et telle fut la cause principale de sa grandeur croissante. Les vaincus, comme aliment de ce grand corps, venaient chaque jour renouveler ses forces; ils n'existaient que pour Rome, mais Rome à son tour leur infusait la vie par les colonies: admirable système de politique, qui lui permit de s'assimiler les peuples avant de les absorber, et qui l'aurait rendue éternelle, si l'excès des conquêtes n'avait pas jeté dans son sein cette foule d'étrangers, cause de réplétion et non plus source de nourriture.

Il est de la plus haute importance d'étudier ce second rôle de Rome, comme action sociale tendant à l'unité, inconnue jusqu'alors dans le monde, et qui étend les barrières d'une petite société au point d'embrasser le genre humain. Au début, les proscrits de toute origine, puis des tribus, enfin des populations et des races entières, viennent se fondre dans la cité; tantôt les Albains vaincus, tantôt les Sabins vainqueurs, sont contraints ou déterminés à porter leurs pénates auprès de ceux de Rome. Il est vrai que l'esprit aristocratique restreignit cette introduction d'étrangers; mais le peuple la désira toujours, et ses partisans, depuis Spurius Cassius jusqu'à César, furent aussi les défenseurs des intérêts italiques.

Mais, à cette époque, un esprit d'invasion et d'injustice provoquait et dirigeait les guerres contre les nations italiotes, qui s'étaient altérées au milieu de ces luttes continuelles. Les Opiques, établis dans la Campanie, peut-être identiques avec les Sicules, reçurent beaucoup de colonies grecques, qui, jointes aux migrations sabines, modifièrent leur développement. Les Étrusques eurent beaucoup de villes dans la Campanie, mais jamais une autorité générale; leur appui servit à consolider une aristocratie campagnarde qui domina les villes, dont la principale était Capoue. Leurs relations avec la Grèce et l'Asie Mineure firent prévaloir le caractère grec parmi les Étrusques. Tarquin avait voulu les rendre puissants; mais, n'ayant pu réussir, il vint donner la force à Rome, contre laquelle plus tard, comme une mère contre sa fille, Porsenna prit les armes.

Les Romains, poursuivant leur lutte perpétuelle contre les Èques et les Volsques, battaient l'aristocratie étrusque et s'emparaient des villes sacrées de Tarquinies, Vulsinies, Capène, Fidène, Véies. Le long siége de Véies, qui dura dix ans, obligea de rester sous les armes pendant l'hiver, et, pour la première fois, une paye fut assignée aux soldats. Gette nouvelle dépense put être couverte par

les richesses trouvées dans la ville; mais, plus tard, il fallut aggraver les tributs. Rome prit encore Falère, et semblait sur le point de soumettre l'Étrurie entière, lorsque survint le fléau des Gaulois. Cette guerre améliora la tactique des Romains, qui, pour mieux résister aux longues épées gauloises, remplacèrent le casque de cuivre par un casque en fer battu; ils bordèrent de fer les boucliers, et substituèrent aux frêles et longues javelines le pilum, perfectionnement du gais ou gæsum de ces barbares, également propre à parer les coups d'épée ou de sabre, et à frapper de loin comme de près.

Par gratitude envers les habitants de Cæré, qui avaient donné asile aux dieux pendant l'invasion, le droit de cité leur fut accordé : nouvelle extension donnée à la politique de l'assimilation. On ne transporte plus les vaincus dans Rome; c'est Rome qui va au-devant d'eux, et les crée citoyens romains hors du territoire, avec des droits plus ou moins complets. Bientôt les Véiens, Fidénates, les Falisques et d'autres Étrusques reçurent ainsi le droit de cité. Quant aux Latins, ils furent domptés par les armes.

les

Les Romains, qui ne refusèrent pas toujours leurs éloges aux vaincus, ont raconté (1) qu'un Volsque de Priverne, interrogé sur la peine méritée, selon lui, par ses concitoyens, répondit : Celle que méritent des hommes qui se croient dignes de la liberté. Et comme on ajoutait : Si l'on vous pardonne, comment vous comporterez-vous? Il répliqua : Selon que vous agirez vous-mêmes ; si les conditions sont équitables, la paix sera durable et sûre; sinon, elle durera peu.

Les Samnites, mélange de Sabins et d'Ausones, étaient pour Rome des ennemis redoutables. Cette nation sobre et indomptée, défendue par des vallons, des torrents, et redoutable pour les habitants de la plaine, était alors au comble de sa puissance; elle surpassait Rome en population et en territoire, car elle occupait toute la contrée de la mer Inférieure à la mer Supérieure, du Liris aux montagnes de la Lucanie et aux plaines de l'Apulie. Les Samnites ne constituaient pas un seul État, mais plusieurs, liés par les rapports d'un municipe commun, dirigés par un induperator, souvent rivaux, parfois ennemis.

Les villes grecques et étrusques résistaient de leur mieux aux excursions des jeunes Samnites; mais, ayant franchi les barrières qu'elles leur opposaient, ils envahirent les plaines qu'arrose le Vulturne, et c'est d'eux que cette contrée, si différente de leur

(1) TITE-LIVE, VIII, 21.

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pays de montagnes, reçut le nom de Campanie (1) et les qualifications d'heureuse, de terre de labour, à cause de sa fertilité en vin et en blé. La délicieuse Capoue, en passant des mains des Sabelli dans celles de cette nation belliqueuse, vit accroître sa réputation guerrière. Ses cavaliers, non moins renommés que les fantassins du Latium, se mettaient à la solde des tyrans de Sicile, et servirent même les Grecs dans la guerre du Péloponèse; elle fut l'émule de Rome, et put un moment aspirer à l'empire de l'Italie ; cependant elle s'adonnait tellement au luxe que la rue Séplasia n'était remplie que de boutiques de parfums. Les vases que l'on y découvre attestent jusqu'à quel degré de perfection elle avait porté les arts plastiques; elle inventa les pièces burlesques, dont les fables atellanes et les masques du Zanni et du Polichinelle sont des souvenirs.

Jamais les Campaniens n'aimèrent leurs dominateurs montagnards, et jamais les Samnites ne connurent la politique où excella Rome, de fondre en un seul peuple vainqueurs et vaincus, patriciens et plébéiens; les uns et les autres se regardaient donc avec une défiance haineuse. Les Campaniens, attaqués par les Samnites, demandèrent des secours aux Roinains, qui, sortant pour la première fois du triste Latium, connurent cette admirable contrée, les délices du climat, l'élégance et la sensualité grecques. L'armée en fut tellement enchantée qu'elle demanda d'y transférer la patrie, et, comme sa réclamation fut repoussée, elle marcha contre Rome, y excita un violent tumulte, imposa l'abolition des dettes usuraires et l'élection d'un consul plébéien.

Le Latium ressentit le contre-coup de cette agitation; il secoua le joug, et s'allià avec les colonies roinaines (2), avec les Campaniens et les Sidicins, pour repousser les montagnards du Samnium, et réprimer l'orgueil croissant des Romains. Deux préteurs des Latins vinrent même réclamer leur part dans la cité romaine, et exiger que l'un des deux consuls et la moitié des sénateurs fussent pris parmi les Latins, Les Romains, peu habitués à céder aux menaces, s'unirent aux montagnards, poussèrent les Marses

(1) Campania, de xάμños, plaine. PLINE, III, 9, 7 : Campania felix, et XVII, 3, 3 in Laborino Campaniæ nobili campo. FLORUS, 1, 16: Nihil uberius solo; ideo Liberi Cererisque certamen dicitur.

(2) Quand il est question de révolte dans les colonies romaines, il ne faut pas l'entendre comme pour les colonies grecques, qui veulent se rendre indépendantes de la mère patrie. L'existence des colons romains était trop intimement liée à celle de la métropole : c'étaient des soulèvements des anciens habitants du pays contre les nouveaux, qu'ils voulaient chasser de leurs maisons, de leurs boutiques et de leurs positions militaires.

et les Péligniens contre les Campaniens, et battirent les confédérés à Véséris, près du Vésuve. Dans cette guerre fratricide, Manlius Torquatus condamne à mort son fils pour avoir combattu contre ses ordres; Décius se dévoue aux dieux infernaux pour les apaiser, et, après avoir proféré les terribles formules, se précipite sur l'ennemi: sévérité des patriciens conservateurs, et reste du fanatisme farouche des religions pélasgiques.

Les Romains punirent l'insurrection des Latins et des Campaniens par l'extinction de leur vieille nationalité, transportèrent sur leur propre territoire les habitants du pays, et les remplacèrent par des colonies nouvelles. Ils célébrèrent par vingt-quatre triomphes l'assujettissement des Volsques, et détruisirent entièrement la fertilité artificielle de ce pays, où les ruines de tant de cités éparses au milieu de marais (1) insalubres, attestent la grandeur du peuple anéanti et la cruauté des vainqueurs. Cette rigueur impitoyable était due aux patriciens, partisans opiniâtres de la sévérité héroïque, tandis que la plèbe, se rappelant son origine italique, aurait voulu qu'on usât de clémence.

A cette époque, Rome change de moyens, mais son but reste le même; elle arme les Latins, les Campaniens, les Apuliens, tous habitants de la plaine, contre les Samnites, les Lucaniens, les Vestins, les Èques, les Marses, les Trentans, les Péligniens, tous habitants des montagnes. Ceux-ci, vaincus, demandent à traiter, et éprouvent un refus; dans la fureur du désespoir, ils profitent d'un avantage de position, et enferment l'armée romaine dans les défilés de Caudium. Un vieillard samnite conseillait ou de passer tous les Romains au fil de l'épée, ou de les renvoyer avec honneur : Détruisez vos ennemis, disait-il, ou faites-en des amis. Pontius Hérennius, son fils, général et philosophe, écoutant plus l'humanité que la politique, voulut épargner les vaincus; il se contenta de leur enlever armes et bagages, et de les faire passer sous le joug, le consul Posthumius en tête. La capitulation qu'ils jurèrent alors fut bientôt annulée.

Les Romains, se prévalant de cette fidélité à la lettre qui changeait le juste en injuste, expulsèrent de la cité ceux qui avaient juré le traité; puis, lorsque les Samnites les eurent accueillis avec une généreuse hospitalité, le consul Posthumius se mit à maltraiter le fécial. Les Romains, considérant l'outrage comme venant d'un Samnite, s'en firent un prétexte pour une rupture nou

(1) Le riche pays des Volsques est aujourd'hui couvert par les marais Pontins. On cherchait, au temps de Pline, la place de leurs vingt-trois cités. PINE, III, 5.

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Fourches, Caudines.

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