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des vases du même genre. Ceux de Volterra, de Tarquinies, de Pérouse, d'Orviéto, de Viterbe, d'Aquapendente, de Corneto, appartiennent plus certainement aux Étrusques, et sont en général d'une couleur jaune pâle, enduits d'un vernis rougeâtre; les figures en noir, hommes et héros, portent, avec l'habillement du pays, la barbe et les cheveux longs; les divinités ont des ailes. Les vases grecs, d'une terre plus fine et plus légère, sont noirs à l'intérieur, d'une couleur d'ocre jaune ou rougeâtre au dehors, et quelquefois noirs.

De quelque manière qu'on veuille appeler ces ouvrages, en adoptant l'un ou l'autre des divers systèmes (1), on convient généralement que les formes en sont exquises; les peintures n'ont pas la même perfection, attendu qu'elles devaient se faire à la hâte sur l'argile encore fraîche.

Les Étrusques excellèrent encore dans la gravure sur pierres dures, et ils surent couler en bronze. On estimait beaucoup leurs travaux de ciselure, de gravure et d'orfévrerie; Athènes, dans sa plus belle époque, recherchait les coupes et les ouvrages d'or des Étrusques, qui savaient aussi faire des coupes d'argent, des trônes en ivoire et en métaux précieux, des chaises curules, des chars de triomphe, des armures. On retire de leurs petits tombeaux toutes sortes d'ornements; il faut y joindre les miroirs de bronze concaves, qu'on a pris quelquefois pour des patères, et les cistes mysti

ques.

Les souvenirs d'une civilisation si florissante périrent dans la guerre des Marses, puis dans celle de Sylla, qui détruisirent les hommes aux sentiments généreux, les monuments de tout genre, et surtout les livres. Les Étrusques succombèrent alors avec leurs sciences et leur littérature. Les plus magnanimes furent atteints parla proscription du dictateur; plus tard les poëtes firent honneur à Auguste d'avoir renversé les autels de l'Étrurie (2). Des colonies romaines furent établies dans les villes; la langue latine devint dominante, et les propriétaires furent réduits à la condition de fermiers; les Grecs ne parlèrent plus des Etrusques que comme de pirates et de débauchés, les Romains comme d'aruspices et d'artistes. Chez ce peuple vaincu, la domination étrangère étouffa bientôt les souvenirs du passé, ne lui laissant d'autre désir que celui de devenir tout à fait romain; ce fut de la même

(1) Vases étrusques, grecs, gréco-italiens, italo-grecs, campaniens, sicules', athéniens, céramographiques, etc.

(2) Eversosque focos antiquæ gentis Etruscæ. PROPERCE, II, 1, 29.

manière qu'en moins d'un siècle s'anéantit la civilisation mexicaine.

CHAPITRE XXVI.

GRANDE GRÈCE (1).

La civilisation italienne sortit donc d'abord de la civilisation pélasgique, ou grecque antique, si on l'aime mieux, adoptée par les populations qui habitaient originairement le pays, et qui étaient venues peut-être du Nord; puis de la civilisation rasénique des Étrusques. Plus tard une troisième civilisation, plus brillante et plus durable que les deux autres, fut apportée en Italie par les colonies helléniques.

Les Grecs, que nous avons vus ailleurs fonder tant de colonies, surtout après avoir conquis leur liberté (2), en établirent dans toutes les parties de l'Italie (3), et particulièrement sur les côtes occidentales, plus accessibles que celles de l'Orient. Plus tard ils les semèrent en si grand nombre dans la Sicile et sur les côtes occiden

(1) Le nom de Grande Grèce ne se rencontre ni dans Hérodote ni dans Thucydide; c'est Polybe qui le mentionne pour la première fois (livre II, ch. 12). Strabon trouve la cause de cette dénomination dans la grande extension que la Grèce prit au dehors; Festus et Servius (ad En., I, 573) dans les nombreuses cités grecques de ce pays; d'autres ont une opinion différente. Delisle, d'Anville et Micali pensent que cette partie de l'Italie fut ainsi appelée parce qu'elle avait plus d'étendue que la Grèce orientale. Beaucoup attribuent ce nom à la philosophie de Pythagore, née ou répandue dans cette contrée, et Synésius, évêque du cinquième siècle (Ep. ad Pæonium) dit qu'il était commun à tous les pays où l'on pratiquait les rites mystérieux des pythagoriciens. D'autres enfin prétendent qu'elle fut appelée Grande, parce qu'elle devança l'autre Grèce dans la voie de la philosophie et de la civilisation. Il paraît que le nom général dura jusqu'à la fin du troisième siècle de Rome, alors que les peuples empruntèrent leur dénomination particulière à la contrée que chacun d'eux occupait.

On ne connaît même pas d'une manière certaine quelle était l'étendue de pays que ce nom embrassait; néanmoins on l'applique généralement à huit régions : Locrienne, Caulonite, Scyllétique, Crotoniate, Sybaritique, Héracléenne, Métapontine, Tarentine; il comprenait donc en gros l'Apulie, la Lucanie, le Brut

tium.

(2) Voir le chapitre X.

(3) On a trouvé dernièrement au Pirée un décret, olympiade CXIII, par lequel il était ordonné qu'on enverrait à Adria une colonie conduite par Miltiade, successeur de son homonyme, le vainqueur de Marathon; c'était dans le but d'établir des marchés de froment et d'élever une barrière contre les Tyrrhènes. Bulletin de correspondance archéologique, 1836, p. 135.

tales que jamais aucune contrée ne réunit autant de villes sur un aussi petit espace; ajoutons que chacune de ces villes eut l'importance d'un peuple à part, et mérita de vivre dans la postérité (1).

Les plus considérables et les plus nombreuses étaient situées sur le golfe de Tarente, et s'étendaient même vers les côtes occidentales de l'Italie jusqu'à Naples; elles avaient eu pour fondateurs les Doriens, les Achéens, les Ioniens.

Hybla, Thapsos, Géla, Agrigente, Messanė, Tarente, étaient doriennes; achéennes, Sybaris, Thurium, qui lui succéda, Crotone et les villes fondées par cette dernière, Laüs, Scydros, Métaponte, Posidonie, Térina, Caulonia, Pandosie; ioniques ou chalcidiques, Cumes, Naples, Zancle, dont sortirent Himère et Myles, Naxos, qui eut pour filles Gallipoli, Léontium, Catane, Eubée, Tauroménium et Régium. Élée et Scylacéum étaient aussi d'origine ionique. Les Crétois transportèrent en outre des colonies à Brindes, à Iria, à Salente, et à Héracléa Minoa en Sicile; les Thessaliens, à Crimise, à Égeste; les Étoliens, à Témèse; les Phocéens, à Lagarie.

Les Doriens prévalurent donc dans la Sicile, les Achéens dans la Grande Grèce (2). Les souvenirs de quelques-unes des villes

(1) Voy. SAINTE-Croix, HEEREN, RAOUL-ROCHETTE, surtout HEYNE, dans ses Prolus. XV de civitatum græcarum per Magnam Græciam et Siciliam institutis et legibus, II vol. des 'Opuscula academica; Göttingue, 1787.

(2) Colonies grecques en Italie, selon les différentes époques de leur

fondation.

1300 ou 1050. Cumes, fondée par ceux de Cyme dans l'Eubée, avant la destruction de Troie; elle enfanta Naples et Zancle, qui, dans la suite, prit le nom de Messana ou Messine. De Zancle sortirent Himère et Myles.

1260 ou 900.

Métaponte, par les Pyliens à leur retour de Troie, puis repeuplée d'Achéens et de Sybarites.

756. Naxos, par les Chalcidiens.

753. Crotone, par les Achéens.

750. Léontinum ou Léontium, par ceux de Naxos, et peu après, Catane. 732. Syracuse, par les Corinthiens, et par Syracuse Acra, Casmène, Camarina. 725. Sybaris, par les Achéens, remplacée en 444 par Thurium.

723. Rhégium, repeuplée par les Messéniens.

707. Tarente, repeuplée par les Lacédémoniens.

683. Locres, fondée par les Locriens Ozoles; on prétend qu'elle fut précédée

par une autre de leurs colonies en 757.

667. Zancle, repeuplée par les Messéniens, et appelée Messine.

645. Sélinonte, fondée par les Mégariens.

605. Géla, par les Rhodiens.

de ces parages remontent même aux héros de la guerre de Troie. Philoctète ceignit Pétilie de nouvelles murailles; Métaponte fut fondée par Épéus, compagnon de Nestor; Éryx et Ségeste, par les Troyens; Drépane, par d'autres aventuriers de cette époque. Ces faits, même en les admettant comme vrais, n'auraient pu modifier le caractère du pays; car les quelques héros qui arrivaient sans femmes devaient nécessairement se mêler avec les vaincus.

Les graves pertubations du sol nous portent à croire que les premiers habitants de ces contrées choisissaient volontiers les montagnes pour y fixer leurs demeures, en laissant inhabités les rivages insalubres, jusqu'à ce que les atterrissements les eussent assainis. Les Grecs purent donc s'établir facilement sur ces plaines. Tandis que les naturels se multipliaient et augmentaient en forces dans les montagnes, où ils s'adonnaient au soin des troupeaux, les colonies maritimes s'enrichissaient et croissaient en nombre par l'industrie et le commerce.

Les indigènes répandus dans la campagne étaient réduits en servitude. Les premiers colons, s'ils avaient amené des serviteurs et des clients, conservaient sur eux l'ancien droit. Les autres Grecs qui venaient plus tard, n'étaient pas admis à l'égalité des droits (ἰσοπολιτεία).

Les colons apportaient la constitution de leur patrie; ainsi l'aristocratie prévalut dans les villes doriennes, dans les autres le gouvernement populaire. Néanmoins le fait même de la migration entraînait vers la démocratie; car les aristocrates n'avaient pas de traditions de puissance attachées au sol. La démocratie d'ailleurs, enrichie par le commerce, s'élevait à mesure que l'aristocratie s'affaiblissait. Parmi les Ioniens, le pouvoir n'était pas le privilége des races; les magistratures, il est vrai, appartenaient à une classe, mais on entrait dans cette classe par le cens. La lutte éclata bientôt entre les aristocrates et le peuple, qui, avec l'aide des esclaves, c'est-à-dire des indigènes réduits en servitude, les chassa des cités. Ainsi on enlevait l'administration aux familles nobles pour la remettre aux chefs des arts et métiers : révolution sanglante, et que révèlent les rares documents.

D'autres fois un oligarque s'associait avec le peuple et les vain

582. Agrigente, par Géla.

536. Élée ou Vélia, par les Phocéens.

510. Posidonie ou Pæstum, par les Sybarites.

444. Thurium, par les Athéniens.

433. Héraclée de Lucanie, par les Tarentins.

cus, ou se posait comme arbitre entre les pauvres et les riches, et devenait ainsi le tyran de la ville.

707.

Comme il n'entre pas dans notre intention de parler de toutes ces cités, sauf les principales, nous dirons que les colonies doriques n'eurent pas un centre commun, mais des communications fréquentes entre elles et avec la Grèce et la Sicile; elles brillèrent par l'éloquence et la poésie, eurent un grand nombre de vainqueurs dans les jeux Olympiques, une célèbre école de médecine à Crotone et des législations renommées. Tarente fut fondée par ces Tarente. Parthéniens ou bâtards nés de l'adultère légal des femmes spartiates, durant la guerre de Messénie. Devenue, après avoir dompté les Messapiens, les Lucaniens et d'autres peuples des environs, l'une des villes maritimes les plus considérables, elle jouit d'une très-grande prospérité, surtout entre le cinquième et le quatrième siècle avant J.-C. Ses richesses la corrompirent, mais non pas autant que ses vainqueurs voulurent le faire croire, car elle se conserva indépendante jusqu'au temps de Pyrrhus. Les Tarentins avaient apporté de leur patrie le culte d'Apollon Hyacinthien et le gouvernement aristocratique tempéré, que, dans la suite, après la guerre persique, ils remplacèrent par une démocratie modérée. La moitié des magistrats était tirée au sort, l'autre, élue à la piuralité des voix; la guerre ne pouvait être déclarée que du consentement du sénat. Tarente donna le jour à d'illustres citoyens, parmi lesquels elle compta le pythagoricien Archytas, mathématicien fameux (1), qui fut souvent à la tête de l'État et des

armées.

Les Achéens, unis aux Locriens, fondèrent Sybaris, qui, s'élevant promptement au plus haut degré de splendeur et de luxe, vit s'accoître considérablement sa population; elle étendit son autorité sur quatre nations voisines et sur vingt-cinq cités. La plaine qui s'étend entre le Crathis et le Sybaris était un marais malsain, que les Sybarites étanchèrent au moyen de canaux qui en avaient

(1) L'ode dans laquelle Horace fait parler Archytas, mort depuis longtemps, est, selon toute probabilité, une traduction ou une imitation d'une œuvre grecque. Ces premiers vers:

Te maris et terræ numeroque carentis arenæ
Mensorem cohibent, Archyta,

font allusion, selon nous, non à des opérations géométriques faites par ce phi losophe, mais à quelque solution ingénieuse trouvée par lui sur le sable; c'est sur le sable aussi que travaillait Archimède quand il fut tué par un soldat romain. Voy. liv. IV, chap. xxи, du présent ouvrage (tome III, p. 240-245).

972.

Sybaris.

725.

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