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fête de Mithras, à l'équinoxe d'automne : elles duraient six jours, les autres quatre. Ces six solennités sont indiquées dans leur calendrier, qui est le mieux distribué parmi ceux des anciens, sous les titres de fêtes du soleil, du feu, de la victoire, de la liberté, du

œufs, des étoffes, des parfums, des objets rares, des chevaux ou de l'argent, en proportion de leur rang et de leur fortune. La plupart donnent de l'or, et s'excusent en disant qu'on ne trouve plus au monde rien d'assez beau pour entrer dans la garde-robe de Sa Majesté. Ceux qui sont employés dans les provinces adressent aussi au roi leurs compliments et leurs dons, sans exception aucune, chacun cherchant à l'envi à surpasser les autres et soi-même. Qu'on se figure dès lors combien le roi accumule durant ces jours de fête; il en distribue ensuite une partie parmi la foule immense du sérail. »>

On évalue à un million et demi de tomans (46 francs chacun), c'est-à-dire à 69 millions de francs, ce que le roi recueille en dons de ce genre, appelés le pichkech; et il est d'usage que personne ne se présente sans quelque cadeau devant le monarque persan. Plutarque et Élien nous racontent que le roi Artaxerxès Mnémon rencontra un jour un certain Sinétès qui, pris à l'improviste et n'ayant aucun présent à sa portée, courut puiser un peu d'eau limpide dans le creux de sa main; simple don qui, accompagné de paroles flatteuses, fut très-agréable au prince. Un autre, nommé Omisès, offrit au même souverain une grenade d'une grosseur extraordinaire, et le roi, concluant de là que cet homme ferait prospérer de même toute autre chose, l'investit de hautes fonctions. L'anecdote est, du reste, conforme au génie des Orientaux tant anciens que modernes.

Pour revenir au Neurouz, Chardin, auquel nous empruntons ce récit, continue en disant que les grands passent la journée à recevoir les visites et les dons de ceux qui dépendent d'eux, l'usage invariable en Orient étant que l'inférieur donne au supérieur, le pauvre au riche, depuis le mendiant jusqu'au roi. Les plus dévots passent, s'ils le peuvent, les premiers jours en prière dans leur logis. Ils se purifient à la pointe du jour en se lavant tout le corps, puis ils mettent du linge blanc, s'abstiennent des femmes, font des oraisons extraordinaires, outre leurs prières habituelles; enfin ils lisent le Koran et autres livres de piété, pour se procurer une année heureuse.

Les Persans sont chiytes, comme on sait; prétendent qu'Ali a reçu de Mahomet le califat le jour même de l'équinoxe. C'est ce qui rend cette fête plus' sacrée et fait qu'elle n'est pas mobile, mais réglée par l'année solaire, quoiqu'ils suivent habituellement l'année lunaire.

La science, curieuse de puiser des renseignements aux sources les plus diverses, s'imagina de déduire de cette solennité l'ère de Schemschid ou d'Achémène, fondateur de la dynastie perse. Voici de quelle manière : Schemschid régla le calendrier et institua la fête du Neurouz, qu'il plaça naturellement à la fin de l'année; or Strabon dit que les mariages des Perses se concluaient à l'équinoxe de printemps, et Langlès vérifia, sur le calendrier réformé par Gelaleddin, qu'ils se faisaient les 26 et 27 février. De Strabon à Gelaleddin, le calendrier, dans un espace de onze siècles, se déplaça d'un peu moins d'un mois. Si donc le mois azer, qui, selon Gelaleddin, correspond à novembre, se trouvait à la place de farvardin, ou mars, et si l'on veut expliquer un tel changement par l'effet d'une irrégularité progressive, il faudra faire remonter l'origine du calendrier de Schemschid et le commencement de l'empire persan à plus de 350 ans avant J.-C.

On voit combien sont gratuites les suppositions qui amènent cette conclusion ingénieuse.

génie et de la création. Celles du soleil se célébraient aux quatre époques solaires; celles du feu le 2 de février, à cause du retour de cet astre, et en novembre pour son renouvellement ; celles de la victoire rappelaient les triomphes de Féridoun sur Zoak et l'extermination des créatures d'Ahrimane. Lors des fêtes de la liberté, on plantait des cyprès, et l'on accomplissait d'autres rites assez semblables aux saturnales des Romains. Au commencement de novembre, avait lieu la commémoration des morts, que l'on croyait venir à cette époque visiter leurs parents; on les accueillait donc avec des prières et des cérémonies.

Les sept temples principaux du feu sont aussi en relation avec les planètes. Ce penchant aux idées astronomiques n'apporte pas peu de confusion dans l'histoire : les astres prennent une forme humaine, et les hommes montent au séjour des étoiles; de sorte que l'on passe sans cesse des événements terrestres aux révolutions sidérales.

Les Naskas offrent un caractère plus savant que les Védas; car les puissances célestes s'y trouvent hiérarchiquement disposées sous la suprématie d'Ormuzd. Burnouf croit que l'opposition du magisme ne consiste pas dans les Védas, mais dans les évolutions postérieures, d'où sortit la mythologie des Pouranas. Le noeud de la différence est dans la question du mal et dans le rapport de la nature humaine avec la nature divine. La doctrine des Naskas conçoit un Dieu souverain, auquel sont subordonnées les puissances du ciel et les créatures, tandis que les Védas ne lui assignent point une supériorité absolue.

Peut-être, à l'introduction de cette réforme, œuvre de Zoroastre, les populations mèdes se séparèrent-elles des Indiens; mais, si on laisse de côté tout l'appareil astronomique, on trouve que, sous le rapport du langage, de la poésie et des traditions poétiques, la Perse se rapproche beaucoup de l'Inde, avec laquelle le magisme primitif était peut-être en communauté de croyances. Il admet, en effet, avec la période de douze mille ans, l'unité infinie et incréée, qui produit, embrasse et résume la création finie seulement : le dualisme y prévaut sur le panthéisme, et l'idée de l'émanation le cède à celle de la création; le fini et l'infini, le réel et l'idéal y sont plus distincts, et le monde, au lieu d'être une génération divine opérée par l'amour est pour les mages un antagonisme, un mélange de contraires en lutte. Or, comme l'homme est partie agissante dans ces combats, il ne peut tomber dans la torpeur insouciante des Indiens; tout l'excite, au contraire, à l'activité morale. Mais chaque chose, en se distinguant, se rapetisse, puis

Rapports

avec l'Edda.

Avec les Hébreux.

qu'on ne contemple Dieu que sous l'aspect de temps infini; puis on voit disparaître la métempsycose indienne avec sa magnifique alternative de création et de destruction, attendu que la réflexion subjugue et enchaîne l'intuition.

La partie mythologique ressemble beaucoup aux mythologies septentrionales et à l'Edda, où se révèle, bien que moins poétiquement, la même vénération pour la nature, pour les purs éléments de la lumière et du feu : ce qui n'est pas le moindre des arguments en faveur de l'opinion qui veut que les Germains soient issus des Perses, ou plutôt qu'ils soient leurs frères.

Mais il n'est pas de peuple dont les doctrines religieuses aient plus d'analogie avec celles des Hébreux. Ce Dieu, père de la lumière incréée, ce Verbe éternel qui fait toutes choses, les sept Esprits prosternés devant le trône du Très-Haut, l'armée céleste qui l'environne, le premier séjour de l'homme, la puissance du prince des ténèbres, chef d'esprits rebelles, tout cela est d'accord avec les dogmes hébreux. Les Perses, après tant de mélanges, n'ont pu se confondre avec aucun peuple païen; ils abhorraient l'idolâtrie et le fétichisme plus énergiquement encore que les Hébreux. Chez les Perses, comme en Judée, le sacerdoce résidait dans une seule tribu; ils distinguaient les animaux en purs et en impurs; ils avaient souvent recours aux purifications, et repoussaient avec grand soin les lépreux, qu'ils appelaient esclaves d'Ahrimane; ils savaient qu'un jour un Rédempteur, précédé par une étoile, viendrait relever l'humanité déchue. Ormuzd, comme Jéhovah, était une puissance qui ne pouvait être vue que par l'esprit, sentie que par le cœur; elle était à l'abri des malédictions que les prophètes faisaient entendre contre les idoles de bois et de métal, immobiles et muettes. Aussi le prophète hébreu Jonas fut-il écouté à Ninive, et les mages admirent dans leurs rangs l'autre prophète, Daniel. L'Évangile, tandis qu'il représente les prêtres de Moïse effrayés à l'apparition du Messie, fait venir les mages pour lui rendre le premier hommage des nations.

La religion des Perses se montre en tout si voisine des traditions primitives qu'un auteur les a nommés les puritains du gentilisme (1). Un autre croit que l'Écriture sainte, à cause de cette ressemblance, appelle Cyrus l'oint du Seigneur, et que le Messie s'est d'abord révélé aux mages (2). Le feu a toujours servi, dans une certaine mesure, à exprimer les intentions de Dieu envers

(1) PAYNE KNIGHT, Inquiry into the symbol. ling. § 92.
(2) SCHLEGEL, Histoire de la littérature.

l'homme, attendu que l'empire de l'homme sur la nature a commencé par la soumission du feu. Le feu est le fondement de l'institution domestique; il a une apparence de surnaturel qui le rendit sacré sur l'Indus et le Gange comme sur l'autel de la Vesta italique, dans le buisson de Moïse comme dans les encensoirs chrétiens. Le feu n'était pas une divinité pour les Perses, mais le signe ou le souvenir de la prière et d'une force supra-sensible: image du feu primitif qui joint Ormuzd à la durée infinie, produit tout ce qui existe de mieux sur la terre, et, par son union avec l'eau, engendre la lumière. Voilà pourquoi le feu, disséminé partout, était porté devant les rois, et, sous le nom de Dadgab, resplendissait dans les foyers sacrés que l'on alluma d'abord sur la terre nue puis sur des autels, enfin sous les voûtes des temples (ateschgad, TUрEiα), figurant le ciel et construits à jour, afin que le vent pût librement répandre de toutes parts la suave odeur de la flamme d'Ormuzd.

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Le culte des éléments et des astres est chez eux si raffiné, il se rattache tellement à l'idée d'un être éminemment bon, que l'on ne saurait accuser les Perses de panthéisme, encore moins d'idolâtrie. Ormuzd dirige même la surveillance immédiate des choses confiée aux anges, et une invocation du Yaçna (ch. 8), dit : « Selon «< ton désir, ô Ormuzd, commande heureusement à tes créatures; << selon ton désir, à l'eau; selon ton désir, aux arbres; selon ton « désir, à tous les biens, dont la semence est pure. Donne l'empire « au saint, enlève-le au darvand; que le saint soit un roi puissant, « et que le darvand ne le soit point. Fais disparaître l'ennemi du << peuple de l'être excellent, et le roi qui n'est pas selon ton <«< cœur. Que par moi Zoroastre s'élève et répande dans les lieux, <«< dans les chemins, dans les villes, dans les provinces, cette loi «< qui enseigne à être pur d'esprit, pur de parole, pur d'action, « cette loi de Zoroastre, homme d'Ormuzd. »

On a trouvé dans les ruines des bas-reliefs, des cylindres symboliques, et surtout des animaux fantastiques, d'où résulte la preuve qu'ils n'eurent pas d'éloignement pour les représentations figurées des objets de leur culte; mais ce fait n'atteste pas leur anthropomorphisme, et pourrait d'ailleurs provenir de leur contact avec les nations de l'Asie, et plus tard avec les Romains. Ce fut ainsi que le culte de Mithras et de Mithra, qu'ils empruntèrent anciennement aux Assyriens ou aux Babyloniens, prit une apparence d'idolâtrie (1). Mithra était cette Mylitta que nous avons vue l'objet

(1) HÉRODOTE, I, 102.

Mithras et

Mithra.

Morale.

d'un culte si honteux à Babylone, où elle était considérée comme un principe féminin de la création : déesse de la fécondité, de la vie, de l'amour, en même temps que de la stérilité, de la mort, de la vengeance, elle réunissait en elle les attributions que le polythéisme grec partagea entre Vénus, Proserpine, Ilithyie, Héra, Hécate, Artémis.

Mylitta était probablement la même divinité qu'Anaïtis, déesse de l'Arménie, honorée par les mêmes obscénités, et dont les temples, aux mille hiérodules ou prêtres, étaient très-fréquentés à Comane dans le Pont comme à Comane en Cappadoce. Le commerce, en se dirigeant vers les pays du Caucase, répandit les rites de ce culte, qui pénétrèrent même en Perse. Artaxerxès Mnémon fut le premier qui éleva dans Babylone, à Suse et à Ecbatane, un temple à Vénus Anaïtis, et qui enseigna aux Perses, aux Bactriens, aux habitants de la Damascène et de Sardes, à adorer cette divinité nouvelle (1).

Sous le nom de Mithras, on adora le feu céleste, et nous verrons ses rites, que quelques-uns croient très-anciens (2), d'autres, postérieurs même au christianisme, revivre et se développer même dans Rome impériale. Plutarque nous dit que Mithras était considéré comme le médiateur; ce qui veut dire qu'il participait de la nature des deux principes, soit en se plaçant entre eux comme conciliateur, soit en se faisant leur juge. Les livres zends nous le représentent comme le soleil ou comme le symbole de l'unité antérieure à Ormuzd et à'Ahrimane, et devant survivre à tous les deux. Nous voyons figurer dans les monuments mithriaques le globe du soleil, la massue, le taureau, symboles de la vérité suprême, de la suprême activité créatrice, de la suprême force vitale; trinité dont parlent les oracles de Zoroastre, et qui ressemble à celle de Platon le Bien suprême, le Verbe et l'Ame du monde; à celle d'Hermès Trismégiste : la Lumière, l'Intelligence et l'Ame; à celle de Porphyre le Père, le Verbe et l'Ame suprême.

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Mais il est très-difficile de distinguer avec certitude, dans tout cela, la partie qui était communiquée à tous, et celle qui demeurait un secret sacerdotal; les croyances et les rites antiques qui survécurent, et les croyances et les rites qui s'introduisirent plus tard.

Dans la législation sacrée de Zoroastre, on admire surtout la moralité. Rendre l'homme semblable à la lumière, repousser loin

(1) BÉROSE, Fragm. ed. RICHTER, p. 70.

(2) Dupuis fait remonter les monuments mithriaques à 4500 ans avant J.-C.

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