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tation des amours contre nature, sentent l'exagération de la satire. Ces accusations d'ailleurs sont en partie démenties par ce que l'on sait de l'horreur qu'ils éprouvaient à voir, dans les gymnases, la nudité des garçons, et par l'austérité qu'attestent toutes leurs institutions. Il est vrai que les peintures obscènes de certains vases étrusques ne laissent pas que de venir à l'appui de ces imputations.

Les Étrusques avaient divisé l'année en douze mois, avec des noms particuliers, et subdivisés chacun en trois parties; ils appelaient ides le jour du milieu du mois, et la journée commençait à midi.

L'alphabet étrusque dirive de la source commune à ceux de l'Europe, et du phénicien; il s'écrivait de droite à gauche. Le pays, dès la plus haute antiquité, eut une littérature (1), et Varron semble indiquer un Étrusque, Volumnius, comme auteur de tragédies. Les Romains donnèrent aux comédiens le nom d'histrions, du mot étrusque hister. Ils invoquaient les Muses, inspiratrices des chants à la louange des grands hommes (2). Néanmoins nous n'avons rien conservé de leurs compositions, et leur langue même est pour nous un mystère. Lami, Lanzi, Passéri, Spanheim, Gori, Bourget, la font dériver du grec; Reinésius et d'autres, du phénicien; Mérula, de l'arabe; Bandetti et Schrieck, du Nord; mais, pour soutenir leur opinion, ils lui ont fait subir tant de changements et d'altérations qu'il en faudrait moins pour démontrer que la langue des Malais vient du latin (3).

Plaute en dit pis encore, Cistell. II, 3 :

Non enim hic, ubi ex tusco modo

Tute tibi indigne dotem quæras corpore.

(1) Romuli autem ætatem jam inveteratis litteris atque doctrinis... fuisse cernimus. CICERON, De Rep., II, 10.

Et SAINT AUGUSTIN, De Civ. Dei, XVIII, 24, dit que Romulus était venu non rudibus atque indoctis temporibus, sed jam eruditis et expolitis.

(2) CICERON, Brut. 19; Tuscul., IV, 2.

(3) Pour citer un exemple, on lit dans une des tables Eugubines :

Qu'on divise :

CVESTRE TIE VSAIESVVVEBISTITISTE TEIES.

Cvestre tie usaies vesv vvebis titiste teis,

Pour traduire :

Cuestor tie ogaç vesum vuebis Tideσts deies;

Les Étrusques avaient un si grand renom de savoir que les patriciens romains leur envoyaient leurs enfants pour les élever; leur pays fournit à Rome des hommes de lettres célèbres, et, jusqu'au temps d'Alaric, on allait en Étrurie consulter les augures pour le salut de la patrie. Ils furent également fameux dans la médecine (1); on sait encore qu'ils s'adonnèrent à l'étude des nombres, et les chiffres qu'on appelle romains sont probablement étrusques. Chose étonnante, on trouve chez eux des idées sur le feu central, analogues à celles que Fourier a récemment professées. Néanmoins le savoir pouvait-il se développer sur une grande échelle, et la poésie prendre un vaste essor, dans un pays où l'étude se renfermait dans le système sacerdotal et l'interprétation des signes célestes?

Les Étrusques inventèrent des instruments de musique, entre autres les flûtes tyrrhéniennes et le cor recourbé; c'était au son des flûtes qu'ils faisaient le pain et battaient les esclaves (2). On leur attribue l'invention des moulins à bras, des éperons des navires et de la balance dite campanienne. Les Romains leur empruntè

C'est-à-dire :

Questor dicit: Quascumque visum vobis constituite dies.

Niebuhr assure, et ce n'est pas à tort, que nous ne connaissons que la signification de deux mots étrusques : AVIL RIL, vixit annos. En sanscrit, Avi signifie vivre; RIs, couper, d'où le grec paíw, pnoow, le latin rodo et rado, l'allemand reissen, le russe riezu. Ri veut dire encore mouvoir, parcourir, d'où le grec péw, le latin ruo, le français rue, l'anglais ride. Ainsi, le ril étrusque pourrait dériver de l'un ou de l'autre, en considérant l'année comme un écoulement de temps, ou comme une division.

William Bentham a émis une opinion nouvelle devant l'Académie d'Irlande; selon lui, l'antique étrusque est identique avec la langue hiberno-celtique et l'irlandais, tel qu'on le parle dans ces îles. Conformément à cette opinion, il a donné la traduction de la cinquième, de la sixième et de la septième table Eugubine, parce que la matière en est plus importante. On y trouve exposés, ditil, la découverte des îles Britanniques, faite par les Étrusques, et l'usage de l'aiguille aimantée pour la navigation. La sixième commence en invitant à se partager ou à prendre à ferme les terres occidentales, où sont trois îles d'un sol riche et fertile, avec beaucoup de bœufs, de moutons et de daims noirs, outre les mines et de belles eaux. La septième finit en rappelant aux Phéniciens que les îles découvertes peuvent accroître le commerce, protégé par la mer contre les ennemis, et qu'elles pourraient encore offrir un asile dans le cas où leur pays serait envahi par des ennemis. L'inscription fut faite trois cents ans après le grand brutt souterrain.

(1) Τυῤῥήνων γενέαν φαρμακοποιὸν ἔθνος. Les Tyrrheniens, race de médecins. ESCHYLE ap. Théophraste, IX, 15.

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rent la bulle d'or, signe distinctif de la noblesse, les faisceaux consulaires, les licteurs, la prétexte, la toge virile, la chaise curule, a chlamyde des triomphateurs (1), les anneaux des chevaliers, la chaussure des sénateurs et des guerriers, les couronnes triomphales, la faucille à élaguer, les jeux de la scène et du cirque, les cérémonies des féciaux.

On pourra demander pourquoi les villes étrusques n'ont pas fourni un historien, un poëte, un philosophe, comme tant de colonies grecques; comment il se peut que des villes faisant un si grand commerce n'aient pas frappé des monnaies, si bien que celles qu'on retrouve à Populonia, en argent, et à Volterra, en cuivre, ne remontent qu'à l'an 300 avant J.-C.; pourquoi l'Étrurie n'a pas produit un législateur ou un héros dont le nom ait traversé les siècles et soit arrivé jusqu'à nous. Nous pensons qu'il ne faut accuser que notre ignorance: ce n'est que d'hier que nous nous sommes mis à rechercher nos antiquités, et certaines contrées de l'Italie sont moins connues que l'Égypte et Ceylan. On aurait pu dire, il y a une vingtaine d'années, que les Étrusques ne firent jamais de vases, parce que les Latins n'en disent pas un mot.

Caton avait recueilli des mémoires sur chacune des villes étrusques, et les anciens auteurs nomment trente-trois historiens ayant écrit sur la fondation des cités italiques, dont Élien porte le nombre à onze cent quatre-vingt-dix-sept (2). Varron affirme que les nnales étrusques remontaient à l'origine de chaque ville. Au lieu, d'employer le siècle usuel de cent ans, on faisait commencer le siècle étrusque le jour de la fondation de chacune des villes, et finir à la mort du dernier de ceux qui étaient nés ce jour même; cela prouve que les Étrusques tenaient registre des naissances et des décès. Parmi les pertes littéraires les plus déplorables, il faut certainement compter l'histoire des Tyrrhéniens, écrite par l'empereur Claude; les Romains, en effet, dédaignant d'une part ce qu'ils trouvaient parmi les peuples conquis, et désirant de l'autre rabaisser un peuple qu'ils avaient eu pour maître, puis pour instituteur, gardèrent tellement le silence à son égard qu'ils font à peine mention des merveilles qu'il a laissées, de ses murailles, de ses tombeaux.

(1) Il semble que, dans l'intention des Italiens, cette magnificence extérieure avait quelque chose de symbolique et qui rapprochait les hommes des dieux. C'est pourquoi le triomphateur à Rome était vêtu en Jupiter, et, comme la statue de ce dieu au Capitole, avait la figure teinte en minium. Enumerat auctores Verrius, quibus credere sit necesse, Jovis ipsius simulacri faciem diebus festis minio illini solitum, triumphantumque corpora. PLINE.

(2) Histoires diverses, IX, 16.

HIST. UNIV,

T. II.

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Beaux-arts.

La question de savoir si les murs de Cortona, de Ruselles, de Fésules, de Volterra, de Populonia, d'Aurinia, de Signia, de Cosa, faits d'énormes polygones, dans le genre que nous nommons cyclopéen, appartiennent aux mystérieux Pélasges ou aux Étrusques, reste encore à décider. La porte d'Hercule à Volterra offre une voûte parfaitement circulaire de dix-neuf grosses pierres taillées. Pour régulariser le cours du Pô et de l'Arno, à leur embouchure, ils pratiquèrent des canaux de décharge et de nouvelles issues; une voie d'écoulement fut ouverte au lac Albano, et ils avaient même songé à canaliser tout le Pô, travail qui n'est pas encore accompli. L'ordre toscan de leurs temples tient du dorique, avec d'importantes modifications; mais il n'en reste aucun. Selon Vitruve, ils avaient la forme d'un carré long, divisé en trois compartiments, dont le plus grand était celui du milieu. Le pronaos était orné de colonnes dans le style auquel l'Étrurie a donné son nom; au-dessus était le tambour avec des frontispices soigneusement ornés. Le temple de Cérès à Rome, élevé près du grand cirque par le dictateur A. Posthumius, 494 ans avant J.-C., et démoli par Auguste, peut être considéré comme un modèle de ces constructions. Il faut, à coup sûr, attribuer aux Étrusques les ouvrages les plus anciens de Rome, tels que les murs extérieurs du Capitole, le parapet du Tibre, le grand égout (cloaca maxima), qui est une merveille. Sa voûte demi-circulaire, d'un rayon de dixhuit palmes romaines, est surmontée d'une seconde, et celle-ci d'une troisième, toutes en grosses pierres de péperin taillées, longues de sept palmes et un quart, hautes de quatre et un sixième, et ajustées sans ciment. En 1742, on découvrit un autre aqueduc, non moins extraordinaire, enfoncé à quarante palmes sous le sol actuel, de travertin, et, dès lors, plus récent; peut-être il est 'postérieur à la guerre punique : les tremblements de terre, les maisons qu'on a bâties au-dessus, quinze siècles d'abandon, n'en ont pas dérangé une pierre. L'amphithéâtre de Sutri, de mille pa de tour et creusé dans le roc, est aussi étrusque, de même que le thâétre d'Adria, et peut-être encore l'amphithéâtre de Vérone (1). La route

(1) Voy. MARIANNA DIONIGI: Viaggio in alcune città del Lazio che diconsi fondate dal re Saturno; Rome, 1809. Voyez aussi Petit-Radel: Voyage dans les principales villes de l'Italie; Paris, 1815; et la lettre insérée dans les Annales de correspondance archéologique de Rome, 1829, où il promet une Histoire des recherches faites de 1792 à 1830 sur les monuments cyclopéens ou pélasgiques, et sur les caractères techniques et historiques qui les rattachent aux premières colonies grecques et à la civilisation de l'Asie Mineure. L'ouvrage n'a pas paru; mais la collection des modèles d'édifices pélas

pavée de Cæré à Véies subsiste encore. Volsinies, en phénicien, signifie la ville des artistes, et de cette ville les Romains enlevèrent deux mille statues (1).

La description que Varron donne du tombeau de Porsenna, près Clusium, rappelle le labyrinthe de Crète; bâti en pierres taillées, ayant chaque côté large de trois cents pieds, haut de cinquante, il était surmonté de cinq pyramides de soixante-quinze pieds de largeur et de cent cinquante de hauteur (2). Les tombeaux de Castel Dosso et de Norchia, les uns de forme égyptienne, les autres de style dorique, sont, par l'architecture extérieure, les plus imporgiques faite par lui, et déposée à la bibliothèque Mazarine, sera toujours précieuse.

(1) Voy. PLINE, Hist. nat., XXIV, 16.

(2) « Comme l'invraisemblance, dit Pline, passe toutes les bornes, nous emprunterons pour le décrire les paroles mêmes de Varron. Porsenna fut enseveli près de la ville de Clusium, dans un lieu où il avait fait construire un monument en pierres carrées; chaque côté a 300 pieds de longueur, 50 de hauteur, et la base, qui est carrée, renferme un labyrinthe inextricable, dont on ne pouvait trouver l'issue si l'on y entrait sans un peloton de fil; au-dessus de ce carré sont cinq pyramides, quatre aux angles, une au milieu, larges à leur base de 75 pieds, hautes de 150, dont les sommités supportent chacune un globe de bronze et un chapeau d'où pendent, attachées à des chaînes, des clochettes qui, agitées par le vent, portent leur son au loin, comme il en était autrefois à Dodone. Au-dessus de ces globes sont quatre autres pyramides hautes chacune de 100 pieds; par-dessus ces dernières pyramides, et sur une plate-forme unique, étaient cinq autres pyramides dont Varron a eu honte de mentionner l'élévation; mais les fables étrusques les disent aussi hautes que tout le monument. » Hist. nat., XXVI, 19.

Il est étrange que, malgré tous les efforts des artistes, on ne puisse que bien difficilement dresser un plan exact de la plupart des constructions antiques dont les auteurs nous ont laissé la description. Aucune, au surplus, n'a offert plus de difficultés que celle-ci, sur laquelle on a écrit les choses les plus extravagantes. Le père Angelo Cortenovis (Sul mausoleo di Porsenna, 1799) y a vu une grande machine électrique. Letronne en nie tout à fait l'existence (Journal des savants, avril 1817, et Mémoires de l'Acad., t. IX, 1831, p. 372; Annales de l'Institut de la correspondance archéologique); il suppose que c'est une fiction dans le genre du palais d'Osymandias en Égypte, ne pouvant considérer comme autre chose la construction impossible de pyramides sur pyramides, appuyées sur des globes, etc. Quatremère de Quincy substitue un chapeau au globe surmontant les cinq pyramides; selon lui, le second et le troisième supra indiquent, non un édifice superposé, mais une construction. placée plus haut. Dans les Annales de l'Inst. de la corresp. arch. pour l'année 1829, déjà citées, le duc de Luynes, en critiquant la restauration de M. Quatremère, en propose une autre qui offre les mêmes difficultés générales, indépendamment de celles de détail. Le fait est que l'on ne peut reconstruire raisonnablement ce qui peut-être n'a jamais existé que dans l'imagination où dans des chants poétiques, comme le bouclier d'Achille. Il est d'ailleurs impossible qu'un édifice aussi merveilleux, conservé comme sacré par la vénération d'un peuple artiste et sacerdotal, eût été détruit en quatre ou cinq siècles, de manière à ne pas laisser de traces. Or, nulla vestigia exstant, dit Pline.

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