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chants (1). Les aïeux étaient, par ce motif, inhumés dans la maison. Le foyer domestique était l'autel des lares, et leurs images se conservaient dans le laraire, sanctuaire placé dans l'atrium. Souvent les månes revenaient visiter leurs parents; puis, à des solennités déterminées, ils sortaient tous de leurs asiles funèbres, et, à cette occasion, on célébrait leur commémoration.

On a cherché à ramener les nombreuses divinités du panthéon étrusque à la trinité, introduite à Rome après Tarquin l'Ancien; d'autant plus que, selon Servius, la loi exigeait, dans la construction des cités étrusques, qu'il y eût trois portes, trois temples, trois divinités, Jupiter, Junon, Minerve. Ainsi, les divinités que nous regardons comme distinctes n'étaient peut-être que des représentations variées du même dieu : Tina (Jupiter) apparaît tantôt comme le Zeus olympique, tantôt avec le lierre de Bacchus, tantôt avec le laurier d'Apollon, tantôt avec les rayons comme le Soranus sabin; il est Terme pour défendre les confins, Quirinus pour la guerre, et divinité chthonienne. Junon, dont nous ignorons le nom étrusque, ressemble parfois à Vénus; elle est tantôt Populonia comme déesse du peuple, et tantôt Libera comme femme de Jupiter Bachique (Liber). Minerve, identique avec Nortia, Valentia et Illitia, préside au destin. Fortuna et Palès, des quatre pénates étrusques, s'identifient avec Minerve et Jupiter. Quant à Cérès, peu connue en Étrurie dans les temps reculés, elle ne saurait être que la double expression de Junon. Le génie Jovialis, père du miraculeux Tagès, signalé comme la quatrième divinité pénate, était regardé comme le fils de Jupiter et le père des hommes. Plus tard les étrangers et les aborigènes firent accepter aux Étrusques un cercle plus étendu de divinités et de génies; bien plus, ils empruntèrent tant d'idées helléniques, soit aux anciennes traditions des Pélasges, soit à celles des colonies, qu'un grand nombre de leurs vases paraissent avoir été peints dans des contrées grecques. En général, nous ne trouvons pas chez eux, comme chez les Grecs,

(1) MAR TIANUS CAPELLA, de Nuptiis Philologiæ et Mercurii, etc., II, 62, d'accord avec les anciens, dit : « Verum illi (Hetrusci) manes, quoniam corporibus illo tempore tribuuntur, quo fit prima conceptio, ctiam post vitam iisdem corporibus delectantur, atque cum iis manentes appellantur Lemures. Qui si vitæ prioris adjuti fuerint honestate, in Lares domorum urbiumque vertuntur; si autem depravantur, ex corpore Larvæ perhibentur ac Maniæ. » Sur la religion des Etrusques, voy. la Symbolique de FR. Creuzer, admirablement traduite par M. GUIGNIAUT, 1825-1851; voy. surtout, d'Ottfried Müller, les Étrusques, 1828.

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des divinités querelleuses et dissolues; mais, si nous n'avons pas des notions plus claires sur leur religion, c'est parce que leur doctrine resta le secret des prêtres, uniques dépositaires de la science et du langage allégorique et sacré.

ment.

Nous savons cependant que les rites étaient nécessaires à la con- Gouvernesécration de tout acte public ou privé, comme dans l'Orient, et que les hommes avaient aussi pour guide l'interprétation des songes, des phénomènes, des mouvements des astres; néanmoins il n'y avait pas de théocratie pure comme dans l'Inde, car le patriciat commence l'activité citoyenne et prélude à l'indépendance des droits politiques. La noblesse, c'est-à-dire lá race conquérante, se composait de seigneurs où lucumons (1), qui, guerriers et prêtres, comme les Chaldéens, tenaient, de leurs manoirs situés sur les hauteurs, les habitants de la plaine dans la sujétion. Chaque villé avait un lucumon, qui rendait justice tous les neuf jours, et siégeait les autres jours dans les assemblées générales, tenues à Vulsinies ou Vétulonies.

Le chef de la confédération était choisi parmi les lucumons (2); il avait pour insignes la robe de pourpre, la couronne d'or, le sceptre surmonté de l'aigle, la hache, les faisceaux, la chaise curule et douze licteurs : chacune des douze villes lui en fournissait un.

Les classes inférieures, qui formaient la plèbe, divisées en tribus, curies et centuries, étaient dépendantes (clientes) des classes supérieures. L'État se composait donc du lucumon, des nobles et des plébéiens.

Les douze villes étaient diversement constituées à l'intérieur, mais toutes élisaient ensemble un pontife suprême pour les fêtes nationales. Le territoire de chacune d'elles comprenait plusieurs autres villes provinciales, colonies ou sujettes, qui, habitées par la race indigène subjuguée, étaient privées des droits qu'obtint la plèbe romaine, et n'avaient point d'assemblées, puisque tout se décidait dans la réunion des lucumons.

(1) Il paraît cependant que tous les seigneurs n'étaient pas lacumons, mais seulement ceux que l'assemblée des nobles destinait à présider au gouvernement des villes.

(2) Les Romains donnèrent à Porsenna le titre de roi, faute de bien comprendre ce qu'il était. Il en est qui ont prétendu trouver une série de rois issus de Janus, et Dempster fait régner, dans l'espace de 2,500 ans, quatre dynasties : les Janusiens, les Corythes, les Lartes, les Lucumons. Ottfried Müller part des institutions de l'ancienne Rome pour deviner les institutions civiles de l'Étrarie, en supposant que cette dernière donna les siennes à l'autre; mais il fallait le prouver.

Ce système était un obstacle à l'énergie, qui naît de l'union : les rivalités entre les lucumons et de cité à cité, la jalousie des classes inférieures, les haines de partis et de races déchiraient le pays; elles empêchèrent les Étrusques de former cette grande ligue des peuples italiens que les Pélasges avaient tentée avant eux, que les Samnites tentèrent aussi sans succès, et que Rome réalisa enfin, mais par la force.

Des factions naissaient sans doute parmi les familles dominantes, mais toujours dans le sens oligarchique, sans que jamais le peuple, la commune, eût occasion de se constituer. Le vulgaire était exclu des armées, qui, par ce motif, se réduisaient à la cavalerie. Vulsinies fut la seule ville qui, attaquée par les Romains, arma la classe inférieure, les laboureurs, les vaincus, et put ainsi faire résistance ; ceux-ci, en récompense de leur concours, obtinrent les droits de cité, celui de tester, de contracter alliance avec la noblesse, de siéger dans le sénat. Une pareille révolution fut représentée comme un événement affreux, peut-être à cause du dépit qu'en éprouvèrent les nobles. Mais, si toutes les autres villes en eussent fait autant, la commune plébéienne se serait formée, et la force en eût été le résultat; en effet, lorsque plus tard elles se soulevèrent contre Sylla, on les vit résister avec opiniâtreté, parce que la domination romaine avait effacé les anciennes distinctions.

Cependant les Étrusques étendirent au loin leurs colonies, et, différents des autres conquérants, au lieu de détruire des villes, ils en fondèrent beaucoup. Semblables en cela aux Pélasges, ils faisaient prédominer les idées et les nombres symboliques; ainsi nous comptons douze cités dans l'Étrurie, douze sur le Pô, douze dans l'Italie méridionale (1), toutes construites sur un plan carré, orientées selon la prescription de l'augure, et embrassant le plus souvent deux collines, dont la plus élevée portait la citadelle.

Que l'on veuille faire dériver le nom des Tyrrhènes du grand nombre des tours qu'ils élevèrent, ou de Tiremh, cultivateur, le mot indique toujours leur industrie. Ils avaient pour l'agriculture une telle vénération qu'elle était sous la surveillance spéciale d'un collége de prêtres arvales, et que la charrue traçait l'enceinte des nouvelles cités : l'art de l'agriculteur était à leurs yeux le lien de la vie sociale; n'avaient-ils pas d'ailleurs conquis le sol de la patrie sur les eaux du Clanis et de l'Arno, qu'ils exhaussèrent au moyen de comblées.

(1) Toutes leurs mesures et leurs divisions sont des multiples ou des sous-multiples de 12 et de 10. La mesure agraire (vorsus et versus) est, comme le plèthre grec, un carré de 100 pieds.

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Au lieu d'élever des pyramides et des obélisques, pompeuses inutilités, ils creusèrent des aqueducs merveilleux, comme celui qui, traversant la Gonfolina, leur permit de déssécher le lac entre Segna et Prato, dont les eaux couvraient l'emplacement où s'élève aujourd'hui Florence; ils en pratiquèrent un autre près d'Incisa, pour assainir le Val d'Arno supérieur. Ils détournèrent les eaux des marais du Pô, dans le voisinage d'Adria, et comblerent la Chiana. Ils ouvrirent ailleurs, dans des lacs stagnants et dans des cratères éteints, des canaux souterrains, semblables aux puits artésiens modernes. Néanmoins, malgré toute leur habileté, ils ne purent améliorer l'air de la Maremme, où, alors comme aujourd'hui, l'on disait qu'on s'enrichissait en un an et qu'on mourait en six mois.

Au dehors, ses habitants dominaient seuls sur les mers environnantes, qui prirent d'eux, l'une le nom de Tyrrhénienne, l'autre celui d'Adriatique. Quand Milet se fut rendue aux Perses, les navires tyrrhéniens sillonnaient la Méditerranée, en concurrence avec ceux des Phéniciens (1). Agylla fournit soixante galères pour combattre les Phocéens, dans les eaux de la Sardaigne; les Étrusques furent même appelés les maîtres de la mer (2). Ils essayèrent aussi de franchir le détroit et de coloniser une île inconnue; mais ils en furent empêchés par la jalousie des Carthaginois. Ils ouvrirent au commerce plusieurs ports, dont Luna, dans le golfe de la Spezia, était le plus important; il paraît que les premiers citoyens se livraient au commerce, l'Étrurie servant presque d'intermédiaire entre la mer et le reste de l'Italie. Leurs monnaies, quoiqu'on n'en découvre pas encore de fort anciennes, témoignent d'un beau système monétaire, et le grand nombre de scarabées et d'autres, ouvrages tirés de leurs tombeaux a fait penser qu'ils avaient des rapports de commerce avec les régions du Nil, avec la Cyrénaïque et la Baltique.

Comme tous les peuples anciens, ils abusèrent de leur puissance maritime jusqu'à exercer la piraterie; les pirates tyrrhéniens avaient un si terrible renom que les Rhodiens conservaient à titre d'honneur dans leurs temples les rostres enlevés à leurs navires. Hiéron de Syracuse arma contre eux pour en délivrer les mers; il les vainquit, et leur défaite dut être bien décisive, puisque, les Syracusains ayant entrepris peu après de conquérir l'île d'Elbe, aucune flotte tyrrhénienne ne protégea la Corse, et l'en

(1) HÉRODOTE, VI, 17.

(2) Ναυτικαῖς δυνάμεσιν ἰσχύσαντες, καὶ πολλοὺς χρόνους θαλαττοκρατήσαντες. DIODORE, V, 40.

Luxe des Btrusques

nemi ne s'en éloigna qu'à prix d'or; il en fut de même quand Denys menaça la place de Cæré. Quoi qu'il en soit, l'Étrurie, lorsqu'elle était déjà en décadence, passait encore pour la province la plus riche, la plus forte et la plus populeuse de l'Italie (1).

Les Étrusques cependant nous apparaissent comme une tribu presque isolée, qui, bien qu'elle appartienne à la famille grecque, conserve beaucoup d'éléments de formation originale. Peuple agriculteur et habitant les villes, très-propre à tous les arts de la vie, il éleva, par d'excellentes institutions, l'existence sociale à un haut degré de puissance. Une noblesse austère rachetait son orgueil par la conservation de l'ordre; c'est elle qui développa et enracina les idées religieuses, appuyées sur l'autorité du sacerdoce ; aussi une austérité sévère et sombre devint-elle le caractère de ce peuple. Sa religion se déploya dans un système bien ordonné, où l'on expliquait l'origine et les destinées de l'homme, où les dieux et les mortels furent unis sous l'empire des mêmes lois, qui les mettaient dans un rapport continuel. Il dut nécessairement en sortir le dogme, que la chose la plus importante est l'ordre; en effet, c'est par la force puisée dans l'ordre que ce peuple domina longtemps sur les plus belles contrées de l'Italie, et déploya grandement son industrie.

Mais beaucoup d'éléments étrangers se mêlèrent à cette originalité ; un grand nombre de Grecs, venus probablement de l'Asie Mineure, leur apportèrent des modes et des usages, qu'il est d'ailleurs difficile de distinguer des coutumes indigènes.

Par suite des relations avec la Grèce et l'Asie, le luxe augmenta chez les Étrusques, et les festins, où les femmes étaient admises, devinrent une occasion d'étaler une grande magnificence en mets et en vêtements; ils étaient même particulièrement renommés pour la délicatesse des assaisonnements (2). Les infamies dont Théopompe charge les Toscans, la communauté des femmes, l'osten

(1) Etrusci campi... frumenti ac pecoris et omnium copia rerum. TITELIVE, XXII, 3. Etruscos... gentem Italiæ opulentissam armis, viris, pecunia esse. X, 16.

(2) La saucisse lucanienne s'est conservée dans les dialectes d'Italie. Obesus Etruscus. CATULLE, XXXVII, 11. Pinguis Tyrrhenus. VIRGILE, Georg. II, 193.

16.

Voir aussi l'Eneide, XI, 735; Théopompe ap. ATHÉNÉE, XII, 3; DENYS, IX,

De leurs femmes, belles au point que Théopompe les appelle tàs byɛiç xadás, Horace nous donne une triste idée, Odes, III, 10:

Non te Penelopen difficilem procis
Tyrrhenus genuit parens.

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