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par le millet (1). On faisait des vins exquis et d'espèces diverses; Horace, même après que l'on connut la Grèce et l'Espagne, vante presque exclusivement ceux de la péninsule italique, et Pline dit qu'ils figuraient seuls sur les tables impériales. Le nom d'Italie vint, dit-on, du grand nombre de ses boeufs (2). Les porcs de la Gaule cisalpine nourrissaient des armées entières (3); la laine remplaçait la soie pour les vêtements des grands personnages, et la toile pour les tentes militaires. Celle d'Apulie était préférée aux toisons de la Milésie, et, pour la conserver saine et moelleuse, on couvrait les brebis de peaux. Avec les laines de Padoue, fines et soyeuses, on faisait des draps et des tapis (4); on en recueillait de très-blanches autour du Pô, de très-noire à Pollenza, et celles d'Espagne, quelque réputées qu'elles fussent, leur étaient inférieures pour la durée (5). La contrée abondait aussi en chevaux; ceux des Vénètes étaient recherchés au dehors, et l'Apulie nourrissait de nombreuses races (6).

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Nous trouvons des vestiges de leur antique sagesse pratique dans quelques-uns de leurs proverbes, cités par les Romains, et qui devaient avoir cours avant que la culture des champs fût abandonnée aux esclaves : << Triste agriculteur que celui qui achète «< ce que son fonds peut lui fournir. Triste maître de maison « que celui qui fait de jour ce qu'il peut faire de nuit, sauf le cas << d'intempéries. Plus mal avisé celui qui fait pendant les jours « de travail ce qu'il pourrait faire pendant les jours fériés. — Pire << encore celui qui travaille à l'abri plutôt qu'en plein air dans les << jours sereins (7). Le champ doit être plus faible que « le cultivateur, afin que celui-ci l'emporte dans la lutte (8). — Ne << laboure pas une terre humide (9). Semaille hâtive trompe sou<< vent; semaille tardive, jamais, à moins d'être mauvaise (10). — « Ne fraude pas sur la semaille (11). »

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On priait les dieux de faire prospérer la moisson pour soi et pour

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les voisins (1), et les censeurs punissaient celui qui labourait plus qu'il ne bêchait (2). Les prés étaient considérés comme la propriété la plus productive. On demandait à Caton quel était le premier moyen de s'enrichir par l'agriculture; il répondit: De bons prés. Le second? · Després médiocres. Le troisième? Després, même mauvais (3). Il disait encore: Bien cultiver, c'est bien labourer. Ainsi tous les préceptes ont trait à l'économie agraire, prédominante en Italie; en effet, ce n'est que par le morcellement et la culture assidue des champs que l'on peut expliquer l'existence de populations si nombreuses sur un territoire peu étendu. On creusait le sol pour extraire les marbres et les métaux, et le sénat romain défendit plus tard d'employer plus de quatre mille hommes aux mines du Vercellais (4). Les peuples venus du dehors eurent toujours soin d'occuper les côtes, parce qu'ils savaient que l'Italie était très-favorable au commerce. Les habitants de la partie supérieure trafiquaient avec l'Illyrie, et Adria était un marché renommé; à Gênes, les Ligures échangeaient du bois de construction, de la résine, de la cire, du miel, des peaux, contre du blé, de l'huile, du vin, des graisses, et ils expédiaient au dehors de grossières tuniques, dites ligustines. Les Brutiens exportaient de la poix et du goudron; les Vénètes, les Samnites, les Apuliens, de la laine. Les Sabins, par la voie Salaria, à travers le haut Apennin, allaient s'approvisionner de sel sur le littoral des Prétutiens, et les Ombriens l'extrayaient des cendres. Les Lipariotes, les Rutules, les Volsques, les Campaniens, parcouraient la mer sur des barques longues et rapides; les Ligures, sur de petites embarcations gréées grossièrement.

L'Hercule tyrien, c'est-à-dire le commerce, avait ouvert, trèsanciennement, une route commerciale à travers les Alpes; elle s'étendait même jusqu'à la Baltique, comme le prouve l'usage de l'ambre, que l'on apportait du Nord dans la haute Italie, d'où le recevaient les Romains et les Grecs; aussi donnèrent-ils au Pô le nom d'Éridan, qui est le fleuve lointain débouchant dans la mer Septentrionale.

La civilisation des Étrusques, qui, sur beaucoup de points, se montre originale, et sur d'autres grecque ou asiatique, paraît être sortie de la civilisation aborigène et de celle des Pélasges.

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Un jour qu'un paysan labourait son champ, Tagès s'élança du sillon; enfant par les formes, vieillard par la sagesse, comme l'Oannès de Babylone, il révéla une doctrine, fondement de la science des aruspices; c'est à lui et à Bacchès, son disciple, qu'on attribue les livres rituels (1). Ce mythe, auquel commence la vie stable des Étrusques, indique à la fois un peuple industrieux et sacerdotal. Bien qu'elle ne formât point une véritable caste, l'aristocratie sacerdotale était pourtant prédominante; elle excluait les étrangers et se fondait sur le droit divin et les auspices. Le sacerdoce, distribué hiérarchiquement, était héréditaire dans les familles ; les novices s'appelaient camilles, et le souverain pontife était élu par les suffrages des douze peuples de la confédération. Le collége des prêtres était l'arbitre de la paix et de la guerre; les rites présidaient au choix des magistrats, à la fondation des villes, aux campements, à la distribution du peuple en curies et en centuries. Les limites étaient sacrées, et sacrée l'agriculture. La propriété, le droit public et privé dérivaient de la divinité. La divinité ellemême avait ordonné de partager les terres, de vivre en bonné intelligence, de respecter les confins, sous peine de désastres, de pertes, de tonnerres et de tempêtes.

Au nombre des soins principaux des prêtres était l'observation du vol des oiseaux et du tonnerre. Les oiseaux se distinguaíent en joyeux, qui annonçaient bonheur et santé; en tristes, qui présageaient le contraire. Chacune de ces classes se subdivisait ensuite en plusieurs autres : volsgræ, qui se déchiraient avec le bec et les serres; remores, dont l'apparition retardait une entreprise; inhibæ,inebræ, enebræ, qui l'arrêtaient; arculvæ, arcivæ, arcinæ, qui la détournaient de son but. On n'est pas d'accord sur le sens des oscines et præpetes; mais il paraît que les premiers étaient les oiseaux dont le cri donnait un présage quelconque, propice ou sinistre; les autres, ceux dont le vol avait une signification favorable, surtout lorsqu'ils se dirigeaient en ligne droite vers l'observateur. Si un autre oiseau de mauvais augure (altera avis) apparaissait après celui-ci, l'augure antérieur était annulé (2).

(1) Rituales nominantur Etruscorum libri, in quibus præscriptum, quo ritu condantur urbes, aræ, ædes sacrentur, qua sanctitate muri, quo jure portæ, quo modo tribus, curiæ, centuriæ distribuantur, exercitus constituantur, ordinentur, cæteraque ejusmodi ad bellum, ad pacem pertinentia. FESTUS.

(2) On sait combien cette science, chez les Romains, influait sur la nomination des magistrats et sur toutes les affaires publiques. Le vol d'une chouette suspendait souvent les assemblées du peuple, parce qu'elle annonçait mort ou feu, tandis qu'elle était à Athènes du plus heureux augure. L'aigle, oiseau de

On disait que les prêtres étrusques savaient attirer (elicere) la foudre, qu'ils s'aperçurent qu'elle produisait des changements de couleur, tombait parfois du ciel et parfois sortait de la terre (1). Rituellement, ils distinguaient les foudres en fumida, sicca, clara, peremptalia, affectata... Les publiques regardaient l'État tout entier et donnaient un augure pour trente ans; les privées, un seul individu, et n'avaient d'influence que pour dix ans tout au plus; les domestiques, une seule maison, et se rapportaient à la vie entière: l'endroit où la foudre tombait était sacré.

D'un côté, on dit, à l'honneur des Étrusques, qu'ils furent exempts des fables grecques (2), et, de l'autre, on nous les donne comme les pères des superstitions. Nous savons que les prêtres de Tarquinies égorgeaient les prisonniers; d'autres fois, les augures étrusques se présentaient à l'ennemi vêtus en démons agitant des serpents et des torches allumées; ce qui ne peut s'accorder qu'en faisant une distinction entre la doctrine ésotérique et les croyances vulgaires. Dans le peu de documents qui ont survécu, la religion des Étrusques nous apparaît grave et mélancolique, comme la religion d'un peuple à qui était fixé d'avance le nombre de siècles que lui-même et le monde devaient subsister. Dieu créa le monde en six mille ans : dans la première période, le ciel et la terre; dans la seconde, le firmament; dans la troisième, les eaux; dans le quatrième, le soleil et la lune; dans la cinquième, les âmes des oiseaux, des reptiles et d'autres animaux vivant dans l'air, sur la terre et dans l'eau; dans la sixième, l'homme, dont la race durera autant que la création (3).

Jupiter, était toujours de bon augure chez les Étrusques et les Romains. Voir CREUZER, Symbolique.

(1) Etruria erumpere quoque terra fulmina arbitratur. PLINE, II, 53. (2) Sed Roma tam rudis erat cum relictis libris et disciplinis hetruscis, græcas fabulas rerum et disciplinarum erroribus ligaretur, quos ipsi Hetrusci semper horruerunt. CATON, Origines. Et PLACIDIUS LUTAT. (ex TAGES, Schol. ad Thebaidem Statii, IV, 516): Deum Demogorgona, cujus nomen scire non licet... principem et maximum deum, cæterorum minimorum ordinatorem.

(3) Ainsi, chez les Perses, nous trouvons les douze millénaires, divisés selon les signes du zodiaque; de même, chez les Indiens, notre âge doit finir dans douze mille années divines.

GOES, dans les Agrimensori, p. 258, rapporte ce Fragmentum Vegoiæ Arrunti Voltymno :

Scias mare ex æthere remotum. Cum autem Jupiter terram Hetruriæ sibi vindicavit, constituit jussitque metiri campos, signarique agros; sciens hominum avaritiam vel terrenam cupidinem, terminis omnia scita esse voluit, quos quandoque ob avaritiam prope novissimi (octavi) sæculi datos

Si nous devons nous en rapporter à Passeri (1), la philosophie secrète des Étrusques admettait un seul Dieu, une révélation, l'homme formé de la fange et déchu d'un état meilleur; les bons, après la mort, se transformaient en dieux; les fautes légères s'expiaient dans cette vie ou dans l'autre, et des peines éternelles étaient réservées aux pervers. Dans la religion du vulgaire, les trois divinités principales étaient Tina ou Jupiter, Cupra ou Junon, et Minerve; chacune d'elles devait avoir son temple dans toutes les villes confédérées. Douze dieux Consentes, six mâles et six femelles, assistaient Tina, âme du monde et cause première. Auprès de Tina, et parfois identifié avec lui, siégeait Janus, frère ou époux de Casamène, femme et poisson; il portait les clefs dont il ouvrait l'année, et de sa double face il regardait l'Orient et l'Occident. Les figues qui se donnaient en son honneur, avec des feuilles de laurier, pour étrennes, au commencement de l'année, révèlent suffisamment l'origine agreste de son culte.

Les hommes, les maisons, les villes, les dieux eux-mêmes, avaient leurs génies gardiens, êtres intermédiaires entre l'humanité et la Divinité. Tout homme en a deux près de lui: l'un occupé à le diriger au bien, l'autre à le pousser au mal. La maison, avec toutes les joies qui l'accompagnent, est gardée par les lares, tandis que les pénates, génies de la divinité, répandent l'abondance et les plaisirs, veillent au triple bien de la patrie, de la famille et de la propriété. Les pénates étaient ou publics ou domestiques; aux premiers, qu'on adorait dans les temples, présidaient Jupiter et Vesta. Les pénates domestiques avaient leur culte dans la maison et au foyer de la famille; ces derniers avaient été des hommes. Lorsque les âmes sortaient du corps, elles devenaient lémures ou mânes; si la postérité de leur famille les adoptait, on les appelait larves; si elles avaient été repoussées à cause de leur iniquité, elles apparaissaient comme larves, terribles aux mé

sibi homines malo dolo violabunt, contingentque atque movebunt. Sed qui contigerit moveritque, possessionem promovendo suam, alterius minuendo, ob hoc scclus damnabitur a diis. Si servi faciant, dominio mutabuntur in deterius. Sed si conscientia dominica fiet, celerius domus extirpabitur, gensque ejus omnis interiet. Motores autem pessimis morbis et vulneribus afficientur, membrisque suis debilitabuntur. Tunc etiam terra a tempestatibus vel turbinibus, plerumque labe movebitur. Fructus sæpe lædentur decutienturque imbribus atque grandine, caniculis interient, robigine occidentur; multæ dissensiones in populo fient. Hæc scitote, cum talia scelera committuntur: propterea neque fallax, neque bilinguis sis, disciplinam pone in corde tuo.

(1) Pict. Elr. in vas, t. II, p. XI.

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