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d'où nous concluons que les débris des Pélasges furent asservis au nord par les Gaulois, comme au midi les OEnotriens et les Peucètes par les Hellènes, pour devenir les classes vulgaires et serviles. Le pays portait le nom d'Etrurie du temps de Caton, et ses habitants s'appelaient Tusques (Tusci); ce dernier nom ne paraît être autre que celui d'Osques avec l'article préfixe, et l'on peut croire qu'il était en usage dans la langue parlée, puisque, sous les derniers empereurs, on en fit le nom de Tuscie, qui d'abord n'avait pas été écrit. Ce qui rend plus difficile de vérifier l'origine des Étrusques et d'apprécier la part qu'ils eurent dans la civilisation de l'Italie, c'est que les prêtres, disposant des annales, pouvaient les altérer à leur gré; puis des guerres meurtrières les détruisirent, et les Romains affectèrent de les mépriser, bien que leurs familles illustres se vantassent de descendre de ce peuple (1).

Pour nous résumer, les Tyrrhènes, après avoir envahi l'Italie, se trouvèrent en face des Ombriens, auxquels ils enlevèrent trois cents villes (2); puis ils les contraignirent à se renfermer dans une seule province, qui garda le nom d'Ombrie, bien qu'ils s'alliassent ensuite avec eux et les admissent la communauté des sacrifices religieux (3). Ils s'étendirent dans les campagnes qui forment aujourd'hui le Bolonais, le Ferrarais, la Polésine, et dans les plaines entre les Alpes et l'Apennin; les Vénètes furent défendus contre eux par le Pô. Les Ligures restèrent à l'abri dans

même manière. 'Onixoi s'est changé en Opsci et Osci, 11oodwviz en Pæstunum et Pæstum, loλudɛúxy; en Polluces et Pollux. Du reste, rien, dans ces noms, ne prouve que la forme grecque ait été la première; elle a pu tout aussi bien être une altération de la forme pélasgique; ainsi l'analogie n'éclaircit pas l'étymologie.

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Ceux qui voudraient faire dériver les Étrusques des Grecs s'appuient d'abord sur les relations que l'Étrurie entretint sans cesse avec la Grèce : Démarate conduisit en Étrurie une colonie de Corinthiens; les habitants de Cæré avaient leurs trésors à Delphes, etc.; et en outre, sur l'inépuisable argument des étymologistes Tarchon serait άpywv avec l'article; Tagès, tayós, chef; Tarracina viendrait de toxyú;, âpre, rigide; Corneto, de Corinthe; Tarquinia, de Trachinia; Faleria et Falisci, de ’Alwά avec le digamma; Alsium, de "Aλooç; Gravisca, de Ypata; Volcium, de loyzó; ou ỏyxós; etc. L. LANZI tire un grand nombre d'étymologies du grec, en détachant l'article t. Ainsi, TURAN, ó "Apav, Mars; THALINA, 'aλtva, née de la mer, etc.

(1) Mécène est loué par Horace comme issu des Tyrrhéniens. Perse vante d'autres personnages d'avoir la même origine :

Stemmate quod Tusco ramum millesime ducis.

(2) PLINE, III, 14.

(3) Tables eugubines. Tite-Live, IX, 30, dit que les Ombriens et les Tusques parlaient la même langue.

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leurs montagnes, mais en abandonnant le plat pays. Les Tyrrhènes établirent partout des colonies, et fondèrent, sur les rives du Pô, une nouvelle Étrurie, qui, comme celle de l'intérieur, avait douze villes, parmi lesquelles Adria, au bord de la mer, Felsina, Melpum, Mantoue, peut-être appelée ainsi de Mantus, leur Bacchus infernal; ils tombèrent ensuite sur les Casci, qui habitaient le Latium, et prirent l'Albula (1) pour limite de leur territoire; puis ils pénétrèrent dans celui des Volsques, passèrent le Liris, et fon-dèrent, dans la fertile Campanie, douze autres colonies: de ce nombre, Nola, Herculanum (2), Pompéi, Marcina et, la première entre toutes, Capoue; néanmoins il semble que le gros de la population osque resta dans le pays.

Ils bâtirent aussi des villes dans le Picénum, comme Capra dans la Montagne et Capra sur Mer, et Adria Picena; en outre, ils enlevèrent aux Ligures legolfe de la Spezia, où ils fondèrent Luni, possédant ainsi cette côte jusqu'à la mer.

Le centre de la puissance des Tyrrhènes était l'Étrurie, entre le Tibre et l'Arno; ils y bâtirent de nouvelles cités qu'ils entourérent de solides murailles en grosses pierres, ou peut-être tirèrentils parti de celles que les Pélasges avaient déjà construites. Parmi ces villes, les principales étaient Clusium, Volterra, Cortone, Arrétium, Pérouse, Vulsinies, Vétulonia, Cæré, Tarquinies et Véies (3); ils avaient, en outre, une multitude de villages le long de la côte et dans l'intérieur du pays, que le mauvais air ( maľʼaria) rend aujourd'hui inhabitables. Tarquinies fut le véritable siége de la civilisation étrusque, et Cæré, la métropole religieuse, avait à Delphes le trésor commun, ce qui indique une dérivation hellénique. Les Étrusques semblèrent un moment à la veille de réunir toute l'Italie sous leur domination; mais, défaits par Hiéron de Syracuse, ils se virent contraints de la limiter à l'Étrurie; enfin leur empire, resserré chaque jour par les Ligures, les Gaulois et les Samnites, fut détruit par les Romains.

Il ne reste à peu près que les noms des autres anciens peuples de l'Italie. Dans la partie du nord, les Orobes, nom générique comme ceux d'Aborigènes et d'Herniques, signifiant de même

(1) C'est l'ancien nom du Tibre. Énéide, VIII, 332.

(2) Les Grecs n'avaient pas mémoire d'éruptions du Vésuve, qu'ils savaient pourtant de nature volcanique. La ville d'Herculanum a été bâtie sur une lave semblable à celle qui l'a engloutie, et qui conserve des traces de culture. Cela prouve combien cette ville est ancienne.

(3) Les autres pourraient être Rusella, Capéna, ou Cosa; Müller ajoute Pise, Fésules, Faléries, Aurinia ou Calétra, Salpis, Saturnia,

habitants des montagnes (1), résidaient entre les lacs de Côme et d'Iséo, où ils bâtirent Côme, Bergame, Licini Forum et Barra, sur l'emplacement de laquelle on n'est pas d'accord; les Euganéens occupaient les montagnes qui avoisinent Brescia, Vérone, Trente et Vicence; les Vénètes étaient établis entre le Timave, le Pô et la mer; les Ligures, qui avaient étendu leur domination des Pyrénées à l'embouchure de l'Arno, habitaient le pays appelé aujourd'hui le Piémont c'étaient des hommes rustiques, aux longs cheveux, et l'on disait qu'un frêle Ligure valait mieux qu'un robuste Gaulois, que leurs femmes avaient l'énergie des hommes, et ceux-ci la vigueur des bêtes féroces. Ils cultivaient le sol avec effort aux mêmes lieux où aujourd'hui encore trente mille hectares de terrain sont soutenus par de petits murs échelonnés. Ils furent en guerre avec les Étrusques et les Grecs de Marseille, qui fondèrent, pour les tenir en respect, les deux villes de Nice et de Monaco. Les Romains eux-mêmes ne purent les dompter qu'en les transplantant ailleurs.

Les populations des Sabins, des Picéniens et des Prétutiens se conservèrent sur les Apennins, mieux garantis contre les invasions. On prétend que les Sabins, voués au culte de Sabus, leur dieu national, pasteurs et guerriers, plus civilisés et plus religieux, furent le produit d'un printemps sacré, ou migration votive de Testrina près d'Amiternum; par le mont Lucrétile et la vallée de l'Anio, ils s'avancèrent jusqu'au Tibre. Leurs assemblées nationales se trouvaient à Cures (cité des Astates). Sancus, appelé aussi Fidius et Sémon, dut être un de leurs thesmophores, divinisé plus tard. Ils vénéraient avec des mystères, à Trébula, neuf grands dieux (2), substitués à leur premier culte des fétiches, lorsqu'une lance fixée dans le sol représentait Mars. Ils expédièrent de fréquentes colonies dans la basse Italie et plus haut, parmi lesquelles figuraient les Picéniens et les Prétutiens, tribus considérables.

Les Èques se trouvaient près de la Sabine et du Latium; plus avant dans les terres, les Herniques; au-dessous, les Volsques; puis venaient les Aurunces-Volsques, « destinés à servir d'exercice presque continuel aux guerriers romains (3). » Leurs villes du littoral, Antium, Circéi, Terracine, durent au commerce de grandes richesses, et brillèrent par les beaux-arts; on a trouvé près de Vellétri des bas-reliefs en terre cuite, et Turianus de

(1) Les Sabins appelaient erna le chêne et le rocher. Ορος et βιῶν, vivant dans les montagnes. - On retrouve la même racine opo; dans le mot Aborigènes.

(2) ARNOBE, III, 122. (3) TITE-LIVE, VI, 21.

Frégelles fit le Jupiter Capitolin et d'autres ouvrages à Rome (1). Dans l'Apennin le plus élevé, où sont aujourd'hui les deux Abruzzes, les Vestins, les Marrucins, les Péligniens et les Marses habitaient autour du Grand Sasso, au milieu d'une nature sauvage, des rochers et dans des cavernes. Leur port commercial était Aternum, où se trouve Pescara; les Vestins vendaient du fromage, les Péligniens de la cire et du lin. Les Marses, les principaux parmi ces peuples, sont loués pour leur courage et leur amour de la patrie, et leurs tombeaux sont remplis d'armes offensives. Dans la Campanie, le Vésuve se taisait; mais les bruits des champs Phlégréens, les combats des géants, les demeures souterraines de Typhon, expriment les révolutions naturelles de ce pays. Un printemps sacré des Sabins fondait, au pied du sauvage Matese, les Samnites desquels sortirent les Hirpins, les Lucaniens, les Frentans; on prétend que leur territoire avait deux millions d'habitants (2). Les Lucaniens occupèrent l'extrémité de l'Italie, après avoir subjugué les ŒEnotriens, et furent les ennemis constants des colonies grecques et des tyrans de Syracuse. Les Brutiens, dont le nom indique des esclaves fugitifs ou révoltés, conservèrent la partie la plus sauvage; pour nous, c'étaient des ŒEnotriens subjugués qui, plus tard, s'affranchirent de la servitude.

Les Aborigènes, auxquels appartenaient les Èques, les Volsques, les Aurunces, les Rutules, les Laurentins; puis les Sabins, dont faisaient partie les Picéniens, les Samnites, les Frentans, les Hirpins, les Lucaniens, les Brutiens, les Mamertins, les Péligniens, les Merruviens, les Vestins, les Herniques, les Marses, bien qu'ils eussent une langue commune dérivée de l'ombrienne, et une même écriture, se diversifièrent au point que l'on distinguait le Samnite de l'Osque, le Picénien de l'Ombrien, le Sabin du Romain.

Il est difficile néanmoins de déterminer l'origine et les confins de chacun de ces peuples; leurs noms sont souvent changés, et les Grecs appelèrent, en général, Ligures les habitants de la haute Italie, Ausones ceux du midi. Tant de diversités, qui remontent à la plus haute antiquité, ont empêché, malgré de longs siècles de luttes, de conquêtes, de violences, de malheurs, de constituer l'unité de l'Italie.

(1) PLINE, XXXV, 12.

(2) GALANTI, Description du comté de Molise.

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CHAPITRE XXV.

INSTITUTIONS DES PEUPLES ITALIENS.

Dans un pays tel que l'Italie, entrecoupé de tant de fleuves et de montagnes, les populations vivaient distinctes, et chacune mûrissait une civilisation particulière. Mais l'histoire d'Italie, jusqu'à présent, s'est trop renfermée dans l'histoire romaine; il faudrait, au contraire, réparer ces injustices des siècles et ramener l'intérêt sur le plus grand nombre des vaincus, parmi lesquels on trouve les éléments durables qui ont survécu aux sociétés conquérantes, épuisées par leurs propres efforts.

Les Italiens, en général, vivaient sous le régime communal, et formaient entre eux des confédérations qui, à des époques déterminées, tenaient leurs assemblées dans les temples, comme en Grèce; les Toscans se réunissaient dans ceux de la déesse Voltumna, les Latins à Férentinum, les Sabins à Cæré. Il serait diffiçile, néanmoins, de déterminer ce qu'on entendait par peuple, et dans quelle mesure il participait aux affaires publiques.

On trouvait partout un sénat, composé des pères de la race conquérante, aux membres de laquelle appartenaient les rites religieux, les charges, le droit d'interpréter les lois, les sciences divines et humaines; ainsi l'aristocratie s'appuyait sur la religion, qui la distinguait des plèbes.

Les anciens Latins, Èques et Sabins avaient des induperatores et des dictateurs, soumis pourtant à l'autorité nationale; les Lucaniens, lorsqu'ils avaient une guerre, choisissaient un imperator, qui unissait l'autorité civile au commandement militaire. Tel était le Meddix Toticus des Osques, des Volsques et des Campaniens.

Le nom de patrie se restreignit toujours à un territoire peu étendu; dès cette époque, nous ne trouvons que de petits peuples réunis sous un titre plus générique, et liés entre eux uniquement par la religion et quelque assemblée politique. Tout au plus formaient-ils avec leurs voisins des ligues dont la durée ne dépassait pas le besoin et le péril qui les avaient fait naître. Cette indocile passion d'indépendance, qui poussait chaque peuple à se donner un gouvernement propre, les empêcha de s'élever à la

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