Imatges de pàgina
PDF
EPUB

que; les OEnotriens, au midi, où ils poussèrent à la culture des champs les habitants de la Campanie, et luttèrent durant trois siècles contre les Sicules, l'unique peuple qu'Homère mentionne en Italie, jusqu'à ce qu'ils les forcèrent de se réfugier dans l'île qui de leur nom s'appela Sicile.

Tandis qu'Argius, avec Triptolème, fondait Tarse en Cilicie, d'autres Pélasges occupèrent la Macédoine, puis le pays de Dodone; repoussés par Deucalion et les Hellènes, ils laissèrent des traces de leur passage dans la Pannonie, l'Illyrie (1) et la Dalmatie, bien que la civilisation postérieure les effaçât en partie. De là, ils abordèrent à l'embouchure du Pô, où ils construisirent Spina, 1400 avant J.-C. Les Pélasges eurent à combattre les Ombriens, et firent alliance avec les Aborigènes de la Sabine, qui avaient commencé à grouper des cabanes sans les entourer d'une enceinte. Alors réunis aux Pélasges, ils bâtirent sur les cimes de l'Apennin des villes proprement dites et très-rapprochées les unes des autres. Il existe encore beaucoup de leurs murailles, tantôt isolées, tantôt formant ceinture autour des villes ; le peuple les appelle murailles du diable, étonné qu'il est de ces amas de blocs énormes : les uns irréguliers avec leurs interstices remplis de cailloux, comme à Cossa, à Arpino, à Aufidena, semblables à ceux de Mycènes et de Tirynthe; les autres carrés, comme le bastion antique de Rome et les murs de Volterra et de Frégelles; quelques-uns tout à fait réguliers, comme à Cortone et à Fiesole, où ils rappellent les édifices circulaires de Tirynthe et de Mycènes; souvent encore, ainsi que nous l'avons remarqué en Grèce, ils sont mixtes, toujours sans ciment, et annoncent l'emploi de beaucoup de forces et d'un grand nombre de bras. Les constructions de ce genre finissent entre l'Æsis et l'Ombrone; on n'en trouve nulle trace dans l'Italie septentrionale; un voyageur a prétendu en avoir vu à Cefalù (2), en Sicile, et sur le mont Éryx (3); elles correspondent peut-être aux Nuraghes de Sardaigne et à la tour des Géants, dans l'île de Gozo, antérieures à l'idolâtrie figurée.

(1) Les Illyriens étaient de la race kymrique qui, des régions du Caucace, vint en Thrace; puis, à travers la Pannonie et l'Adriatique, elle pénétra même dans l'Épire, d'où peut-être elle chassa les Pélasges. (THUNMANN, Investigations sur la langue des Albanais et des Valaques. Leipzig, 1774). Les Schipétares des hautes montagnes de l'Albanie d scendent des anciens Illyriens, et leur langue diffère entièrement de l'esclavon. Les Liburnes, de la même race, occupaient Scheria et Corcira; ils séjournèrent aussi dans le Picénum, selon Pline, III, 13, 14.

(2) HOUEL, Voyage pittoresque, 1787, t. I, p. 91.

(3) Mémoires de l'Institut archéologique, Ire livraison, p. 83.

Petit-Radel a fait de ces constructions l'objet d'une étude spéciale; il soutient qu'elles sont particulières aux Pélasges et aux Aborigènes seulement, et qu'on ne voit jamais rien qui leur ressemble dans les ouvrages contemporains des Étrusques ou des Romains. Les monuments des Herniques, des Marses, des Volsques peuvent, dit-il, déterminer à l'aide de sa méthode, l'histoire des Pélasges plus exactement encore que les murailles de Sicyone, d'Argos et de Mycènes; il faut chercher leurs établissements les plus anciens dans le diocèse de Riéti, et surtout dans le canton de Cécolana de la Suisse italienne.

Quoi qu'il en soit, c'en est assez pour ne pas admettre l'opinion de ceux qui ne voient dans les Pélasges qu'une horde farouche formée de races diverses, et dont les courses n'auraient fait que ravager le pays; d'autres, au contraire, veulent que l'Italie leur soit même redevable de l'alphabet, Évandre, fils de Mercure, l'inventeur des lettres et des arts, étant venu précisément de l'Arcadie, habitée par les Pélasges. Ce peuple introduisit parmi les naturels grossiers le foyer domestique et la pierre de délimitation (1), c'est-à-dire la famille stable et la propriété; ils établirent dans la Sabine un oracle semblable à celui de l'Épire. Leur art, admirable non par la régularité, comme celui des Grecs, mais par l'énormité des matériaux et sa ressemblance avec les œuvres de la nature, avec lesquelles il finit par se confondre, n'était pas employé pour le service des rois ou pour honorer les dieux, mais pour l'utilité sociale: murailles, routes, aqueducs, canaux; ce vif sentiment de la vie de cité, révélé par la construction de tant de villes, exerça sans doute de l'influence sur les sentiments futurs des Italiens, toujours attachés à l'existence communale.

Les Pélasges eurent beaucoup à souffrir en Italie de la stérilité et de la sécheresse des campagnes, mais plus encore des éruptions des volcans, qui s'étendent de l'Etna à Vérone sur une double ligne où s'ouvrent vingt-cinq cratères, et qui, depuis les temps les plus reculés, ne cessent pas de bouleverser ce beau pays. Naples et Cumes furent fondées, en 1139 avant J.-C., sur quatre couches de lave; le Vésuve devait être éteint alors, pour que l'on construisit une ville aussi près de lui: ce fut probablement son extinction qui donna de l'énergie aux autres volcans, et, vers 1340, les Pélasges furent contraints par les éruptions d'abandonner l'Étrurie, où les marais formés sur les terrains affaissés avaient rendu leurs demeures insalubres. Cæré, l'une de leurs villes, est

(1) Hestia, Vesta, Zeus oikeios.

Étrusques.

à quatre milles du cratère envahi par le lac Bracciano; l'air méphitique de Gravisca était proverbial chez les Romains, et le même motif a rendu Cossa déserte; Saturnia, la ville la plus incontestablement pélasgique, est située sur l'une des collines du volcan de Santa-Fiora (1). Archippé fut très-anciennement engloutie dans le lac Fucin; d'autres volcans détruisirent une ville dans la forêt Ciminienne, ainsi que Vulsinies et une autre appelée Sucinium, si ancienne qu'elle est à peine mentionnée.

Ces désastres furent peut-être la cause que des Pélasges émigrèrent, pour retourner, soit dans les pays d'où ils étaient venus, soit pour aller plus à l'occident, surtout dans l'Ibérie, où les murailles de Sagonte et de Tarragone accusent une origine pélasgique. D'autres, et le plus grand nombre, restèrent, et furent sinon détruits par les nouveaux peuples, mais dépossédés et réduits à la condition d'esclaves. Les Sybarites, en effet, appelaient Pélasges les esclaves, qui étaient probablement les CEnotriens subjugués par eux; et peut-être les Brutiens, esclaves révoltés, étaient-ils encore CEnotriens. Restés comme esclaves campagnards de la noblesse urbaine, peut-être ce fut pour elle qu'ils bâtirent ces murailles de cités, qui même plus tard conservaient un caractère de solidité. Le peuple qui les expulsa devait être celui qui se donnait le nom de Rasènes, que les Grecs appelaient Tyrsènes ou Tyrrhènes (2), et les Romains Étrusques ou Tusques. Quel était ce peuple? Hérodote le fait sortir de la Lydie et associe son origine à l'histoire de Héraclides. Hellanicus, au contraire, la confond avec les Pélasges débarqués à Spina; Denys d'Halicarnasse réfute l'un et l'autre, en affirmant que les Étrusques sont originaires d'Italie; mais la perte de ceux de ses livres qui concernent ce peuple nous laisse ignorer les arguments sur lesquels il s'appuyait. Les modernes sont partagés entre ces diverses opinions, sans qu'aucune l'ait emporté par des raisons décisives.

La probité des Étrusques, la dureté de leur langage, leur coutume d'admettre les femmes dans les banquets, portèrent à croire

(1) Plus tard, l'an 91 avant J.-C., deux montagnes près de Modène, Mutina, parurent se rapprocher, et ce fut peut-être alors que s'affaissa la ville ensevelie sous la Modène actuelle. Dans la même année, le mont Épomée des îles Pithécuses vomit des flammes, et les murs de Rhégium furent détruits par un tremblement de terre.

(2) Nous trouvons de même l'omission du o dans le mot grec Túpois, que les Latins changèrent en turris. Le grammairien Agrætius nous dit que Tusci, natura linguæ suæ, ç litteram raro exprimunt: hæc res fecit haberi liquidam (éd. Putsch, p. 2269). Nous voyons, en effet, cette lettre élidée dans les anciens poëtes latins,

qu'ils étaient d'origine germanique; d'autres les supposèrent Grecs, parce qu'ils consultaient l'oraclé de Delphes, employaient une architecture qui est une simplification de l'ordre doriqué, et faisaient des vases dont le travail, la matière, les sujets et les inscriptions se trouvaient identiques avec ceux des vases grecs. Il en est qui virent en eux des Pélasges, à raison des nombres symboliques, de la gravité de leurs doctrines, et parce qu'ils se maintinrent en rapport avec Milet et Sybaris, cités ionienne et achéenne, tandis qu'ils avaient de l'éloignement pour Syracuse et les autres villes doriques. Quelques auteurs, pour concilier les deux opinions, introduisent les Pélasges-Tyrrhènes (1), appelés ainsi parce que les Grecs nommaient Tyrrhénie l'Étrurie, et tyrrhéniques les populations de la Grèce qui avaient le plus de rapports avec eux. Et ce nom peut-être dérive de Tyrrha, province de la Lydie, et c'est pourquoi Hérodote appela Lydiens les Tyrrhènes. Les Pélasges-Tyrrhènes, dit-on, se distinguaient des autres races pélasgiques en ce qu'ils n'habitaient pas les côtes, mais l'intérieur des terres, comme la Thessalie et l'Arcadie; puis ils n'étaient pas pirates, mais agriculteurs, et, s'ils appartenaient à la même origine, ils différaient par la langue et la religion.

Nous, au contraire, nous trouvons partout les Hellènes donnés comme oppresseurs des Tyrrhènes; d'ailleurs la comparaison de la langue, des croyances, de la civilisation, n'entraîne pas des conséquences aussi tranchantes pour ceux qui, comme nous, admettent une fraternité de peuples antérieure aux divisions politiques. Nous proposons, en conséquence, de rattacher les Tyrrhènes à la première migration connue en Italie; mais les Tyrrhènes étaientils les mêmes que les Étrusques?

Les Tusques, certainement, n'ont pas, comme les Pélasges, un langage analogue à celui des Grecs; ils ont des lucumonies, des fédérations, une religion de génies et de prédictions, qui diffèrent entièrement de ce qu'on voit chez les Tyrrhènes-Pélasges. Peut-être les tribus qui habitaient dans le voisinage d'Adria ou d'Atria se réunirent aux Osques, dans une ligue appelée des Atr-Osques, d'où le nom d'Étrusques (1). Ils étaient peut-être indépendants quand

(1) C. O. MULLER a résumé tout ce qui avait été écrit au sujet des Étrusques, avant 1828, dans ses quatre livres intitulés : Die Etrusker; Breslau, 1828. Cet ouvrage, sans doute inférieur à son travail sur les Doriens, est précédé par un Vorerinnerung über die Quellen der Etruskischen Alterthumskunde, où il discute les témoignages grecs, romains et traditionnels. Souvent il se moque de la vanité des Italiens (der patriotische Antihellenismus der Ilaliæner; Eiņl.,

arrivèrent les premiers Pélasges, et furent asservis ou restèrent dans l'obscurité durant la domination de ceux-ci; selon quelques écrivains, les Rasènes descendirent de la Rhétie dans l'Italie, la conquirent, se fixèrent entre les cités pélasgiques de l'intérieur et de la côte, et reçurent le nom d'Étrusques, comme les Anglais furent dits Bretons; les créoles d'Espagne, Mexicains et Péruviens; Lombards, les habitants de la haute Italie. Aucun document parmi les anciens n'atteste cette conquête rasène.

Ce qui prouve ensuite que les Étrusques n'étaient pas Grecs, c'est qu'indépendamment du témoignage de Denys d'Halicarnasse, leur langage différait entièrement, et que les Latins donnèrent le nom de Pélasges aux Grecs et même aux esclaves (1);

II, 10), qui réfutent l'origine grecque de la civilisation étrusque; point qu'il prétend soutenir. Nous ne connaissons. cependant pas un admirateur des Grecs plus passionné que l'Italien L. LANZI. L'origine italique est principalement défendue par MICALI, dans son Histoire des anciens peuples italiens, et dans son Italie avant la domination des Romains. Il part du principe qu'une nation indigène, ayant ses croyances et sa civilisation à elle, habita l'Italie, et que, seulement plus tard, d'autres peuples y arrivèrent avec des rites nouveaux. G. B. BRUNI, dans ses Ricerche intorno all' origine de' Pelasgi-Tirreni, soutient qu'ils étaient Phéniciens, ainsi que le font BOCHART, Mazzocchi, DruMOND et autres. ORIOLI, dans ses Opuscoli litterarii di Bologna (Des peuples rasènes ou étrusques), appuie ceux qui les croient originaires de la Lydie. Voy. aussi NIEBUHR et CREUZER.

GROTEFEND, De la géographie et de l'histoire de l'ancienne Italie jusqu'à la domination romaine (allemand); Hanovre, 1840.

ABEKEN, l'Italie moyenne avant la domination romaine (allemand); Stuttgard, 1843. Cet écrivain reconnaît dans l'ancienne Italie quatre races principales :

I.

II.

[ocr errors]

Les Tyrrhènes, peut être Pélasges, auxquels appartiennent les Sicules, les Sabins, les Latins.

Les Rasènes ou Rhètes, qui, se fondant avec les vaincus, formèrent les Étrusques; c'est pourquoi les Tyrrhènes entre l'Arno et le Tibre se distinguent des autres.

Les Aborigènes, Casques, Ausones, Aurunces. IV. Les Helléniques.

POLETTI, Dei populi è delle arti primitive in Italia; Rome, 1838, repousse les immigrations, et prétend que les Italiens, sous le nom de Pélasges, portèrent ailleurs la civilisation.

(1) Antig. rom. Ι, 30 : Ἐπειδὴ ἀρχαιόν τε πάνυ τὸ ἔθνος, καὶ οὐδενὶ ἄλλῳ γένει οὔτε ὁμόγλωσσον, οὔτε ὁμοδίαιτον εὑρίσκεται. Aucun autre peuple, veut dire ici ni Grecs ni Romains. NIEBUHR insiste sur ce que les Tyrrhènes étaient différents des Étrusques, tandis que MILLENGEN défend l'opinion contraire; de Tuppyvoi où Tupanvoi, il tire Tupnoxoí, avec désinence pélasgique, comme Drabesque, Bromisque, Dorisque, Myrgisque, et autres villes de la Thrace, et en Italie, Opisques ou Opsques, Volsques, Falisques, Gravisca. De Tupnoxoi, les Latins tirèrent Trusci, et, en faisant précéder l'e, Etrusci, puis Tusci; Thusci, de la

1

« AnteriorContinua »