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<< et le mont Brenner de douze cent cinquante toises. Ces sommités << dominent la demi-circonférence de la haute chaîne des Alpes; « et, vues de près, elles se présentent comme des géants de glace << placés pour défendre l'entrée de cette belle contrée.

« Les Alpes se divisent en Alpes maritimes, cottiennes, grec«ques, pennines, rhétiennes, cadoriennes juliennes, noriques. « Les Alpes maritimes séparent la vallée du Pô de la mer. C'est << une deuxième barrière de ce côté : le Var et les Alpes cottiennes « et grecques séparent l'Italie de la France; les Alpes pennines, a de la Suisse; les Alpes rhétiennes, du Tyrol; les Alpes cado<< riennes et juliennes, de l'Autriche. Les Alpes noriques forment « une seconde ligne, et dominent la Drave et la Mur. Le mont << Blanc est le point le plus élevé; il domine toute l'Europe. De << ce point central, les Alpes vont toujours en diminuant d'éléva« tion, soit du côté de l'Adriatique, soit du coté de la Méditerranée. « Dans le système des montagnes que domine le mont Viso, << prennent leurs sources : le Var, qui se jette dans la Méditerranée; <«< la Durance, qui se jette dans le Rhône, et le Pô, qui traverse << toutes les plaines de l'Italie, en recueillant toutes les eaux de « cette pente des Alpes et d'une portion de l'Apennin. Dans le « système des montagnes que domine le Saint-Gothard, prennent « leurs sources: le Rhin, le Rhône, l'Inn, un des plus gros af« fluents du Danube, et le Tésin, un des plus gros affluents du Pô. « Dans le système des montagnes que domine le Brenner, prennent << leurs sources : l'Adda qui se jette dans le Pô, et l'Adige qui va « à l'Adriatique. Enfin dans les Alpes cadoriennes, la Piave, le « Tagliamento, l'Isonzo, la Brenta et la Livenza ont leurs sources « au pied de ces montagnes.

« Les Apennins sont des montagnes du second ordre, beaucoup «< inférieures aux Alpes; ils traversent l'Italie et séparent les eaux « qui se jettent dans l'Adriatique de celles qui se jettent dans la << Méditerranée. Ils commencent où finissent les Alpes, aux col<< lines de Saint-Jacques, près du mont Ariol, le dernier des Alpes. << Saint-Jacques et le col de Cadib one, près de Savone, sont plus « bas encore, de sorte que ce point est à la fois la partie la « plus basse des Alpes et la partie la plus basse des Apennins. « Depuis le premier col, celui de Cadibone, les Apennins vont « toujours en s'élevant, par un mouvement inverse à celui desAlpes, << jusqu'au centre de l'Italie. Ils se divisent en Apennins liguriens, « Apennins étrusques, Apennins romains, Apennins napolitains. « Les Apennins romains se terminent au mont Vélino, qui, s'éle<< vant à treize cents toises au-dessus de la mer, est couvert de neige

« tout l'été. Arrivés à ce point, les Apennins vont en baissant jus« qu'à l'extrémité du royaume de Naples.

« L'Italie, isolée dans ses limites naturelles, séparée par la « mer et par de très-hautes montagnes du reste de l'Europe, « semble être appelée à former une grande et puissante nation; << mais elle a dans sa configuration géographique un vice capital « que l'on peut considérer comme la cause des malheurs qu'elle a «< essuyés, et du morcellement de ce beau pays en plusieurs mo<< narchies ou républiques indépendantes sa longueur est sans << proportion avec sa largeur. Si l'Italie eût été bornée par le mont « Vélino, c'est-à-dire à peu près à la hauteur de Rome, et que << toute la partie du terrain entre le mont Vélino et la mer d'Ionie, « y compris la Sicile, eût été jetée entre la Sardaigne, la Corse, Gênes << et la Toscane, elle aurait eu unité de rivières, de climat et d'in« térêts locaux. Mais, d'un côté, les trois grandes îles qui sont << un tiers de sa surface ont des positions et des intérêts divers, « et sont dans des circonstances différentes; d'un autre côté, « cette partie de la péninsule, au sud du mont Vélino, et qui << forme le royaume de Naples, est étrangère aux intérêts, au «< climat, aux besoins de toute la vallée du Pô. Cependant, quoique << le sud de l'Italie soit, par sa situation, séparé du nord, l'Italie << est une seule nation. L'unité de mœurs, de langage, de littéra« ture, doit, dans un avenir plus ou moins éloigné, réunir enfin << ses habitants sous un seul gouvernement...

<< Aucun pays de l'Europe n'est situé d'une manière aussi avan«tageuse que cette péninsule pour devenir une grande puissance << maritime elle a, depuis les bouches du Var jusqu'au détroit « de la Sicile, deux cent trente lieues de côtes; du détroit de la « Sicile au cap d'Otrante, sur la mer d'Ionie, cent trente lieues; << du cap d'Otrante à l'embouchure de l'Isonzo, sur l'Adriatique, << deux cent trente lieues; les trois îles de Sicile, de Corse et de << Sardaigne ont cinq cent trente lieues de côtes; et ne sont pas << comprises dans ce calcul celles de Dalmatie, de l'Istrie, des bou<«<ches du Cattaro, des îles Ioniennes...

<< La France a, sur la Méditerranée, cent trente lieues de «< côtes; sur l'Océan, quatre cent soixante-dix: en tout six cents <«< lieues; l'Espagne, y compris ses îles, a, sur la Méditerranée, cinq << cents lieues de côtes et trois cents sur l'Océan. Ainsi, l'Italie a << un tiers de côtes de plus que l'Espagne, et moitié de plus que la « France. La France a trois ports dont les villes ont cent mille âmes « de population; l'Italie a Gênes, Naples, Palerme, Venise, dont << la population est supérieure; Naples a quatre cent mille habi

<< tants. Les côtes opposées de la Méditerranée et de l'Adriatique « étant peu éloignées l'une de l'autre, presque toute la popula«<tion de l'Italie est à portée des côtes (1)... »

La géologie atteste de grandes révolutions dans la Péninsule italique. La partie occidentale des Alpes, cette gigantesque muraille granitique que la nature oppose vainement aux envahisseurs, surgit beaucoup plus tard que les Pyrénées, mais avant les Alpes du milieu et le Saint-Gothard. La chaîne serpentino-calcaire des Apennins, dont les extrémités furent et sont encore tourmentées par des volcans, parut dans un âge antérieur; sa direction tortueuse et sa formation compliquée indiquent un soulèvement d'époques diverses. La terre végétale, enlevée aux flancs et aux sommets, forma les grandes vallées du Pô, de l'Arno, du Tibre, peut-être lorsque les digues des Dardanelles et de Calpé se rompirent pour réunir l'Océan, la Méditerranée, la mer Noire. Cet événement physique est dramatisé dans le mythe d'Hercule.

Une tradition plus récente veut que la mer, se frayant un passage entre le cap de Pélore et celui de l'Armi, ait détaché de l'Italie la Sicile. Les monts Neptuniens sont en effet de la même nature que l'Apennin, et le nom de Reggio indique cette séparation (2), qui dut être l'ouvrage des eaux courantes que la Fable a représentées comme très-périlleuses dans le détroit.

(1) Nous regrettons qu'il n'entre pas dans notre plan de rapporter tout entière cette incomparable description de l'Italie, dictée par Napoléon à Sainte-Hélène. On peut la lire dans les Mémoires pour servir à l'histoire de France sous Napoléon, t. III; Paris, 1823.

(2) ‘Pŕyvvμɩ, j'arrache. DOLOMIEU ( Mémoire sur les tremblements de terre de la Sicile) a démontré géologiquement le fait. Cluvier avait déjà recueilli tous les passages des auteurs anciens qui l'attestent.

Nous nous bornons aux poëtes :

Zancle quoque juncta fuisse

Dicitur Italiæ, donec confinia pontus
Abstulit, et media tellurem repulit unda.

(OVIDE, Mét. XV, 290.)

Hæc loca vi quondam, et magna convulsa ruina,
(Tantum ævi longinqua valet mutare vetustas)
Dissiluisse ferunt; cum protinus utraque tellus
Una foret, venit medio vi pontus, et undis
Hesperium Siculo latus abscidit, arvaque et urbes
Litore diductas angusto interluit æstu.

(VIRGILE, En. III, 414.)

Mais de Buch, après avoir comparé les monts Péloritains avec le groupe de l'Aspromonte en Calabre, nie que la Sicile ait jamais été unie au continent.

Les mythes qui faisaient de la Campanie et d'Inarime (Ischia) le théâtre de la guerre des dieux contre Typhée, indiquent aussi des soulèvements de nouvelles montagnes et la subversion des anciennes; car ils racontent que Jupiter, assailli par les géants, en arracha trois de terre, et fit disparaître les autres, soit en entassant sur eux les monts de la Sicile, soit en les engloutissant dans le Tartare, au delà du détroit de Gadès.

Brocchi (1) a démontré que le sol sur lequel Rome est bâtie, était une baie d'eau douce et d'eau salée, qui fut ensuite comblée par un terrain de formation volcanique. On trouve des layes au tombeau de Cécilia Métella, et autour des lacs de Castel Gandolfo et de Némi. La partie septentrionale, au contraire, dut rester longtemps inondée par le Pô et par les autres fleuves; les eaux ont, en effet, laissé des vestiges profonds de leur séjour prolongé dans les couches épaisses de cailloux qui forment le lit de ces terrains si fertiles; entraînant sans cesse de nouvelles matières, enlevées aux montagnes, elles exhaussèrent les plaines, comblèrent les vallées et les petits golfes, et poussèrent au loin leurs remblais dans la mer; travail qu'elles continuent encore en dépit des efforts de l'art (2).

Brocchi, Gencellaro et Tenore, avaient déjà soutenu la même opinion. Pilla et Philippi croient, au contraire, que la mer couvrait l'espace compris entre les deux golfes de Squillace et de Sainte-Euphémie, de la manière que la Calabre méridionale formait une île. On avait proposé à Charles III d'y ouvrir un canal, idée déjà venue à Denys de Syracuse (PLINE, Hist. nat., III, 15).

(1) Dello stato fisico del suolo di Roma; 1820.

(2) Il n'est pas facile, dit le savant ingénieur de Prony, de déterminer les changements successifs survenus sur le rivage de l'Adriatique, entre les extrémités méridionales des lagunes de Comacchio et celles de Venise. Adria, qui donna son nom à cette mer dont les flots baignaient les murailles, en est maintenant éloignée de 25,000 mètres; elle était très-ancienne, sans doute, comme l'attestent ses nombreux vases étrusques, sans mélange de vases romains dans la couche inférieure, tandis qu'on en trouve de mêlés avec eux dans la couche supérieure, de beaucoup au-dessous du sol actuel. En partant d'Adria, qui était située au fond d'un petit golfe, on rencontrait à gauche un bras de l'Adige et les Fosses Philistines, dont la trace correspond à celle que pourraient suivre le Mincio et le Tartaro, si le Pô coulait encore au sud de Ferrare. Venait ensuite le Delta Veneto, qui peut-être occupait le lieu où est aujourd'hui la lagune de Comacchio. Il était traversé par les sept bouches de l'Eridan, ayant sur la gauche, à l'endroit où ces bouches se subdivisent, la ville de Trigaboles, qui devait être située à peu de distance de Ferrare. Les lacs compris dans le Delta s'appelaient Septem Maria; c'est pourquoi Adria est appelée quelquefois Urbs Septem Marium.

En remontant la côte du nord, on trouvait après Adria l'embouchure principale de l'Adige, dite aussi Fossa Philistina, puis l'Estuarium Altini, mer intérieure, séparée de la grande par une foule d'ilots, au milieu desquels se

Il en est même qui prétendent que le Pô se jetait dans la mer à cent milles en arrière de son embouchure actuelle, de sorte qu'à partir de l'embouchure du Taro, toute la plaine n'était qu'une

trouvait un autre archipel appelé Rialto, à l'endroit où s'élève actuellement Venise. L'Estuarium Altini est la lagune de Venise, devant laquelle les fles ont formé une digue, de sorte qu'elle n'est en communication avec la mer que par cinq passages.

A l'est des lagunes et au nord de la ville d'Este, se trouvent les monts Euganéens, groupe isolé au milieu d'un vaste terrain d'alluvions, aux environs duquel on place la chute de Phaeton, fable qui, au dire de quelques-uns, aurait eu pour origine une pluie de matières volcaniques, qui se trouvent en effet dans les environs de Vérone et de Padoue.

Au douzième siècle, toutes les eaux du Pô s'écoulaient au sud de Ferrare, dans le Pô de Volano et dans le Pô de Primaro, qui occupaient l'emplacement de la lagune de Comacchio. Il fit ensuite une double irruption au nord de Ferrare, et produisit le fleuve de Corbola, ou de Longola, ou encore de Mazorno, et le Toï. Le Tartaro ou canal Blanc se jetait dans le premier; dans l'autre le Goro, dérivation du Pô.

La plage se dirigeait sensiblement du sud au nord à une distance de 10 à 11,000 mètres du méridien d'Adria, en passant à l'endroit où se trouve actuellement l'angle occidental de l'enceinte de la Nesola; Lorco, au nord de la Mésola en était éloignée de 200 mètres à peine.

Vers la moitié du douzième siècle, le gros des eaux du Pò, qui coulaient entre des digues et qui étaient soutenues vers la gauche, près de la petite ville de Ficarolo, à 19,000 mètres au nord-ouest de Ferrare, se répandirent dans la partie septentrionale du territoire de cette ville et dans la Polésine de Rovigo, et se jetèrent dans les deux canaux de Mazorno et de Toï. Il semble que l'homme lui ait tracé cette route, dans laquelle elles abondent de plus en plus, en appauvrissant les bouches de Volano et Primaro, et en moins d'un siècle elles furent réduites à l'état où elles sont aujourd'hui. Le fleuve s'ouvrit auprès d'autres voies, et, au commencement du dix-septième siècle, la bouche principale, dite Sbocco di Tramontana, se trouvait si voisine de l'embouchure de l'Adige, que les Vénitiens effrayés creusèrent, en 1604, le Taglio di Porto Viro ou Pó delle Fornaci, ce qui fit que la bouche principale, Bocca maestra, se trouva éloignée de l'Adige vers le midi.

Du douzième au dix-septième siècle, les alluvions du Pô s'avancèrent beaucoup dans la mer. Le canal du nord, en 1600, avait son embouchure à 20,000 mètres du méridien sud, et celui de Toï à 17,000, de sorte que la plage avait avancé de 9 à 10,000 mètres au nord, et de 6 ou 7,000 au midi; entre les deux se trouvait une anse dite Sacca di Goro. On construisit à cette époque les principales digues, et l'on commença à cultiver le versant méridional des Alpes.

Le Taglio di Porto Viro dirigea les alluvions dans l'axe du vaste promontoire formé aujourd'hui par les bouches du Pô. Plus les embouchures s'éloignaient, plus les atterrissements augmentaient, soit par suite de la diminution de la pente des eaux et de leur emprisonnement entre des digues, soit à cause des matières entraînées des montagnes défrichées. La Sacca di Goro fut bientôt comblée, et les deux promontoires formés par les deux premières bouches s'unirent en un seul, dont la pointe se trouve aujourd'hui à 32 ou 33,000 mètres du méridien d'Adria; de sorte qu'en deux siècles, les bouches du Pô ont enlevé près de 14,000

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