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rent complétement les sciences; en effet, ils voyaient l'influence des premiers, tandis que les autres restaient sans application. Les Grecs, d'ailleurs, après avoir peuplé la nature d'êtres animés, répugnaient à rechercher les causes naturelles. Et cependant, avec un admirable sentiment du vrai pratique, ils répandirent au loin, dans leurs voyages parmi les autres peuples, de précieuses notions. Ils proclamèrent avec Pythagore l'immuabilité du soleil, avec Leucippe la rotation de la terre; Démocrite n'attendit pas le télescope pour enseigner que la Voie lactée est un vaste amas d'étoiles. Mathémati L'attraction newtonienne fut devancée par la théorie de l'amour et de la discorde entre les éléments, proclamée par Empedocle, à qui les phénomènes de l'électricité paraissent n'avoir pas été étrangers (1). Les Grecs connurent la véritable durée de l'année solaire; ils surent de combien de degrés le zodiaque est incliné sur l'équateur; ils mesurèrent le célérité des corps célestes en devinant les éclipses, et l'Athénien Méton publia, dans Olympie, la période des dix-neuf années qui ramenait le soleil et la lune à peu près au même point du ciel. Anaximandre donne pour centre au monde la terre, de forme cylindrique, dont la base est à la hauteur comme 1 à 3; soutenue par la force de l'air, elle se trouve à égale distance de tous les autres corps; les étoiles se meuvent autour de la terre à des distances égales entre elles; au-dessus des étoiles sont les planètes et le ciel des étoiles fixes, puis la lune, enfin le soleil; chacun de ces corps est soutenu par un anneau, semblable à une roue (2). Platon, chez qui l'enthousiasme suppléait à la science, proposa le problème fondamental de l'astronomie, la démonstration des révolutions des corps célestes par leur mouvement circulaire régulier. Eudoxe, après lui, pensa que les astres étaient beaucoup plus grands qu'ils ne nous paraissent, et, les comparant entre eux, fit le diamètre du soleil neuf fois plus grand que celui de la lune, ce qui indiquait que leur distance n'était pas la même (3).

De belles applications de géométrie furent dues aux pythagoriciens, qui purent, en greffant les mathématiques sur la physique, s'élever au premier rang parmi les sectes philosophiques. On fait honneur à Thalès d'avoir trouvé les propriétés du triangle isocèle; d'avoir démontré que, si deux lignes droites viennent à se croiser, les angles opposés au sommet sont égaux ; que les triangles

(1) Voyez son éloge par l'abbé SCINA; Palerme, 1813.

(2) ARISTOTE, De Cœlo, II, 13.

(3) M. Boeckh, dans le Philolaüs (Berlin, 1819), a réuni tous les passages relatifs aux connaissances cosmogoniques des platoniciens,

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à angles égaux ont leurs côtés proportionnels; que l'angle qui a pour base le diamètre, et dont la sommité touche la périphérie d'un cercle, est nécessairement droit. Il sut calculer les hauteurs inaccessibles au moyen des ombres, et mesurer la distance d'un vaisseau; il enseigna à prendre la petite Ourse comme point plus fixe que le Chariot, expliqua la cause des éclipses et des phases de la lune, indiqua les solstices et les équinoxes, figura, sur un globe d'airain, la terre et la mer. On doit à Anaximandre l'invention ou l'introduction des cartes géographiques, des signes du zodiaque et des sphères armillaires.

Platon créa les mathématiques transcendantes; c'était là, disaitil, l'occupation continuelle des dieux, et, à leur exemple, il ne passa pas un jour sans démontrer à ses disciples une vérité nouvelle. Avant lui, l'attention ne s'était portée, parmi les courbes, que sur la ligne circulaire; il la dirigea sur les sections coniques, et donna ainsi l'impulsion aux recherches de Ménechme et d'Aristée. Son mérite fut plus grand encore: il enseigna l'usage de l'analyse géométrique, supérieure à l'analyse algébrique en ce qu'elle est plus évidente, et c'est par ce moyen qu'Archytas de Tarente put arriver à plusieurs découvertes importantes. Zénodore avait déjà démontré que les figures de contour égal ne sont pas égales de superficie, et Hippocrate de Cos, à l'aide des lunules du cercle, avait aussi démontré l'égalité entre deux espaces, l'un renfermé dans des lignes courbes, l'autre dans des lignes droites. Les Éléments d'Euclide, en quinze livres, n'ont pas encore perdu leur réputation; mais ce géomètre doit presque tout à Aristote, qui le premier parla d'axiomes et de définitions, détermina les conditions d'une démonstration rigoureuse, établit la distinction entre les mathématiques proprement dites et les mathématiques mixtes : d'abord, en séparant l'arithmétique, la géométrie, la stéréométrie, de la mécanique, de l'optique, de l'astronomie et de la musique, ce qui contribua aux progrès de chacune d'elles; puis, en divisant encore l'arithmétique de la géométrie, pour attribuer l'abstrait à l'une, le concret à l'autre. Il fit aussi usage des lettres de l'alphabet pour indiquer des quantités indéterminées (1), invention dont on fait honneur au savant algébriste français.

d'Aristote,

Aristote fonda vraiment l'encyclopédie en coordonnant les con- Encyclopédie naissances philosophiques et scientifiques d'après une méthode que la postérité n'a pas encore remplacée, et en renversant plu

(1) Natur. Ausc., VII, 6, VIII, 15. Cicéron se servit aussi des lettres pour indiquer des objets indéterminés. Lettres à Atticus, II, 3.

sieurs systèmes de ses prédécesseurs avec une critique quelquefois injuste, mais qui fournit des éléments à l'histoire. Platon avait dû acheter, à un prix énorme, dans la Grande Grèce, un seul ouvrage de Pythagore; Aristote eut tous les livres de ses devanciers, et, quand les autres philosophes devaient se contenter de leurs observations personnelles, les choses les plus rares lui étaient accordées par Alexandre, qui dépensa la valeur de trois millions de francs à compléter les collections du maître, et mit des milliers de personnes à sa disposition (1). Riche de tant de connaissances, dont la variété ne nuisait point chez lui à la profondeur, il eut le mérite de les réduire en systèmes, en appliquant à tous les faits connus la distribution régulière introduite par Platon dans les connaissances humaines, et l'esprit d'observation et d'analyse si rare parmi les Grecs.

C'est surtout comme témoignage de son savoir et de celui de son temps, qu'il est utile d'examiner ses ouvrages.

Dans sa Rhétorique, il voulut accomplir l'œuvre commencée par Socrate, c'est-à-dire abattre les rhéteurs en faisant de l'éloquence une application méthodique d'observations sur le cœur humain. Il analyse les vertus et les vices, pour découvrir ce qui doit être imputé à faute, ce qui est l'effet du hasard ou de l'habitude, ce qui appartient au naturel ou aux passions (2); il substitue aux lieux communs, où les rhéteurs voulaient trouver une source abondante d'éloquence, des notions précises sur le juste et l'injuste, sur les lois fondamentales de la société; il exige de l'orateur une grande étendue de connaissances, et fait dépendre le mérite de la dialectique de l'usage qu'on en fait (3).

Aristote devait être peu fait pour sentir profondément les beautés poétiques; occupé toute sa vie de discussions positives et rationnelles, il devait attacher une importance absolument secondaire à un traité sur une science étrangère à ses études, et qui a besoin de liberté. Nous ne pouvons donc faire grand cas de sa Poétique, qui, de plus, nous est parvenue mutilée, confuse, presque inintelligible; ce qui en reste n'est qu'un fragment sur l'art dramatique, où les préceptes se déduisent des chefs-d'œuvre du théâtre grec. On ne voit pas trop quel but et quelle origine il donne à l'art. Dans un passage, il le fait dériver de l'imitation et du désir de connaître ; mais ailleurs il dit que la peinture doit représenter non ce qui est,

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mais ce qui doit être; que la tragédie est l'imitation du mieux, et que la poésie est plus vraie que l'histoire : d'où il faut conclure qu'il propose pour but à l'art le beau idéal. Mais, le plus souvent, il se borne à des moyens vulgaires et à une déduction expérimentale de ce qui s'était fait jusqu'alors, sans prétendre dicter des règles aux poëtes futurs. Il est certain qu'au milieu de tant de disputes et d'opinions littéraires qu'on vit alors et plus tard dans l'école d'Alexandrie, on n'accorda presque aucune importance aux préceptes poétiques du Stagirite.

Il est donc étonnant que, tandis que sa Logique et sa Métaphysique sont devenues souvent l'objet d'un mépris injuste, les pédants modernes, qui ne savent trouver, dans leur admiration pour les anciens, que dédains pour les hommes de leur époque et qu'entraves pour le génie qui ose franchir les barrières scolastiques, veuillent conserver comme règles absolues les préceptes de sa Poétique.

Il tira du mépris les mathématiques appliquées, en montrant qu'elles étaient utiles à l'homme d'État, et détermina les limites entre elles et la philosophie, limites qui paraissent encore confuses dans Platon (1).

Il considéra la physique comme l'étude des causes premières dans la nature, et du mouvement en général (2), et réfuta beaucoup de sophismes très-répandus relativement à l'explication des phénomènes de ce monde. Les Romains et les Arabes ajoutèrent bien peu de chose à ce qu'il savait; aussi, lors de la renaissance des études, saint Bonaventure, les scolastiques et Dante eurentils recours à lui pour l'astronomie, qui pouvait s'associer avec la poésie et la métaphysique. Képler lui-même lui emprunta plusieurs de ses rêves magnifiques.

Dans l'état d'enfance où l'optique, la statique et la mécanique étaient de son temps, on est étonné de la profondeur de ses vues, en lisant ses quatre livres du Système du monde. Dans le troisième chapitre du second livre, il attribue le mouvement de rotation à deux forces, qui pourraient bien ne pas être différentes des forces centrales des modernes. De cette observation, que certaines éclipses de lune et d'étoiles sont visibles en Égypte, et non en Grèce, il conclut à la rotondité de la terre, dont il évalue la pé

(1) L'ouvrage dans lequel il traitait des mathématiques est perdu. Nokk, professeur d'Heidelberg, qui a fait de très-utiles recherches sur ce point, pense que c'était le sujet du livre Περὶ τῆς ἐν τοῖς μαθήμασιν οὐσίας, et que Proclus y a puisé ce qu'il émet de contraire aux idées de Platon, L. I, c. 6, in Euclidem, etc. (2) Περὶ τῶν πρώτων αἰτίων τῆς φύσεως καὶ περὶ πάσης κινήσεως φυσικῆς.

riphérie à 400,000 stades, ce qui n'est pas loin de la vérité (1). En parlant de la forme sphérique de la terre, il regarde le poids comme une tendance des corps vers le centre (2), et dit que, vers ce centre, les parties tendent dans tous les sens avec une égale force (3) théorème que, dans le chapitre XIV, il applique

à la terre.

Le quatrième livre traite complétement du poids, tant absolu que spécifique, et il dit avoir étudié le premier avant tout autre observateur. On pourrait, en outre, induire du passage où il recherche pourquoi un morceau de bois est plus pesant dans l'air que dans l'eau, qu'il connut l'importance d'une observation par laquelle Archimède fut conduit à poser les fondements de l'hydrostatique (4). İl crut le feu impondérable, l'air pondérable, et réussit à le peser; il observa la pression de l'atmosphère et le parti qu'on peut en tirer pour les machines hydrauliques. C'est dans son livre que se trouve cette horreur du vide qui eut cours dans les écoles. Il applique aux autres machines le système des forces composées, qui font mouvoir les corps par la diagonale de leur parallelogramme, ce qui est encore aujourd'hui le fondement de cette science.

Il est vrai que, lorsqu'il veut déduire le motif pour lequel le levier ou la balance à bras inégaux met en équilibre des poids différents, il va le chercher dans la propriété du cercle, et ne trouve pas étrange qu'une figure si féconde en merveilles produise encore celle-là (5). Malgré cette erreur et d'autres, Bossut nous paraît injusté (6) lorsqu'il dit qu'Aristote n'eut en mécanique que des connaissances confuses ou fausses; car nous trouvons les propriétés du mouvement uniforme bien précisées dans ses écrits, quelque chose d'indiqué sur le mouvement curviligne, une explication ingénieuse, bien qu'elle ne soit pas la véritable, du centre de gravitation; puis, lorsqu'il explique l'action combinée des rames et du gouvernail, on voit bien qu'il sait non-seulement que l'action de la puissance est d'autant plus efficace qu'elle est plus

(1) Voy.' GOSSELIN, Mesures itinéraires, p. 18, dans la traduction de Strabon, tome I. Aristote supposa que l'Espagne était peu éloignée de l'Inde, ce qui encouragea Christophe Colomb à tenter sa grande découverte.

(2) C'est de là que Dante a pris le célèbre... Punto

A cui son tratti d'ogni parte i pesi.

(3) Il ajoute dans la Mécanique : « à distances égales.

(4) De Cœlo, liv. IV, c. 4.

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(5) Voy, les Aristotelis quæstiones mechanicæ, de VAN CAPPELLE; Amsterdam, 1812.

(6) Hist. des mathématiques, c. III, % 2.

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