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et dix années d'études. Euphranor, le premier, imprima aux héros une dignité surhumaine, tandis que Nicias d'Athènes représentait les femmes sous l'aspect le plus gracieux. On lui offrit soixante talents (330,000 fr.) de son Ulysse chez les ombres; il refusa, et en fit don à sa ville natale. Le Sacrifice d'Iphigénie, par Timanthe de Sicyone, célèbre pour l'invention, fut particulièrement très-vanté; après avoir nuancé, sur les diverses figures, toutes les dégradations d'une douleur croissante, il couvrit d'un voile le visage d'Agamemnon, afin de ne pas tomber dans l'excès en cherchant à exprimer le désespoir d'un père. Parrhasius et Zeuxis se disputèrent le premier rang: Parrhasius excellait dans la perfection des contours et dans la distribution de la lumière et de l'ombre; Zeuxis était sans égal pour représenter la beauté féminine, pour bien choisir ses modèles, pour donner de la précision au dessein et de la noblesse aux formes: c'était une illusion pour les sens, un ravissement pour l'esprit. Zeuxis avait amassé tant de richesses qu'il finit par ne plus vendre ses tableaux ; il en faisait des présents, disant qu'aucun prix ne serait au niveau de leur mérite. Il écrivit audessous de son Athlète : Il sera critiqué, mais non pas égalé. On le regarda comme le législateur de la peinture, si bien que l'on n'osait plus s'écarter de ses types; mais il n'est rien resté de lui. L'expression morale, qu'il observait peu, faisait au contraire le mérite de Polygnote (1).

La grâce, qui déjà s'était fait sentir dans les ouvrages de Parrhasius, fut portée au comble par Apelles, né comme lui dans la voluptueuse Ionie. Exempt de l'orgueil de Zeuxis et des autres, il reconnaissait le mérite des anciens comme celui des contemporains; il écrivait au bas de ses tableaux faisait, éñolet, et non fit, Enоine, comme s'il les eût trouvés imparfaits (2). Personne ne pouvait lui être comparé pour la grâce, qui est la fleur de la beauté.

payé 60,000 sesterces (12,000 fr.) par Tibère, et un Malade d'Aristide, 100 talents (550,000 fr.) par Attale.

Avant Guido (le Guide), les tableaux étaient très-peu payés en Italie, à tel point qu'Augustin Carrache et le Dominiquin eurent à peine 50 écus d'or de leur Communion de saint Jérôme. En 1852, le Musée impérial de Paris n'a pu acquérir le fameux tableau de la Conception, chef-d'œuvre de Murillo, qu'au prix de 586,000 fr.

(1) ARISTOTE, de la Poétique, 6 : Ὁ μὲν γὰρ Πολύγνωτος ἀγαθὸς ἠθογράφος, ἡ δὲ Ζεύξιδος γραφὴ οὐδὲν ἔχει ἦθος.

(2) Lorsque le Titien eut terminé le tableau de l'Annonciation, qui est dans l'église du Sauveur, à Venise, il le marqua du Titianus faciebat. Les critiques lui signalèrent alors tous les défauts qu'ils y découvraient; et lui, après l'avoir bien considéré, prit son pinceau, effaça le faciebat, et inscrivit à la place Titianus fecit, fecit, ne craignant pas de s'en déclarer deux fois l'auteur.

420.

330.

IV. époque.

Enthousiaste de son art, il ne passait pas un jour sans manier le pinceau, et soumettait ses tableaux aux jugements du public. Il se rendit à l'avis d'un savetier, qui avait critiqué une chaussure; inais celui-ci, enhardi par ce succès, ayant voulu critiquer autre chose, il lui cria: Savetier, tenons-nous-en à la savate. A la vue d'une Hélène qu'un de ses confrères avait représentée splendidement vêtue, il dit : Il l'a faite riche, ne pouvant la faire belle. Un autre lui montrait un tableau qu'il avait terminé, disait-il, en trèspeu de temps; il lui répondit: Je m'en aperçois.

Nous entrons avec lui dans la quatrième époque de l'art, au temps d'Alexandre, qui ne voulait être peint que par Apelles, sculpté que par Lysippe, gravé sur pierre dure que par Pyrgotèle. Protogène de Rhodes, qui employa sept années à terminer le chasseur Ialysus, avait tant de réputation que Démétrius Poliorcète, lorsqu'il assiégeait Rhodes, déclara neutre le terrain où s'élevait l'humble cabane de l'artiste. Philoxène d'Érétrie peignit la bataille d'Issus. Aristide de Thèbes se proposait surtout pour but l'expression des sentiments de l'âme; son chef-d'œuvre était une Mère blessée à mort à l'assaut d'une place, avec un Enfant qui s'attachait à son sein. Pausias de Sicyone passe pour avoir peint le premier la voûte et les lambris des appartements; mais, s'étant adonné à ces minces ouvrages, il ne tarda point à se gâter le goût.

L'artiste qui illustra le plus cette époque fut le sculpteur Lysippe, dont le talent dut beaucoup à ses études anatomiques; mais il ne nous est pas resté un seul de ses ouvrages, sur six cent dix statues en bronze dont il fut l'auteur. Lysistrate, son frère, inventa le moulage en argile du masque sur la nature vivante; ce qui permit d'obtenir une ressemblance parfaite, tandis qu'antérieurement elle ne venait qu'après la beauté. Charès de Linde, auteur du colosse de Rhodes, ouvrage qui par ses proportions et sa pose s'éloigne de la sobriété grecque, était élève de Lysippe.

Cet engouement pour les colosses dut venir de l'Orient; c'était une idée orientale qu'avait eue Stasicrate, quand il proposa de tailler le mont Athos à l'image d'Alexandre, et le héros montra qu'il comprenait le goût national, en répondant à l'artiste : Laisse le mont Athos comme il est; le Caucase, l'Imaüs, le Don, la mer Caspienne, me rappellent assez au souvenir de la postérité. A cette époque semble appartenir le Laocoon,œuvre merveilleuse par le goût délicat et noble, par la science profonde de l'exécution, bien qu'elle vise à l'effet et cherche à manifester l'habileté, en dépassant les limites que l'art s'était proposées dans l'expression du sentiment.

Le groupe Farnèse, qui étonne mais ne satisfait point, appartient également à l'école de Rhodes.

La musique est aussi redevable aux Grecs de plusieurs perfectionnements; ils inventèrent trois modes principaux, le dorien majestueux, l'ionien gai, l'éolien pathétique; en outre, ils empruntèrent aux Phrygiens et aux Lydiens deux autres modes, l'un pour les cérémonies religieuses, l'autre pour exprimer la tristesse. Ils ne firent généralement usage d'instruments que pour accompagner la voix, et ne se servirent pas pour la cithare de l'archet, qui transmet avec tant de puissance le sentiment de l'artiste.

C'était au son des flûtes qu'ils chantaient les hymnes aux dieux, entonnaient le choeur des tragédies, ou accompagnaient les danses, dont on retrouve les vestiges dans celle d'Ariane et dans la voluptueuse Romaïque, que les Athéniennes, soutenues par l'espérance d'une liberté si longtemps désirée, n'ont pas cessé d'exécuter au milieu des ruines de leur antique grandeur.

Dans Homère, la musique ajoute à la pompe des solennités publiques et aux joies de la famille, dans les jeux publics, il y avait des concours de musique, et la lutte était si vive que les concurrents plus d'une fois furent victimes de leur ardeur. Les chœurs chantaient les odes et les scènes lyriques des tragédies, divisées en strophes, antistrophes et épodes. On sait que le chœur fut l'origine de la poésie dramatique, et Démosthène ( Contre Midias) nous apprend qu'il était composé de jeunes gens, d'hommes ou de vieillards, selon le sujet qu'on représentait.

Pythagore, dit-on, découvrit les rapports musicaux, et la manière de déterminer la gravité des sons d'après la plus ou moins grande rapidité des vibrations des cordes, ainsi que la théorie de la propagation des sons (1). Enchaînée ainsi au calcul,

(1) M. Biche Latour présenta à l'Institut historique de France, au mois de septembre 1841, un mémoire qui fut couronné; je vais m'en servir.

Il trouva dans les théories sur la musique grecque trop et pas assez trop avec Pythagore, qui voulut faire de la musique un instrument qui servirait au créateur pour former les mondes; pas assez avec Aristoxène et les autres philosophes syllogistiques, qui n'en firent qu'un art secondaire pour accompagner la poésie, la danse, la musique, l'éloquence. Une théorie infinie lutte donc avec une pratique ingénieusement futile: la première, comme trop vaste, devient inapplicable; la seconde, qui ne vise qu'à plaire, n'atteint pas le but véritable, c'està-dire la représentation vraie des sentiments. La musique pythagoricienne, autant qu'il est possible d'en juger, avait pour unité la corde, dont les divisions devaient produire les intervalles successifs les plus parfaits. La corde étant divisée en deux parties égales, l'octave donnait le rapport le plus harmonieux, c'est-à-dire 1 à 2; suivait la quinte qu'on obtenait en mettant en vibration 2/5 de la corde; la quarte, produite par la résonnance de 3/4 de la corde, était la dernière.

cette théorie, par cela même qu'elle se renfermait dans une octave, restait pauvre et stérile à côté de la voix humaine, qui, dans l'organe le plus limité, possède environ une octave et demie d'étendue.

On sentait donc la nécessité de modifier ce système, pour que la musique pût satisfaire à tous les besoins du sentiment; cette révolution fut accomplie par Aristoxène, disciple d'Aristote. Il proposa de substituer à la méthode de calcul rigoureux une méthode purement empirique, où les faits ne seraient considérés que dans leur rapport avec l'organisation humaine. Néanmoins, n'osant pas répudier les théories abstraites encore en faveur, il se contenta de modifier ce que les divisions mathématiques de la corde avaient de trop rigoureux; il restreignit donc les quintes d'une manière imperceptible', afin que la musique pût parcourir un certain nombre d'octaves sans altérer sensiblement les rapports de justesse entre les divers intervalles.

Tel fut son tempérament, mot qui s'applique bien, soit à la réduction des quintes, soit à la manière tempérée, au moyen de laquelle Aristoxène conciliait les exigences du calcul avec l'aspiration du sentiment. Une fois les anciennes bases détruites, les abus firent irruption, puisqu'il fallait substituer au calcul mathématique le jugement de l'oreille. De là, une licence effrénée, chacun se persuadant que l'oreille devait approuver ses innovations, destinées à disparaître bientôt, et qui firent croire qu'un peuple ingénieux et prompt à se jeter dans les nouveautés ne

Néanmoins les successions d'octaves, de quintes et de quartes, étaient les seules consonnances admises dans ce système; les accords des Grecs n'étaient donc qu'un enchaînement de sons, qui se succédaient dans certaines proportions; mais ils ignoraient l'harmonie, c'est-à-dire l'art de faire entendre des sons simultanés; or les successions dont nous venons de parler sont exclues de l'harmonie. Ce fut donc à tort qu'on employa le mot d'accords pour exprimer tout autre chose.

Sans nous arrêter sur les détails du système pythagoricien, nous dirons seulement que ces intervalles d'octave, de quinte et de quarte, étaient complétés par d'autres appelés dissonants parce qu'ils naissent des rapports numériques les plus compliqués. Ce sont la seconde mineure (de mi à fa); la tierce mineure (de mi à sol) dans le genre diatonique; dans le genre enharmonique, on employait successivement la moitié de cette seconde mineure et la seconde mineure (de mi à mi demi-dièze, et de celui-ci à fa naturel), et la tierce majeure (de fa naturel à la). Les combinaisons se fondaient toutes sur une série de quatre sons, appelée tétracorde. Tout tétracorde était formé de deux cordes fixes, la tonique et la quarte (mi-la); les deux autres cordes se tendaient ou se relâchaient selon que le musicien voulait jouer dans le genre diatonique, chromatique ou enharmonique.

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pouvait être contenu, dans les arts ou la politique, que par le despotisme.

Néanmoins toute la musique grecque ne se composait que de deux éléments: la succession des durées relatives, et la succession des intervalles mélodieux; ces deux éléments provenaient d'un principe unique, qu'on pourrait appeler le principe de la successivité.

Nous sommes persuadé que les Grecs, par cela seul qu'ils s'arrêtèrent à une échelle aussi étroite, ne voyaient dans la musique qu'un mode d'accentuation de la poésie; plus tard on apprit à passer d'un mode à un autre, et l'accentuation musicale devint plus expressive, plus passionnée. Il semble néanmoins que les instruments ne se faisaient entendre que par intervalles pendant la mélodieuse déclamation du chanteur, et pour lui donner le ton ou lui indiquer le changement d'accent.

On dit que Terpandre inventa les notes, c'est-à-dire le moyen de noter les sons avec des lettres de l'alphabet. Quelques auteurs portent le nombre de ces signes à 626, et Burette même à 1620; d'autres n'en comptent que 90. Une moitié servait pour la musique vocale, et l'autre pour l'instrumentale. Il est certain que la notation était très-compliquée, non pas tant à cause des signes que pour leur signification diverse. Il y avait d'autres signes pour exprimer la durée du rhythme, et quatre pour exprimer le silence.

Ce qui est certain non moins qu'admirable, c'est l'importance que les anciens législateurs attribuaient à la musique. Par Solon et Lycurgue, elle fut considérée comme une partie essentielle de l'éducation les Grecs la croyaient nécessaire à l'État ; ils la regardaient comme un des soutiens de l'esprit public et de la force nationale.

Polybe, en cherchant pourquoi les Cynéthéens, bien qu'Arcadiens, se distinguaient si fort des autres Grecs par leurs cruautés et leur scélératesse, l'attribue à ce qu'ils abandonnèrent l'étude de la musique, à laquelle toute la population de l'Arcadie se livrait par une vocation naturelle. « La musique, dit-il, est utile à tous les mortels, mais elle est nécessaire aux Arcadiens. Ne croyons pas qu'ils aient uniquement par fantaisie réservé à la musique une place si considérable dans leur gouvernement. Dès l'âge le plus tendre, les Arcadiens sont instruits à chanter des stances et des hymnes; ils apprennent ensuite des odes de Philoxène et de Timothée, et chaque année, à l'époque des dionysiaques, ils dansent à l'envi au son de la flûte. Au milieu des festins, chaque

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