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lle époque.

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Phidias, l'art tient encore de l'Orient, et sait mieux orner et décorer qu'atteindre le beau véritable; aussi les formes pèchent-elles par la trivialité et la grossièreté, tandis que les ornements sont d'une extrême délicatesse. On cite comme appartenant à cette époque, outre quelques statues de divinités et les armes des héros troyens mentionnées par Homère, un combat d'Hercule et d'Antiope, groupe en bronze du Crétois Aristoclès; le fameux coffre de Cypsélus, en bois de cèdre, avec des figures en or et en ivoire; les ouvrages de Dipène, Scyllis, Bupale, Antherme, Bathyclès, Théodore et Rhocus, de l'île de Samos, Glaucus, de Chios; les statues de bois, érigées aux vainqueurs des jeux Olympiques, et les basreliefs d'Égine. Dodwell a trouvé dans un tombeau, à Corinthe, un vase de Sicyone, le plus antique qui existe; il date à peu près de la cinquantième olympiade, et représente une chasse aux sangliers.

Le progrès de l'art amène le second style, qui embellit la nature sans la trahir; alors naissent les merveilles de Phidias, de Polyclète, de Scopas, d'Alcamène, de Myron, qui, mariant le sublime à la beauté, se permettent des hardiesses où l'oeil du vulgaire croit voir des duretés. Les ouvrages les plus célèbres de Phidias furent les statues en bronze d'Apollon et de Diane, à Delphes; de Minerve, à Platée; de Némésis, à Marathon, mais surtout la Pallas Poliade, qui, du haut de l'Acropole d'Athènes, semblait protéger, de son large bouclier, la patrie des beaux-arts et des héros. Thucydide (1) estime à quarante talents (220,000 francs) les ornements d'or de cette statue, disposés de manière qu'on pouvait les détacher. Les Éléens, ayant voulu élever un temple à Jupiter Olympien avec le butin fait sur les Pisans, s'adressèrent, pour la statue du dieu, à Phidias, que les persécutions des Athéniens avaient forcé de se réfugier chez eux. Il la fit en or et en ivoire, assise sur un trône, avec une couronne d'olivier; elle tenait dans sa main droite une Victoire, aussi d'or et d'ivoire, avec la palme et la couronne : dans sa gauche était le sceptre, de plusieurs métaux, et surmonté de l'aigle; sa chaussure était d'or, ainsi que son manteau, chargé de dessins et de fleurs. Quatre Victoires formaient chacun des quatre pieds du trône, qui était orné de bas-reliefs et de peintures; deux autres étaient placées en avant des jambes; des lions d'or servaient de marchepied; les Heures et les Grâces l'embellissaient, et le soubassement était décoré de bas-reliefs (2).

(1) Liv. II, ch. 13.

(2) QUATREMÈRE DE QUINCY a reconstruit ce Jupiter dans l'ouvrage intitulé : Le Jupiter Olympien ou l'art de la sculpture antique; Paris, 1814.

Une statue dans laquelle sont réunis la ronde-bosse et le basrelief, la peinture et l'incrustation, des fleurs et des animaux, de l'or, des pierres précieuses, de l'ivoire (1) et de l'ébène, n'est guère en rapport avec nos idées actuelles sur le beau artistique. Nous pouvons encore moins comprendre comment, s'il faut en croire les écrivains, on frottait d'huile le pavé qui l'environnait, afin de la préserver de l'humidité. Les anciens ne tarissent pas, au surplus, sur les merveilles qu'ils racontent de ce chef-d'œuvre : les poëtes disaient que Phidias était monté au ciel pour contempler la majesté du père des dieux, et celui qui, venu des dernières extrémités de la Grèce, pouvait le contempler un moment, s'estimait trop heureux.

Alcamène, élève de Phidias, sculpta le combat des Centaures et des Lapithes sur le temple de Jupiter en Élide, et fut vainqueur d'Agoracrite, dans l'exécution d'une Vénus. L'ouvrage le plus vanté de Polyclète est la statue colossale de Junon, à Argos, indépendamment du Doryphore et du Diadumène (2), dont le premier

(1) Le même Quatremère est parvenu à trouver la méthode pratiquée pour faire des statues en ivoire. On sait que les dents d'éléphant sont pleines au bout, creuses au tiers de leur longueur, de six à sept pieds aujourd'hui, anciennement de neuf ou dix. On détachait la partie solide, de manière à en faire autant de morceaux cylindriques, que l'on aplatissait en les amollissant au moyen de la vapeur, et, selon Dioscoride, en les faisant bouillir avec de la racine de mandragore, ce qui les rendait malléables comme de la cire. On en formait ainsi des plaques pouvant avoir plus de deux pieds de superficie sur une épaisseur d'un à trois pouces.

On faisait d'abord le modèle de la statue en cire ou en terre glaise, de la dimension précise qu'elle devait avoir, et on la coulait ainsi en plâtre. On traçait ensuite sur le moule des lignes indiquant la forme et le nombre des morceaux à employer, en prenant soin que les jointures tombassent dans les endroits les moins visibles; cela fait, on coupait le plâtre avec une scie très-fine, en autant de morceaux, de manière à ce qu'ils pussent être rapprochés exactement.

On imitait alors sur l'ivoire chacun des fragments dont la statue devait se composer, ce qui se faisait à l'aide de petites scies, de râpes et de ciseaux pareils à ceux dont on se sert encore aujourd'hui. Cette préparation pouvait être confiée à des praticiens, et l'artiste donnait ensuite la dernière main à l'ouvrage. Personne n'ignore, du reste, combien cette matière est facile à travailler, attendu qu'elle ne s'écaille pas comme le marbre, n'a pas de veines comme le bois, et que d'ailleurs on avait des procédés pour l'amollir. Ces fragments, collés ensuite sur des planchettes de bois, se réunissaient pour former la statue. Les joints étaient si bien ménagés, que l'œil pouvait à peine les distinguer de près, et qu'ils disparaissaient tout à fait à la distance d'où le plus souvent il fallait les regarder. Une charpente de fer soutenait la statue entière.

C'est par ces procédés que furent faits le Jupiter Olympien et la Minerve de Phidias.

(2) LUCIEN, Philopseudes, 18 : Τὸν διαδούμενον τὴν κεφαλὴν τῇ ταινίᾳ, ἔργον Πολυκλείτου.

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III. époque.

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fut appelé xávov (la règle), à cause de ses admirables proportions. Il entreprit deux statues, l'une en secret, selon les règles de l'art et son propre génie ; l'autre publiquement, en se conformant aux avis des prétendus connaisseurs; puis il les exposa à côté l'une de l'autre, en disant : Athéniens, voici mon ouvrage, et voici le vôtre. Il n'est pas besoin de dire laquelle des deux statues fut trouvée la meilleure.

les

Ctésilas rivalisa de talent avec Phidias et Polyclète. Pythagore de Rhégium fut le premier qui finit avec soin la chevelure, veines et les nerfs. On attribue avec quelque vraisemblance à Scopas la statue de Niobé, chef-d'œuvre de cette époque, qui nous est resté, et dans lequel l'expression de la douleur s'allie admirablement à l'idéal de la beauté. Myron travailla surtout en bronze; une génisse, vers laquelle accouraient les taureaux en mugissant, et les veaux pour la teter, lui valut les plus grands éloges.

Praxitèle s'éloigna de ce style sublime et sévère, et c'est à lui que commença l'époque du genre gracieux, si nous pouvons lui donner ce nom. Il parlait moins à l'imagination qu'aux sens, et ne se contentait de la beauté naturelle qu'autant qu'elle était agréable et attrayante. Le Céramique était rempli de ses ouvrages, et sa Vénus attirait à Gnide des admirateurs passionnés et sensuels. L'épigramme de l'Anthologie s'exprime pourtant ainsi (1): « Passant, « si tu contemples la Vénus de Gnide, tu diras: Le Phrygien était << un homme de goût; mais si tu vois à Athènes Pallas la lance en << main, toute resplendissante de gloire, tu t'écrieras : Pâris n'é<< tait qu'un bouvier. »>

Praxitèle donna un jour le choix à la courtisane Phryné entre tous ses ouvrages de sculpture, la laissant libre d'en prendre un à son gré. Afin de découvrir quel était le méilleur, elle eut recours à la ruse; au moment où Praxitèle était près d'elle, un esclave accourt lui annoncer que le feu a pris à son atelier : « Sauvez <«<l'Amour et le Satyre,» s'écrie l'artiste épouvanté. « Rassure<< toi, lui dit-elle en le caressant, c'était une épreuve de ma << façon, et je prendrai l'Amour. » L'artifice était plus fin que judicieux, car il est rare qu'un auteur soit bon juge de ses propres ouvrages.

Le désir de transmettre leur nom à la postérité avec leurs ouvrages est naturel chez les artistes; mais, comme les statues étaient l'objet d'un culte, et qu'on y rattachait une idée de sainteté à laquelle la peinture ne participa jamais, il fut parfois dé

(1) Anthologie, IV, 17 : 'Αφρογενοῦς Παφίης, κτλ.

fendu en Grèce d'y graver le nom du sculpteur. On interdit à Phidias d'inscrire son nom aux pieds de sa statue de Minerve, et, en général, il y a peu de statues qui soient signées. Nous voyons, au contraire, qu'il était d'usage de mettre le nom de l'artiste sur les vases, sur les pierres dures et aussi sur les tableaux (1).

La peinture ne restait pas en arrière des autres arts. Une jeune fille faisait tristement ses adieux à son bien-aimé, qui devait partir le lendemain pour un long voyage, lorsque, remarquant l'ombre que sa figure projetait sur la muraille, elle prit un charbon du foyer et dessina son profil, ravie de pouvoir ainsi conserver près d'elle l'image de celui qu'elle allait pleurer absent. L'idée est

(1) L'inscription portait le plus souvent: Un tel fit, ou bien: Œuvre d'un tel, ou même le nom seul : Απέλλης ἐποίει. Λεωχάρους ἔργον. Λυσίππου.

Quelquefois les inscriptions étaient en vers; beaucoup de ces inscriptions sont des inventions des poëtes. En voici quelques-unes que nous a conservées l'Anthologie :

Sur la Niobé de Praxitèle. « De vivante que j'étais les dieux m'ont changée en marbre, et de marbre que j'étais Praxitèle m'a de nouveau rendue vivante. » 'Ex ζωῆς με, κτλ.

Sur la vache de Myron. « Bouvier, fais paître ton troupeau loin d'ici, de peur qu'il n'emmène avec lui la vache de Myron. » Βουκόλε, τὴν ἀγέλαν, κτλ.

« Si Myron n'avait attaché mes pieds à cette pierre, moi génisse, j'irais paître avec les autres génisses. » Εἰ μὴ μου ποτί, κτλ.

Nous en connaissons d'autres encore, qui avaient été inscrites sur l'ouvrage même; celles, par exemple, dans lesquelles Parrhasius faisait lui-même son éloge, et qui sont rapportées par Athénée, liv. XII, page 543.

<< Ce tableau est l'œuvre de Parrhasius, qui aima le plaisir et pratiqua la vertu ; natif d'Éphèse, fils d'Événor, véritable enfant de la Grèce, le premier dans son art. » Αβροδίαιτος ἀνὴρ, κτλ.

« Je trouverai des incrédules, mais je dirai pourtant que par mes mains l'art est parvenu au dernier degré de perfection; le terme où je me suis arrêté ne saurait être dépassé; mais de la main des hommes il ne sort aucun ouvrage irréprochable. » Εὶ καὶ ἄπιστα, κτλ.

On lisait au bas d'un tableau dont Marcus Ludius avait orné le temple de Junon, à Ardée, cette inscription, que nous rapportons telle que nous la donne Gruter, regrettant de n'en pouvoir déterminer l'époque :

Dignis digna loco picturis condecoravit.
Reginæ Junoni supremi conjugi templum
Marcus Ludius helotas Etolia oriundus,

Quem nunc et post semper ob artem hanc Ardea laudat.

Phèdre nous apprend qu'il y avait à Rome des gens faisant métier de falsifier les noms sur les ouvrages; abus qui n'est encore que trop fréquent :

Ut quidam artifices nostro faciunt sæculo,
Qui pretium operibus majus inveniunt, novo
Si marmori adscripserunt Praxitelem suo,
Trito Myronem argento.

gracieuse comme toutes celles des Grecs, mais elle est démentie par l'histoire; trop de débris subsistent encore pour attester que l'art auquel nous devons les figures des rois, des divinités et des prêtres tracées dans les hypogées et sur les édifices de l'Égypte et de l'Inde, a une origine beaucoup plus ancienne. Quelques-uns ont attribué l'invention de la peinture à un Égyptien nommé Philoclès; d'autres à Cléanthe de Corinthe. Bornée d'abord à de simples contours, elle en aurait ensuite rempli les vides avec une seule couleur, et se serait perfectionnée peu à peu. Il est fait mention d'une bataille des Magnésiens, peinte par Bularque, avant la XVIII olympiade (708 ans avant notre ère); puis il n'est plus question de peinture jusqu'à Anacréon, époque où elle florissait particulièrement à Rhodes. En général, les Grecs s'y appliquèrent beaucoup moins qu'à la sculpture; aussi Pausanias, qui n'énumérait pas moins de huit cent vingt-sept statues, avait-il à peine connaissance de quatre-vingt-trois tableaux et de quarante-trois portraits.

La peinture s'éleva très-haut du temps de Périclès. Panène, frère de Phidias, peignait, avec Polygnote, Micon, et sur les murs du Pœcile, les fastes de la patrie, donnant ainsi à la peinture son véritable caractère, qui est de venir en aide à l'histoire. Les habitants de Delphes, ayant vu une Prise de Troie qu'il avait envoyée pour le concours, lui offrirent une splendide rétribution s'il voulait mettre ses pinceaux à leur service; il refusa, et les amphictyons l'en remercièrent au nom de la Grèce, en décrétant qu'il aurait à l'avenir dans toutes les villes de son territoire droit à l'hospitalité. L'école célèbre de Sicyone fut fondée par Eupompe, qui perfectionna l'art. Pamphile exigeait de ses élèves un talent (1)

(1) Pline (xxxv, 8) dit que les richesses d'une ville suffisent à peine à payer un bon tableau. M. Agrippa donna 300,000 deniers (246,000 fr.) d'un Ajax et d'une Vénus; un tableau d'Aristide, représentant Bacchus, fut évalué à 600,000 sesterces (126,000 fr.). Auguste paya 100 talents (550,000 fr.) la Vénus Anadyomène d'Apelles. Lucullus céda moyennant 80,000 sesterces (16,000 fr.) à Arcésilas une statue de la Félicité. Un jeune garçon couronné, par Polyclète, fut vendu 100 talents. Nicomède, roi de Bithynie, offrit aux Gnidiens de les tenir quittes de tout ce qu'ils lui devaient, s'ils voulaient lui céder la Vénus de Praxitèle, et ils refusèrent le marché. Mnason, tyran d'Élatée dans la Phocide, paya 1,000 mines (90,000 fr.) un tableau d'Aristide; il donna 30 mines (2,700 fr.) à Asclépiodore par chaque figure du tableau représentant les douze grands dieux, et 20 mines (1,800 fr.) à Théomneste pour chacun des héros qu'il peignit. Lucullus paya deux talents (11,000 fr.) une Glycère assise, bien que ce ne fût qu'une copie. L'orateur Hortensius acheta les Argonautes pour le prix de 140,000 sesterces (28,000 fr.). Jules César donna 80 talents (440,000 fr.) de deux tableaux de Timomaque, représentant Médée et Ajax. L'Archigallus de Parrhasius fut

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