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Mais, dans les anciens classiques, on ne trouve aucun témoignage qui le fasse aussi récent, tandis que plusieurs écrivains fixent son existence à une époque beaucoup plus reculée; ce qu'on vit surtout, lorsque l'école d'Alexandrie, par opposition au christianisme, rattacha au nom de ce philosophe tant de traditions, dont quelques-unes le font même roi de la Bactriane, en guerre avec Ninus et Sémiramis. Au contraire, parmi les nombreux auteurs qui ont parlé du règne de Darius, dont ils furent très-rapprochés, aucun ne signale la récente apparition de Zoroastre, et peut-être fautil regarder comme fortuite la concordance du nom de Gustasp avec Hystaspe, sur laquelle s'est fondée l'incertaine critique du siècle dernier, critique favorisée par l'ignorance, du reste ancienne, des Perses eux-mêmes (2). Il est certain que les Naskas furent autrefois traduits du zend en pelvi, et que le pelvi, dès le troisième siècle de notre ère, ne se conservait plus que comme langue sacerdotale. C'est là un indice de la haute antiquité de ces livres, et, peut-être, cette version en pelvi se fit au temps de Darius, dont, peut-être encore, il était la langue nationale. Aussi, la tradition fait vivre alors un Zoroastre qui réforma la religion de son pays; mais nous sommes disposé à croire qu'il a été précédé par d'autres du même nom, comme d'autres aussi portèrent le nom de Bouddha et de Jésus, et que l'histoire de Zoroastre n'est pas tant celle de l'auteur ou des auteurs de sa doctrine, que de la doctrime elle-même et de ses transformations.

Zoroastre n'est pas une incarnation de Dieu comme dans le brahmisme, mais un mortel distinct, à qui Ormuz s'est communiqué, en lui révélant l'ordre de l'univers, la voie du bien et du mal. Les Fagordis exposent les dialogues entre le législateur qui interroge, et le dieu qui répond. Il se dit envoyé par Ormuz pour raviver le culte jadis institué par Uscheng, Schemschid et Hom, et pour apporter la loi écrite après la loi naturelle et la loi révélée. Pure émanation de la Divinité, il naquit et mourut sans avoir fait souffrir la moindre partie animale ou végétale de la création, et la lumière s'épanchait de toute sa personne. Il visita le ciel, où il reçut d'Ormuz la parole de vie (Zend-Avesta.) Il descendit aux enfers; puis, sa mission accomplie, il se retira sur le mont Albordi, où il resta absorbé dans la méditation et dans la piété (1).

(1) Dès le sixième siècle de notre ère, Agathias, dans son histoire de Perse, dit : « Dans quel temps fleurit ce Zoroastre ou Zaradas, on ne le sait pas. « Les Perses disent seulement qu'il vécut sous Hystaspe, sans ajouter autre chose; de telle sorte qu'on ignore si ce fut sous le père de Darius, ou sous "tout autre Hystaspe.

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(2) Selon d'autres légendes, Zoroastre était un mage qui, retiré dans une grotte,

Voilà en résumé ce que rapportent les légendes. En effet, le dernier Zoroastre dut être un mage de la Médie septentrionale. On dit qu'il fut en relation avec les Chaldéens de Babylone et les docteurs hébreux répandus dans la Perse; il avait discuté avec les brahmines, mais plus encore avec les mages de la Bactriane, où il commença ses prédications. Il paraît que de son temps les mages, divisés en un grand nombre de sectes, s'occupaient de soins ambitieux et d'intrigues de cour, tandis qu'ils laissaient le vulgaire sans foi véritable et livré à des superstitions absurdes. Rien de plus naturel, par conséquent, que l'empressement avec lequel

apprit les vertus des herbes et des plantes; il acquit ainsi une puissance prodigieuse, et endurcit son corps au point de résister à l'action du feu.

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Quand il priait, il se tenait sur un seul pied, et, gémissant devant Dieu du désordre des hommes, il le conjurait de lui enseigner le moyen de les ramener à la vertu. Comme il était un jour dans cette attitude, un ange lui apparut et lui dit : « Ami de Dieu, à quoi penses-tu ? Je pense, répondit-il, aux moyens de réformer les hommes, et je crois que Dieu seul peut me les enseigner. Mais qui pourrait me conduire au trône de l'Etre suprême ? Moi, » reprit l'ange; et, l'ayant purifié, il le transporta dans les cieux devant l'Éternel, qui vit au milieu des flammes. Dieu lui découvrit ses secrets et lui donna le Zend-Avesta. Il avait d'abord demandé de vivre éternellement pour continuer à instruire les hommes; mais Dieu lui ayant révélé les désastres dont la Perse aurait à souffrir, et lui ayant appris que le monde deviendrait pire en vieillissant, il ne désira pas dépasser le terme prescrit pour sa mission.

Le malin génie chercha à le détourner de son entreprise et à le séduire par l'appât des honneurs et des plaisirs; mais il resta inébranlable et convertit d'abord ses parents, puis un grand nombre de Perses. Il se présenta devant Darius, fils d'Hystaspe, et mit sous les yeux de ce prince le Zend-Avesta, la Soudra, robe des mages, et la ceinture sacrée. Le roi le requit de fournir témoignage de sa mission par des miracles, et Zoroastre, outre l'épreuve du feu, fit croître rapidement un cyprès. Alors le roi le favorisa; mais les mages tramèrent sa perte, et, ayant mis dans sa chambre des os de chien, des ongles et des cheveux de mort, ils l'accusèrent de magie; de sorte que le roi le fit emprisonner. Cependant un des chevaux de Darius étant tombé malade, Zoroastre promit de le guérir, à la condition que le roi ferait faire le procès à ses accusateurs et embrasserait sa doctrine; ayant obtenu l'assurance que ces conditions seraient remplies, il guérit le cheval. Darius lui demanda quatre dons de pouvoir s'élever au ciel et revenir sur la terre à son gré; de savoir ce que Dieu faisait dans un moment donné et ce qu'il ferait ensuite; d'être immortel et invulnérable. Zoroastre répondit que Dieu n'accordait pas tant de dons à un seul homme, mais qu'il prierait pour qu'ils fussent répartis entre plusieurs personnes de la sorte, le premier fut accordé à Darius, le second à son magicien, les deux autres aux fils de Darius. Le prophète fit part à chacun du don qui lui était échu au moyen d'une rose, d'une grenade, d'une coupe de vin et d'une coupe de lait.

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Sa religion une fois établie, il alla résider à Balk avec le titre de chef suprême des mages. Il voulut convertir Argiaspe, roi des Scythes; mais celui-ci, irrité de son insistanee, entra à main armée dans la Bactriane, défit les armées de Darius, massacra Zoroastre avec quatre-vingt mille prêtres, et détruisit leurs temples.

HIST. UNIV. — T. II.

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fut accueillie la réforme de Zoroastre'; en effet, les princes Lohrasp, Gustasp, Bahman, lui prêtèrent successivement leur appui, de sorte qu'elle devint, comme il arrive presque toujours en Orient, une réforme politique, et contribua à l'affermissement de la dynastie de Darius.

Zoroastre ne fonda rien de nouveau, mais réforma ce qui était, comme le prouve la nature même de son code, où tout est réglé, défini, abstrait, et qui d'ailleurs est moins étendu, moins grandiose dans la forme et dans le fond que ne le sont les plus anciens livres sacrés. Son attention se porte spécialement sur la morale; il représente l'opposition des deux principes comme une lutte dont une chute première fut la cause, et qui finira par une rédemption. On aperçoit néanmoins dans quelques passages une doctrine moins méditée et qui se rapproche plus de celle de l'Inde; dans d'autres brille encore un rayon de l'unité primitive, comme lorsque Ormuzd dit : « Mon nom est le principe et le centre de << toute chose; mon nom est Celui qui est, qui est tout, qui con« serve tout (1) ; » comme aussi dans ces expressions : « Le Verbe << donné par Dieu, parole de vie et d'activité, qui était avant l'eau, « le ciel, la terre, les animaux, les plantes; avant le feu, l'homme « pur, les dévis; avant tous les biens, tous les germes purs (2). »

Le Zend-Avesta a deux parties distinctes, écrites en deux langues différentes, le zend et le pelvi. Les livres zends sont tous canoniques le Vendidad, ou militant, ainsi nommé du combat contre le mal; l'Izesne, élévation de l'âme; les Vispereds, chefs des êtres. Ces trois livres réunis forment le Vendidad-Sadé, espèce de bréviaire que les prêtres doivent réciter chaque jour avant le lever du soleil. Ils sont suivis du lescht-Sadé, recueil de prières en zend, pelvi et parsi ; du Sirouzé ou trentaine, espèce de calendrier liturgique, et du Bundehesc, ou ce qui fut créé dès le commencement, livre pelvi qui renferme une cosmogonie et une encyclopédie scientifique de tout ce qui concerne la religion, le culte, l'astronomie, les institutions civiles, l'agriculture.

Ces livres sont à l'Arie ce que le Pentateuque est à la Judée; seulement nous les connaissons depuis très-peu de temps, et d'une

(1) Yaçna, p. 19.

(2) Iescht Ormuzd, p. 145 du t. II du Zend-Avesta d'ANQUETIL.

On lit au commencement du Yaçna : « J'invoque et je célèbre le créateur « Aoura-Mazda, lumineux, étincelant, très-grand et très-bon, très-parfait et <«< très-fort, très-intelligent et très-beau, éminent en pureté, qui possède la vé<< ritable science, source de béatitude; qui nous a créés, formés, nourris : il est « le plus parfait parmi les êtres intelligents.

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manière imparfaite. Anquetil, qui traduisit le Zend-Avesta, n'avait pas une notion suffisante du zend; aussi sa version, outre qu'elle est incertaine et superficielle, se trouve-t-elle remplie, non-seulement d'erreurs grammaticales, mais encore de contre-sens théologiques occasionnés par les gloses des docteurs de Surate. Burnouf pénétra bien plus avant dans cette langue; malheureusement il n'a donné qu'une petite partie du Yaçna.

Le Zend-Avesta, comme tous les codes des premières religions, n'offre pas un système complet de cosmogonie, mais seulement une légende, qui même n'est ni ordonnée ni entière; de sorte que souvent le caprice décide du choix et de la disposition de ces fragments épars. Il ne faut donc pas s'étonner si les récits varient. Nous adopterons dans le nombre celui qui nous paraît le plus suivi et le mieux raisonné (1).

Dieu est le principe du bien, et de lui il ne dérive que du bien; il est dans la nature, mais la nature est distincte de lui, et en est comme le vêtement. Sa puissance est donc plutôt ordonnatrice que créatrice, l'espace et le temps subsistant de toute éternité comme lui.

Au commencement la terre était parfaite, et Ormuzd dit à Sapetman Zoroastre : « J'ai donné un lieu de délices et d'abondance, «< comme personne ne peut en donner un d'égal; sije n'avais pas << donné, ô Sapetman Zoroastre, ce lieu de délices, personne ne « l'aurait donné. Ce lieu est le pur Aryana, qui au commen«< cement était plus beau que le monde entier, lequel existe par << ma puissance. Rien n'égalait la beauté de ce lieu donné par « moi (2). »

Zoroastre ne dit pas comment naquit le génie du mal et de la négation. Il entre dans le monde aussitôt que le monde existe; mais, comme il n'apparaît qu'avec la création et ne fait que nier, il faut le placer au-dessous d'Ormuzd. « Au commencement du « monde céleste, il me dit : Tu es la Perfection, je suis le Mal. « L'homme ne sera pur ni dans ses pensées ni dans ses paroles; <«< il n'y aura ni intelligence, ni obéissance, ni paroles, ni action, ni « loi (2). Moi qui suis Ormuzd, moi qui suis le juste, le pur, après << avoir fait ce lieu pur dont la lumière brillait de loin, je che<< minai dans ma grandeur. Alors le serpent me vit, et cet Ahri<< mane plein de mort produisit contre moi neuf, neuf fois neuf,

(1) Nous abandonnons ici KLEUKER, GOERRES et CREUZER, pour suivre RHODE, bien qu'il soit en général trop systématique.

(2) Vendidad, frag. 1.

(3) Yaçna, frag. 44.

« neuf cents, neuf mille, quatre-vingt mille envies. Rends-moi le << premier état, ô parole sainte, toi qui es toute la lumière (1). »

La religion des Perses a pour idée fondamentale la dualité de la lumière et des ténèbres, et une lutte entre ces deux principes, qui doit se terminer par le triomphe du premier. Ils sont personnifiés dans Ormuzd, pure lumière, et Ahrimane, génie du mal, que l'envie rendit pervers de bon qu'il était dans l'origine. Il était naturel que, chez un peuple guerrier, l'opposition constante de ces deux génies fût considérée comme un combat perpétuel, et le monde entier comme une arène partagée en deux camps rivaux, savoir le ciel et l'abîme en dehors de la nature; ici-bas l'Iran, terre d'Ormuzd, et le Touran, pays de ténèbres et de malice, repaire de barbares nomades, éternels ennemis des Perses. Ainsi, tandis que le brahmanisme fait Dieu auteur du bien et du mal, le magisme fait celui-ci distinct de celui-là; ce qui met en face du Dieu bon un Dieu méchant, également éternel et indépendant. Zervan-Akérène (2), l'Éternel, est le principe suprême qui donna nais sance à Zervan, c'est-à-dire au temps. Du trône de l'Éternel sortit le Verbe primitif, Honover, le grand Fiat, qui produisit toutes les choses bonnes. Ormuzd ne cesse jamais de prononcer cette parole que répètent avec lui les génies disséminés partout; les prières que les mages, en se remplaçant les uns par les autres sans interruption, devaient prononcer dans les temples selon la diversité des jours et des positions du soleil, sont la constante répétition de ce grand mot sur la terre. Si ce mot cessait de retentir dans le ciel et d'avoir son écho sur la terre, le monde périrait à l'instant. La loi de Zoroastre en est comme le corps; c'est pour cela qu'elle est appelée Zend-Avesta, ou parole vivante.

Une lutte de douze mille ans se prolonge entre le bon et le mauvais principe, qui règnent alternativement sur les quatre âges dans lesquels est divisé cet espace de temps. Durant le premier, Ormuzd règne seul; Ahrimane apparaît dans le second, mais soumi encore; dans le troisième, qui est l'âge courant, il déclare la guerre au bon principe; dans le quatrième, qui est l'âge à venir, il prévaudra jusqu'à ce que s'accomplisse, à la fin des siècles, le triomphe du bien.

Ormuzd, avec la parole Honover, créa, avant toutes choses, les

(1) Vendidad, pag. 51.

(2) Zervan-Akérène signifie temps absolu. Il paraîtrait donc que les sectateurs de Zoroastre admettaient pour principe le temps, tandis que les bouddhistes voyaient le leur dans un espace lumineux comprenant tous les germes des êtres futurs.

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