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tion dut être encore aiguillonnée par la lecture habituelle de l'Iliade, qu'il appelait le guide de l'art militaire, et dont les héros, plus ou moins au-dessus des hommes, gâtèrent peut-être le caractère de celui qui était le plus digne de régénérer la Grèce. On lui demandait un jour si, comme son père, il disputerait la palme aux jeux Olympiques: Oui, répondit-il, quand les concurrents seront des rois. Lorsqu'il vit les ambassadeurs de Perse à la cour de Macédoine, il ne s'informa ni du luxe, ni des réceptions fastueuses, ni du trône d'or de leur maître, mais bien des forces, des distances, des chemins du royaume; aussi dirent-ils : Notre roi est riche, mais Alexandre sera grand. Lorsqu'il entendait parler des conquêtes de Philippe, il s'écriait en soupirant: Mon père prendra tout, il ne me laissera rien à conquérir.

A la mort de Philippe, les seigneurs macédoniens espéraient recouvrer les priviléges dont il les avait dépouillés; mais Alexandre fait échouer leurs complots, et, pour se concilier l'aristocratie, il l'exempte de tout impôt et lui donne dans l'armée les postes d'honneur. Alors il marche contre les Triballes, les Illyriens, les Gètes et les Thraces, dont il punit sévèrement la rébellion. Les Thessaliens le proclament chef de leur féodalité, et lui fournissent, mais surtout les Agriens, de la cavalerie légère; après avoir reçu ce renfort, il se dirige vers la Grèce.

de Thèbes.

335.

Il jouissait auprès des Grecs d'une réputation si contestée que sa destinée future semblait dépendre des premiers actes de sa vie militaire. A Démosthène, qui ne lui avait pas épargné les outrages, il écrivit : Tu m'as traité d'enfant quand j'étais dans le pays des Triballes; de jouvenceau, quand je passai en Thessalie; devenu homme, j'espère arriver bientôt sous les murs d'Athènes. La Grèce Destruction entière était soulevée: mais à ces communes, comme à celles du moyen âge, manquaient l'accord et la persévérance; tout se résolvait en déclamations d'orateurs et en décrets non exécutés. Thèbes, qui avait égorgé sa garnison, fut ruinée de fond en comble; il vendit 30,000 de ses citoyens (1), et n'épargna que les prêtres, la maison et les descendants de Pindare. Une femme thébaine précipita dans un puits un soldat de Thrace qui voulait lui faire violence; on l'amena devant Alexandre, à qui elle dit: Je suis Timoclée, veuve de Théagène, mort à Chéronée, en combattant contre ton père pour la liberté de la Grèce. Alexandre l'admira.

Athènes est épouvantée; Démosthène fait encore appel aux ar

(1) Cette vente lui rapporta, pour sa part, 440 talents (près de 2,420,000 francs).

HIST. UNIV.

T. II.

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mes; mais Phocion s'écrie: Que les Grecs se contentent de pleurer Thèbes, et fassent en sorte de n'avoir pas à pleurer aussi Athènes. En effet, elle s'empresse de demander la paix, et le vainqueur l'accorde (1), à la condition qu'on lui remettra Démosthène, Hypéride, Lycurgue, Charidème et d'autres instigateurs de la révolte; mais Démade, s'étant transporté auprès de lui, obtint qu'il leur pardonnât, et il se contenta de bannir Charidème, qui se réfugia près de Darius.

Les amphictyons confirmèrent à Alexandre le commandement général de la Grèce; l'assemblée réunie à Corinthe le déclara chef de l'expédition contre la Perse. La pythie lui répondit: O mon fils, tu es invincible. Poëtes, philosophes, orateurs, accoururent le complimenter. Diogène le cynique fut le seul qui refusa de lui rendre hommage. Le jeune roi alla le voir, et lui demanda en quoi il pouvait lui être agréable; Diogène lui répondit: En te mettant de côté pour que je jouisse du soleil.

Si l'expédition de Perse, projetée par Philippe, n'était pour lui qu'un moyen, elle était le but principal d'Alexandre. Il confie à Antipater le gouvernement de la Macédoine, et, pour se concilier l'affection des généraux, il leur donne tout ce qu'il possède, ne gardant pour lui que l'espérance. Parmi les Thraces et les Illyriens, auxiliaires turbulents, il choisit les meilleures troupes pour son armée. Il laisse à la Grèce son entière administration intérieure, dans la persuasion qu'elle serait affaiblie par les factions bien plus que par sa vigilance; puis, après avoir célébré la solennité des Muses, part avec trente-cinq mille hommes d'élite (2) guidés par des capi

(1) On retrouve quelques-unes des conditions de cette paix généreuse dans la harangue de Démosthènes (ou peut-être d'Hypéride), sur le traité conclu avec Alexandre, ὁ περὶ τῶν πρὸς Ἀλέξανδρον ῥυθμικῶν: « Les Hellènes seront libres et se régiront par leurs propres lois... Ceux qui détruiront les gouvernements établis dans chaque État à l'époque de la prestation du serment pour la paix, seront ennemis de tous les confédérés... Le conseil chargé de veiller sur les intérêts communs empêchera, dans les cités confédérées, tout supplice, tout bannissement illégal, les confiscations, le partage des terres, l'extinction des dettes, l'affranchissement des esclaves, enfin toute innovation... Il est interdit aux émigrés de partir armés d'aucune des villes confédérées pour en attaquer une autre, sous peine d'exclusion du traité pour la ville d'où ils seront partis... Les confédérés auront la mer libre, nul n'arrêtera et n'emmènera un seul de leurs navires; quiconque violera cette défense sera un ennemi pour la confédération. » En outre, aucune trirème macédonienne ne devait entrer dans un port d'une ville confédérée, sans qu'elle y eût consenti.

(2) C'est-à-dire 12,000 Macédoniens, 7,000 alliés, 5,000 mercenaires, tous à pied; 5,000 Odryses, Triballes, Illyriens; 1,000 archers agriens, 1,500 cavaliers macédoniens, même nombre de cavaliers thessaliens, 600 cavaliers grecs, 900 éclaireurs de Thrace et de Péonie: en tout, 30,000 fantassins et 4,500 chevaux. Puis,

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taines expérimentés, soixante-dix talents et des vivres pour un mois, afin d'accomplir la plus vaste entreprise qui eût encore été tentée par les Européens.

Cette armée, déjà préparée par Philippe, se composait d'armes

Armée

de toute sorte. Les forces macédoniennes, qui en formaient le d'Alexandre. noyau, étaient soutenues par la grosse cavalerie, corps redoutable auquel la Grèce ne pouvait opposer rien de semblable; elle était même, pour l'armure, le nombre et l'habileté dans les manœuvres, supérieure à la cavalerie romaine. Les hommes étaient choisis parmi la noblesse macédonienne, et la représentaient. L'infanterie qui composait la phalange se recrutait dans le peuple, dont elle était si bien la représentation qu'on la réunissait pour prononcer sur un crime capital. A défaut d'amour de la liberté, ces nobles Macédoniens avaient pour mobiles l'orgueil national et le sentiment de leurs propres droits. Loin d'être des instruments aveugles dans la main d'un chef, ils faisaient la guerre comme un peuple qui marche contre un autre peuple; aussi Alexandre dut-il revenir sur ses pas lorsqu'ils ne voulurent plus le suivre. Les Macédoniens seuls lui étaient attachés par la naissance, les habitudes, l'intérêt. Il devait se concilier les autres par l'affabilité et les récompenses; mais il ne les traita jamais comme sa nation, à laquelle il réservait exclusivement les commandements supérieurs, sa familiarité, ses largesses.

Les argyraspides, choisis dans la noblesse inférieure, tenaient le milieu entre la grosse infanterie et les fantassins armés à la légère; combattant avec une lance et un bouclier plus commode à manier, leurs évolutions étaient plus faciles. Les autres peuples servaient dans l'arme où ils étaient le plus redoutables : les Odryses, les Triballes et les Illyriens, dans les troupes légères; les Thes saliens, dans la grosse cavalerie. Les Thraces et les Péoniens étaient employés comme éclaireurs, à la manière des Tyroliens et des Pandours; du reste, point de femmes et d'enfants, au plus quelques chariots pour le transport des bagages.

A Sestos, il passe sur 160 trirèmes, outre les navires de transport, et rend un nouvel hommage au génie grec en se prosternant sur le tombeau d'Achille, dont il envie la destinée, bien que mort jeune, parce que le chantre méonien lui avait assuré l'immortalité. Éphestion rendait aussi des honneurs à Patrocle, comme un

comme renfort, il recueillit tout ce qu'il put de cavalerie, et forma des dimaques, espèce de dragons, qui combattaient à pied et à cheval; beaucoup d'hommes armés à la légère, avec un corps composé uniquement de Macédoniens, à pied et à cheval, lui servaient de garde.

Perse.;

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grand hommage à l'amitié qui le liait, lui aussi, au héros macédonien les jeux célébrés sur la tombe des héros, et les sacrifices offerts à Neptune qui avait détruit les remparts d'llion, rappelaient à la mémoire la première expédition des Hellènes unis contre les Asiatiques. La même pensée dirigeait la nouvelle entreprise, la plus grande de l'antiquité, et à laquelle il ne manqua qu'un Homère.

Jetons maintenant un regard sur ceux qu'ils vont assaillir. Nous avons déjà vu que, depuis Xerxès, les Perses s'acheminaient vers leur déclin. Sortis nomades et guerriers de leurs vallées natales, ils élevèrent sur les ruines de la Médie un empire dont l'organisation tenait de leur état primitif de vagabondage armé; loin de perdre, en se civilisant, la manie des conquêtes, ils portèrent toujours à la plus grande distance l'esclavage et la dévastation: les ruines de Babylone, de Thèbes en Égypte, de Sidon, d'Athènes, furent les tristes monuments de leur vaillance. Leurs conquêtes accrurent le nombre de leurs ennemis, et les jetèrent parfois contre des peuples qui, comme les Grecs, les taillèrent en pièces. Plus souvent ils furent vainqueurs ; mais l'excessive étendue de leur domination lui enlevait toute consistance: car un vaste empire n'est pas une création naturelle, et vingt peuples différents ne sauraient guère se fondre dans cette unité qui seule peut donner une force durable.

Ils avaient, en retour, contracté les vices de la civilisation; ainsi qu'il arrive toujours, les vainqueurs furent énervés par la mollesse et les vices des vaincus : ils adoptèrent le luxe et le despotisme des Mèdes; leurs rois furent entourés de femmes et d'eunuques, et leur histoire se remplit d'intrigues, de conjurations, de révoltes. Cet assemblage de peuples hétérogènes avait pour centre les satrapes de chaque pays, vassaux plutôt que ministres du roi. Éloignés ou indépendants, les satrapes exerçaient sur les peuples une tyrannie insupportable, et si le monarque voulait y mettre un frein, ils se déclaraient en rébellion ouverte; car il y a dans le despotisme quelque chose de violent et de désordonné, qui souvent oppose au droit l'audace de la force ou les perfidies de la dissimulation. L'armée ne se composait que de hordes sans discipline ni sentiment commun, et que l'aristocratie poussait à la guerre.

Un semblable édifice, si le choc vigoureux de l'étranger vient le heurter, sera certainement abattu, puisqu'on ne pourra rien attendre de l'honneur et du patriotisme de peuples qui n'ont de commun que la servitude.

Les conquêtes des Perses dans l'Asie Mineure n'y changèrent presque rien aux mœurs et au caractère; elles ne firent que mettre en communication des pays d'abord très-disparates, et agiter la Grèce par les factions qu'elles y suscitèrent. La honteuse paix d'Antalcidas assura à la Perse cette portion de l'Asie, avec Chypre et Clazomène. Sa domination y fut d'autant plus incontestée que l'apparition d'Épaminondas vint abaisser Lacédémone; mais d'autres provinces n'étaient pas aussi tranquilles. Les Cadusiens, habitants du Caucase, défirent Artaxerxès II, l'Égypte se révolta sous son roi Nectanébo Ier, et la Perse ne put la ramener à l'obéissance qu'en appelant à son aide les armes grecques; mais, à peine Iphicrate et Artabaze cessèrent-ils d'opérer d'accord, que l'expédition avorta. Artaxerxès vivait encore, que ses trois fils se disputaient sa succession, soutenus par les intrigues d'un sérail dont un vieux monarque devient le premier esclave. La partie occidentale de l'empire s'insurgea en même temps que les gouverneurs de la Syrie et de l'Asie Mineure, secondés par Tachos, roi d'Égypte ; mais Darius, l'aîné des princes, fut tué, et les tentatives des deux autres frères échouèrent par la trahison d'Oronte, l'un de leurs principaux partisans, gagné par l'or de la cour de Perse.

384. Artaxerxès II. 374.

362.

Ochus, le dernier des fils du grand roi, ayant succédé à son Artaxerxès III. père sous le nom d'Artaxerxès III, s'affermit sur le trône par le massacre de toute la famille royale, faisant ensevelir sa propre sœur et égorger les personnages les plus illustres. Cependant Artabaze, satrape de l'Asie Mineure, parvint à se soutenir avec l'aide des Thébains, et la manière dont Philippe de Macédoine se comporta à son égard permit d'entrevoir les desseins qu'il méditait sur l'Asie. Les Phéniciens et les Chypriotes, qui s'étaient alliés avec l'Égypte, se révoltèrent aussi; mais la trahison, et plus encore les armes grecques les remirent sous le joug du roi de Perse. Mentor, général des confédérés, lui livra Sidon; cette ville fut détruite et la Phénicie domptée. Phocion et Évagoras l'aidèrent à prendre Chypre; enfin Artaxerxès lui-même, s'étant rendu en Égypte avec les troupes mercenaires, vainquit Nectanébo II près de Péluse, détruisit les temples et les archives,'et fit du pays une province de la Perse.

C'était la dernière lueur d'un flambeau prêt à s'éteindre. Le traître Mentor et l'eunuque Bagoas s'emparèrent de toute l'autorité, en ne laissant qu'un vain titre à Artaxerxès, jusqu'au moment où il plut à Bagoas de l'empoisonner. Son meurtrier fit également périr tous ses fils, à l'exception d'Arsès, le plus jeune,

349.

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