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La colonie principale fut celle qui, sous la conduite de l'Héraclide Téménide, vint d'Argos dans l'Émathie, et posa les fondements du royaume de Macédoine. Elle se soutint au milieu des indigènes, et, dans la suite, étendit sa domination; mais il n'y a rien de certain sur ses premiers rois. On cite dans le nombre Caranus, qui régna vingt-huit ans; Conus, vingt-sept; Tyrimmas quarantecinq; Perdiccas, de 695 à 647; Argée Ier, mort en 609; Philippe Ier, en 576; Aiéropas, en 556; Alcétas, en 538. Il serait inutile de rechercher ce qu'ils firent, quand il y a confusion même dans les noms. Leurs entreprises durent d'abord se borner à des guerres suivies de résultats divers avec leurs voisins, notamment avec les Piériens et les Illyriens, qui avaient leurs rois particuliers.

Le territoire des Macédoniens n'embrassait, à ce qu'il paraît, que l'Émathie, la Mygdonie et la Pélagonie, bien qu'ils eussent pour tributaires quelques autres pays environnants. L'autorité des rois de Macédoine était limitée par les priviléges féodaux des grands, qui ne purent jamais oublier leurs antiques franchises, même à l'époque la plus brillante de leur histoire. Le souverain n'était chez eux que le premier parmi ses égaux, ne s'entourait d'aucune pompe, n'avait que son armure pour marque distinctive, et chacun pouvait le saluer d'un baiser sur le front. Sobres dans la vie privée et splendides dans leurs fêtes, les Macédoniens avaient pourtant plusieurs femmes et de nombreuses concubines. Un jeune homme n'était admis à leurs banquets qu'autant qu'il avait tué un sanglier avec la lance; les femmes en étaient exclues. Malheur à celui qui aurait répété au dehors ce qu'on y avait dit ! Dans les solennités nuptiales, ils coupaient un pain en deux avec l'épée, et le mari et la femme en prenaient chacun une moitié. Semblables encore aux héros d'Homère, ils buvaient jusqu'à l'ivresse, se livraient à des jeux guerriers, formaient dans l'armée un conseil politique et militaire, et se jugeaient entre eux, car la constitution militaire se liait à la constitution civile.

Quand les Perses vinrent attaquer l'Europe, ils eurent d'abord à traverser la Macédoine, que Darius, fils d'Hystaspe, soumit à un tribut, qui fut payé par Amyntas Ier, mort en 496, et par Alexandre Ier, son fils, mort en 452. Ce dernier, comme les autres vassaux de l'empire, dut accompagner Xerxès dans son expédition contre les Grecs, dont la victoire affranchit aussi la Macédoine (1).

(1) La Macédoine n'a pas d'historiens propres. Il est parlé d'elle par HÉRODOTE, THUCYDIDE, ARRIEN, et surtout par DIODORE DE SICILE. Ce dernier, comme JUSTIN, s'appuie sur THÉOPOMPE. Les harangues d'Eschine et de Démosthène

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Elle eut toutefois à lutter contre deux ennemis redoutables : les Thraces, qui d'abord, sous Sitalcès, 'puis sous Zenthès, son successeur, formèrent le puissant empire des Odryses, et les Athéniens, qui, devenus forts sur mer, réduisirent à l'état de vasselage les colonies situées sur les côtes; elle se trouva dès lors impliquée dans les affaires des Grecs, qui jusque-là avaient considéré les Macédoniens comme des barbares. En effet, bien que de la même origine, ils n'avaient pas participé à la civilisation hellénique, et les Grecs avaient d'eux la même opinion que l'Europe des Moscovites il y a un siècle; mais, comme les Moscovites, ils s'efforçaient constamment de s'insinuer dans la société hellénique.

Les Athéniens commencèrent par soutenir Philippe Ier contre son frère Perdiccas II, qui, par vengeance, fit révolter contre eux Potidée, ainsi que nous l'avons vu; cet événement obligea les Grecs de Chalcis et des villes voisines à se réfugier à Olynthe. Potidée succomba à la fin; mais Perdiccas louvoya si bien durant la guerre du Perdiccas. Péloponèse, engagée alors, qu'il abusa les Athéniens, en même temps qu'il sut détourner les menaces des Thraces, en mariant sa sœur à Zeuthès, héritier de ce royaume. S'étant ensuite déclaré pour les Spartiates, il se rendit très-incommode aux Athéniens, qui perdirent Amphipolis et durent s'estimer heureux de se réconcilier avec ce roi.

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La politique habile d'Archélaüs fut encore plus profitable à ce royaume que les artifices de Perdiccas. Ce prince civilisa ses peu

instruisent de ce qui concerne Philippe, pour peu qu'on sache se tenir en garde contre leur partialité. Quant à Alexandre, indépendamment du XVIIe livre de DIODORE, PLUTARQUE nous a conservé sur ce conquérant beaucoup de documents et d'anecdotes; mais il a quelque chose du rhéteur, et il est peu exact. ARRIEN est préférable en ce qu'il est très-judicieux dans le choix des autorités historiques. Nous ne faisons aucun cas de QUINTE-CURCE. Quand même le livre ne serait pas supposé, son auteur serait toujours trop récent et trop ignorant des mœurs, des lieux et des faits.

Quant aux modernes, on peut consulter, outre les histoires générales: OLIVIER, Hist. de Philippe de Macédoine, 1740. C'est une apologie de Philippe.

LELAND, Hist. de la vie et du règne de Philippe; Londres, 1761 (anglais). Œuvre plus impartiale, mais aussi plus aride que la précédente.

SAINTE-CROIX, Examen critique des anciens historiens d'Alexandre; 2o édition, Paris, 1804. Excellent travail.

COUSINÉRY, Voyage dans la Macédoine, contenant des recherches sur l'histoire, la géographie et les antiquités de ce pays; Paris, 1831. HEEREN, Commerce et politique des peuples anciens.

L. FLATHE, Geschichte Macedoniens, etc.; Leipzig, 1832.

BRUECKNER, König Philipp, Sohn Amyntas, etc.; Goettingue, 1837.
DROYSEN, Geschichte Alexander des Grossen; Berlin, 1838.

ples, que les guerres précédentes avaient déjà réveillés; il ouvrit des routes, fortifia plusieurs places, attira les gens de lettres à sa cour, et favorisa les arts de la Grèce. C'était un autre artifice pour s'introduire parmi les Grecs; ainsi, Amyntas avait demandé le titre de citoyen d'Athènes pour avoir détruit un corps de Perses après la bataille de Platée, et Alexandre, la faveur d'être admis aux solennités nationales d'Olympie, par égard pour Hercule, père commun des Doriens. Du reste, ces rois, toujours déterminés par des vues politiques, espéraient accroître leur prépondérance si leurs feudataires se poliçaient. Archélaüs fut bientôt assassiné, et des troubles graves naquirent pour sa succession, mal déterminée par les lois du pays, et ambitionnée par plusieurs prétendants, que soutenaient des Macédoniens et des étrangers. Aiéropas, tuteur du jeune Oreste, usurpa le trône qui revenait à celui-ci; mais il mourut, et son fils Pausanias, ayant été tué, Amyntas II, neveu de Perdiccas, vainquit Argée, frère de Pausanias, appuyé par les Illyriens, et s'affermit sur le trône. La puissante ville d'Olynthe fut la seule qui ne voulut pas se soumettre à son autorité; il eut alors recours aux Spartiates, et, avec leur aide, il la réduisit, par la force, à subir de dures conditions.

Amyntas laissa trois fils, Alexandre, Perdiccas et Philippe; l'aîné ne succéda à son père qu'en chassant son compétiteur Ptolémée d'Alorus, avec l'aide de Pélopidas, et en donnant pour otage aux Thébains son plus jeune frère, Philippe, qui fut élevé dans la maison du grand Épaminondas. Mais, dans la même année, Ptolémée renversa Alexandre du trône et prit en main les rênes du gouvernement, sous prétexte de conserver le pouvoir royal aux deux jeunes princes mineurs, ainsi que le lui avait enjoint Pélopidas. Perdiccas III, qui supportait impatiemment sa tutelle, lui arracha la vie, et les Athéniens, commandés par Iphicrate, l'aidèrent à triompher de Pausanias, autre prétendant à la couronne. Un demi-siècle de révolutions semblait devoir entraîner la Macédoine à sa ruine; en effet, les Illyriens en profitèrent pour lui imposer un tribut, et Perdiccas fut tué en combattant contre

eux.

Instruit de la mort de son second frère, Philippe s'enfuit de Thèbes, où il était toujours en otage, dans l'intention de prendre le gouvernement comme tuteur de son neveu, le jeune Amyntas, mais en réalité pour son propre compte ; dans le cours d'un règne de vingt-quatre années, il éleva la Macédoine au premier rang. S'il ne montra point qu'il avait appris d'Épaminondas la morale et la probité, la prudence persévérante avec laquelle il sut combiner

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Amyntas II.

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ses desseins et en assurer la réussite, n'est pas moins étonnante qu'instructive; car, grâce à elle, on le vit, au milieu d'obstacles qui auraient lassé une volonté moins énergique, atteindre au comble de la puissance, sans pourtant s'en laisser éblouir.

Il eut tout d'abord à défendre sa couronne contre deux concurrents, Argée et Pausanias, que favorisaient les Thraces et les Athéniens, toujours jaloux des progrès de la Macédoine. Philippe, ranimant le courage de ses partisans, défait Argée, achète la paix des Athéniens en reconnaissant la liberté d'Amphipolis, et fait un arrangement avec les Thraces; Pausanias, abandonné, est contraint de se désister de ses prétentions.

Alors, à l'exemple d'Épaminondas, il institua la phalange, corps de six ou sept mille combattants, dont chaque file avait seize hommes de profondeur, tous armés de sarisses, ou piques de vingt et un pieds. Les piques des cinq premières files dépassaient toutes également, opposant ainsi à l'ennemi cinq fois plus de pointes qu'il n'y avait d'hommes de front. A partir du sixième rang jusqu'au dernier, les piques venaient successivement s'appuyer sur les épaules de ceux qui se trouvaient en avant, de manière à présenter un buisson impénétrable. Cette masse inerte absorbait trop de forces lorsqu'on avait affaire à des troupes plus agiles, comme la légion romaine; mais elle était excellente pour enfoncer les armées innombrables et tumultueuses des rois d'Asie. En outre, on pouvait y encadrer les milices le jour même qu'elles arrivaient au camp, et elles étaient, pour ainsi dire, absorbées par les autres. Un grand bouclier couvrait de la tête aux pieds les phalangistes; ils étaient armés d'une épée destinée à frapper de pointe et de taille, comme celle des Romains, mais plus difficile à manier. Ils avaient à porter, en outre, leurs bagages et des tentes de cuir, qui pouvaient suffire à deux, et servir, au besoin, pour le passage des fleuves. Associant ainsi à la valeur cette discipline qui la dirige et la protége, Philippe s'assura la prééminence sur les barbares; lorsque les Macédoniens, qui avaient besoin d'un homme, non d'un enfant, l'eurent proclamé roi, il soumit les Péoniens, défit les Illyriens que naguère les Macédoniens n'osaient regarder en face, et leur tua sept mille hommes; avec eux périt leur roi Bardylis. Philippe eut bientôt étendu sa domination jusqu'aux confins de la Thrace, et, à l'occident, jusqu'au lac Lychnide.

Le plus difficile était de mettre en défaut la jalousie qu'un pareil accroissement causait aux Athéniens et aux colonies grecques du voisinage, à Olynthe surtout. Philippe y déploya l'habileté d'un diplomate consommé ; il sut les amuser et couvrir de paroles sé

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duisantes les faits trop irritants. Sa première pensée devait être l'assujettissement des villes grecques de la Macédoine; car c'était le moyen de donner à son pays l'unité et la consistance nationale qui lui manquaient, comme aussi d'éloigner de plus en plus des étrangers envieux. Potidée tombe entre ses mains, et, sur les réclamations des Olynthiens, il la restitue; mais en même temps, prodigue de promesses envers les Athéniens, il sait si bien les endormir qu'il occupe Amphipolis. Par cette conquête, il se trouve maître de tout le pays qui s'étend entre le Nestus et le Strymon, et, ce qui est bien plus important, des mines de la Thrace, qui rendaient mille talents par an (1). L'or, en effet, était dans les mains de Philippe un instrument non moins efficace que les armes et les piéges. Il disait: Aucune forteresse n'est imprenable, pourvu qu'on puisse y faire entrer un mulet chargé d'or. - La gloire d'un combat, disait-il encore, se partage avec les soldats, celle d'une ruse m'appartient tout entière. Il voulut suivre à la lettre le conseil que lui avait donné la pythie : Combats avec l'or, et tu vaincras tout. Vaincre la Grèce ! combien cette pensée devait flatter la vanité Situation de de Philippe ! combien devait l'encourager l'exemple d'Epaminondas, qui, à la tête d'un peuple nouveau, avait brisé la principale puissance hellénique! Avec sa sagacité, il devait bien voir que la situation de la Grèce était extrêmement favorable à l'accomplissement de ses desseins ambitieux.

La distinction primitive entre les Doriens du Péloponèse et les Ioniens de l'Attique, de l'Eubée, des îles, ne cessa jamais; elle se révèle continuellement par le dialecte divers et par les mœurs plus diverses encore, surtout par rapport aux femmes, que les Doriens faisaient participer à la vie publique, tandis que les Ioniens les tenaient renfermées dans le gynécée. Sparte ambitionnait de figurer à la tête des Doriens, et ses institutions étaient diamétralement opposées à celles des Athéniens. Dans les colonies mêmes, les deux tribus continuaient la lutte; dans la guerre de Syracuse avec les Léontins, toutes les cités doriques de Sicile embrassèrent la cause de la première, et les villes ioniques défendirent les autres.

Cette animosité se manifesta dans la guerre du Péloponèse, dont les effets se firent sentir dans toutes les cités, où les aristocrates et les démocrates en vinrent aux mains, ceux-là appuyés par Sparte, ceux-ci par les Athéniens. Non-seulement les liens se rompirent entre les États et les citoyens, mais encore entre les hommes et les dieux on douta des oracles, le temple de Delphes fut pillé

(1) Environ 5,500,000 francs:

la Grèce.

HIST. UNIV.

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