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369.

Alexandre de

Phères.

364.

La sentence se changea en applaudissements. Néanmoins, ses rivaux parvinrent à le faire dépouiller de son grade; Épaminondas accepta avec la même tranquillité d'âme le dernier rang dans l'armée, disant que, si les emplois ennoblissent les citoyens, le citoyen peut aussi ennoblir les emplois.

Athènes et Sparte se liguèrent contre la Béotie émancipée, à la condition que le commandement alternerait entre les deux rivales. Denys de Syracuse, dont elles firent solliciter les secours, envoya à la ville dorienne, par égard pour la communauté d'origine, deux mille mercenaires espagnols et gaulois, qui mirent la valeur grecque à une rude épreuve (1). Bien plus, elles réclamèrent l'assistance du roi de Perse lui-même, oubliant, par soif du pouvoir, le sentiment national. Mais Pélopidas se rendit près d'Artaxerxès Mnémon, et lui représenta que, Thèbes n'ayant jamais fait la guerre aux Mèdes, il lui importait de la soutenir, pour opposer un contre-poids à Athènes et à Sparte; il parvint ainsi, non-seulement à le détourner de se joindre à elles, mais à le ranger même du côté de sa patrie.

Reconnaissant ensuite que le premier intérêt d'un pays qui a recouvré son indépendance est de propager la liberté, Pélopidas se rendit en Thessalie pour renverser Alexandre, tyran de Phères : abattre un tyran alors que Sparte envoyait des secours et des conseillers à celui de Syracuse, et qu'Athènes recevait des subsides de cet Alexandre et lui érigeait des statues (2)! Cet Alexandre, pourtant, enterrait les hommes vivants, ou bien, après les avoir fait revêtir de peaux d'ours, il excitait les chiens contre eux, ou les poursuivait à coups de flèches; il avait assailli deux villes en pleine paix, et passé au fil de l'épée les habitants rassemblés sur la place publique. Pélopidas, en combattant contre lui, fut fait prisonnier par trahison; mais, loin de perdre courage, il menaçait le tyran dont il portait les fers. Comme celui-ci lui demandait s'il ne craignait pas la mort: Au contraire, répondit-il, je la désire, afin que tu mérites davantage la haine des hommes et des dieux, et que tu périsses plus tôt. Délivré par Épaminondas, il n'aspira plus qu'à se venger, attaqua de nouveau le tyran, et tous les deux se donnèrent la mort.

Épaminondas songea à pourvoir sa patrie d'une flotte qui aurait assuré sa liberté et sa suprématie. Une guerre civile ayant éclaté dans l'Arcadie, entre Mantinée et Tégée, Sparte et Athènes prirent

(1) DIODORE, XV, 70.

(2) PLUTARQUE, Vie de Pélopidas.

le parti de celle-ci ; les Thébains embrassèrent la défense de l'autre. Épaminondas rentre bientôt dans le Péloponèse, où une anarchie pleine de vengeances, de confiscations et d'exils, avait succédé à la domination de Sparte, défendit la cause des villes arcadiennes, rebâtit Mégalopolis à la honte des Lacédémoniens, et pénétra jusque sur la place de Sparte, où Agésilas accourut pour le repousser. Enfin ils en vinrent aux mains près de Mantinée, et, dans l'instant où Épaminondas ne déployait pas moins de vaillance 363, 27 juin. comme soldat que d'habileté supérieure comme général, il tomba percé d'un coup mortel. Lorsqu'on lui eut annoncé que les siens étaient vainqueurs, il fit extraire le fer resté dans la blessure, et rendit le dernier soupir, joyeux de mourir sans avoir essuyé au- Mort d'Épamicune défaite, et de laisser Thèbes triomphante, Sparte humiliée, la Grèce affranchie.

Personne n'avait plus de savoir qu'Épaminondas, et ne le laissait moins paraître. Ardent en amitié, généreux envers sa patrie, même lorsqu'elle fut ingrate, inaccessible à la corruption, il resta toujours pauvre, même au premier rang; dans le besoin, il avait franchement recours à ses amis; sévère dans ses mœurs, il se faisait admirer de ses compatriotes qui lui ressemblaient si peu. On rapporte que les meubles les plus nécessaires manquaient dans sa maison, et qu'il fut un jour obligé de rester chez lui, tandis qu'on lui raccommodait son manteau: excès justifié par son désir d'opposer un vivant contraste de pauvreté à un luxe corrupteur. Ayant appris que son écuyer avait tiré beaucoup d'argent d'un prisonnier, il lui reprit son bouclier en lui conseillant d'ouvrir une boutique, puisque, devenu riche, il ne voudrait plus risquer sa vie. Il excluait des rangs de ses soldats ceux qui étaient trop gras, ou même trop grands, disant que deux ou trois boucliers ne suffiraient pas pour les couvrir. Comme on lui demandait un jour pourquoi il n'était pas venu au banquet public et ne portait pas d'habits de fête : Pour vous laisser vous divertir plus à votre aise. Après la bataille de Leuctres il s'écria: Ma plus grande joie est de penser à celle de mes parents, lorsqu'ils apprendront cette vic

toire.

Avec lui s'éteignirent l'éclat et la puissance de Thèbes. Quand ces Béotiens, qu'il avait relevés et dont il avait fait des héros, auraient eu le plus besoin d'économie, de tempérance et d'activité, ils se plongèrent de nouveau dans la débauche; ils instituèrent un grand nombre de confréries gastronomiques, dont les membres devaient laisser, en mourant, un legs destiné à les perpétuer. On frustrait même pour elles ses héritiers; certains amateurs avaient

nondas.

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Mort d'Agésilas. 361.

Guerre des alliés.

acquis le droit de prendre place, dans un mois, à plus de festins qu'il ne comptait de jours (1).

Las de tant de guerres, les Grecs choisirent pour arbitre le roi de Perse, qui décida que chaque ville devait rester indépendante. Sparte ne voulut pas adhérer à cette décision, pour ne pas rendre la liberté à Messène, et, dans l'intention de contrarier le grand roi, elle envoya Agésilas au secours de Tachos, roi d'Égypte, qui s'était révolté contre la Perse. Ce roi, prévenu défavorablement par l'apparence chétive d'Agésilas, excita le Spartiate, qui s'entendit alors avec Nectanébo, cousin et ennemi de Tachos, et le mit sur le trône. Il revenait avec une somme de deux cent cinquante talents, quand la tempête le jeta sur la côte d'Afrique, où il mourut ce fut le plus grand homme de Sparte, après Lycurgue. D'un courage extrême à la guerre, il redevenait, à la paix, plein de douceur et de simplicité. Un jour qu'un ambassadeur le trouva s'amusant avec un de ses enfants, à cheval sur un roseau, il continua le jeu et dit à l'étranger : N'en dites rien jusqu'à ce que vous soyez père (2). Il faisait dresser sa tente dans les bois sacrés, afin, disait-il, que les dieux fussent témoins de tous ses actes; c'était montrer qu'il avait de la divinité une idée bien matérielle : croyaitil donc que, hors des enceintes sacrées, l'honnête homme pouvait agir sans retenue et se permettre tout impunément?

Dans la dernière guerre, ni Thèbes ni Sparte ne l'avait emporté l'une avait perdu Messène, l'autre ses généraux. Toutes deux se trouvant épuisées par des efforts extraordinaires, l'équilibre était rétabli, mais la force manquait; la paix avait reparu, mais sans stabilité.

Athènes se maintenait au dehors par sa marine; au dedans, elle était minée par sa démocratie délirante et par ses mœurs corrompues, qui la rendaient soupçonneuse et ingrate envers toute vertu, esclave de quiconque flattait ses inclinations perverses. Ce fut par ces artifices d'adulateur que s'éleva un certain Charès, homme d'une taille athlétique, violent dans ses manières comme dans ses paroles; le souffle populaire le poussa à la tête de l'armée, quand, au dire du brave et généreux Timothée, il était à peine digne de porter les bagages. Après avoir dépensé soixante talents pour traiter le peuple, il proposa aux Athéniens, afin de remplir le vide du trésor, de saccager les terres des alliés et les colonies. Ces dernières le

(1) Il y avait aussi à Athènes plusieurs de ces sociétés, où l'on s'entretenait même de politique et de sciences. Les clubs anglais ne sont pas autre chose. (2) Henri IV en dit autant à l'ambassadeur d'Espagne, qui le trouva marchant à quatre pattes, son fils à cheval sur son dos.

prévinrent et se soulevèrent; la flotte athénienne, envoyée contre Chios, foyer de l'insurrection, fut défaite, et le vaillant amiral Chabrias, ne pouvant autrement sauver l'honneur, se noya dans la mer. Samos et Lemnos, qui étaient restées fidèles à Athènes, furent saccagées; Byzance résista aux galères athéniennes, parce que Charès faisait avorter les bons avis d'Iphicrate et de Timothée, qui soutenaient dignement l'antique honneur de leur pays. Il fit plus, car il les accusa devant le peuple, qui les condamna à une amende énorme. Iphicrate dit alors: Je serais bien fou si je savais faire la guerre pour les Athéniens et non pour moi. Armant donc de poignards une bande de jeunes gens, il parvint ainsi à se faire absoudre; puis il s'éloigna, et mourut obscurément dans la Thrace.

Timothée, fils d'une courtisane que Conon avait ensuite épousée, vit Jason, tyran de Phères en Thessalie, et Alcétas, roi des Molosses, venir exprès à Athènes pour le défendre devant ses juges; comme il n'avait dans sa maison ni lit, ni vases, ni tapis pour les recevoir honorablement, il dut aller, à la nuit close, en demander à ses amis, et emprunter une mine (quatre-vingt-douze francs) afin de traiter ses illustres hôtes. Amyntas II, roi de Macédoine, instruit qu'il voulait bâtir une maison, lui envoya le bois nécessaire; mais il ne put même payer les frais de transport. Plus tard, dans l'expédition qu'il fit en Égypte pour secourir le roi de Perse, il s'enrichit immensément, devint l'un des personnages les plus somptueux, et sa conduite montre avec quelle effronterie les citoyens d'Athènes affichaient leur immoralité; afin de ne pas subir sa peine, il prit la fuite, erra longtemps et mourut à Lesbos. C'est ainsi que les héros disparaissent de la scène l'un après l'autre, pour faire place à une nouvelle génération d'hommes, à un nouvel ordre d'événements.

Charès, devenu l'arbitre de la république, vit les îles de Cos et de Rhodes subjuguées par Mausole, ce roi de Carie que rendirent fameux les honneurs funèbres dont il fut l'objet de la part de sa femme Artémise. Puis ce même Charès, réduit à l'impuissance de satisfaire aux exigences de ses soldats et à celle de son propre luxe, se mit, avec toute l'armée, à la solde d'Artabaze, satrape d'Ionie, révolté contre le grand roi; mais Artaxerxès III l'emporta, et, la rébellion domptée, il contraignit Athènes d'accepter une paix par laquelle elle reconnaissait l'indépendance des provinces insurgées, qui se trouvèrent ainsi affranchies du tribut. L'humilia tion au dehors et la corruption au dedans préparaient la voie à Philippe II de Macédoine, pour arriver à dominer la Grèce.

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336.

429.

CHAPITRE XIII.

LES MACÉDONIENS.

La Macédoine ou Émathie est située au delà de la partie la plus septentrionale de la Grèce, après l'Épire et la Thessalie: au nord, elle est séparée de la Mésie supérieure par les monts Scardus et Orbélus (Argentaro); au levant, de la Thrace par le Pangée (Castagnati); de la Thessalie par le Pinde et l'Olympe, qui sont, avec l'Hémus et l'Athos (Monte-Santo), ses principales montagnes. Nous devons citer, parmi ses cinquante villes, Stagire, sur le golfe du Strymon, patrie d'Hipparque et d'Aristote; Thessalonique (Saloniki), Amphipolis; Philippes, célèbre par la bataille où se décida le sort de la liberté romaine; Pella (Palatiza), qui, après Édesse (Vodina), en devint la capitale; enfin, Éges et Olynthe. Elle était divisée en trois parties qui se composaient des territoires de la Piérie, du Pangée et de la péninsule Chalcidique. Les golfes Thermaïque et Strymonien, les baies Toronique et Singétique y favorisaient la navigation; les navires venant d'Italie abordaient au port de Dyrrachium.

Le climat de la Macédoine était rude, comme il l'est d'ordinaire dans les pays montagneux; ses montagnes abondaient en mines d'or et d'argent. La population, comme celle de l'Épire et de l'Illyrie, était probablement un mélange de Pélasges et de Scythes; elle appartenait en somme à la race dorique, et n'avait pas quitté le pays à l'époque des émigrations. Mais beaucoup de colonies y arrivèrent d'ailleurs : une, d'Athènes, bâtit Amphipolis, et une autre, de Chalcis de l'Eubée, fonda Chalcis, qui se soumit ensuite aux Athéniens, puis se révolta, de sorte que les Grecs se transportèrent à Olynthe. Cette dernière ville, située au fond du golfe Toronique et bâtie, dit-on, par Olynthe, descendant d'Hercule, acquit de l'influence sur les autres, bien que toujours tributaire d'Athènes; elle prit part aux guerres entre l'Attique et Sparte, jusqu'à l'époque où Philippe II la subjugua.

Potidée, sur l'isthme qui joint la péninsule Chalcidique à celle de Pallène, était une colonie de Corinthe, qui, chaque année, lui envoyait des magistrats. Elle devint, après la guerre des Perses, tributaire des Athéniens; mais, s'étant révoltée contre eux, ils chassèrent ses habitants et la repeuplèrent de leurs nationaux.

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