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Anaxis, Dionysodore et Plutarque; les poëtes Pindare, Corinne et Hésiode; les grands capitaines Épaminondas et Pélopidas.

Lecaractère des Béotiens ne jouissait pas d'une meilleure réputation. Les habitants de Tanagre passaient pour envieux, ceux d'Orope pour avides, ceux de Thespies pour querelleurs, ceux d'Haliarte pour niais; on disait les Thébains insolents, les Coronéens perfides, les Platéens fanfarons: accusations injustes par leur généralité même, et qui n'attestent autre chose que la rivalité des villes entre elles. Nous pouvons encore y voir un indice que la population en fut souvent renouvelée, comme dans un pays placé sur le chemin des tribus septentrionales. Les Béotiens ne s'adonnaient ni au commerce ni à la navigation, bien que les colonies égyptiennes eussent dû leur en apporter le goût. Quiconque n'avait pas cessé tout négoce depuis dix ans, était exclu des magistratures. Les arts étaient régis par des lois spéciales, dont une punissait le peintre ou le sculpteur qui ne respectait pas la décence; la musique et la danse faisaient partie de l'éducation publique, et des récompenses étaient décernées aux meilleurs poëtes.

Les premiers événements de la Béotie et de Thèbes ne sont connus que par leur renommée fabuleuse. Après la prise de Thèbes par les Épigones, les Béotiens éoliens, refoulés par les hordes sorties de la Thrace, passèrent de la Thessalie dans le pays qui prit d'eux son nom. Leur dernier roi fut Xuthus. Après lui, la Béotie fut divisée en autant d'États qu'elle comptait de villes; les principales étaient Thèbes, Platée, Thespies, Tanagre et Chéronée.

Vers la fin du septième siècle, le Corinthien Philolaus lui donna des lois, fondées principalement sur l'éducation de la jeunesse, et sur l'égalité des biens que garantissait l'interdiction de la vente des propriétés; mais il ne put consolider sa constitution. Il paraît qu'au temps de la guerre médique l'oligarchie prévalut dans les villes; puis elles subirent par intervalles une démocratie sans frein. Enfin les diverses communes formèrent une confédération : aux réunions religieuses dites Panbéotiques participaient Platée, Chéronée, Thespies, Tanagre, Coronée, Orchomène, Lébadée, Thèbes et Haliarte. Chacune des cités élisait un béotarque, et Thèbes deux ou même trois, qui constituaient le conseil des Onze, chargé de préparer et d'exécuter les lois nationales; le commandement suprême de la confédération et de ses troupes devait appartenir alternativement à un représentant de chaque ville. La guerre permit à Thèbes de changer sa prééminence en domination; mais les jalousies et une organisation vicieuse empêchèrent la Béotie d'occuper parmi les républiques de la Grèce la place que semblaient

1305.

1126.

Philolaüs

législateur.

Occupation de

la Cadmée..

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Épaminondas.

lui destiner son étendue et sa population. Dès qu'un grand homme sortit de son sein, elle s'éleva au premier rang; elle tomba dès qu'il disparut.

Sparte, attentive à profiter de la paix d'Antalcidas, ordonna aux Mantinéens de démanteler leur ville et de se disperser dans les villages; sur leur refus d'obéir, elle les y contraignit par la force. Elle agit de même avec les habitants de Phlionte, qui cherchèrent dans les montagnes un refuge à leur indépendance; puis elle envoya des troupes secourir Acanthe et Apollonie contre la puissante ville d'Olynthe, qui, après quatre expéditions, fut forcée de se rendre.

Phoebidas, général spartiate, tandis qu'il marchait contre Olynthe, vint camper près de Thèbes; excité par les aristocrates, opposés aux partisans d'Athènes et de la démocratie, il s'empara par trahison de la citadelle, qui, du nom de son fondateur, s'appelait la Cadmée. L'ordre d'une pareille violation du droit des gens n'était pas émané de Sparte; mais lorsqu'on lui adressa des doléances à ce sujet, Agésilas répondit qu'il fallait examiner si la chose était utile, et agir selon l'intérêt de la patrie. C'était le même Agésilas qui avait dit : Le roi de Perse, que vous exaltez tant, est-il donc plus grand que moi quand je suis juste?

Les Spartiates, ayant recours à une politique dont les temps modernes offrent de nombreux exemples, destituèrent Phoebidas et le condamnèrent à une amende de dix drachmes; mais ils gardèrent la citadelle, y mirent une garnison et protégèrent les oligarques, qui, au moyen des exils et des confiscations, opprimèrent la patrie pendant cinq ans.

Quatre cents Thébains mécontents s'étaient réfugiés à Athènes; dans le nombre se trouvait Pélopidas, jeune homme plein de courage et de vertu, animé surtout du désir de délivrer sa patrie. Il rassemble les exilés, se ménage des intelligences dans Thèbes, y pénètre furtivement, tue les magistrats traîtres, ouvre les prisons et délivre sa patrie. Lorsque l'illustre exilé parut avec ses compagnons au milieu de ses concitoyens assemblés, tous se levèrent, les prêtres lui offrirent des couronnes, et un cri unanime applaudit au restaurateur de la liberté.

Alors, comme un puissant auxiliaire, apparut Épaminondas, l'un des héros les plus accomplis de l'histoire, et qui seul suffirait à la gloire de cette école de Pythagore, dont le but était de former des hommes et des citoyens, non des sophistes et des rêveurs. Versé dans les sciences et cultivant les beaux-arts, satisfait d'une honorable pauvreté, généreux, prudent, fort contre les dangers

sans les chercher, ferme dans ses convictions, calme au milieu des partis, les tyrans l'avaient épargné comme étant peu à craindre; il se contenta de leur opposer cette résistance passive, arme du philosophe contre les oppressions qu'il doit inévitablement subir. S'il eut connaissance de la conjuration, il n'y prit aucune part, et se tint renfermé chez lui tandis qu'on se battait dans les rues, pour ne pas souiller ses mains du sang de ses concitoyens on put le traiter de lâche et de pusillanime, mais la suite le justifia (1). En effet, aussitôt que la guerre civile cessa, et qu'il fut question de chasser l'oppresseur, il prit le commandement des insurgés, leur montra le chemin de la victoire, recouvra la Cadmée; puis, ayant réuni les forces de toutes les villes de la Béotie, et les secours fournis par Athènes, il se prépara à tenir tête aux ennemis.

Les Spartiates s'avançaient avec une redoutable lenteur, sous la conduite de Cléombrote et d'Agésilas; déjà les Athéniens, se repentant de s'être déclarés pour Thèbes, battaient en retraite, quand le général spartiate Sphodrias, à l'instigation adroite de Pélopidas et gagné par l'or des Thébains, tenta de surprendre le Pirée. Le coup de main manqua; les Athéniens se plaignirent, et, comme ils ne recevaient aucune satisfaction, ils s'unirent plus étroitement aux Thébains et armèrent leurs navires. La flotte mit à la voile sous le commandement de Timothée, fils de Conon, tué naguère, de Chabrias et d'Iphicrate, qui, après avoir désolé les côtes de la Laconie, enlevèrent à Sparte l'île de Corcyre, et anéantirent les forces maritimes du Péloponèse.

Pélopidas, en défendant, les armes à la main, sa patrie contre Cléombrote et Agésilas, ne se montra pas moins vaillant qu'il n'avait été habile dans ses stratagèmes; et, pour la première fois, les Spartiates furent vaincus, à égalité de forces, dans la bataille de Tégyre. Alors les négociations succédèrent aux combats : la Grèce entière demandait la paix; le roi de Perse la conseillait aussi, désireux qu'il était d'obtenir des secours contre l'Égypte rebelle, et, dans cet espoir, il promettait de rendre la liberté à toutes les villes grecques. Sparte et Athènes accédèrent à ses vœux; Thèbes s'y refusa, persuadée que cette paix la laisserait

MEIS

(1) Voir SERAN DE LA TOUR, Histoire d'Épaminondas; Paris, 1752. · NER, id. (allemand); Prague, 1801.-J. G. SCHEIBEL, Mémoire pour la connaissance plus exacte de l'antiquité ( allemand ). Il y a deux parties : l'une concerne Corinthe, l'autre Thèbes.

La vie d'Épaminondas a été aussi écrite par le compilateur connu sous le nom de Cornélius Népos.

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isolée, tandis que Sparte resterait à la tête des villes de Laconie soumises à sa domination. Mais quoi done? disait Agésilas à Épaminondas, venu à Lacédémone avec les autres ambassadeurs, faut-il laisser la Béotie indépendante? Faut-il laisser la Laconie indépendante? répondit Épaminondas, qui concevait l'idée, aussi belle que difficile à réaliser, de l'égalité entre toutes les villes de la Grèce, et qui s'apprêtait à soutenir par les faits sa terrible parole. Les peuples insurgés ne doivent cependant compter que sur leurs propres forces, non sur les promesses d'alliés quelconques. Les cités grecques s'entendirent toutes avec Sparte, et les généreux Thébains restèrent seuls.

Mais ils avaient pour eux ce couple glorieux de Pélopidas et d'Epaminondas, et le meilleur des augures, comme disait ce dernier, puisqu'il s'agissait de combattre pour le salut de la patrie (1). Pélopidas, qui jusqu'alors avait été investi de la magistrature suprême, étant sorti de charge, se mit à la tête du bataillon sacré, composé de trois cents guerriers, engagés par serment à se défendre jusqu'à la mort; comme il quittait sa demeure, sa femme en pleurs l'invitait à ménager ses jours: Cela se recommande aux soldats, répondit-il; aux généraux, il faut recommander de conserver les autres.

Epaminondas, chargé du commandement de l'armée, remporta autant de victoires qu'il livra de batailles. Il entretint le courage Tactique nou du vulgaire au moyen des oracles, celui des braves par une tac

velle.

tique nouvelle. Les Grecs, dans presque toutes les sciences et les arts, produisirent l'homme qui en connut les principes réels, et qui, en les appliquant, devint un modèle pour la postérité : tel fut Épaminondas pour l'art militaire. Les anciens regardaient comme essentiel de cacher à l'ennemi ses desseins et le nombre des troupes. On employait, à cet effet, des espions adroits, des marches simulées, des feux allumés sur plus ou moins d'espace, et des lits laissés plus ou moins nombreux dans le camp abandonné; mais Épaminondas, contraint de combattre des forces supérieures, situation qui donne la mesure du génie militaire, vit qu'il ne pouvait plus suivre l'ancien système, et résolut d'attaquer, avec une partie de son armée concentrée, l'ennemi sur un seul point et de rompre sa ligne. Il introduisit alors l'ordre oblique, auquel Alexandre dut la victoire du Granique, César celle de Pharsale, Frédéric de Prusse celle de

(1) C'est le patriotique vers d'Homère (Iliade, XII 243) :

Εἰς οἰωνὸς ἄριστος, ἀμύνεσθαι περὶ πάτρης,

Bataille de
Leuctres.

Hohen-Friedberg, et qui consiste à tomber sur un seul point, en tenant en réserve une partie de l'armée, pour faire attaquer l'en- 8 juillet 371. nemi en flanc par des troupes fraîches, et déconcerter ainsi ses plans. A Leuctres, où 6,400 Thébains devaient affronter 25,600 hommes tant Spartiates qu'alliés, Épaminondas disposa en coin la gauche de son armée et tint la droite sur les derrières; lorsque la gauche eut enfoncé la phalange spartiate, il lança sa réserve et fit poursuivre les fugitifs par des troupes détachées. Aussi les Spartiates essuyèrent-ils la défaite la plus sanglante qu'ils eussent jamais éprouvée. Sphodrias et le roi Cléombrote furent tués dans le combat, avec mille quatre cents citoyens.

La nouvelle en parvint à Sparte lorsqu'on célébrait les fêtes pour la conservation des fruits de la terre; les éphores ordonnèrent qu'elles continuassent, et envoyèrent aux différentes familles la liste de ceux qui avaient péri, avec injonction aux femmes de s'abstenir de lamentations. Le lendemain, les parents des morts se montrèrent en habits de fête.

Mais, plus encore que la défaite, on déplorait l'opprobre dont s'étaient couverts ceux qui survivaient : ils avaient tourné le dos à l'ennemi, et les anciennes lois punissaient cette faute d'un châtiment ignominieux. Agésilas, afin de ne pas ajouter de nouvelles douleurs à un si grand revers, sans néanmoins abroger les lois, proposa de les laisser sommeiller cette fois, sauf à leur rendre ensuite toute leur vigueur.

Épaminondas, poursuivant ses succès, lança d'abord une armée dans le Péloponèse, où il avait déjà des intelligences avec les Arcadiens, les Argiens et les Éléens; il rendit la liberté aux Messéniens, rebâtit leur ville, et donna un démenti au proverbe qui disait que les femmes spartiates n'avaient jamais vu les feux d'un camp ennemi. Agésilas resta dans la ville, voyant trop bien qu'une autre défaite aurait été irréparable; mais une attaque n'aurait pas eu de moins funestes conséquences pour une ville sans murailles. Cependant Épaminondas soit qu'il craignît de réduire Sparte au désespoir, soit qu'il voulût éviter l'envie qu'aurait causée la prise d'une semblable cité, prit le parti de se retirer.

Durant cette expédition, Épaminondas et ses collègues avaient conservé le commandement quatre mois au delà du terme annuel fixé à tous les emplois chez les Béotiens : or, soit envie, soit stricte observation des lois, ils furent accusés et condamnés à mort. Épaminondas alors s'écria: J'accepte la condamnation; mais qu'il soit dit dans les motifs : Ils ont été punis de la peine capitale pour avoir sauvé la patrie malgré elle, et rendu la liberté à la Grèce.

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