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Cambyse. 530-522.

Conquête de l'Egypte.

« Perses et gouvernai l'Asie ne m'envie pas la tombe (1). »
Les Perses, comme il advient de tous les peuples grossiers vain-
queurs de nations policées, adoptèrent la civilisation, les lois, le
culte des Mèdes, et altérèrent ainsi leurs usages primitifs. La classe
des mages, gardienne des lois et des rites mèdes, fut conservée;
mais, comme elle perdit de son ancienne omnipotence, elle fré-
missait sous la main vigoureuse du vainqueur. Les autres classes
étaient soumises, mais non réduites; Cyrus, occupé de guerres
continuelles, ne put ni rétablir l'ordre à l'intérieur, ni s'occuper
de la fusion d'éléments aussi nombreux et aussi hétérogènes. Ainsi,
les louanges qu'on lui décerne pour avoir laissé aux vaincus leurs
propres lois signifient qu'il ne mit aucun frein à la tyrannie des
chefs militaires, institués par lui dans chaque pays pour le main-
tenir dans l'obéissance, ni à l'arbitraire des exacteurs chargés de
la perception des impôts.

Cyrus laissa deux fils: Cambyse (Kekobad) et Smerdis (Ta-
nyoxarce). Le premier lui succéda au trône de Perse; l'autre eut
la Bactriane et les pays à l'orient, affranchis de tout tribut. Mais
l'ambitieux Cambyse le fit mettre à mort; puis, désireux d'étendre
les conquêtes paternelles, aiguillonné de plus par une haine par-
ticulière contre Amasis, roi d'Égypte, il se mit en marche pour
soumettre ce pays.

Nous avons vu comment Psammétique avait rétabli l'unité en Égypte; mais ce prince ruina la constitution de son royaume, en s'entourant d'abord de soldats cariens, ioniens, libyens, qui faisaient de leur courage l'ignoble trafic qui se continue encore dans la Suisse républicaine; puis, il livra la plus grande partie du commerce aux Grecs, qui établirent une colonie dans un nome ayant autrefois appartenu à la caste des guerriers. Ceux-ci, blessés de cette préférence, émigrèrent en grand nombre, pour chercher, avec leurs femmes et leurs enfants, une nouvelle patrie dans le fond de l'Éthiopie, où ils bâtirent des villes et répandirent la civilisation. Les armées égyptiennes se réduisaient donc à des mercenaires et à des soldats recrutés dans les derniers rangs de la société. Psammétique, n'ayant plus, pour les refréner, les priviléges de la caste militaire, se laissa donc entraîner à l'esprit de conquête que les législateurs avaient mis tant de soin à comprimer. Il voulut soumettre à ses lois la Syrie et la Phénicie, pays extrê

(1) Tels sont les termes d'ARRIEN, VI, 29. Le cheval devait probablement être immolé au soleil, appelé aussi Cyrus ( Koresc), ce qui expliquerait l'erreur dans laquelle l'auteur grec, étranger à cette religion, serait tombé à ce sujet.

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mement riches, et tint Azoth, en Syrie, assiégée durant vingtneuf années.

Néchao II, son fils, poursuivant l'exécution de ses projets, s'avança jusqu'à l'Euphrate; mais il fut battu à Circésium par les Chaldéens de Nabopolassar II. Il fit construire beaucoup de vaisseaux, tant sur la Méditerranée que sur la mer Rouge, dans l'intention de les réunir toutes les deux par la bouche Pélusiaque du Nil, au moyen d'un canal percé à travers le mont Casius. Cent mille hommes périrent à ce travail, qu'un oracle ou plutôt d'immenses difficultés firent abandonner, et qui ne fut terminé que par Darius II.

Psammis, fils de Néchao II, se mit à la tête d'une expédition qu'il fit en Éthiopie, probablement contre les guerriers émigrés. Apriès (Pharao Hophra) battit sur mer les Phéniciens, mais il fut défait par les Cyrénéens, ou ( selon la Bible) par Nabuchodonosor, qui parcourut triomphalement l'Égypte.

Amasis, soldat de fortune, étant parvenu au trône, caressa les prêtres, se montra bienveillant envers le peuple, sans négliger les Grecs, auxquels il permit d'avoir des temples, et, de plus, un tribunal à Naucrate sur le rameau Canopique du Nil. Il fit alliance avec Cyrène, rendit Chypre tributaire, et s'efforça de ramener les lois égyptiennes à leur origine, en même temps qu'il ornait les temples de colosses et d'autres magnificences. Il fléchit devant Cyrus; mais ayant refusé sa fille à Cambyse, il s'attira sa colère, et mourut au moment d'en éprouver les effets.

L'Égypte subissait la peine de son long isolement; la désunion entre le roi, les prêtres et les guerriers, la jetait dans l'épuisement; aussi, lorsque Cambyse se fut avancé contre Psamménite, successeur d'Amasis, une seule bataille et dix jours de siége lui livrèrent Memphis et tout son territoire. On dit que les Perses firent ranger sur le front de leur armée une ligne d'animaux sacrés, et que les Égyptiens, de peur de diriger leurs coups sur leurs dieux, laissèrent avancer les assaillants sans résistance (1).

Après avoir réduit l'Égypte en province perse, Cambyse, entraîné par l'horreur que sa religion lui inspirait pour l'idolâtrie, résolut de détruire son culte sur les bords du Nil; mais on ne change pas une religion par des violences et des outrages. Combien

(1) Hérodote, liv. III, raconte que, de son temps, on distinguait encore sur le champ de bataille les crânes des Égyptiens de ceux des Perses, ceux des premiers étant très-durs, attendu que dès leur première enfance ils avaient la tête rase et nue, tandis que les Perses l'avaient toujours couverte. C'est là la plus ancienne observation crânologique.

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dut souffrir et s'irriter une nation aussi pieuse envers les morts, lorsqu'elle vit cet étranger faire exhumer la momie d'Amasis, la frapper, la percer de coups d'épée, et enfin la brûler! Dirigé par le même sentiment, Cambyse détruisit en un moment des édifices qui avaient coûté des siècles de travail, et dont les ruines déposent encore contre lui; mais les prêtres, dépouillés par ce prince de leurs priviléges, ont exagéré ses fautes en les transmettant à la postérité.

Que dit-on de moi? demanda un jour Cambyse à Prexaspe, son favori; celui-ci, ne se rappelant pas que les grands ne veulent guère ouïr la vérité, même quand ils la demandent, répondit : On admire tes grandes qualités; mais on te reproche de trop l'abandonner au vin.

Eh quoi! reprit Cambyse, pensent-ils que j'en boive jusqu'à perdre la raison? Tu vas en juger. Il vide maintes fois sa coupe, puis fait venir un jeune enfant, fils de Prexaspe, ordonne qu'il soit placé au fond de la salle, la main gauche sur la tête, prend son arc et, après avoir annoncé qu'il vise au cœur, il tire sur le jeune enfant, qui tombe; il ouvre sa poitrine palpitante, et, montrant à son père le cœur percé de la flèche : Est-ce que la main me tremble? lui dit-il d'un air triomphant. Et le courtisan de répliquer Apollon n'eût pas été plus adroit! Les juges de son royaume furent plus avisés, lorsqu'il leur demanda si les lois du pays lui permettaient d'épouser sa sœur ; ils répondirent qu'elles le défendaient, mais qu'une loi donnait au roi de Perse le droit de faire ce qui lui plaisait, et Cambyse l'épousa. On rapporte aussi qu'il fit mettre à mort un juge prévaricateur, et recouvrir avec sa peau le siége sur lequel devait s'asseoir son fils en succédant à sa charge, afin qu'il eût toujours cet exemple sous les yeux.

Il transporta dans la Susiane une colonie d'Égyptiens; Cyrène et la Libye se soumirent à lui volontairement. Il forma le projet de porter la guerre dans des contrées célèbres, que la piété, le commerce et leur richesse avaient rendues fameuses, c'est-à-dire Ammonium, à l'occident, et Méroé, au midi de l'Égypte; mais s'étant enfoncé imprudemment dans les sables du désert, il perdit son armée (1), et les prêtres dirent que c'était un châtiment dont le frappaient les dieux outragés. Il dirigeait encore ses vues sur Carthage; mais il ne put rien tenter contre elle, parce que les Ty

(1) En 1805, une caravane composée de 2,000 individus, fut engloutie par les flots de sable.

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riens lui refusèrent des bâtiments de transport pour attaquer leurs colonies.

Les royaumes fondés par l'épée ne se soutiennent que par l'épée. La diversité de religion, chez les anciens, signifiait diversité de nation; il est donc probable que Cyrus ne suivit pas la religiondes Mèdes. Lorsqu'il eut conquis la Médie, il s'y forma deux partis, ennemis l'un de l'autre (1). L'ancien parti national fut représenté par les mages, qui, mécontents de voir que la nouvelle dynastie leur avait ravi l'autorité dont ils jouissaient, profitèrent de l'absence de Cambyse pour ourdir une conspiration dans le but de faire revivre la dynastie mède : un faux Smerdis fut présenté par eux au peuple et proclamé roi. Cambyse revenait altéré de vengeance; mais il mourut en chemin, des suites d'une blessure accidentelle, après sept ans et demi de règne (2).

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Le faux Smerdis, pour s'affermir sur le trône, exempta les Faux Smerdis. vaincus de tout tribut pendant trois ans ; mais l'imposture ayant été découverte, sept seigneurs perses, conjurés contre lui, le tuèrent avec tous les mages qu'ils purent trouver. Ainsi périt, étouffée dans le sang, l'ancienne religion de l'Iran, et l'anniversaire de la Magophonie fut, depuis, considéré comme un jour solennel.

Les sept princes, ayant agité mûrement la question de savoir s'ils gouverneraient entre eux l'empire, ou s'ils partageraient le pouvoir avec le peuple, c'est-à-dire avec la tribu principale, se décidèrent enfin pour la monarchie. L'élection du souverain fut remise au hasard, et chacun d'eux promit de se soumettre à celui

(1) Cette animosité respire dans la recommandation que Cambyse fait en mourant à ses fils: «< Ne souffrez jamais que la souveraineté retombe dans les mains « des Mèdes. S'ils la reprennent par astuce, employez l'astuce pour la recouvrer; <«< si c'est par la force, ayez recours aux armes pour la ressaisir. » HÉRODOTE, Tal.

(2) Ctésias lui en donne dix-huit. On trouva en 1820, à Nahbar-el-Kelb, à peu de distance de Béryte, entre Byblos et Sidon, des sépultures et des inscriptions mélangées d'égyptien et de perse. On supposa qu'en cet endroit s'élevait le monument, vu par Hérodote, et qui était destiné par Sésostris pour rappeler le souvenir de ses conquêtes ou de son excursion jusque dans l'Ionie; on pensa que Cambyse, à son retour, afin de venger l'Asie de l'Afrique, avait fait mutiler à coups de marteau les inscriptions et les figures, et les avait fait remplacer par des inscriptions en caractères cunéiformes, rappelant ses propres victoires. Ces inscriptions étant bilingues, égyptiennes et perses, on avait espéré expliquer les hieroglyphes à l'aide des caractères cunéiformes; mais, quoique beaucoup de savants se soient occupés de ce monument, comme on peut le voir dans les Mémoires de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, ainsi que dans le Bulletin de correspondance archéologique de Rome, il ne paraît pas qu'on soit arrivé jusqu'ici à aucun résultat remarquable.

Darius. 522.

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Scythes.

dont le cheval hennirait le premier au lever du soleil. Darius, fils d'Hystaspe, issu du sang des Achéménides, dut le trône à ce présage et à un oracle; pour ajouter à ses droits, il épousa deux filles de Cyrus.

Ses conquêtes au dehors, non moins que son administration à l'intérieur, le rendirent le plus grand roi des Perses. Il marcha d'abord contre Babylone, qui avait secoué le joug étranger. Les révoltés, poussés par le désespoir, égorgèrent femmes, vieillards, enfants, tout ce qui était hors d'état de porter les armes, ne laissant la vie qu'à leurs mères et à leurs femmes favorites; puis, ils se défendirent avec une telle opiniâtreté, que Darius allait renoncer à son entreprise, lorsque Zopyre, l'un de ses amis, feignit de déserter son camp, se mutila d'une façon barbare afin qu'on ne le soupçonnât point d'imposture, et s'introduisit dans Babylone; enfin, lorsque plusieurs victoires lui eurent acquis la confiance des assiégés, il les livra à Darius. Les rois de Perse, pour conserver une ville de si grande importance, résolurent d'y résider une partie de l'année.

Enhardi par la victoire, Darius songea à ranimer les guerres de l'Iran contre le Touran, c'est-à-dire de la Perse contre les Scythes. Les anciens désignaient particulièrement sous ce nom les peuples qui habitaient entre le Don et le Danube, et qui se donnaient dans leur langue le nom de Skolotes. De mœurs farouches et grossières, ils ne vivaient que de guerres et de rapines, tombant à l'improviste sur les pays cultivés autour d'eux, et aveuglant tous leurs prisonniers, faute de résidences fixes où ils pussent les garder esclaves. Refoulés par les Massagètes, ils avaient passé l'Araxe, et chassé de leurs demeures, au nord de la mer Noire, les Cimmériens ou Cimbres; ils se précipitèrent de là sur l'Asie méridionale, et, soixante ans avant Cyrus, ils avaient subjugué l'Asie Mineure et s'étaient avancés jusqu'aux frontières de l'Égypte. La Médie, ainsi que nous l'avons dit, avait été durant vingt-huit ans leur tributaire, et Diodore rapporte qu'ils en avaient emmené des colonies dans la Sarmatie. En effet, les Ossètes, qui occupent aujourd'hui le centre du Caucase, s'appellent entre eux les Irons, conservant ainsi dans leur double nom la trace de l'ancienne nation de l'Oxus et de l'Iran, qui d'abord domina sur la Perse, et qui plus tard ravagea l'Europe sous le nom d'Alains.

Les chroniques géorgiennes rapportent aussi que les Czaares, habitant le pays situé au nord du Caucase, firent irruption entre le Kour et l'Araxe, et emmenèrent beaucoup de prisonniers qu'ils transplantèrent sur le Térek, dans les parages mêmes où sont

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