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Les plus dangereuses furent celle d'Arsitès, frère du roi, soutenu par un frère de Mégabyse, et celle de Pissouthnès, satrape de Lydie. Ces deux rébellions ne furent apaisées que par la trahison qui livra les deux chefs.

Les Égyptiens profitèrent de la faiblesse et de l'inquiétude de leurs dominateurs. Amyrthée, qui, depuis la révolte d'Inarus, avait continué à se maintenir au milieu des marais, se mit en campagne, et, secondé par la population, chassa de nouveau les Perses de l'Égypte; il conduisit avec tant de bonheur son entreprise, que les Perses durent se résigner à le reconnaître pour roi, ainsi que

ses successeurs.

La Perse aurait été menacée d'un grand péril, si la Grèce eût alors songé à tirer vengeance de ses outrages, et si Conon eût devancé Alexandre; mais la guerre du Péloponèse, qui dura autant que le règne de Darius Nothus, assura tout à la fois la tranquillité des Perses et leur offrit l'occasion de nuire à la Grèce. Jouant à son égard le rôle des empereurs d'Allemagne avec les républiques italiennes du moyen âge, et guettant le moment de s'en emparer comme d'une proie qui leur était due, ils alimentaient les factions, corrompaient à prix d'or les généraux, et soutenaient le parti vaincu, afin d'affaiblir le vainqueur. Ils auraient fini par entraîner la Grèce à sa perte, s'ils avaient toujours eu, pour diriger leur politique, des esprits aussi déliés que Tisapherne, et si les résolutions de la cour n'avaient pas été contrariées par la jalousie et les caprices des satrapes de l'Asie Mineure. Tisapherne avait réussi à conclure avec Sparte un traité d'alliance, dont l'adresse d'Alcibiade sut longtemps empêcher les effets.

Lysandre parvint toutefois à se concilier les bonnes grâces de Cyrus, second fils de Darius Nothus. Plusieurs écrivains le représentent comme le modèle des princes, tout à la fois prudent, instruit, actif, courageux, fidèle à sa parole, et d'une invariable probité. Il racontait à Lysandre qu'il avait dessiné lui-même ses jardins dont il faisait ses délices, qu'il en avait bêché le sol et planté les arbres de ses propres mains; comme le Spartiate témoignait quelque incrédulité et faisait allusion au luxe de ses vêtements, aux colliers, aux bracelets dont il était chargé, le jeune prince lui jura par Mithras, qu'il ne prenait jamais aucune nourriture avant de s'être fatigué au travail.

S'il possédait réellement les belles qualités qu'on lui attribue, elles étaient au moins gâtées par l'éducation du sérail et par la prédilection de sa mère Parysatis, qui flattait sa vanité et son désir de régner. Le cérémonial de la cour perse punissait de mort

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Artaxerxès
Mnémon.

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quiconque regardait le visage d'une concubine du roi, tirait avant
lui à la chasse sur une pièce de gibier, ou venait en sa présence
sans tenir ses mains cachées dans les manches de l'habit. Deux
cousins de Cyrus négligèrent cette formalité en se présentant de-
vant lui, et il les fit mettre à mort. Cette manière d'agir parut à
Darius une tendance à l'usurpation des honneurs réservés à la
seule majesté royale, et il rappela Cyrus de l'Asie Mineure. Bien
que né sur le trône, et malgré les efforts de Parysatis pour le faire
désigner comme successeur, le vieux roi resta inébranlable dans
son refus, et lui préféra Artaxerxès II, surnommé Mnémon, à
cause de sa mémoire prodigieuse; il assigna cependant à Cyrus le
gouvernement héréditaire de la Lydie, de la Phrygie et de la Cap-
padoce, belles provinces qui furent séparées de l'empire.

Cyrus, d'après les conseils de sa mère, ne les accepta que comme
un acheminement au trône, auquel il aspira plus ouvertement
après la mort de son père. Tissapherne, qui avait ambitionné le
même gouvernement, accusa Cyrus de trahison, dans l'espoir de
l'obtenir par sa chute. Le prince fut arrêté; mais la puissante Pa-
rysatis le fit remettre en liberté et renvoyer dans les provinces de
son obéissance, où il revint avec le désir de se venger. Or, comme il
n'y a pas, dans les États despotiques, de milieu possible entre la
condition de roi ou d'esclave, Cyrus, ne se sentant pas de disposition
à rester esclave, dut songer à devenir roi.

La pensée de renverser un trône appuyé sur un million de soldats, sur l'autorité de la religion et sur la force de résistance que les choses existantes opposent à toute innovation, aurait pu sembler inspirée par la folie, si ce prince n'avait eu pour lui la vigueur de l'esprit, l'obéissance aveugle de sujets dévoués et l'alliance de Sparte. Il s'était concilié l'affection des siens par sa valeur, son habileté et son affabilité; loin de songer, à l'exemple de ses prédécesseurs, à épuiser les provinces, il s'occupait d'y propager l'industrie, de pratiquer la justice, d'encourager l'agriculture, et se montrait plus jaloux de leur avantage que du sien propre. Il réclama l'amitié de Sparte par une lettre dans laquelle il se vantait d'avoir, plus que son frère, les sentiments d'un roi, d'être instruit dans la religion et en état de boire beaucoup de vin, sans en éprouver d'effet; il ajoutait qu'il priait chaque jour les dieux de lui accorder assez de vie pour récompenser dignement ses amis, et se venger de ses ennemis.

Il arma dans la péninsule asiatique cent mille soldats, que leurs rapports avec les Grecs avaient formés à la discipline et tirés en partie de la mollesse asiatique. Les Spartiates mirent à sa disposi

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tion huit cents guerriers, commandés par Chérisophe, et le secours de leur flotte; ils l'autorisèrent de plus à enrôler tous les volontaires qu'il pourrait trouver dans les États de leur dépendance. Il put réunir ainsi dix mille hommes pesamment armés, et trois mille archers et peltastes.

La négligence d'Artaxerxès permit à Cyrus de terminer tranquillement ces préparatifs, et de faire, en soixante jours de marches forcées, quatre cents lieues, avec les forces qu'il avait rassemblées; il se présenta sur l'Euphrate, sans rencontrer un seul ennemi jusqu'à Cunaxa, à une journée de Babylone. Là s'engagea une bataille sanglante; mais, au moment où ses armes triomphaient, Cyrus fut atteint d'un coup mortel avec lui tomba, non-seulement Mort de Cyrus. l'instigateur, mais encore le motif de la guerre.

Il ne restait plus à l'armée qui l'avait suivi qu'à songer à son retour; alors Ioniens et Grecs immolèrent un bélier, un taureau, un loup, un sanglier, etjurèrent de se conduire en loyaux amis durant leur difficile retraite. En les voyant rangés en bon ordre et d'accord entre eux, les Perses n'osèrent les attaquer ; ils s'engagèrent même, par un traité, à leur fournir des vivres, à la conditiou qu'ils ne commettraient point de dégâts dans les pays qu'ils traverseraient. Cependant Tissapherne, l'inspirateur de ce traité, projetait de les perdre, et s'entendait à cet effet avec Ariée, qui avait pris le commandement des Ioniens, pour qu'il abandonnât les Grecs. Il enveloppa en effet traîtreusement les dix mille dans le réseau de canaux qui, s'étendant du Tigre à l'Euphrate, couvrait la Babylonie, et assassina Cléarque avec quatre généraux. Les Grecs ne se découragèrent pas; mais, sous la conduite de Chérisophe et de Xénophon, disciple de Socrate, ils continuèrent leur retraite.

Les longs revers éprouvés par cette poignée de braves n'inspireraient plus un intérêt aussi vif, après les désastres de la retraite de Moscou, s'ils n'eussent été admirablement retracés par Xénophon, le Ney de l'antiquité. Nous lui devons la première relation d'une retraite, exploit militaire du plus grand intérêt, parce qu'on n'y voit pas l'homme courir au-devant du péril par ambition, avarice ou héroïsme, mais s'en dégager sous l'empire de la nécessité.

Les chefs formèrent d'abord quatre phalanges, marchant deux par le flanc, deux de front; au centre étaient les hommes armés à la légère, les bêtes de somme, les serviteurs et les femmes. Les chariots, les bagages, jusqu'aux tentes, avaient été brûlés, et l'on s'était partagé les objets indispensables. Se trouvant dans un pays

401.

L'Anabas.

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plat, privés de l'espoir même de toute assistance, sans cesse inquiétés par la cavalerie de Tissapherne, ils reconnurent la difficulté de marcher en bataillon carré, alors qu'on est poussé l'épée dans les reins; car les soldats ne peuvent garder leurs rangs, surtout dans les défilés, où il faut resserrer les lignes. Ils formèrent donc six compagnies, de cent hommes chacune, qui, remplissant les vides, remédièrent au désordre; ils fractionnèrent encore plus les détachements pour traverser les montagnes des Carduques. Durant ce long et pénible trajet, Xénophon écouta les leçons de l'expérience, qui lui apprit à faire occuper les hauteurs par des hommes armés à la légère pour surveiller l'ennemi et le tenir au delà de la portée du trait; à asseoir son camp régulièrement, à choisir des positions avantageuses, à marcher les rangs serrés, à ménager les vivres que l'on trouvait, à faire des provisions pour plusieurs jours, à entretenir les feux allumés, à prendre les espions de l'ennemi pour s'en faire des guides. Chaque pas, en un mot, devenait l'occasion d'une leçon nouvelle; il fallait, par de grands froids, empêcher les soldats de s'approcher du feu, faire avancer pendant la nuit les hommes pesamment armés, puis l'infanterie légère, la cavalerie ensuite, de sorte qu'ils se trouvassent réunis à la fin de la journée. De temps à autre, on sacrifiait des victimes aux dieux pour soutenir le courage des soldats.

Ce fut ainsi qu'à travers des privations, des obstacles, des trahisons de toute espèce, les Grecs atteignirent enfin, avec un transport de joie dont on peut se faire une idée, le rivage de la mer, et qu'au bout d'une année ils arrivèrent à Trébizonde, ville amie, où ils accomplirent leur vœu à Jupiter Sauveur. Quand Xénophon, qui commandait seul depuis la mort de Chérisophe, entra dans Parthénium, il n'avait plus avec lui que six mille compagnons, guerriers qui, échappés aux périls, aux fatigues de cette retraite par leur courage et leur constance, étaient un témoignage évident et glorieux de la supériorité d'une poignée de braves disciplinés sur les masses innombrables des Perses.

Le souvenir des anciens exploits se réveillait à ce moment: d'un côté, les Grecs, indignés contre ceux qui les avaient trahis, prenaient la résolution d'appeler l'Asie Mineure à la liberté; de l'autre, Tissapherne s'avançait pour les punir d'avoir pactisé avec les Grecs. Ayant réuni ses forces à celles du satrape Pharnabaze, il investit les villes éoliennes de l'Asie Mineure; celles-ci eurent recours à Sparte, qui fit marcher aussitôt à leur aide des troupes du Péloponèse et de l'Attique. Le Spartiate Thymbron, qui les commandait, fut battu par l'ennemi; mais Dercyllidas, qui lui

succéda, conduisit les Grecs à la victoire; puis, profitant habilement de la jalousie entre Tissapherne et Pharnabaze, il amena le premier à une trêve séparée. Tissapherne la rompit dès qu'il crut le moment favorable; mais Sparte voyait alors s'élever un grand capitaine.

Lysandre, bien que né à Sparte, avait les idées d'Athènes; il voyait quelque chose de bestial dans cette existence sauvage, alors que l'aisance et les manièrespolies se développaient partout. Parvenu au commandement, il se proposa, non de ramener sa patrie à la barbarie de Lycurgue, mais de la civiliser. Éphèse était plongée dans la misère; il y appela de toutes parts des marchands, et bientôt elle jouit de l'abondance et du bien-être (1). Sparte, pauvre et isolée, ne pouvait lutter contre tous; il lui procura de nombreux alliés, en se montrant affable et en adoptant leurs usages les plus précieux. De Cyrus, il obtient en récompense de l'argent pour donner à chaque marin une obole de plus; cette augmentation de paye amène sur sa flotte les hommes qui servaient sur les navires ennemis. Il parcourt alors les côtes avec la flotte, établissant partout des gouvernements aristocratiques,les seuls qui convenaient à Sparte; il forme ainsi une ligue sous le commandement indivisible de Sparte.

On le remplace par Callicratidas, aux principes rigides, qui échoue, mécontente les alliés, se fait battre et meurt près d'Arginuses. Tous les alliés et Cyrus demandent Lysandre, qui rétablit les choses, mais sans confiance dans leur durée.

Agis, roi de Lacédémone, n'avait laissé qu'un fils, nommé Léotychidès; mais, comme la rumeur publique l'attribuait à Alcibiade, Lysandre fit d'actives démarches pour que le trône ne fût pas donné par hérédité, mais au plus digne, dans l'espoir d'être choisi. Il aurait réussi sans l'opposition de l'oracle, dont le conseil fit élire un frère d'Agis, d'une apparence chétive et de plus boiteux, qu'on appelait Agésilas. Cependant, sous un aspect disgracieux, le nouveau roi cachait une grande âme, des sentiments nobles, une généreuse ambition que tempéraient la modestie et l'affabilité. Élevé comme un simple citoyen, il conserva les habitudes rigides prescrites par Lycurgue, et telle était sa popularité que les éphores le frappèrent d'une amende, parce qu'il attirait à lui seul tous les citoyens de la république. Ses prédécesseurs avaient eu à soutenir des luttes continuelles contre les éphores et le sénat; lui, au contraire, il leur témoigna la plus grande condescendance, en se

(1) PLUTARQUE, Vie de Lysandre, III.

897,

406.

Agésilas,

400.

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