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de quatre cent soixante mille à deux cents talents. Les colons établis sur les terres des vaincus payaient directement à Athènes un tribut, ou peut-être ne s'employaient-ils qu'à lui faire payer celui que les vaincus lui devaient. Les liturgies étaient des servitudes ou des prestations, en argent ou en nature, annuelles ou biennales, volontaires ou obligatoires, pour subvenir aux fêtes publiques, aux repas communs, aux exercices des gymnases, à la construction et à l'armement d'un certain nombre de vaisseaux. Cette taxe arbitraire offrait aux ambitieux un moyen de capter la faveur populaire.

La guerre procurait aussi de grandes richesses; car, indépendamment du butin, les terres conquises étaient partagées, et les habitants devenaient esclaves ou colons. On connaissait aussi une contribution de guerre proportionnée aux propriétés; mais le mode de recouvrement n'est pas bien déterminé.

En cas de nécessité, on avait recours à des contributions spéciales, comme fit Hippias en frappant d'une taxe les balcons, les escaliers, les balustrades des maisons. Chose remarquable, les Spartiates, dans l'intention de secourir les Samiens, jeûnèrent un jour entier, et leur envoyèrent ce qu'ils avaient économisé par ce moyen.

Dans l'économie des peuples anciens, il ne faut pas chercher la dette publique, les banques, les prêts, les moyens de crédit, les autres créations d'une propriété imaginaire dont la valeur repose sur les impôts que les hommes de l'avenir consentiront à payer.

Quant aux dépenses, celles qu'on faisait pour les fêtes et les théories étaient énormes; parfois on immolait, aux frais du trésor, jusqu'à 300 bœufs et 300 chèvres à Diane. Les peaux des animaux sacrifiés valurent quelquefois 4, 734 francs en sept mois. Le prix d'un sacrifice, que Solon avait fixé à trois talents, fut porté à neuf; le voyage à Délos, qui avait lieu tous les quatre ans, coûtait 22, 340 francs.

On faisait au peuple, les jours de fêtes et pendant les jeux, des distributions d'argent, outre le blé et le produit des confiscations qu'on lui donnait en temps ordinaire. Un salaire était assigné à ceux qui assistaient aux assemblées, aux juges, au conseil des cinq cents, aux administrateurs, aux orateurs, aux ambassadeurs et autres fonctionnaires publics. Les indigents et les invalides recevaient des secours; les couronnes, les statues, les récompenses pécuniaires devaient, encore entraîner une forte dépense, comme aussi la réparation et la construction des édifices, des ports, des théâtres.

Il paraît qu'en temps de paix on n'entretenait que 600 cavaliers, dont la dépense est évaluée à 40 talents par an; ce nombre, lorsque la guerre éclatait, pouvait s'élever à 1000 ou 1200 hommes, dont chacun recevait par jour trois oboles, outre une drachme pour la nourriture. L'infanterie d'abord n'eut pas de solde; plus tard chaque hoplite toucha quatre oboles, puis six, enfin deux drachmes. Il est difficile de calculer les dépenses de la flotte.

L'équilibre entre la dépense et la recette s'établissait au moyen de courses sur le territoire ennemi qu'on pillait, par des surtaxes, l'aliénation des propriétés publiques, la création de quelque monopole, ou la vente du droit de cité aux métèques. L'excédant des revenus sur les dépenses constituait le trésor, qui fut d'abord déposé à Délos; puis on le transféra dans Athènes, et il contenait alors mille huit cents talents (1). Durant la guerre de Nicias, sept mille talents (2) entrèrent dans la citadelle c'était une somme considérable soustraite à la circulation.

Périclès, avec ces trésors, soutint les beaux-arts dans l'essor qu'ils prirent alors, et qui ne fut jamais dépassé. Ses libéralités, une admirable réunion d'artistes contemporains, le sentiment exquis du beau, contribuèrent à faire de cette époque le siècle des arts par excellence. On ne faisait pas un pas dans Athènes sans rencontrer un monument, théâtre somptueux ou temple magni. fique. Les Propylées, qui avaient coûté deux mille talents, dominaient la ville; le long de la voie des Trépieds s'élevaient des trophées aux vainqueurs dans les combats du cirque; les routes, les places, étaient remplies d'hermès, de sentences d'hommes illustres; la rue de l'Académie était ornée d'inscriptions où se lisaient les noms des guerriers morts sur les champs de bataille; une pierre carrée, sur un tertre, indiquait l'endroit où reposait Thémistocle; une colonne de bronze vouait à une éternelle infamie le nom d'un traître qui s'était laissé corrompre par l'or des Perses. La prise de Troie, le combat des Amazones, la victoire de Marathon, avaient été retracés par le pinceau de Panème, de Micon et de Polygnote; tous les héros qui avaient illustré la patrie par leur courage et leur sagesse, tous les dieux qu'adorait la superstition, avaient dans les temples et sur les places des statues, dont une seule suffit aujourd'hui pour appeler de loin l'admiration de l'artiste et du voyageur.

Quels temples devaient être ceux où de pareils chefs-d'œuvre s'offraient en foule aux regards! Mais l'histoire nous enseigne à

(1) Environ 9,500,000 de francs.

(2) Environ 38,000,000 de francs.

IIIST. UNIV.

T. II.

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Décadence.

distinguer la splendeur de la prospérité et même de la richesse. Athènes, en effet, au moment même où elle se parait de tout l'éclat des beaux arts, commençait à décroître : nous allons rechercher les causes de sa décadence.

Dans un pays régi par un gouvernement populaire, il n'est que trop facile à un citoyen, à l'aide de ses richesses, de ses services et de son éloquence, de s'emparer du pouvoir suprême. Le peuple se laisse aisément abuser, et les ambitieux profitent de ses erreurs ou du repentir qu'il en éprouve pour le dominer. La mobilité des emplois et la multiplicité des lois,inconvénient particulier à ce mode de gouvernement, font que les magistrats sont moins respectés et les troubles plus fréquents.

Dans les anciennes républiques, les riches et les pauvres étaient, de plus, continuellement en guerre : il est nécessaire, pour comprendre cette lutte sans trêve, de se placer en dehors de nos habitudes et d'un état de choses où les riches ne peuvent rien sans les bras et l'industrie des pauvres, tandis que ceux-ci peuvent, grâce à leur travail, s'élever, acquérir et arriver à l'égalité des droits. Alors, au contraire, les esclaves subvenaient à tous les besoins du riche, et presque aucune voie, pour réaliser des bénéfices, ne restait ouverte au pauvre, qui craignait de s'avilir en se livrant aux professions manuelles ; aussi la haine se perpétuait-elle entre les riches et les pauvres, les premiers désirant accroître leur sécurité à mesure qu'augmentait leur fortune, les seconds ne rêvant que partages et meurtres. De là, ces dissensions si vives, ces alternatives de triomphes et de défaites, qui mettaient tour à tour en fuite une grande partie de la population.

Solon, qui connaissait ces dangers, avait tempéré la démocratie; mais ses lois furent bientôt violées, et la démocratie pure s'introduisit avec la proposition d'Aristide, qui voulait que l'autorité fût partagée également entre les riches et les pauvres, et que tous pussent être élus aux diverses magistratures. Périclès donna plus d'extension à cette loi, en affectant une rétribution aux emplois, en faisant accourir aux assemblées, pour toucher un modique salaire, tous les gens désœuvrés; tandis que les propriétaires et les hommes laborieux, c'est-à-dire les meilleurs citoyens, vaquaient à leur commerce ou à l'administration de leurs biens. Ainsi, la partie infime des citoyens concourait directement à la confection et à l'interprétation des lois; ils se partageaient les tribunaux ordinaires, exerçaient la plupart des magistratures, et se faisaient rendre compte de la manière dont les autres étaient remplies. Le peuple était lui-même juge des attentats contre le

peuple; six mille Athéniens n'avaient d'autre occupation que de statuer sur les procès et de discuter les affaires publiques. Ils gagnaient, comme magistrats, plus de 80,000 drachmes par an, et cette somme était doublée par les parties plaidantes. « Le sénat,»> disait Lysias, « ne prévarique pas quand les honoraires suffisent « aux dépenses ordinaires; mais, lorsqu'ils ne suffisent pas, il << peut se considérer comme obligé d'admettre les accusations de << haute trahison, de confisquer les biens des particuliers, de suivre << les mauvais conseils des orateurs. » Si le sénat agissait ainsi, fautil s'étonner de la corruption effrontée des magistrats d'un ordre inférieur ?

Dans de telles conditions, il n'y eut plus de gouvernement stable et tranquille dans Athènes. En effet, si, par le renouvellement annuel de tous les employés, un plus grand nombre de personnes s'initiaient à la connaissance des affaires publiques, c'était aux dépens de la régularité du service, de la science administrative et de ce coup d'œil qui ne s'acquiert que par une longue étude d'un seul genre d'affaires. L'Aréopage, seule magistrature instituée à vie, dut aussi descendre du haut rang où il était placé (1).

Il était naturel que le peuple, resté sans frein, allât d'excès en excès. De là, les accusations multipliées, la satire effrontée, le triomphe des orateurs démagogues; de là, ce débordement de colère envieuse contre les hommes les plus honorables, cette rage de briser ceux qui avaient été les instruments de la puissance publique.

Solon avait pondéré la démocratie; Périclès rompit l'équilibre. Solon avait voulu rendre les citoyens laborieux, en notant l'oisiveté d'infamie; Périclès les détourna du travail, en attribuant un salaire aux fainéants. Solon avait voulu que les offices publics fussent gratuits; Périclès les fit rétribuer. Solon, pour réprimer la fougue irréfléchie du peuple, avait placé les mœurs sous la garde et la protection de l'Aréopage; Périclès anéantit l'autorité de ce tribunal. De si graves altérations devaient avoir préoccupé Socrate et Isocrate, lorsqu'ils insistaient pour que la législation fût ramenée à ses principes.

Les victoires remportées sur les Perses, en répandant tant de richesses et tant d'illustration, firent naître le goût de la guerre ; mais la gloire s'acquiert en délivrant sa patrie de l'étranger, et non en molestant ses voisins. Or Athènes, lorsqn'elle fut à la tête de la Grèce, abusa de son pouvoir en opprimant alliés et colonies,

(1) « L'orateur Ephialte, agent de Périclès, contribua beaucoup à la subverion des prérogatives de l'Aréopage. PAUSANIAS, I, 29.

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Mœurs.

Femmes.

en exigeant qu'ils lui fournissent de l'or, non pour le salut commun, mais pour l'embellissement de ses édifices; elle proclama en pleine assemblée que les droits du peuple n'avaient d'autres limites que celles de sa puissance.

Athènes ne sut pas exploiter avec avantage ses mines et ses autres propriétés nationales, ni établir régulièrement des impôts directs; il fallait donc qu'elle exigeât des alliés un tribut énorme, qui formait la moitié de ses revenus: de là, des dissensions continuelles, des défections, des hostilités, des guerres.

Cependant, Thémistocle ayant augmenté la flotte et tourné vers la mer l'attention de ses concitoyens, un certain nombre d'entre eux déposèrent les armes pour se livrer au commerce; d'autres, parce qu'ils trouvaient plus commode de les confier à des mercenaires. Les douceurs mêmes de la paix, que les beauxarts paraient de tant de chefs-d'oeuvre, faisaient languir l'esprit militaire; et malheur à la république où les citoyens ne veillent pas armés au maintien de la paix! Cette haine de l'étranger, qui avait fait marcher comme un seul homme toute la Grèce contre Xerxès, s'était attiédie depuis que beaucoup de ceux qui se croyaient nés du sol, comme les cigales, avaient été tués à la guerre, et qu'ils étaient remplacés ou par des esclaves affranchis, ou par des étrangers naturalisés. L'or des Perses cessa d'être regardé avec un mépris superbe, et bientôt toutes les républiques virent se former dans leur sein un parti i avorable à l'étranger : ce parti finit par jeter la plus grande confusion dans toutes les villes de la Grèce.

Le luxe, la corruption, firent invasion avec l'or enlevé aux Perses, et plus encore avec celui qu'ils donnaient; les mœurs, que l'état de la société d'alors rendait déjà mauvaises, se pervertirent tout à fait, et les exemples de personnages illustres en consommèrent la perte. La femme, quoique sortie de la servitude absolue de l'Orient, était bien loin de la dignité qu'elle conserva chez les peuples du Nord et que sanctionna le christianisme. Elle était considérée par les Ioniens comme un être utile, mais insignifiant. La mollesse de leurs chants d'amour indique assez que les Éoliens la regardaient comme un simple objet de volupté. Nous avons vu comment, chez les Doriens, la force morale de la femme dégénérait souvent en atrocité. Si nous envisageons la poésie comme l'expression des sentiments d'une époque ou d'une nation, Calypso, dans Homère, est une amante furibonde; Hélène et Pâris ne nous offrent que des scènes voluptueuses; les adieux mêmes d'Hector et d'Andromaque, l'unique passage peut-être de la littérature clas

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