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qu'elle demanda des lois à Platon (1), il ne voulut pas lui en donner, la jugeant trop corrompue; elle fut aussi le refuge des Messéniens, à qui Sparte ne laissait point de repos. Dès ce moment, Cyrène resta tout à fait étrangère aux intérêts de la Grèce. Elle soutint plusieurs guerres contre les Libyens et les Carthaginois; puis elle tomba sous la tyrannie d'Ariston, dont elle finit par s'affranchir, et conserva la liberté plus longtemps que la Hellade, car la Pentapole ne fut réunie à l'Égypte qu'au temps de Ptolémée Soter.

Krennah offre encore sur cette plage quelques ruines de la patrie du philosophe Aristippe, du poëte Callimaque et du géomètre Ératosthène. Les grottes sépulcrales creusées dans la montagne sont plus ou moins ornées d'ouvrages d'architecture et même de peintures : une de celles-ci représente les occupations d'un nègre

(1) BENTHAM, de l'Organisation judiciaire et de la Codification, leç. vu, p. 393, est d'avis qu'un étranger doit être chargé de la rédaction des codes. Cette apparente nouveauté n'est qu'une réminiscence d'une idée ancienne; mais, comme tant d'autres, elle est inapplicable à l'état de choses actuel. Les codes doivent, aujourd'hui surtout, avoir pour base les usages, les coutumes, les opinions de chaque peuple; et comment un étranger les connaîtrait-il? Le bill de réforme du jury anglais, en date du 22 juin 1825, commence ainsi : « Considérant qu'il est nécessaire de reviser et de modifier les lois nombreuses et compliquées, relatives à la qualité, à la convocation des jurés, ainsi qu'à la formation du jury en Angleterre; d'augmenter le nombre des personnes aptes à remplir ces fonctions, de changer le mode de formation des jurys spéciaux, et de modifier la législation sous d'autres rapports encore, etc.... » Comment un étranger serait-il au courant de toutes ces choses? Rousseau, chargé de faire un code pour la Corse, écrivait à Buttafuoco : « Je suis charmé du voyage que vous faites en Corse... Si, comme je n'en doute pas, vous vous y occupez de notre objet, vous verrez mieux ce qu'il faut me dire que je ne puis voir ce que je dois vous demander. » Et il veut cependant qu'on lui envoie une bonne carte de la Corse, une description exacte du pays, des renseignements sur son histoire naturelle, ses productions, sa culture; il veut savoir en combien de districts elle est divisée; si le clergé y est nombreux et y jouit de crédit; s'il y a d'anciennes familles, des corps privilégiés, une noblesse; si les villes ont des droits municipaux, et jusqu'à quel point elles en sont jalouses; quelles sont les mœurs du peuple, ses penchants, ses occupations, ses divertissements, l'histoire de la nation, jusqu'au moment actuel; ses lois, ses institutions; comment la justice est administrée; quels sont les revenus publics, quel ordre existe dans les finances; quelle est la répartition et le mode de perception des impôts; en général, ajoute-t-il, « tout ce qui fait le mieux connaître le génie national ne saurait être trop expliqué. Souvent un trait, un mot, une action, en dit plus que tout un livre. » Cela ne dit-il pas assez clairement qu'un étranger est incapable de donner un code? Locke ne pensa pas ainsi; et, dans la constitution qu'il rédigea en 1662 pour la Caroline, il proposa, en tâtonnant, des institutions tout à fait arbitraires : une aristocratie féodale, avec une espèce de gouvernement oligarchique dans la main des propriétaires.

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esclave et la manière de se vêtir des anciens Africains; les longues robes, sans agrafes, que portaient les femmes, les châles rouges roulés autour de leur tête, ressemblent beaucoup au costume moderne des Barbaresques. On retire des tombes des urnes et des vases peints, des ornements d'or et d'argent, comme aussi beaucoup de camées. Le type européen domine constamment dans les figures; quant à l'architecture, il paraît que le style grec repose sur des bases égyptiennes, excepté dans l'ancienne Ptolémaïs où le style colossal égyptien est plus généralement employé et plus parfait. A Krennah, on trouve un grand nombre d'inscriptions au milieu des oliviers, des dattiers, des lauriers-roses, des vignes, et l'on montre encore les restes d'un stade, le site de l'hippodrome et du marché chanté par Pindare, une grande citerne, des bains, des temples, et, au milieu de ces ruines, la source limpide (Koŕn 'Anóλvos) qui donna son nom à la ville (1).

CHAPITRE XI.

Guerre médique.

Nous avons vu s'établir dans la Grèce une foule de petits États rattachés par des liens si faibles qu'ils semblaient ne pouvoir jamais entreprendre rien de grand en commun. Les circonstances les réunirent cependant, et, comme l'Italie, divisée en autant de républiques que de communes, se sentit une et grande quand Bar berousse menaça son indépendance, il en fut de même de la Grèce menacée par les rois de Perse (2).

Dans la pensée des monarques de la Perse, les petits États contigus à leur vaste empire devaient en être les satellites et les vassaux. Lorsqu'ils eurent conquis la Lydie et se trouvèrent ainsi sur la frontière des Ioniens, Bias de Priène, l'un des sept sages, exhorta ses concitoyens à traverser les mers et à passer en Sardai

(1) L'antique Cyrénaïque est mieux connue depuis que Della Cella, en 1819, accompagna vers la Grande Syrte l'armée que le pacha de Tripoli expédiait contre son fils soulevé, Méhémet Karamilli. Voir aussi J. R. PACHO, Voyage dans la Marmarique et la Cyrénaïque ; Paris, 1829.

(2) Nous suivons Hérodote jusqu'à la bataille de Platée, en 479. A partir de fà jusqu'à la guerre du Péloponèse en 431, nous n'avons pas d'historiens contemporains: Diodore de Sicile n'y supplée qu'en partie, car ses livres VI, VII, VIII, IX, X, sont perdus, et le XIe ne commence qu'à l'année 480. L'introduction de Thucydide permet de corriger ses erreurs de chronologie.

gne, pour conserver la liberté en péril. En effet, quand les nombreuses colonies sur la mer Égée, limitrophes de la Lydie, n'étaient pas même d'accord l'une avec l'autre, comment pouvaient-elles résister à des souverains si puissants? Cyrus les avait déjà menacées, et les Spartiates, qui considéraient les Ioniens comme des frères, le sommèrent de les laisser en paix, s'il ne voulait pas qu'ils tournassent leurs armes contre lui; le despote leur répondit qu'il leur donnerait tant à se plaindre en Europe qu'ils n'auraient pas le temps de songer aux affaires de l'Asie. La mort mit obstacle à ses projets; mais Darius, fils d'Hystaspe, soumit les Ioniens et donna pour satrape à chaque cité l'un de ses principaux citoyens, afin que l'intérêt particulier de ceux-ci lui répondit de leur zèle à le servir.

Passant alors en Scythie, il jeta sur le Danube un pont, à la garde duquel il préposa ces satrapes ioniens, en leur remettant une corde garnie de soixante noeuds; ils devaient, d'après son ordre, en défaire un par jour et ne s'éloigner que lorsqu'ils seraient tous dénoués. Parmi eux se trouvait Miltiade, descendant d'un Athénien du même nom, qui, mécontent de sa patrie au temps de Pisistrate, s'était rendu à l'invitation des Thraces et avait fondé une colonie dans la Chersonèse. Reconnu par le roi de Perse comme seigneur de la Chersonèse, mais chéri par les Athéniens pour lesquels il avait conquis les îles d'Imbros et de Lemnos, aussitôt qu'il eut appris que Darius avait échoué dans son expédition, Miltiade donna ce conseil: «Que l'on coupe le pont; Darius périra par la faim, et la Grèce sera libre ! »

Mais Histiée de Milet, préférant les douceurs du commandement, s'opposa à l'exécution, et Darius retourna sain et sauf en Perse avec les débris de son armée. Histiée parvint à une haute faveur à la cour; mais bientôt, en butte au mépris, récompense ordinaire des lâches, il songea à changer l'état des choses et s'entendit avec Aristagoras, son neveu, qu'il avait chargé de gouverner Milet, pour soulever l'Asie Mineure contre les Perses. En effet, Aristagoras arbore la bannière nationale, rassemble autour de lui la fleur de la jeunesse ionienne armée dans une même pensée, et chasse les magistrats perses. Il fait plus afin d'opposer au torrent asiatique un élément de force et d'union, il proclame la liberté, renonce lui-même au pouvoir et dépose les autres tyrans; puis, comme Franklin au temps de nos pères, il vient en Europe implorer contre l'étranger des secours fraternels.

Il s'adressa d'abord à Sparte, où Cléomène régnait seul, après avoir chassé du trône son collègue Démarate. Tyran, il était du

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Sardes.

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parti des tyrans. Hippias, irrité contre Athènes qui lui avait arraché le pouvoir, ne tint pas compte de la requête d'Aristagoras. Il fut mieux accueilli des Athéniens, encore dans l'enthousiasme d'avoir recouvré leur liberté, et qui ne pardonnaient pas aux Perses d'avoir donné asile à Hippias, dont ils encourageaient les espérances ils étaient effrayés d'ailleurs de voir Darius se rapprocher de l'Europe; car, s'il avait échoué en Scythie, il s'était emparé de la Thrace, avait soumis la Macédoine, occupé les îles d'Imbros et de Lemnos, tenté un coup de main sur Naxos et menacé l'Eubée.

Les Athéniens prêtèrent donc volontiers l'oreille à la demande qui leur était adressée, et, après avoir équipé vingt navires que d'autres rejoignirent en route, ils débarquèrent en Lydie et priIncendie de rent Sardes, qu'ils incendièrent par accident. Remis de sa surprise, le satrape Artapherne, qui résidait dans cette ville, poursuivit les Grecs et leur tua beaucoup de monde. La mauvaise fortune et plus encore l'or des Perses jetèrent la désunion dans leurs rangs. Les Athéniens mécontents se retirèrent; Aristagoras et Histiée furent mis à mort; pour se venger, les Perses détruisirent Milet, soumirent Chios, Lesbos, Ténédos, et dévastèrent l'Ionie, à l'exception de Samos, qui revint la première à l'obéissance. Ainsi s'évanouit cette tentative de liberté. La douceur de la domination des vainqueurs répara les dommages éprouvés par l'Asie Mineure; mais l'agression d'Athènes avait eu pour conséquence funeste de montrer aux Perses le chemin de l'Europe.

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Le désastre de Sardes avait blessé si vivement Darius qu'un courtisan devait, chaque matin, le faire souvenir de détruire Athènes. Hippias attisait le feu en représentant aux ministres et au monarque la conquête de la Grèce comme non moins facile que glorieuse : tant le désir de revenir au pouvoir l'emportait, chez ce fils dégradé de Pisistrate, sur l'amour de la patrie !

En effet, Darius chargea Mardonius de le venger, à la tête d'une puissante flotte et d'une armée nombreuse; mais une tempête engloutit les navires au promontoire d'Athos, et les Thraces exterminèrent les troupes. Le roi de Perse n'en persista pas moins dans ses projets; il fit enjoindre aux Grecs, par deux hérauts, de lui donner la terre et l'eau, symbole d'une soumission absolue. A cette indigne proposition, les Spartiates précipitèrent les hérauts dans un puits et se préparèrent à combattre; mais, loin que le même courage se manifestât chez tous les Grecs, les îles et nombre de villes de la terre ferme se hâtèrent de faire leur soumission, même la puissante Égine, toute voisine d'Athènes. Le péril commun ré

concilia Athènes et Sparte, qui se réunirent contre la Perse et lui déclarèrent la guerre. Cependant le nuage grossissait, et Darius faisait partir une multitude d'hommes et des vaisseaux, sous les ordres de Datis et d'Artapherne. Guidés par les conseils d'Hippias, ils saccagèrent d'abord Érétrie, dans l'île d'Eubée, qu'un simple canal séparait d'Athènes, et transportèrent ses habitants dans la Susiane, où cinq siècles après Apollonius de Tyane retrouva leurs descendants (1).

A l'approche d'un si grand danger, Athènes envoie demander du secours à ses alliés ; mais, intimidés pour la plupart, ils n'osent pas mettre le pied hors de chez eux. Sparte promet d'envoyer des troupes à la pleine lune, époque que la superstition faisait croire favorable. Platée seule arme mille hommes. Athènes pourtant ne s'épouvante pas; elle est encouragée par Miltiade, qui, ayant eu affaire aux Perses dès son plus jeune âge, ne craint pas leurs troupes nombreuses. Dix mille Athéniens seulement, auxquels s'étaient joints quelques esclaves, vont affronter, à Marathon, une armée qui, au dire des historiens les plus modérés, comptait dix fois autant de Perses. L'expérience de Miltiade, le désintéressement des autres généraux, qui remirent entre ses mains leur propre autorité, la valeur de chaque guerrier, assurèrent la victoire aux Grecs, victoire qui coûta la vie à une multitude d'ennemis et à Hippias lui-même (2). Le lendemain, arrivèrent deux mille Spartiates, auxquels la nouvelle lune avait permis de se mettre en marche.

Cette armée formidable, qui devait emmener à Suze tous les Athéniens enchaînés, et qui portait avec elle un bloc de marbre destiné à l'érection d'un monument, fut mise dans une telle déroute, qu'elle ne rentra pas même dans son camp et s'enfuit vers ses vaisseaux. Le marbre fut remis à Phidias, dont le ciseau en fit une Némésis; on dressa des tombeaux aux citoyens morts sur le champ de bataille (3), et la victoire fut représentée par le pinceau dans le Pœcile, l'un des portiques d'Athènes. Miltiade obtint pour unique récompense la faveur d'être peint à la tête des autres généraux,

(1) PHILOSTRATE, Vie d'Apollonius, I, 23, 2.

(2) Hérodote compte 6,400 morts; mais ensuite les rhéteurs exagérèrent, et Justin et Suidas en portèrent le nombre à 200,000. Xénophon raconte que les Athéniens avaient fait vou d'immoler à Diane autant de chèvres qu'ils tueraient d'ennemis; mais que, voyant qu'ils ne pourraient accomplir ce vœu, ils résolurent d'en sacrifier 500 chaque année.

(3) On offrit à lord Byron de lui vendre ce champ pour le prix de 8,000 piastres, environ 2,000 francs.

Bataille de Marathon. 29 septembre 490.

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