Imatges de pàgina
PDF
EPUB

de se tenir toujours en armes contre l'ennemi, sur terre comme sur mer, elle n'en changea pas moins ses rochers nus en riantes plantations de vignes et d'oliviers; elle cultiva les sciences, mérita le surnom d'Athènes des Gaules (1), et promulgua différentes lois somptuaires dans l'intérêt des mœurs. Ainsi, les femmes ne devaient pas boire de vin, loi commune aux Milésiens et aux premiers Romains; la jeune fille qui entrait à la fin du banquet versait du vin dans une coupe et la présentait à celui qu'elle choisissait pour époux; la dot ne devait pas dépasser cent pièces d'or, en sus de cinq pour les habillements, et d'une somme égale pour les bijoux (2). Celui qui voulait se tuer était tenu d'en déduire les motifs en présence du sénat, et s'ils paraissaient valables, on lui fournissait le poison conservé à cet effet dans un dépôt public (3). Les sénateurs (Toyo) étaient élus pour leur mérite seul, et après une discussion; personne ne devait se montrer armé dans la ville, où l'on ne tolérait pas ceux qui faisaient trafic de choses religieuses. Les représentations théâtrales, qui n'offrent le plus souvent que des amours et des adultères, étaient prohibées (4), comme étant d'un exemple funeste. Les habitants étaient affables, tempérants, et l'on disait à Rome : Mœurs massiliennes, pour indiquer la gravité et l'honnêteté (5). Mais, plus tard, la même expression signifia le comble de la corruption, lorsque Marseille, prêtant secours à Rome contre les Gaulois, perdit à la fois sa puissance, la liberté et l'honneur.

Elle donna le jour à Pythéas, qui, au temps d'Alexandre, détermina, à l'aide du gnomon, la latitude de sa patrie, démontra la correspondance des marées avec les phases de la lune, et fit un voyage le long des côtes orientales et occidentales de l'Europe, depuis l'embouchure du Rhône jusqu'à la péninsule scandinave (6).

(1) Sedes ac magistra studiorum Massilia, locus græca comitate et provinciali parcimonia mistus ac bene compositus. Tacite, Agricola, 4. (2) STRABON, IV.

(3) VALÈRE MAXIME, II, VI, 7.

(4) Ibid.

(5) Ubi tu es, qui colere mores massilienses postulas!

(PLAUTE, Casina, act. IV, sc. Iv.)

(6) J. LELEWEL a publié en 1837 un livre intitulé: Pythéas de Marseille (Paris, in-8° avec cartes), où il revendique pour Pythéas la confiance que lui refusèrent Polybe, Strabon et plusieurs modernes, entre autres le savant Gossellin. Il trace exactement le voyage de ce Massaliote, qui côtoie l'Ibérie jusqu'aux colonnes d'Hercule, double le promontoire Sacré (cap Saint-Vincent), et rase sur l'Océan, les côtes de la Gaule celtique jusqu'au Finistère. Laissant alors la route des Carthaginois, que le commerce avait déjà conduits jusqu'aux Cassitérides (îles Sorlingues) et au cap Bolérium (côte de Cornouailles), il se dirige

Un autre de ses grands navigateurs, Euthymène, explora les mers du midi (1).

Éphèse était l'émule de Phocée et de Milet, sans faire un aussi grand commerce; mais, lors de leur chute, elle s'éleva au point d'être considérée, du temps des Romains, comme la principale ville de l'Asie Mineure. Les Ioniens s'en emparèrent sur les Cariens; Crésus lui ravit son indépendance en 560, puis elle passa sous la domination des Perses. Gouvernée par les grands, qui composaient le sénat (yepovoíα), sous la présidence des épiclètes (èñíxλŋtoı), elle était fameuse par son temple de Diane, qui remontait, comme nous l'avons dit, à une époque très-ancienne, et qu'Érostrate incendia, dit-on, pour rendre son nom immortel. Il parvint à son misérable but; mais le temple fut réédifié avec plus de splendeur et d'élégance qu'auparavant (353).

Une loi des Éphésiens enjoignait à quiconque l'emportait sur les autres en esprit ou en vertu d'aller se faire admirer ailleurs, osant ainsi professer ouvertement ce que d'autres républiques pratiquaient sans le dire.

:

Parmi les villes insulaires, Samos mérita le premier rang par son commerce et sa puissance maritime elle forma des établissements en Crète, en Sicile, en Égypte, et ses navires, poussés par la tempête au delà des colonnes d'Hercule, recueillirent à Tartesse, en Espagne, plus d'or que n'en possédait toute la Grèce ; cet or fut employé à la construction du temple de Junon, l'un des plus fameux de l'antiquité. On admirait une digue que les Samiens avaient opposée aux flots de la mer, et Mandroclès, leur concitoyen, jeta pour Darius un pont sur le Bosphore. Rhocus et Théodore perfectionnèrent l'équerre, le niveau et autres instruments mécaniques, comme aussi la fonte du fer. Les vases fabriqués à Samos passèrent en proverbe. On dit qu'Homère, recueilli

au nord jusqu'au détroit, et côtoie la partie orientale de la Grande-Bretagne ; parvenu à l'extrémité, il vogue en pleine mer, et, après six jours de navigation, il gagne l'ultima terrarum Thule, c'est-à-dire l'Islande, ou plutôt une des îles Féroë; Pythéas s'en éloigne sans l'avoir reconnue, se rapproche du continent européen, et, courant vers le nord, pénètre dans la Baltique jusqu'à l'embouchure de la Vistule.

(1) L'inscription qui se trouve sur l'hôtel de ville de Marseille, mérite d'être citée :

MASSILIA PHOCENSIUM FILIA ROME SOROR CARTHAGINIS TERROR ATHENARUM ÆMULA ALTRIX DISCIPLINARUM GALLORUM AGROS MORES ANIMOS NOVO CULTU ORNAVIT ILLUSTRAVIT QUAM SOLA FIDES MUROS QUOS VIX CÆSARI CESSERAT CONTRA CAROLUM V MELIORE OMINE TUETUR OMNIUM FERE GENTIUM COMMERCIIS PATENS EUROPAM QUAM MODO TERRUERAT MODO DOCUERAT ALERE ET DITARE GAUDET.

Charles-Quint avait tenté de la surprendre.

Éphèse.

Samos.

535-524.

Chios.

500.

Colonies doriennes.

dans sa vieillesse par Cléophile, y termina sa carrière; c'est là que naquit Pythagore.

Le tyran Polycrate voila la dure servitude de l'éclat des victoires; il étendit la domination de Samos sur les îles environnantes, et aspira à la souveraineté de l'Ionie. Son frère Syloson reconquit, avec l'aide des Perses, la malheureuse Samos, qui avait secoué le joug, et la ruina entièrement; elle tomba ensuite sous la dépendance des Athéniens, qui la dotèrent du gouvernement populaire, et firent de son port le rendez-vous de leurs flottes durant la guerre du Péloponèse.

Samos avait pour rivale en richesse l'île de Chios, l'une des plus puissantes de la mer Égée. Les esclaves, qui s'y trouvaient en très-grand nombre, se soulevèrent plusieurs fois; on y célébrait, tous les cinq ans, des jeux en l'honneur d'Homère, que les insulaires affirmaient avoir été leur concitoyen. Cyrus leur ayant demandé de remettre entre ses mains Pactias, qui, après le soulèvement des Lydiens contre les Perses, s'était réfugié au pied des autels de Chios, ils obéirent, et obtinrent pour récompense l'Atarnée, pays de la Mysie; mais ils conçurent tant de honte de leur faiblesse qu'ils n'osaient plus, dans leurs sacrifices, faire usage de l'orge de cette contrée. Quoique tombée sous la domination des Perses, elle put fournir quatre-vingt-quatre voiles sur les cent quatre-vingt-trois bâtiments armés par huit villes de l'Ionie contre les conquérants, et prétendre même à l'empire de la mer.

Les Doriens fondèrent, plus tard que les Ioniens, des colonies sur la côte méridionale de la Carie et dans les îles de Cos et de Rhodes. Des rivages du Péloponèse, ils allèrent, non pas d'une seule fois, mais peu à peu, s'établir dans plusieurs des îles de l'Archipel, et gagnèrent même les côtes de l'Asie, où ils bâtirent Cnide et Halicarnasse; puis Ialyse, Camire et Linde, dans les îles de Rhodes et de Cos. Cnide, patrie de l'historien Ctésias et de l'astronome Eudoxe, était célèbre par son temple de Vénus Euplée (Eλoα), où l'on admirait la statue de la déesse, due au ciseau de Praxitèle. Les six colonies doriennes possédaient en commun, pour les assemblées et les fêtes nationales, le temple d'Apollon Triopien. Halicarnasse en fut exclue dans la suite, parce qu'un de ses citoyens, au lieu de déposer dans le temple le prix de la victoire, l'emporta dans sa maison et l'y suspendit comme un trophée tant ces confédérations étaient jalouses de conserver la communauté ! Comme les colonies éoliennes, celles des Doriens tombèrent sous la dépendance de Crésus, et passèrent ensuite sous celle de Cyrus.

:

Rhodes fut construite après l'invasion de Xerxès, dans l'île ainsi nommée du parfum de ses roses; on l'appelait encore l'Épouse du Soleil, parce qu'il ne se passait pas un jour sans qu'il y brillật. Là s'arrêtaient les bâtiments qui, de la Grèce, faisaient voile vers l'Égypte. Son colosse (1) fut mis au nombre des merveilles du monde, et sa législation commerciale resta longtemps la règle des transactions entre les négociants de la Grèce et de Rome (2). Le fils était obligé de payer les dettes de son père, renonçât-il à la succession. Lorsqu'il fallait jeter des marchandises à la mer pour échapper au naufrage, ou payer rançon à des pirates, le dommage devait être réparti sur tous les propriétaires de la cargaison; à cet effet, l'état du navire et de ses agrès était constaté au moment du départ; la loi déterminait en outre les conditions des contrats, les salaires, ce qui concernait les gens de l'équipage et le chargement. Aucune convention n'était valable qu'autant qu'elle avait été transcrite sur le registre public. Avant l'exécution de toute sentence capitale, le condamné était rayé du nombre des citoyens, et le bourreau ne devait pas exercer son office dans l'intérieur de la ville. Les obsèques de ceux qui mouraient pour la défense de la patrie étaient à la charge de l'État, qui donnait une dot à leurs filles et une armure complète à leurs fils.

Les Romains, sous Claude, adoptèrent les lois maritimes de Rhodes, et accouraient dans ses écoles pour apprendre la philosophie, l'éloquence et les beaux-arts. Les Rhodiens accueillaient les étrangers avec une généreuse hospitalité, faisaient la chasse aux pirates, et, comme tous les peuples commerçants, cherchaient à conserver la paix, et même à vivre en bonne intelligence avec les rois perses; mais l'opulence et le concours des étrangers finirent par corrompre leurs moeurs. Ils sacrifiaient d'abord un homme lors des fêtes de Saturne; plus tard la victime fut un condamné; enfin cet usage cessa.

Rhodez, dans le voisinage des Pyrénées, fut une colonie des Rhodiens, comme aussi Parthénope et Salapia en Italie, Géla et Agrigente en Sicile. Nous aurons plus tard à parler de leurs désastres.

(1) Haut de 33 mètres. Il fut commencé par Charès de Linde, 300 ans avant J.-C., et terminé par Lachès, douze ans après cette date.

(2) En 1782, l'Académie des inscriptions et belles-lettres mit au concours cette question: Quelle a été l'influence des lois maritimes des Rhodiens sur la marine des Grecs et des Romains, et l'influence de la marine sur la puissance de ces peuples? Le prix fut remporté par Pastoret. Voy. aussi LEUN CLAVIUS, Jus græco-romanum. - TARGA, Contrattazioni maritime.. MoRIZOT, Histoire du monde maritime, et le liv. IV, ch. XII, de cet ouvrage.

Rhodes.

Loi

rhodienne.

Autres colo

nies.

Cyrène.

Plusieurs colonies, outre celles que nous avons indiquées, occupaient les bords de la Propontide, de la mer Noire, du Palus Méotide, en majeure partie expédiées par les Milésiens. Lampsaque, où l'encens fumait en l'honneur de Priape, était sur la Propontide, ainsi que Cyzique, située dans une île que deux ponts réunissaient au continent. Sous la protection des Romains, Cyzique devint une des villes les plus florissantes de l'Asie. En face, sur le rivage de la Thrace, s'élevaient Périnthe, nommée ensuite Héraclée, et, à l'entrée du Bosphore, Byzance, destinée à devenir la capitale de deux grands empires.

Sur la côte méridionale de la mer Noire était Héraclée de Bithynie; dans la Paphlagonie, Sinope, la plus importante de toutes ces villes maritimes, et qui faisait le commerce du thon; dans le Pont, Amisus, qui envoya des colonies à Trapézunte. Sur la plage orientale se trouvaient les villes de Phasis et de Dioscuriade, célèbres dans l'expédition des Argonautes et faisant un grand commerce d'esclaves; Panticapée était dans la Chersonèse Taurique. Tanaïs, à l'embouchure du fleuve du même nom, et Olbia, à l'embouchure du Borysthène, occupaient le rivage septentrional. Les colonies de la côte occidentale, Apollonie, Tomes, lieu d'exil d'Ovide, et Salmydesse, étaient renommées pour leur com

merce.

Les rivages de la Thrace et de la Macédoine, le long de la mer Égée, étaient aussi couverts de colonies grecques, fondées principalement par Corinthe et par Athènes; c'est de là que les Grecs tiraient la plupart de leurs esclaves.

Cyrène était sur les côtes d'Afrique. Les Spartiates racontaient qu'un oncle d'Eurysthène et de Proclès, leurs premiers rois, conduisit une colonie dorienne dans l'ile de Calliste, occupée par un petit nombre de Phéniciens, et de son nom l'appela Théra. Cette colonie s'accrut peu à peu, jusqu'à ce que, sept siècles avant J.-C., une grande sécheresse la contraignit à émigrer en Afrique, où elle fonda Cyrène. Son commerce, son agriculture, ses belles races de chevaux, rendirent cette ville célèbre, et le luxe y devint tel que les anciens ne cessent de vanter les parfums exhalés de ses jardins, l'essence de ses roses et ses gommes aromatiques; elle cultivait aussi le laserpitium, très-recherché dans le commerce. Cyrène fut gouvernée par des rois jusqu'à l'époque où Démonax de Mantinée appela le peuple à prendre part aux affaires publiques. De là, des guerres civiles dont les Perses profitèrent pour soumettre les villes du voisinage; mais Cyrène leur résista. Lors

« AnteriorContinua »