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de bonheur et de gloire. O quelle Révolution ! quel cœur serait donc le mien, si le souvenir d'une si juste élévation rapproché du spectacle trop affreux de sa chute ne faisait pas naître en moi les plus fortes émotions! Que j'étais loin d'imaginer, lorsque je la voyais réunir aux titres de la vénération ceux que donne l'enthousiasme d'un amour distant et respectueux, qu'elle dût jamais être obligée dé porter et de cacher dans son sein cet antidote aigu que le courage sait employer dans les plus grands maux !... Dans une Nation de galanterie, dans une Nation composée d'hommes' d'honneur et de chevaliers, je croyais que dix mille épées seraient sorties de leurs fourreaux pour la venger même d'un régard qui l'aurait menacée d'une insulte! Mais le siècle de la chevalerie est passé; celui des sophistes, des économistes et des calculateurs lui a succédé, et la gloire de l'Europe est à jamais éteinte. »>

L'espèce de chaleur poétique que respire tout ce morceau ne prend-elle pas un caractère imposant dans une bouche aussi respectable que celle de M. Burke? Les fragmens qu'on vient de lire suffisent sans doute pour donner l'idée de l'esprit dans lequel son ouvrage est écrit; nous bornerons donc ici notre extrait, mais nous pourrons bien revenir un autre jour sur la dernière partie de ses réflexions.

Mémoires secrets sur les Règnes de Louis XIV et de Louis XV. Par feu M. Duclos, de l'Académie française, Historiographe de France. Deux volumes in-8°.

ouvrage ;

dit

On ne saurait douter de l'authenticité de cet il tient un milieu fort intéressant entré le genre des Mémoires particuliers et celui d'une Histoire générale. Quand feu M. Duclos fit paraître son Histoire de Louis XI, on que l'auteur y laissait trop apercevoir que tout ce qu'il apprenait à ses lecteurs, lui-même ne l'avait appris de la veille. On trouvera dans ces nouveaux que Mémoires ce qu'il sut pour ainsi dire toute sa vie, ce qu'il sut mieux que personne; très-répandu dans la société, M. Duclos a connu personnellement la plupart des personnages qu'il a entrepris de peindre à la postérité. Le morceau le plus neuf et le plus curieux est celui qui termine le second volume, c'est l'histoire des causes secrètes de la de 1756.

guerre

t

M. de Choiseul-Gouffier, notre Ambassadeur à Constantinople, vient d'envoyer à M. l'abbé Barthélemy un monument précieux; c'est une grande pierre trouvée près d'Athènes, sur laquelle est gravé le compte de la dépense faite du temps de Périclés pour les Théories, c'est à dire pour les Fêtes des Dieux. Les caractères sont assez bien conservés, et notre illustre Académicien ne tardera pas à nous en donner l'explication.

Facéties philosophiques tirées des manuscrits de feu M. le baron d'Holbach.

Essai sur l'art de ramper, à l'usage des Cour

tisans.

pro

L'homme de Gour est sans contredit la duction la plus curieuse que montre l'espèce humaine. C'est un animal amphibie dans lequel tous les contrastes se trouvent communément rassemblés. Un philosophe danois compare le courtisan à la statue composée de matières trèsdifférentes que Nabuchodonosor vit en songe. « La tête du courtisan est, dit-il, de verre, ses che» veux sont d'or, ses mains sont de poix-résine, » son corps est de plâtre, son cœur est moitié de >> fer et moitié de boue, ses pieds sont de paille, » et son sang est un composé d'eau et de vif>>>> argent. >>>

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Il faut avouer qu'un animal si étrange est difficile à définir; loin d'être connu des autres il peut à peine se connaître lui-même ; cependant il paraît que, tout bien considéré, on peut le ranger dans la classe des hommes, avec cette différence néanmoins que les hommes ordinaires n'ont qu'une âme, au lieu que l'homme de Cour paraît sensiblement en avoir plusieurs. En effet, un courtisan est tantôt insolent et tantôt bas; tantôt de l'avarice la plus sordide et de l'avidité la plus insatiable, tantôt de la plus extrême

prodigalité, tantôt de l'audace la plus décidée, tantôt de la plus honteuse lâcheté, tantôt de l'arrogance la plus impertinante, et tantôt de la politesse la plus étudiée; en un mot c'est un Protée, un Janus, ou plutôt un Dieu de l'Inde qu'on représente avec sept faces différentes.

songer

Quoi qu'il en soit, c'est pour ces animaux si rares que les Nations paraissent faites; la Providence les destine à leurs menus plaisirs ; le Souverain lui-même n'est que leur homme d'affaires; quand il fait son devoir, il n'a d'autre emploi à contenter leurs besoins, à satisque de faire leurs fantaisies; trop heureux de travailler pour ces hommes nécessaires dont l'Etat ne peut se passer. Ce n'est que pour leur intérêt qu'un Monarque doit lever des impôts, faire la paix ou la guerre, imaginer mille inventions ingénieuses pour tourmenter et soutirer ses peuples. En échange de ces soins les courtisans reconnaissans payent le Monarque en complaisances, en assiduités, en flatteries, en bassesses, et le talent de troquer contre des grâces ces importantes marchandises est celui qui sans doute est le plus utile à la Cour.

Les philosophes, qui communément sont gens de mauvaise humeur, regardent à la vérité le métier de courtisan comme bas, comme infâme, comme celui d'un empoisonneur. Les peuples ingrats ne sentent point toute l'étendue des obligations qu'ils ont à ces grands généreux, qui, pour tenir leur Souverain en belle humeur, se

dévouent à l'ennui, se sacrifient à ses caprices, lui immolent continuellement leur honneur

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leur probité, leur amour-propre, leur honte et leurs remords; ces imbécilles ne sentent donc point le prix de tous ces sacrifices? Ils ne réfléchissent point à ce qu'il en doit coûter pour être un bon courtisan? Quelque force d'esprit que l'on ait, quel qu'encuirassée que soit la conscience par l'habitude de mépriser la vertu et de fouler aux pieds la probité, les hommes ordinaires ont toujours infiniment de peine à étouffer dans leur cœur le cri de la raison. Il n'y a guère que le courtisan qui parvienne à réduire cette voix importune au silence; lui seul est capable d'un aussi noble effort.

Si nous examinons les choses sous ce point de vue, nous verrons que, de tous les arts, le plus difficile est celui de ramper. Cet art sublime est peut-être la plus merveilleuse conquête de l'esprit humain. La nature a mis dans le cœur de tous les hommes un amour-propre, un orgueil, une fierté qui sont, de toutes les dispositions, les plus pénibles à vaincre. L'âme se révolte contre tout ce qui tend à la déprimer; elle réagit avec vigueur toutes les fois qu'on la blesse dans cet endroit sensible; et si de bonne heure on ne contracte l'habitude de combattre, de comprimer, d'écraser ce puissant ressort, devient impossible de le maîtriser. C'est à quoi le courtisan s'exerce dans l'enfance, étude bien plus utile sans doute que toutes celles qu'on nous

il

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