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l'observation; mais elle ne l'empêchait pas de regarder, et faisait seulement qu'il voyait mal. »

Madame de Staël regarde comme certain que Rousseau s'est donné la mort, et cette opinion paraît confirmée par la réunion de toutes les circonstances qu'elle rapporte.

« Un de ses amis, dit-elle, reçut une lettre dè lui quelque temps avant sa mort, qui semblait annoncer ce dessein. Depuis, s'étant informé avec un soin extrême de ses derniers momens, il a su que le matin du jour où Rousseau mourut il se leva en parfaite santé, mais dit cependant qu'il allait voir le soleil pour la dernière fois, et prit avant de sortir du café, qu'il fit lui-même : il rentra quelques heures après, et commençant alors à souffrir horriblement, il défendit constamment qu'on appelât du secours et qu'on avertit personne. Péu de jours avant ce triste jour, il s'était aperçu des viles inclinations de sa femme pour un homme de l'état le plus bas; il parut accablé de cette découverte, et restà huit heures de suite sur le bord de l'eau, dans une méditation profonde. Il me semble que si l'on réunit ces détails à sa tristesse habituelle, à l'accroissement extraordinaire de ses terreurs et de ses défiances, il n'est plus possible de douter que ce grand et malheureux homme n'ait terminé volontairement sa vie. »

Le peu d'heures qu'il nous a été permis de garder l'exemplaire qui nous avait été confié ne nous a pas laissé le temps d'en extraire un plus grand nombre de morceaux; mais ceux-là suffiront sans

doute pour justifier le sentiment d'admiration dont nous n'avons pu nous défendre en vous parlant de ce charmant ouvrage.

COUPLETS de M. le vicomte de Ségur chantés à une fête donnée par madame de La Reynière à M. l'abbé Barthelemy.

Sun l'air: On compterait les diamans.
Qu'Anacharsis paraît charmant

Lorsque l'on a lu votre ouvrage!
Des beaux-arts c'est un jeune amant

Qui plaît par la bouche d'un sage.
Oui, cet éternel monument
De votre goût, de votre gloire,
Unit le charme du roman

A la majesté de l'histoire.

SUR l'air: Prends, Philis, prends ton verre,

Chacun répète sans cesse
Qu'un savant dans ses écrits
Vient dans l'ancienne Grèce
De transporter tout Paris.
On ne parle que d'Athène,
D'Homère et de Démosthène,
Et du jeune Anacharsis;
Grâce à l'auteur on oublie
Tous les malheurs du moment,

Le passé par son génie

Nous console du présent.

DESCRIPTION du jeu de Pharaon, tirée d'un poëme sur le Jeu, par M. l'abbé Porquet.

Où suis-je? Quel mystère est ici célébré?
Sur un autel brillant où le sort adoré

Des joueurs à ses pieds voit la foule inquiète,
Des volontés du Dieu redoutable interprète,
Est un livre sacré d'où dépend leur destin.
Ses feuillets à chacun distribués soudain,
Selon le double sens d'un autre qu'on déploie,
Vont semer tour-à-tour la tristesse ou la joie.
Le ministre déjà donne à tous le signal,
Déjà sa main parcourt le volume fatal,
Son bras faible et tremblant à chaque page hésite,
Le cœur des assistans autant de fois palpite.
Tels devant Rhadamante, effrayés et muets,
Les mânes en respect attendent leurs arrêts.
C'en est fait, le Sort parle : à sa voix l'assemblée
Tressaille d'allégresse, ou d'horreur est troublée;
De cris tumultueux aussitôt l'air gémit,

Le temple en est ému, le Dieu même en frémit.

HARANGUE impromptu de M. le vicomte de Ségur, à un souper chez M. le baron de Besenval.

Sire, vos enfans... le peuple... la nation... vous êtes son père... la constitution... la puissance exécutrice dans vos mains... la puissance législative... l'équilibre des finances... la gloire de votre règne... l'amour de votre peuple... Sire, le crédit... les fondemens de la monarchie ébranlée... tout concourt... tout rassure... et votre équité... les yeux de l'Europe étonnée... l'esprit de sédition détruit... les larmes de vos peuples...

la postérité... abondance... gloire... patriotisme... abus du pouvoir... clergé... noblesse... tiers-état... sublime effort... vertu... confiance... le siècle éclairé... l'administration... l'éclat du trône... la bienfaisance si rare... les siècles à venir... sagesse... prospérité... voilà les vœux de votre royaume... puissante réunion d'une nation importante... époque à jamais mémorable... éclat de votre couronne et bénédictions... les vertus de Louis XII, la bonté de Henri IV... Sire, 12 et 4 font 16.

Elle est bien malheureuse depuis quelque temps la destinée des pièces au Théâtre français, l'impatience du public ne permet pas même qu'on en siffle à son aise plus d'un acte ou deux. Tous les efforts de Molé, toutes ses sages et respectueuses représentations n'ont pu parvenir à faire jouer plus de deux actes du Présomptueux ou l'heureux imaginaire de M. Fabre d'Églantine, l'auteur d'Augusta, des Gens de Lettres, etc. C'est le mercredi 7 janvier qu'on a fait une justice si rigoureuse, au moins si précipitée de cette œuvre dramatique. Il nous est impossible d'en donner même un aperçu, car quoiqu'on en ait laissé jouer un peu plus de deux actes, il n'y a eu vraiment que la première scène qui ait été entendue. Dans cette première scène, le caractère du présomptueux a paru assez bien établi; mais des la seconde, on a trouvé dans le dialogue tant de longueurs, tant de détails fastidieux et de mauvais goût, l'humeur du public a éclaté d'une ma

nière si turbuleute, qu'avec la plus grande attention du monde on n'a pu porter aucun jugement raisonnable ni sur le plan de la pièce ni même sur les intentions de l'auteur. Il ne faut point dissimuler qué ce qui a beaucoup contribué à indisposer le public, c'est le bruit répandu, non sans quelque fondement, que l'auteur avait pris une grande partie de son intrigue et de ses incidens dans une pièce (1) qui n'a pas encore paru de M. Collin d'Harleville, l'auteur de l'Inconstant et de l'Optimiste. La cabale, que la candeur et l'honnêteté de M. Collin désavouent bien sûrement, n'en a pas moins affiché ce motif en demandant avec un acharnement extrême l'Inconstant, au lieu du Présomptueux, qu'on s'obstinait à ne point vouloir écouter. Les comédiens ont été pressés instamment par M. Collin de se refuser à ces clameurs; on a proposé de jouer Nanine, ce qui a été accepté enfin d'assez bonne grâce, mais après une heure de murmures, de querelle et de broubaha.

La seule chose que l'on connaisse bien de la pièce est le titre, et ce titre n'accuse-t-il pas la conception même de l'ouvrage? Le présomptueux et l'heureux imaginaire sont des caractères fort différens; pourquoi les confondre? Les originaux qu'on vent présenter sur la scène ne sauraient avoir des traits trop distincts, trop prononcés. Le comte d'Albaret, que le comte Alfieri admire comme le premier bien portant imaginaire qu'il ait jamais ren(1) Les Chateaux en Espagne.

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