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l'ouvrage était, comme quelques personnes l'ont prétendu, de M. de La Dixmerie, l'ami du fameux chevalier d'Arc, l'auteur du Lutin, de la Sibylle Gauloise, de Toni et Clairette, de quelques autres romans oubliés depuis long-temps, de plusieurs Dialogues des morts imprimés dans le Mercure, etc.

Organt paraît en effet l'ouvrage d'un jeune homme qui a beaucoup trop lu la Pucelle et qui ne l'a pas lue assez; beaucoup trop, car on y trouve à chaque instant des réminiscences ou des imitations maladroites de quelques morceaux de l'Arioste français; pas assez, parce qu'il n'en a saisi que rarement l'esprit, la grâce et le génie. Toute la fable d'Organt, si tant est qu'il y en ait une, est fondée sur le seul épisode de la Pucelle que les gens de goût en auraient voulu effacer, l'aventure de l'Ane; les héros qu'il célèbre d'ailleurs sont du temps de Charlemagne.

Ce poëme fourmille de peintures lubriques, et l'expression en est quelquefois plus licencieuse encore que l'idée ; mais on y rencontre de temps en temps des tirades entières d'une grande facilité, des images riantes et des vers heureux. On pourra prendre une idée de sa manière et de ses défauts dans le morceau suivant sur l'état actuel du Théâtre français.

Il voit Thalie en cotillon mesquin,
Pour des sabots laissant le brodequin,
Froidement gaie et grotesquement tendre,
Dédaigner l'art et le sel de Ménandre.

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Organt vit là M... (1), dont le talent
Est d'écorcher Molière impunément;
Et Des.... (2), le Sancho de l'Ecole,
Qui croit l'Olympe assis sur son épaule;
La glaciale et brûlante (3),

De qui les feux ont fait rougir l'Amour,
Et Dor.... dont le palais branlant
Mâche les vers de sa dernière dent;
Gette Ch...., ânesse de Cythère,
Divinité dont Cybèle est la mère;
F.... enfin, sot avec dignité,

Thersite en scène, Achille au comité....

Reposons les yeux de nos lecteurs sur des images moins impures: c'est le début du cinquième chant.

Vous avez vu la fraîche jardinière
Quittant les bras de son joufflu Colin,
En jupon blanc sortir de la chaumière
Et vers Paris trotter de grand matin.
De même l'aube, aimable avant-courrière,
De l'univers entr'ouvrait la barrière."

L'aube naquit, dit un grave Romain,
D'Endymion et Diane la Lune:
Elle apportait au Ciel chaque matin
Le lait nouveau des troupeaux de Neptune.

Or, un beau jour Jupiter l'attendit

Vers l'Orient. En chantant elle arrive:

Jupin courut l'adroite fugitive

Fit un faux pas, son urne répandit,

Et la blancheur est toujours demeurée
En cet endroit de la voûte azurée....

(1) Molé.

(2) Deseṣsartz:

(3) Mademoiselle....

LETTRES de la Comtesse de*** au Chevalier de***. Brochure in-8°.

«< On présume, dit-on dans un petit avertissement, que ces lettres ont été écrites pendant les élections de Paris; il paraît qu'il en manque plusieurs, c'est véritablement une perte. »

Ces lettres que l'on a d'abord attribuéesà M. le comte de Lameth, ensuite à M. de Vaines, peignent avec autant de malice que de légèreté la nouvelle espèce de ridicules que l'effervescence actuelle des esprits vient de mettre à la mode. Il y a dans ce petit écrit de la gaieté, de la grâce et surtout un excellent ton. Ce n'est que par des citations qu'on peut donner quelqu'idée d'un ouvrage de ce genre.

<< Savez-vous que depuis que vous êtes dans le parti du Tiers, je ne gronde plus mes gens?»

<< Madame de*** arrive chez moi ce matin, et «< de la porte elle me crie : Je n'ai qu'un instant » pour vous faire mon compliment. C'est un héros. >> Il a déclaré formellement qu'il renonçait à tout » privilége pécuniaire. Il a été applaudi avec trans>> port; il a entraîné l'Assemblée.....» et elle s'enfuit. Que signifie ce discours? Il m'a jetée dans une inquiétude mortelle. Quels sont donc ces priviléges auxquels vous avez renoncé? Je ne vous en connais d'autres que d'empruntér et de ne pas payer. J'avoue qu'il est grand, mais c'est par cette raison qu'il faut le garder. Vous ne recevez de votre famille qu'une pension modique; votre frère

aîné aura tout, et il n'y a que vos créanciers qui puissent vous donner. Prenez-y garde, Chevalier, vous avez dans l'âme une noblesse que vous poussez quelquefois trop loin. La générosité est trèslouable, mais il ne faut pas se ruiner, et c'est une bienfaisance exagérée que de se priver de tout pour soulager le peuple. >>

Voici un portrait dont on n'a pas manqué de reconnaître le modèle, madame la comtesse de T(1). « Cette femme est réellement extraordinaire. Imaginez que depuis vingt ans elle s'occupe de constitution, qu'elle a prédit tout ce qui arrive, qu'elle verserait jusqu'à la dernière goutte de son sang pour que son plan fût exécuté. Son corps est faible, sa poitrine est allumée, ses nerfs sont misérables, son âme remédie à tout, suffit à tout. Si l'on m'en croyait on lui érigerait une statue; mais avant tout c'est la vôtre qu'il faut élever : en attendant, votre buste est chez moi à côté de celui de Masselin (2), et vous avez un autel dans

mon cœur. »

« C'est une idée très-grande et qui doit faire un éternel honneur que celle que vous avez fait adopter à votre Assemblée de donner l'armée aux Etats-Généraux. Ce sera vraiment un spectacle patriotique lorsque les curés et les avocats feront

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(1) En parlant du voyage que cette dame fit il y a quelques années talie pour voir le mont Vésuve, M. le chevalier de Boufflers : C'est une politesse de volcan à volcan.

(2) Un des plus vigoureux défenseurs de la liberté publique dans sous Charles VIII.

1

la revue des troupes. Je crois qu'il y a quelque chose de cela dans Candide. »

« Je vous en conjure, n'oubliez pas d'insister dans vos cahiers sur le divorce. Je n'ai jamais aimé mon mari. Il n'a qu'un bon sens très-ordinaire, cet assujettissement à l'ordre qui rend un intérieur fort insipide, et une crainte de toute nouveauté qui atteste la médiocrité. D'ailleurs il n'admet point le principe de l'égalité, ce qui gêne ma dépense, et il m'a toujours contesté ma liberté individuelle, etc. >>

TABLETTES d'un curieux, ou Variétés historiques, littéraires et morales. Deux volumes in-8°.

On ignore le rédacteur de ces nouveaux mélanges. Le plus grand nombre des morceaux qu'on y a recueillis avaient déjà paru dans différens ouvrages périodiques, mais il en est quelques-uns cependant qui n'étaient guère connus et qui méritaient de l'être, tels que l'éloquent Discours de feu l'abbé Arnaud sur Homère, le Dialogue sur les femmes de feu l'abbé Galiani, où l'on retrouve toute la folie et toute l'originalité de son imagination; l'intéressant Mémoire de Louis XIV à Monseigneur le Dauphin, rédigé par Pelisson; une lettre assez curieuse sur le comte de Hodiz, cet homme singulier qui avait fait de la terre qu'il habitait en Moravie une espèce d'Opéra perpétuel. Tout dans le lieu de sa résidence était disposé pour des représentations théâtrales et pastorales;

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