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ce n'est qu'à leur faiblesse, à des hasards singuliers, ou à l'avantage d'une position entièrement isolée qu'elles en sont redevables.

Il est aisé d'être frappé des abus et des inconvéniens de l'administration actuelle, mais a-t-on assez réfléchi sur ceux qui résulteraient infailliblement d'un autre ordre de choses? Ce qui cause les maux dans la société, est-ce donc toujours telle ou telle forme de législation? Non; c'est l'ambition, c'est la cupidité, ce sont toutes les passions funestes qui agitent tour-à-tour le cœur des hommes; ces passions existeront toujours, et peut-être trouveront-elles, suivant le caractère et les mœurs de la Nation, des ressources encore plus dangereuses au milieu des agitations de la liberté que sous le joug même du despotisme

Souvenons-nous au moins qu'un grand Empire ne peut subsister long-temps sans le ressort d'une grande puissance coercitive; que la force de ce ressort tient à la juste étendue de l'autorité royale ; que si l'on ne laisse pas à cette autorité les pouvoirs nécessaires pour avoir une action prompte et sûre, il ne peut manquer de s'établir une guerre intestine entre cette autorité première et les corps qui auront réussi à l'en dépouiller; que les efforts employés à cette lutte seront perdus pour la puissance et le bonheur de la Nation; qu'enfin le peuple sera toujours peuple ; qu'une multitude immense a besoin d'être contenue, de l'être sans cesse, et qu'il n'est aucun moyen rai

sonnable de prémunir ses erreurs, d'arrêter ses excès, de modérer l'impétuosité naturelle de ses mouvemens, qui ne mérite toute l'attention des lois et de l'autorité chargée de les maintenir.

La comédie des Châteaux en Espagne, par M. Collin d'Harleville, ayant été retirée après la première représentation, et des circonstances particulières ne nous ayant pas permis de la revoir depuis les changemens très-considérables que l'auteur y a faits, nous sommes forcés d'en renvoyer encore l'analyse au prochain envoi. Le jour de la première représentation (1) on avait trouvé de l'embarras et quelques longueurs dans le pre-' mier acte, du vide et de la langueur dans les deux derniers; mais l'auteur les a presque entièrement refondus. Il a eu peu de changemens à faire au troisième, dont le succès avait été complet; on avait surtout applaudi avec transport dans cet acte le moment où d'Orlanges, (c'est le faiseur de châteaux), s'imagine qu'il pourrait bien arriver qu'un jour il devînt roi de quelque île nouvelle, je choisirais, dit-il,

Je choisirais d'abord un ministre honnête homme,
Le choix est bientôt fait quand le public le nomme.

Le valet, qui vient troubler un si beau rêve, après s'être moqué de la folie de son maître, finit par rêver lui-même qu'il achetera un jour une métairie, et cela parce qu'il a dans sa poche un

(1) Le vendredi 20 février.

billet de loterie, billet qu'il s'aperçoit même bientôt qu'il a perdu. Ces deux scènes, dont l'idée est heureuse en elle-même, sont encore embellies par tous les charmes du style le plus naturel et le plus animé. Ainsi que l'Inconstant, et l'Optimiste, c'est surtout par les détails de l'exécution que les Chateaux en Espagne ont réussi; nous croyons cependant que l'ordonnance de ce dernier ouvrage offre plus d'invention théâtrale, plus de scènes, plus d'intentions vraiment comiques.

On a lieu de regretter que M. Collin d'Harleville, avec un talent si propre à écrire la comédie, ne soit pas plus heureux dans l'invention, dans l'ordonnance de ses plans ou dans le choix de ses sujets. Celui de cette comédie appartient au sentiment exagéré de l'espérance, sentiment qui existe plus ou moins dans le cœur de tous les hommes, mais dont l'exagération peut être comique; M. Collin nous le prouve; c'est donc moins le choix du sujet que l'on peut lui reprocher, que l'intrigue qu'il a imaginée pour développer le caractère de son faiseur de châteaux en Espagne. Elle est fondée sur un quiproquo qui, sans être absolument invraisemblable, est trop romanesque pour être vraiment théâtral. La manière dont se prolonge l'erreur causée par cette méprise fait trop sentir les efforts que l'auteur a été obligé de faire pour remplir l'espace de cinq actes dès le troisième, Florville' vait la faire cesser, sa position même semble l'y

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engager, et l'on conçoit difficilement, malgré tout l'art du poëte, pourquoi il s'obstinę și longtemps à ne pas se faire connaître ; mais ces défauts donnent lieu à tant de traits charmans, la situation même, que presque tous amenés par l'on est forcé de lui pardonner. Son dialogue est toujours vrai, facile, du meilleur goût et du meilleur ton. Plus nous avons vu cette charmante comédie, plus nous avons désiré de voir l'auteur s'occuper davantage du choix de ses sujets, et les concevoir d'une manière plus ferme et plus profonde.

La première représentation des Châteaux en Espagne avait déjà eu beaucoup de succès mais le quatrième et le cinquième actes avaient paru inférieurs aux trois premiers. M. Collin n'a pas balancé, il a retiré sa pièce, et en moins de huit jours il a refondu son quatrième acte et refait en entier le cinquième. Voltaire seul nous avait donné avant M. Collin l'exemple de cette incroyable facilité. Le succès complet de la reprise a été la récompense d'un travail qui n'honore pas moins la docilité de son goût que l'extrême fécondité de son talent.

Le 25 mars on a donné sur le Théâtre italien la première représentation de l'Heureuse Inconséquence ou la Fausse Paysanne, comédie en trois actes et en vers, mêlée d'ariettes, par M. de Piis. La musique est de M. Propiac, l'auteur de celle des Trois Déesses rivales.

Il paraît que M. de Piis, encouragé, peut-être même lassé des succès que lui ont valu ses nom~ breux Opéras en vaudevilles, veut quitter ce genre et essayer son talent dans une carrière où il faut pour réussir quelque chose de plus que de jolis tableaux et quelques couplets agréables. Ces mêmes ressources avaient pourtant obtenu une sorte de faveur à son drame mythologique des Trois Déesses rivales, mais cette faveur n'a pas duré long-temps, et celle de la Fausse Paysanne ne paraît guère plus assurée.

Le fonds de cette comédie a paru trop romanesque, trop peu vraisemblable pour inspirer un véritable intérêt; ce qui ajoute encore à ce défaut essentiel, c'est une foule de détails étrangers et minutieux qui retardent la marche de l'action et la rendent souvent assez obscure, au moins fort embarrassée.

Quant à la musique, elle confirme tristement le peu d'espérance que nous avions conçue du talent de M. Propiac, lorsque nous eûmes l'honneur de vous rendre compte de la musique des Trois Déesses rivales; celle de cet ouvrage n'offre ni plus d'invention, ni plus de variété.

Il y eut encore une séance publique de l'Académie française, le jeudi 12 mars, pour la réception de M. de Nicolaï, premier président de la chambre des comptes, élu à la place de M. le marquis de Châtellux (1). Le récipien

(1) Il ne l'a emporté que d'une seule voix sur son concurrent, M. Garat, professeur au Lycée, auteur de plusieurs éloges couronnés par l'Académie.

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