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Charles, de ce jeune étourdi qui, malgré ses dissipations et son libertinage, annonce le cœur le plus sensible et le plus généreux, refuse de vendre le portrait de son oncle, quoiqu'on lui en offre un prix excessif, et s'empresse, avec l'argent qu'il reçoit dans ce moment de besoin, à secourir un vieux parent malheureux; caractère charmant qui contraste puissamment avec celui de l'hypocrite son frère, création qui appartient toute entière à M. Sheridan, opposition trèsheureuse et qui manque peut-être aux grandes beautés du chef-d'oeuvre de Molière.

L'Homme à Sentimens a paru en général assez bien écrit; on y trouve de la négligence, de la contrainte, mais plus souvent du naturel et de la facilité; enfin le peu de succès de l'ouvrage ne doit être attribué qu'à l'extrême difficulté qu'il y aura toujours à transporter sur notre scène les meilleures pièces des Théâtres étrangers, et surtout les pièces de caractère, dont la physionomie, pour ainsi dire locale, constitue particulièrement le mérite. Il est presque impossible d'en conserver les traits les plus caractéristiques sans qu'ils paraissent trop étrangers à la Nation à qui on les présente; et les altérer, c'est presque toujours en détruire l'effet.

Le 17 mars on a donné sur le Théâtre de l'Académie royale de musique la première représentation d'Aspasie, opéra en trois actes. Les paroles sont de M. Morel, assez connu par

les poëmes d'Alexandre aux Indes, de la Caravane, de Panurge, etc.; la musique est de M. Grétry.

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N'est-ce pas un très-beau projet que celui de mettre en opéra le plus beau siècle de la Grèce pour y célébrer l'empire de cette beauté qui régna sur Athènes par les charmes de sa figure et de son esprit autant que Périclès- par l'ascendant de sa politique? Le choix de ce sujet devenait plus piquant encore par l'intérêt général que la lecture des Voyages d'Anacharsis venait de nous inspirer pour le caractère et les mœurs des Athéniens ; mais on ne peut se dissimuler que M. Morel a eu quelque raison de dire, dans l'avertissement qui est à la tête de son poëme, qu'il avait entrepris une tâche au-dessus » de ses forces, en voulant produire sur la scène » les personnages les plus célèbres de l'anti» quité. »> Cet aveu trop bien justifié par la manière dont il a conçu son plan, et par la manière dont il l'a exécuté, ne nous empêchera pas de remercier infiniment M. Morel de l'ingénieuse idée qu'il a eue de nous présenter au lever de la toile l'imposant et magnifique chefd'œuvre de Raphaël, si connu sous le nom de l'Ecole d'Athènes. Ce tableau, copié avec exactitude, et que développe avec le plus grand avantage l'optique théâtrale, offre les philosophes Anaxagore et Zénon au milieu de leurs disciples, occupés, les uns à étudier la géométrie, les autres à considérer une sphère et le

mouvement des cieux; Anacréon entouré des jeunes filles d'Athènes; plus loin, Phidias donnant les derniers coups de ciseau à la statue de Vénus cette belle scène est encore animée par les danses de jeunes Athéniens et Athéniennes, formant des groupes dont l'élégance, la variété et les dispositions pittoresques ajoutént un attrait de plus à l'exécution vivante de cette superbe conception du plus grand peintre dont se glorifie l'Italie.

L'amour d'Aspasie pour Alcibiade, et la générosité qu'elle a d'immoler son amour à l'honneur que doit lui faire ce sacrifice, auraient eu besoin d'être plus développés pour inspirer quelque intérêt; mais ce qui a nui le plus au succès de la première représentation de cet opéra, ce sont les plates plaisanteries que l'auteur a cru pouvoir hasarder dans la bouche d'Aristophane; on les a supprimées à la seconde représentation; on en a fait autant de plusieurs scènes fort insignifiantes entre Aspasie et Alcibiade; et la manière dont elles étaient écrites ne peut les faire regretter. M. Morel n'a conservé de son poëme que ce qu'il en fallait absolument pour expliquer à peu près l'action et préparer les ballets. Ce qui ne doit être que l'accessoire de tout ouvrage lyrique a fait le succès de celuici. Les ballets d'Aspasie font beaucoup d'honneur au sieur Gardel le jeune, qui a remplacé son frère aîné; et ce premier essai de son talent prouve que l'on peut réussir sur le Théâtre

de l'Opéra sans le secours des paroles et même de la musique. On n'a guère reconnu dans celle de cet ouvrage le talent de M. Grétry. Si l'on a reproché à M. Morel d'avoir donné aux personnages les plus aimables d'Athènes un langage qu'on pardonne à peine aux interlocuteurs de La Caravane et de Panurge, on a été bien plus étonné de leur entendre chanter des airs dont le caractère était à peine celui de la composition bouffonne la plus triviale. Parmi les airs de danse qui composent la partie essentielle de l'opéra d'Aspasie, on en a distingué deux ou trois d'un caractère très-neuf et très-piquant, presque tous ont au moins de la grâce et de la fraîcheur.

Le Petit Almanach de nos grandes femmes, accompagné de quelques prédictions pour l'année 1789.

C'est le même cadre que l'Almanach des Grands Hommes, mais ce n'est assurément ni le même esprit, ni la même gaieté. Il suffit d'être méchant pour réussir, mais encore, méchant, ne l'est pas qui veut.

QUELQUES vues sur les suites probables des États-Généraux.

Si le parti des Princes, de la Noblesse, du Clergé, des Parlemens, des Privilégiés de toutes les classes, si ce parti pouvait encore l'emporter,

on verrait bientôt ces mouvemens qui étonnent aujourd'hui la France et l'Europe entière n'aboutir à rien, les Etats-Généraux réduits à l'inaction la plus complète, et le prompt retour de tous les abus, dont la destruction paraît si nécessaire et si prochaine.

Si au contraire le fanatisme républicain prenait tellement le dessus qu'il parvînt à subjuguer tout-à-la-fois la sage modération du ministre et l'opiniâtre résistance de nos antiques maximes, de nos vieux préjugés, de tous les intérêts divers qui en dépendent, son triomphe serait infailliblement de peu de durée, car en brisant tous les appuis de la Monarchie, il précipiterait l'Etat dans un abîme de désordre et de confusion.

Ce que cette alternative offre de plus affligeant, c'est qu'on peut prévoir que ces deux partis, si fort opposés en apparence, seront également bien servis par des hommes dont les talens et l'ambition ne fondent leur espoir que sur les périls d'un bouleversement général.

On ne sait si l'on doit plus de mépris ou plus de pitié à ces écrivains qui, se croyant doués du génie des Lycurgue et des Solon, veulent fixer despotiquement les bases d'une constitution libre, et s'étonnent que toutes les opinions, tous les préjugés, tous les intérêts ne se soumettent pas aveuglément à l'autorité de leurs sublimes spéculations. Je vois tous les jours ces hommes de génie dépouiller le Monarque des

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