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la reddition de Cadix et la délivrance de Ferdinand, lorsque l'homme à qui la Restauration devait ce peu de gloire fut tout à coup chassé comme un valet qui aurait volé la montre du roi sur la cheminée. M. de Villèle le jalonsait, Louis XVII ne l'aimait pas il avait refusé de soutenir la conversion des rentes, qu'il désapprouvait ; il n'avait voulu du renouvellement septennal qu'avec le changement d'âge; il était populaire, M. de Villèle ne l'était pas; les rois étrangers lui envoyaient des cordons, M. de Villèle n'en recevait pas; il était tenace et fier comme un Breton, M. de Villèle souple et rusé comme un enfant de la Gascogne. Il fut incivilement éconduit. L'injure était grande; la vengeance égala l'injure. Coriolan passa aux Volsques, Chateaubriand s'arma de sa plume, et planta sa tente dans le Journal des Débats. Le chef de la phalange royaliste de 1818 connaissait mieux que personne le côté faible de ses anciens soldats. Réduction des rentes, censure, loi du sacrilége, dissolution de la garde nationale, toutes les mesures ministérielles furent criblées à jour. En vain M. de Villèle appela à son secours toutes les ressources d'un esprit subtil, en vain il s'accrocha à son portefeuille avec la rage du désespoir : après trois ans d'une lutte acharnée, il fut précipité des hauteurs du ministère par son formidable ennemi. Châteaubriand n'avait pas prévu toutes les conséquences du combat en rompant des lances avec un ministre de la Restauration, il faisait la guerre à l'homme, et non à la chose. Or, il advint que la jeunesse ardente qui se pressait sur ses pas confondit l'homme et la chose dans une haine commune. Le ministère Martignac fut un temps d'arrêt dont Châteaubriand profita pour aller à Rome tenir cour plénière d'illustrations et méditer sur le néant des grandeurs humaines. A l'avénement du ministère Polignac, il envoya sa démission d'ambassadeur. la Lutte recommença; on sait comment elle se termina. Quand il apprit les fatales ordonnances, Châteaubriand était à Dieppe; il accourut en toute hâte : il arrivait trop tard. Au moment où il franchissait les barricades pour se rendre à la chambre des pairs, on le reconnut, on l'entoura, et ces mêmes hommes qui venaient de chasser les Bourbons portèrent en triomphe le vieux serviteur, hélas! trop vengé, qui s'en allait tenter pour eux un dernier et inutile effort. »

Quelques jours après, à la tribune de la chambre des pairs, Châteaubriand prononça un magnifique discours en faveur du duc de Bordeaux. Il refusa de prêter serment à Louis-Philippe, renonçant ainsi à son siége dans la chambre des pairs et à sa pension de douze mille francs. En 1831 il fit paraître un nouvel ouvrage, intitulé de la Restauration et de la monarchie élective, dans lequel on lisait cette étrange phrase: « Je suis bourbonnien par honneur, royaliste par raison et par conviction, républicain par goût et par

caractère. » La proposition faite aux chambres d'une loi qui bannissait la branche aînée des Bourbons et la captivité de la duchesse de Berry fournirent encore à Châteaubriand la matière de plusieurs brochures plus ou moins légitimistes. Arrêté pendant quelques jours en 1832, il fut défendu par M. Berryer, et acquitté. Ses voyages à Prague, ses pèlerinages à la cour de l'exil, en 1833 et 1834, furent les derniers actes importants de sa vie politique. A partir de ce moment, il s'occupa surtout de la rédaction et de la révision de ses Mémoires d'outre tombe. Il était déjà rentré dans la carrière littéraire par la publication de quelques ouvrages poétiques et historiques.

En 1825, il fit paraître, dans l'édition de ses œuvres complètes, les Natchez, œuvre de sa jeunesse. Aussi informe dans son genre, aussi plein d'idées audacieuses et incohérentes que l'Essai sur les révolutions, le poëme des Natchez étincelle parfois des plus grandes beautés. Là se trouvent René, Atala, Chactas; là toutes les créations favorites du poëte ont reçu leur premier souffle de vie; mais il a bien fait de les en retirer plus tard pour les faire paraftre dans des ouvrages plus sagement ordonnés que cette épopée des déserts, où les mœurs des sauvages sont loin d'offrir la poésie et l'intérêt dont l'auteur les a crus susceptibles. Le dénouement de ce bizarre poëme, à force de vouloir être terrible, est devenu d'une révoltante atrocité.

Dans ses Études ou discours historiques sur la chute de l'empire romain, la naissance et l'invasion des barbares, Châteaubriand a posé les premières assises d'un grand édifice, comme ces conquérants de l'antiquité qui laissaient du moins des traces gigantesques de leurs campements dans les lieux où ils ne pouvaient fonder leur domination. Il avait conçu une nouvelle histoire de France sur un plan vaste et neuf. L'idée fondamentale de cet ouvrage, idée plus grandiose peut-être qu'orthodoxe, était que le christianisme n'est point une religion immobile et inflexible; qu'il marche avec l'homme, qu'il admet dans son sein tous les développements de l'humanité. Le début des Études, tracé dans la grande manière de l'auteur, est beau et imposant; mais si l'on poursuit cette lecture, on éprouve quelque désenchantement. Les vues neuves et profondes ne manquent pas ; mais peutêtre s'en trouve-t-il encore plus qui sont hasardées et bizarres; l'imagination, du poëte a plus présidé au choix et à l'emploi des matériaux que l'exactitude et la sévère critique de l'historien. Tout en admirant ce style qui conserve toujours sa teinte originale et son grand caractère, on y désirerait moins d'antithèses, une tendance moins constante à l'effet.

Dans la dernière partie de sa vie, Chateaubriand publia encore un Essai sur la littérature anglaise, une traduction du Paradis perdu, le Congrès de Vérone, et la Vie de

Roncé. Dans ces œuvres imparfaites on reconnaît encore l'auteur du Génie du Christianisme, mais l'incohérence des idées rappelle trop souvent l'auteur de l'Essai sur les révolutions. Châteaubriand, qui sous la Restauration et sous le règne de Louis-Philippe avait souvent prédit l'avénement de la république, put la saluer de ses regards mourants; il eut la douleur de voir les journées de juin, et mourut au milieu du deuil général qui couvrait la capitale. Sa dépouille mortelle fut conduite à Saint-Malo, et déposée dans la sépulture qu'il s'était depuis longtemps choisie lui-même, sur une petite île voisine, appelée le grand Bé c'était là son île de Sainte-Hélène. Ses funérailles furent admirables. M. Ampère, dans une lettre à l'Académie, en a fait un beau récit, dont nous citerons le dernier trait. « Il semble, dit-il, que le génie du peintre incomparable fût empreint dans ce spectable magnifique, et qu'à lui seul parmi les hommes il ait été donné d'ajouter après sa mort une page splendide au poëme immortel de sa vie ». L. J.

M. de Loménie, auquel nous avons déjà emprunté quelques citations pour l'article qui pré- | cède, a bien voulu détacher d'un travail inédit sur Châteaubriand la page suivante, que nous nous empressons de reproduire ici :

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« Il est arrivé à Châteaubriand ce qui arrive à presque tous les hommes qui ont imposé longtemps l'admiration à leur siècle; l'époque qui suit leur mort est celle où ils sont jugés le plus sévèrement on dirait que nous éprouvons le besoin de nous dédommager d'une longue adulation par une rigueur excessive. C'est ainsi qu'on a vu des écrivains qui avaient épuisé pour Châteaubriand vivant toutes les formules de l'enthousiasme et du respect changer brusquement d'attitude, et, sans s'inquiéter du contraste, toiser Châteaubriand mort, avec une familiarité aussi rude qu'inattendue. A la vérité, l'auteur du Génie du Christianisme laissait en mourant un ouvrage qui donnait prise à la critique. L'homme qui avait le plus soigné sa gloire et l'à-propos | de ses œuvres se voyait obligé de laisser publier son livre de prédilection, ses Mémoires, à une mauvaise heure, sous un mauvais jour et dans les conditions les plus contraires à un succès; forcé, comme il le dit, d'hypothéquer sa tombe, il avait dù, avec une douloureuse amertume, connue de tous ceux qui l'ont approché, livrer à des créanciers impatients un ouvrage écrit pour l'avenir, et que l'avenir pourra seul apprécier avec impartialité, car ces mémoires, pleins de génie et de passion, blessaient à la fois tous les partis et toutes les influences du moment. Rédigés à des époques différentes et sous des impressions diverses, ils offraient une certaine incohérence de tons dont l'effet ne pouvait être atténué que par une publication simultanée et complète, et ils paraissaient morcelés en feuilletons dans un journal. Travaillées avec amour par un grand artiste, ces pages, destinées à un public calme et en état de

NOUV. BIOGR. UNIVERS. - T. X.

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goûter une œuvre d'art, voyaient le jour au milieu d'une crise sociale qui ébranlait toutes les existences et étaient parcourues à la hâte sur la table d'un café par des lecteurs en proie à mille agitations, à mille anxiétés. De là un double résultat, également fâcheux pour les Mémoires d'outre tombe d'un coté, le déchaînement de tous ceux que Châteaubriand blessait dans leurs affections politiques, dans leurs sentiments de famille ou dans leurs prétentions personnelles, soit par des jugements hostiles, soit par un silence qui semblait injurieux à la vanité de plusieurs; et d'un autre côté, chez la masse des lecteurs, trop de préoccupations étrangères pour ne pas accepter avec une facilité indifférente les récriminations intéressées et les arrêts sévères des critiques plus ou moins mécontents.

La postérité remettra à leur place les Mémoires d'outre tombe la postérité n'a point de rancunes à satisfaire ni de représailles à exercer contre le génie; elle sait discerner ses erreurs, mais elle ne le méconnaît pas, et elle a pardonné à Saint-Simon et à J.-J. Rousseau bien plus d'injustices, bien plus de prétentions, bien plus de défauts qu'elle n'aura à en pardonner à Châteaubriand. Le grand grief des critiques de nos jours contre les Mémoires d'outre tombe consiste dans l'excès de personnalité qu'ils reprochent à l'auteur. Il est incontestable que Châteaubriand n'est pas modeste; mais quand on a pendant cinquante ans tenu le sceptre de la littérature, n'est-on pas un peu excusable de manquer d'humilité, et s'il est vrai, comme dit La Rochefoucauld, « que ce qui nous rend la vanité «< des autres insupportable, c'est qu'elle blesse la « nôtre, » à voir le soulèvement de plusieurs écrivains contre l'intolérable amour propre de Châteaubriand, ne dirait-on pas que chaque mérite qu'il s'attribue est un vol qu'il leur fait?

L'auteur du Génie du Christianisme n'a certainement pas échappé à la grande infirmité de notre époque. Il a eu sa part, et une assez forte part, d'égoïsme et d'orgueil. Mais ceux qui ont pu l'étudier de près dans sa vieillesse, à cet âge où les traits du caractère deviennent, comme les traits du visage, plus accentués et plus saillants, ceux-là savent tout ce qui se mêlait de noblesse d'âme et de sincère défiance de soi-même à cet égoïsme et à cet orgueil qu'engendrent les séductions de la gloire.

Paraître sous un beau jour devant la postérité, voilà la pensée dominante de toute la vie de Châteaubriand. Lorsque tant d'autres illustres ne songent qu'à tirer parti de leur renommée dans l'intérêt d'une jouissance déterminée et immédiate d'ambition ou d'amour-propre, ou encore dans l'intérêt de leur bien-être ici-bas, et à arranger leur existence de manière à la rendre aussi agréable, aussi douce que possible, Châteaubriand n'hésita jamais à tout sacrifier, non-seulement des intérêts ou des ambitions, mais peut-être aussi quelquefois des convenances et des devoirs du

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Inoment, à cette constante préoccupation de l'avenir. Qu'on juge comme on voudra cette soif de gloire humaine, de même nature que celle qui dévorait Alexandre lorsqu'il s'écriait : « O Athéniens! combien il en coûte pour être «<loué de vous. » Qu'on préfère à une passion de ce genre une ambition encore plus désintéressée et plus pure, celle qui consiste à se dévouer tout entier à la cause qu'on estime la plus juste, à se condamner au besoin pour l'accomplissement d'un devoir, non-seulement à tous les sacrifices dans le présent, mais même à l'oubli de la postérité, on sera dans le vrai. Mais il faut convenir aussi que cet ardent besoin de se survivre sous une belle forme n'est pas une maladie si commune de nos jours, et que c'est déjà pour un homme une distinction rare que d'en être atteint.

A cette passion de Châteaubriand qui le portait sans cesse à courtiser l'avenir aux dépens du présent, il faut joindre un trait de caractère qui explique la tristesse profonde, tranchons le mot, la morosité de sa vieillesse. Cet homme, si rétit à l'admiration d'autrui, n'était rien moins que présomptueux quant à l'opinion qu'il avait de lui-même. Il croyait peu, il est vrai, au génie de ses contemporains et à la durée de leur gloire, mais il doutait presque autant de son propre génie, et la crainte d'être enseveli dans le cominun naufrage des réputations de son siècle, et de manquer le but de toute sa vie, faisait le tourment secret de ses derniers jours. Ceux qui ne l'ont pas connu sont tentés d'attribuer à un déguisement de la vanité les nombreux passages de ses Mémoires où il fait allusion à l'incertitude et à la fragilité de sa renommée, tout en s'efforçant de la consolider de son mieux; ceux qui l'ont vu de près savent à quoi s'en tenir sur la sincérité de ses inquiétudes. Le sentiment religieux, quoique très-vif dans cette âme d'artiste, ne fut jamais assez fort pour lui faire prendre résolument en mépris la destinée de son nom. Ajoutons à cela que son caractère se prêtait peu à des diversions qui l'eussent éloigné de cette idée fixe; point d'enfants, un intérieur froid et triste, aucun de ces goûts divers qui aident les vieillards à se trainer doucement jusqu'à la tombe. L'unique distraction de sa vie consistait à passer chaque jour deux ou trois heures à l'Abbaye aux Bois. Pour tout autre que pour lui cette distraction eût été le bonheur, car il se trouvait là sous la charmante influence de la meilleure et de la plus aimable des femmes, de Mme Récamier, dont l'existence entière était consacrée à chercher les moyens de désennuyer ce Louis XIV de la littérature, aussi ennuyé que le grand roi.

Tant que la vieillesse ne lui fit point trop sentir ses atteintes, Châteaubriand résista de son mieux aux impulsions de ce caractère malheureux, qu'il tenait, (dit-il, de Dieu et de sa mère; chaque jour, à la même heure, avec l'exac

titude d'une horloge, les habitants de la rue de Sèvres le voyaient passer, élégamment vêtu, en redingote courte, une badine à la main, se dirigeant vers la grille de l'Abbaye aux Bois; mais lorsqu'il fut peu à peu envahi par les infirmités de l'âge, lorsqu'au lieu d'arriver à pied à l'Abbaye, il fallut d'abord venir en voiture, lorsqu'après avoir gravi assez lestement l'escalier, il lui fallut s'aider d'une canne, et lorsque enfin, ses jambes refusant tout service, on dut le monter dans un fauteuil, porté à bras par deux domestiques, cette caducité, si odieuse à sa poétique imagination, le fit s'abandonner tout entier à une profonde et incurable mélancolie. A mesure que ses facultés faiblissaient, il se repliait sur lui-même, et, ne voulant pas qu'on vit son esprit subir comme son corps la pression des années, il s'imposait le silence, et ne parlait presque plus (1).

Cette vieillesse taciturne et triste offrait un spectacle douloureux; mais elle avait aussi quelque chose d'imposant, qui commandait le respect. Ce n'était ni la vieillesse égoïste et affairée de Voltaire, ni la vieillesse égoïste et calme de Goethe'; c'était une vieillesse égoïste aussi, mais d'un égoïsme plus élevé et moins présomptueux, l'égoïsme d'un génie qui a travaillé cinquante ans pour vivre dans la mémoire des hommes, et qui souffre parce qu'il doute de sa gloire, parce que le présent ne l'intéresse plus, parce que l'avenir l'inquiète. Et cependant si un écrivain de notre siècle peut compter sur l'avenir, n'estce pas Châteaubriand?

LOUIS DE LOMÉNIE.

Nous donnons ici la liste bibliographique des écrits de Châteaubriand, dans leur ordre chronologique, et en ne citant que la première édition de chaque ouvrage; Essai historique, politique et moral sur les révolutions anciennes et modernes, considérées dans leurs rapports avec la révolution française; Londres, 1797, 2 parties in-8°; - Atala, ou les amours de deux sauvages dans le désert; Paris, 1801, in-18; Génie du Christianisme, ou les beautés de la religion chrétienne; Paris, 1802, 5 vol. in-8°; Atala et René, qui formaient deux épisodes du Génie du Christianisme, en furent détachés, et parurent réunis, pour la première fois, à Paris, 1807, in-12; les Martyrs, ou le triomphe de la religion chrétienne; Paris, 1809, 2 vol., in-8°; — Itinéraire de Paris à Jérusalem et de Jérusalem à Paris; Paris, 1811, 3 vol., in-8°; - de Buonaparte et des Bourbons; Paris, 1814, in-8°;

Réflexions politiques sur quelques écrits du jour et sur les intérêts de tous les Fran

(1) A cette époque, Béranger voyalt souvent Châteaubriand, et causait avec lui dans l'intimité. Mme de Châteaubriand ne manquait jamais de dire au bon chansonnier: « Venez donc, monsieur Béranger, nous voir tous les jours; car vous avez seul le pouvoir de faire parler mon mari.» (Note du directeur.)

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çais; Paris, 1814, in-8°; · Mélanges de politique; Paris, 1816, 2 vol. in-8°; de la Monarchie selon la charte; Paris, 1816, in-8°; - Mémoires, lettres et pièces authentiques touchant la vie et la mort du duc de Berry; Paris, 1820, in-8°; — ŒŒuvres complètes; Paris, 1826-1831, 31 vol. in-8° : outre les ouvrages cités plus haut, et un grand nombre de brochures politiques et d'articles littéraires, cette édition contient deux ouvrages jusque alors inédits: les Natchez, dans les vol. XIX et XX, et les Aventures du dernier des Abencerrages, dans le XVI vol. ; - de la Restauration et de lamonarchie élective; Paris, 1831, in-8°; Etudes ou discours historiques sur la chute de l'empire romain.... suivis d'une analyse raisonnée de l'histoire de France; Paris, 1831, 4 vol. in-8°; - de la Nouvelle proposition relative au bannissement de Charles X et de sa famille; Paris, 1831, in-8°; Aux électeurs; Paris, 1831, in-8°; · Courtes explications sur les 12,000 fr. offerts par Mme la duchesse de Berry; Paris, 1832, in-8°; — Mémoire sur la captivité de Mme la duchesse de Berry; Paris, 1833, in-8"; Voyage en Amérique, en France et en Italie; Paris, 1834, 2 vol. in-18;- Lectures des Mémoires de M. de Chateaubriand, ou recueils d'articles publiés de ces Mémoires, avec des fragments originaux; Paris, 1834, in-8°; Essai sur la littérature anglaise; Paris, 1836, 2 vol., in-8°; - le Paradis perdu de Milton, traduction nouvelle; Paris, 1836, 2 vol., in-18; - le Congrès de Vérone; Paris, 1838, 2 vol., in-8°; · Vie de Rancé ; Paris, 1844, in-8°; Mémoires d'outre tombe; Paris, 1849-1850, 12 vol. in-12. Il est inutile d'ajouter que les ouvrages de Châteaubriand ont été traduits dans toutes les langues de l'Europe. L. J.

Châteaubriand, OEuvres complètes; Mémoires d'outre tombe. - Cousin d'Avallon, Chateaubriantana.— Rabbe et Bolsjolin, Biographie des contemporains. Sarrut et Saint-Edme, Biographie des hommes du jour, t. III. - L. de Loménie, Galerie des contemporains illustres, t. I; Châteaubriand et ses Memoires, dans la Revue des Deur Mondes, 15 juillet et 1er septembre 1848. - L. de Carné, article Châteaubriand, dans le Dictionnaire de la conversation. Scip. Marin, Histoire de la vie et des ouvrages de M. de Châteaubriand; 1833, 2 vol. in-8°. — Sainte-Beuve, Portraits contemporains, t. 1; Causeries du lundi, t. I et 11. — Edgar Quinet, ar ticle sur Châteaubriand, dans la Revue de Paris; 1834, 4 vol. Marcellus, Correspondance diplomatique; Paris, 1853. — Vinet, Études sur la littérature française du temps de l'empire. Noailles et Patin, Discours sur Châteaubriand, dans le Recueil des Discours lus à l'Academie, 1840-1849; Ire partie. G. Desnoiresterres, Chateaubriand et son époque, dans le journal la Semaine, 20 et 27 août 1848. — Quérard, la France littéraire. Louandre et Bourquelot, Supplément à la France littéraire, de Châteaubriand - Cantu, Discorso; Milan, 1835.-- De Vaulabelle, Hist. des deux restaurations. - M. Demogeot, Histoire della littérature française jusqu'en 1830.-M. Villemain, de la Littérature en France durant les quinze années de la Restauration, dans la Revue des Deux Mondes, numéro du 1er mai 1854.

CHATEAUBRIANT ( Françoise DE FOIX, comtesse DE), dame française, favorite de

François Ier, roi de France, née vers 1495, morte le 16 octobre 1537. Issue d'une famille qui avait possédé la couronne de Navarre avant qu'elle passât dans les maisons d'Albret et de Bourbon, Françoise épousa Jean de LavalMontmorency, déjà en possession de la seigneurie de Châteaubriant en Bretagne, sur les confins de l'Anjou. En ne consultant que l'histoire de François Ier par Varillas et les Mémoires de Hévin, on pourrait discuter longtemps sur les vertus ou sur la galanterie de Mme de Châteaubriant, et même sur le genre de sa mort. Varillas, suivi par les romanciers et les auteurs dramatiques, la fait venir à la cour malgré son mari, auquel on a dérobé un anneau dont la vue doit déterminer la comtesse à le rejoindre : elle arrive, devient maîtresse de François Ier, en est abandonnée pour la duchesse d'Étampes, et repart ensuite pour son château, où dans un bain son mari lui fait ouvrir les veines. L'annaliste breton, au contraire, nie la liaison de Mme de Châteaubriant avec le roi, et conséquemment le meurtre, qui ne serait plus motivé, Brantôme, cité par Bayle et ses contemporains doit inspirer beaucoup plus de confiance; son récit se compose d'événements simples. Françoise, cousine de Gaston de Foix, neveu de Louis XII, dont les frères, Lautrec et Lesparre, étaient établis à la cour, y avait paru du temps d'Anne de Bretagne, qui l'avait mariée au comte de Châteaubriant), en lui faisant, comme parente des conjoints, le don de 20,000 fr. François Ier, ce gros garçon, comme l'appelait Louis XII, était enclin à l'amour : quand il se vit roi d'une cour si gentiment corrompue, il ne manqua pas d'adresser ses vœux à la dame la plus distinguée par sa beauté, son esprit et son rang. Soit qu'il parvint à plaire, soit que l'ambition décidat Françoise en sa faveur, l'intimité de leurs relations ne fut point mise en doute la comtesse portait publiquement des joyaux que lui donnait le roi, quoiqu'ils fussent chargés de devises amoureuses que la complaisante Marguerite de Valois composait à la prière de son frère, et par son crédit faisait excuser les fautes que Lautrec et Lesparre, plus braves qu'habiles, commettaient à la tête des armées françaises en Aragon et en Italie. On l'accusa d'avoir été sensible en même temps à l'amour du roi, à celui de l'amiral Bonnivet et même du connétable de Bourbon, aimé de la duchesse d'Angoulêine, qui haïssait déjà dans Françoise la favorite de son fils et qui s'en vengea en appelant auprès d'elle Mule d'Heilly. Celle-ci, non contente de supplanter Mme de Châteaubriant dans le cœur du roi, exigea encore qu'il lui fit redeinander ces joyaux si bien ouvrés, qui témoignaient de tant d'amour et dont Françoise continuait à se parer. La comtesse n'exécuta qu'imparfaitement, cet ordre si peu chevaleresque : elle fit fondre les bijoux, et les remit réduits en lingots au gentilhomme venu pour les réclamer, en lui disant : « Assurez au roi

que le poids y est; quant aux devises, elles sont empreintes dans mon cœur : c'est là qu'il doit les chercher. » A quoi le roi répondit : « Cette femme a plus de courage que je n'en aurais attendu de son sexe. Allez, reportez-lui son or; je lui en aurais donné le double pour les devises. » Et ce double poids, comme valeur, eût été encore fort peu de chose. Bouchet et Brantôme rapportent que Mme de Châteaubriant était une des trois femmes qui, lors de l'entrevue de François Ier et de Clément VII à Marseille, firent demander une dispense pour faire gras en carême. Le duc d'Albanie, chargé de cette commission, imagina qu'il valait mieux réclamer en leur nom la permission de transgresser, sans pécher, le sixième commandement du Décalogue, si bien que lorsqu'à l'audience du saint-père ces dames insistèrent pour être affranchies trois fois par semaine de la loi commune, le pape entra dans la plus étrange colère, et se trouva fort heureux, après une explication, de n'avoir à se relâcher que sur un point de discipline. Cette plaisanterie, qui prouve avec quelle légèreté on traitait Mme de Châteaubriant, explique aussi l'humeur que fit éclater son mari lorsqu'il n'eut plus à craindre qu'elle fût protégée par le roi. La malheureuse Françoise, rentrée sous la domination de l'époux dont elle avait déshonoré le nom, ayant perdu sa fille unique, vécut dans son château de Bretagne, si maltraitée par cet époux, qu'il fut généralement accusé d'avoir terminé ses jours par un poison dont elle mourut. En vain a-t-on nié une jalousie exercée sur une femme de soixantedeux ans; en vain a-t-on rappelé le monument que le comte de Châteaubriant fit élever à sa femme et que Marot et Nicolas Bourbon ornèrent chacun d'une épitaphe: la mort de Françoise fut toujours attribuée à son mari, et le don qu'il fit de tous ses biens au connétable de Montmorency semble confirmer l'opinion qu'il redoutait les poursuites de la justice.

Mme de Murat, Lesconvel et d'autres ont publié des romans historiques sur les amours de la comtesse de Châteaubriant. [Mme la comtesse BRADI, dans l'Enc. d. g. d. m.]

Varillas, Histoire de François Ier; Bayle, Dict. critique; Châteaubriand, Études histor. Enc. du dirReuvième siecle, art. François Ier. - Brantôme, Mēm. - J. Niel, Portraits et personnages les plus illustres du seizième siècle; 1848, in-fol.

CHATEAUBRUN (Jean-Baptiste VIVIEN DE), auteur tragique français, né à Angoulême, en 1686, mort le 16 février 1775. En 1714 il fit jouer une tragédie de Mahomet II, que celle de Lanoue sur le même sujet a fait oublier. Attaché plus tard, comme maître d'hôtel', à la maison du duc d'Orléans, fils du régent, il craignit, en travaillant pour le théâtre, d'effaroucher ses scrupules religieux. Il continua bien de composer des tragédies, toutes imitées des auteurs grecs et latins, objets de ses études continuelles, Inais il les gardait en portefeuille. Le duc étant

mort, Châteaubrun; alors sexagénaire, n'eut plus la même réserve à garder envers son fils, dont il avait été sous-précepteur. En 1754, après un silence de quarante ans, il fit jouer les Troyennes, qui eurent du succès. L'auteur s'y est heureusement inspiré d'Euripide. Si la pièce est peu régulière et écrite d'une manière inégale, elle offre un morceau d'éclat, celui des prophéties de Cassandre', et plusieurs traits de situation et de sentiment. Elle dut beaucoup en outre à Mies Clairon et Gaussin dans les rôles de Cassandre et d'Andromaque. Parmi les imitateurs secondaires de Racine, Châteaubrun est un de ceux qui offrent par moments un écho de ce grand maître. Plus régulier que lui dans ses plans, Campistron, par exemple, n'a guère de ces traits heureux du cœur que les Troyennes présentent.

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Philoctète (1755) et Astyanax (1756) suivirent les Troyennes. Le premier de ces ouvrages obtint un accueil assez favorable, mais ne se soutint pas longtemps; le second ne fut joué qu'une seule fois. Châteaubrun avait composé deux autres tragédies, Antigone et Ajax. Il les laissa dans un tiroir ouvert; et comine il demandait un jour à son domestique s'il n'avait pas vu deux gros cahiers de papier : « Oui, Monsieur, répondit le domestique; mais je m'en suis << servi pour envelopper ces côtelettes de veau « que vous aimez tant. » Châteaubrun prit philosophiquement cette disgrace, bien mortifiante pour un poëte. Reçu à l'Académie française en 1753, il prolongea sa carrière jusqu'à l'âge de quatre-vingt-neuf ans. Le duc d'Orléans, son ancien élève, lui faisait une pension de deux mille écus. Quoiqu'il n'eût, du reste, aucune fortune, Châteaubrun légua une rente de cinq cents livres à chacune de ses deux nièces et une de trois cents à chacun de ses deux domestiques, en priant le duc, son ancien élève, de se charger de servir ces rentes, comme dernier témoignage de ses bontés. Non-seulement le prince répondit à cet appel, mais encore il ajouta douze cents livres pour chacune des nièces. Les Œuvres choisies de Châteaubrun ont été publiées avec celles de Guymond de la Touche; Paris, 1814, Didot, 1 volume in-18, stéréotype. Th. MURET.

Dictionnaire des theatres.
CHATEAUFORT. Voyez BOYSEAU.

CHATEAUNEUF ( L'abbé DE ), musicographe français, originaire de Savoie, mort à Paris, en 1709. Il fut le parrain de Voltaire. On a de lui : Traité de la musique des anciens; Paris, 1725, in-8°, ouvrage posthume.

Fetis, Biogr. universelle des musiciens.

CHATEAUNEUF (L'ÉPINE de), počte et diplomate français, né vers 1753, mort à Hambourg, en 1800. Cousin de Dumouriez, il suivit d'abord la carrière militaire; mais il l'abandonna pour entrer dans celle des consulats, et fut successivement chancelier de Peyssonel à Smyrne, à Tripolitza, consul par intérim de la Morée,

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