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de faire une enquête et de presser les opérations du siége. Cette proposition, si nous en croyons Thucydide, fut suivie d'une scène de comédie que le grand historien raconte avec beaucoup de talent. Comme nous n'avons sur ce fait que son seul témoignage, nous sommes forcés de nous en tenir à son récit, bien qu'il soit empreint de la rancune impitoyable d'un ennemi politique. En voici un court résumé. « A peine Cléon avait-il demandé l'envoi de commissaires, que le peuple lui cria de remplir lui-même cette mission; craignant alors de devenir la dupe de son propre artifice, il changea la question en disant que s'il était général il se rendrait à Sphactérie avec un corps d'infanterie légère et s'emparerait de cette île au premier assaut. Nicias, un des généraux d'Athènes présents à l'assemblée, sentant que le trait de Cléon était dirigé contre lui, déclara qu'il résignait le commandement. Alors le peuple cria à l'orateur, que puisque l'entreprise était aussi facile qu'il le prétendait, elle n'en convenait que mieux à ses talents, et qu'il devait s'en charger. » Nicias ayant déclaré de nouveau qu'il renonçait au commandement, Cléon l'accepta, croyant que c'était une feinte; aès qu'il vit que la chose était sérieuse, il voulut s'en défendre en disant qu'il n'était pas général. Accablé de sarcasmes, le démagogue dut céder; mais il ne se déconcerta pas, et s'écria que dans vingt jours il ramenerait prisonniers les Spartiates de Sphactérie ou mourrait dans l'entreprise. Thucydide trouve cette promesse fort plaisante, et déclare qu'elle excita une hilarité générale dans l'assemblée. « Les honnêtes gens, ajoute-t-il, s'en réjouirent en pensant qu'on serait débarrassé de Cléon (c'était là surtout ce qu'ils espéraient), on que les Lacédémoniens succomberaient. » Le nouveau général partit aussitôt pour Sphactérie. Au moment où il y arrivait, un accident venait de rendre plus facile l'assaut de cette ile. Des soldats qui préparaient leurs aliments ayant mis le feu à une forêt, l'incendie envahit presque toute l'ile et découvrit le camp des Spartiates. Sphactérie fut enlevé pendant la nuit, et les Athéniens firent deux cent quatre-vingt-douze prisonniers, parmi lesquels se trouvaient cent quatre-vingts Spartiates. Les résultats matériels de cette victoire étaient considérables pour les Athéniens, et l'effet moral en fut immense. Depuis la bataille des Thermopyles, il était généralement admis que les Spartiates pouvaient être tués, mais non pas pris: ce qui venait de se passer à Sphactérie prouvait le contraire. Les Lacédémoniens, consternés, envoyèrent à Athènes des ambassadeurs chargés de faire la paix. Cléon, enivré de son succès, eut le tort de faire rompre les négociations.

Le hardi demagogue était encore dans tout l'éclat de son triomphe lorsqu'il fut livré au ridicule sur le théâtre d'Athènes. En 424, dans les Lénéennes d'hiver, Aristophane fit jouer sa comédie des Chevaliers. Dans cette admirable farce, le peuple

d'Athènes est représenté comme un vieillard radoteur, capricieux et crédule, gardant encore quelque raison tant qu'il est au logis, mais absolument stupide du moment qu'il est sur la place publique. Nicias et Démosthène, anciens serviteurs de ce vieillard, se plaignent que leur maître est abusé par Cléon, esclave nouvellement entré à son service, Paphlagonien rusé, grand parleur, poltron et voleur. Ne sachant comment se débarrasser de ce rival, ils sont sur le point de s'empoisonner en avalant, à l'exemple de Thémistocle, du sang de taureau. Ils rencontrent Cléon endormi, et profitent de l'occasion pour lui enlever de vieux oracles qui annoncent que le Dragon l'emportera sur le Vautour. Le Vautour est l'emblème de Cléon, et le Dragon représente Agoracrite, fameux faiseur de boudins et de saucisses. Celui-ci a beau dire qu'il n'entend rien aux affaires, qu'il sait à peine lire, Nicias et Démosthène lui répondent en citant l'oracle, que son ignorance le rend parfaitement capable de gouverner Athènes; que cette charge n'exige aucun talent, qu'il faut seulement crier plus fort que Cléon. Agoracrite s'acquitte à merveille de cette tâche, et les oracles s'accomplissent. Il est impossible de ne pas admirer la patience et le bon goût du peuple athénien riant de sa propre caricature, et couronnant le poëte qui se moquait si impitoyablement de la démocratie et de ses chefs; mais, comme l'a fait'observer M. Grote, «< il serait aussi absurde de voir une appréciation historique dans les parodies d'Aristophane que de juger les hommes d'État d'Angleterre et de France d'après les caricatures du Punch et du Charivari. » Des événements fåcheux pour Athènes venaient de s'accomplir en Thrace. Thucydide, aussi médiocre général que grand historien, avait laissé le Spartiate Brasidas s'emparer d'Amphipolis. Cléon fit condamner à l'exil le général vaincu; et celui-ci employa ses loisirs forcés à écrire une histoire dans laquelle il ne ménagea pas son adversaire. Aristophane, de son côté, enhardi par le succès des Chevaliers, redoublait ses attaques. Il accusa, dans ses Guépes, Cléon de protéger tous les abus judiciaires et de flatter cette manie de juger qui possédait les Athéniens. Cléon avait fait porter en effet de une à trois oboles par séance le traitement des juges athéniens. A l'expiration de la trêve conclue en 423, il fit voile pour la côte de Macédoine avec une escadre de trente galères et un corps d'armée composé de douze cents citoyens pesamment armés, de trois cents chevaux et d'une division puissante d'auxiliaires armés à la légère. Il s'empara de Mende, de Torone, et marcha sur Amphipolis. Une bataille s'engagea sous les murs de cette ville. Brasidas et Cléon y périrent, et la victoire resta aux Spartiates. Selon Thucydide, Cléon montra dans cette rencontre une complète ignorance de l'art militaire. On voit que le sévère historien ne se laisse pas même apaiser par la mort de son ennemi. Tout en répétant que les renseigne

à délivrer la Sicile de la tyrannie d'Agathocle, se mit à courir la mer Adriatique, plutôt en pirate qu'en général. Il fit une descente sur le territoire des Venètes, fut défait par les Padouans et forcé de se rembarquer. Il parvint à s'emparer de Corcyre, mais il en fut bientôt chassé par Démétrius Poliorcète. Une nouvelle tentative sur Tarente ne réussit pas à Cléonyme; il revint à Corcyre, et à partir de ce moment il disparaît de l'histoire jusqu'en 272, où nous le retrouvons appelant Pyrrhus à Sparte (voy. ACROTATUS). On ignore ce que devint Cléonyme, mais son fils Léonidas fut dans la suite roi de Sparte.

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Diodore, XX, 104, 105. Tite-Live, X, 2. Strabon, VI. Pausanias, III, 6. Plutarque, Agis, 3; Pyrrhus, 26.

inents que nous avons sur le célèbre démagogue | Tarentins, et Cléonyme, qui avait d'abord songé nous viennent de ses ennemis, nous rappellerons les reproches qui lui ont été faits. On l'accuse d'avoir corrompu le gouvernement athénien, en donnant trop d'influence à la classe populaire. Selon Plutarque, « Cléon, sans aucun égard pour la décence des assemblées, donna le premier l'exemple d'y crier de toutes ses forces, de rejeter sa robe par derrière, de frapper sur sa cuisse, de marcher à grands pas dans la tribune pendant son discours; et par là il introduisit parmi ceux qui administraient les affaires publiques une licence et un mépris de toute bienséance qui portèrent dans la république la confusion et le désordre. » Plutarque raconte à ce sujet une anecdote assez curieuse. « Un jour que Cléon devait parler au peuple, il se fit attendre fort longtemps; il vint enfin très-tard, avec une couronne de fleurs sur la tête, et pria le peuple de remettre l'assemblée au lendemain. « Car aujourd'hui, dit-il, je n'ai pas le temps de parler d'affaires je reçois chez moi des étrangers et je fais un sacrifice. » Les Athéniens se levèrent en riant, et congédièrent l'assemblée. »> On reproche encore à Cléon d'avoir fait voter à plusieurs reprises la continuation d'une guerre qui devait perdre sa patrie. Quelque graves que soient ces accusations, il faut reconnaître qu'Athènes prospéra sous son administration. Il accomplit par la prise de Sphactérie un des actes les plus éclatants de la guerre du Péloponnèse. Mort en 422, il ne saurait être responsable des fautes qui amenèrent dix-huit ans plus tard la chute d'Athènes et le triomphe de sa rivale.

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L. J.

Thucydide, III, 36-41, 48-50; IV, 21, 22, 27, 28, 122; V, 2-3, 6-10. Diodore de Sicile, XII, 55, 63, 73, 74. Aristophane, Acharn., 377, 502; Equites, Vespæ, Nubes, 549, 580; Ranæ, 569-577.-Plutarque, Périclès, 51; Nicias, 7. Böckh, Staats-haushaltung, etc., II, 15.—Grote, History of Greece, t. V, VI. — P. Mérimée, dans la Revue des Deux Mondes, 1 juin 1849.

CLÉON, sculpteur grec, né à Sicyone, vivait vers la centième Olympiade (376 avant J.-C.). II reçut les leçons d'Antiphane, qui lui-même avait étudié sous Périclyte, élève du grand Polyclète. Il exécuta, après la quatre-vingt-dix-huitième olympiade, pour le temple d'Olympie, deux statues de Jupiter en bronze. Au rapport de Pline, il excellait à faire des statues représentant des personnages vivants.

Pline, Histor. nat., XXXIV, 19. — Pausanias, VI.
CLÉONICE. Voy. PAUSANIAS.

CLÉONYME (Kλɛávʊμoç), second fils de Cléomène II, roi de Sparte, et oncle d'Areus Ier, vivait vers 300 avant J. C. Il fut exclu du trône après la mort de son père, en 303, à cause des craintes qu'inspirait son caractère violent et tyrannique. En 303, les Tarentins, en guerre avec les Romains et les Lucaniens, demandèrent des secours aux Spartiates, qui leur envoyèrent quelques troupes commandées par Cléonyme. L'arrivée des Spartiates obligea les Lucaniens à la paix; les Romains traitèrent aussi avec les

*CLÉONYME, fils du général spartiate Sphodrias, vivait vers 380 avant J.-C. Il était lié par la plus étroite amitié avec Archidame, fils d'Agésilas. Ce prince intervint à la prière d'Archidame en faveur de Sphodrias, mis en jugement en 378, et le sauva contre les véritables intérêts de Sparte. Cléonyme montra la plus vive reconnaissance pour le sauveur de son père, et fut tué à la bataille de Leuctres, 371 avant J.-C. Xénophon, Hellenica, V, 4. 25, 28.

Plutarque, Agėsilas, CLÉOPATRE (Kλɛonáτpa), reine des Macédoniens, nièce d'Attale, général macédonien, mis à mort en 335 avant J.-C. Philippe, père d'Alexandre le Grand, avait répudié Olympias en 337, pour épouser Cléopâtre. Après la mort de ce prince, Olympias fit périr sa rivale et l'enfant que celleci avait eu de Philippe.

Justin, IX, 5, 7. Pausanias, VII, 7. — 93; XVII, 2. Plutarque, Alexandre, 10.

Diodore, XVI,

CLÉOPATRE, reine d'Épire, fille de Philippe et d'Olympias, et sœur d'Alexandre le Grand, morte en 308 avant J.-C. Elle épousa, en 336, Alexandre, roi l'Épire, son oncle du côté maternel. Philippe fut assassiné pendant les fêtes qui accompagnèrent ce mariage. Cléopâtre, devenue veuve en 326, fut, après la mort d'Alexandre, recherchée en mariage par les principaux lieutenants de ce prince. Léonat, Perdiccas, Cassandre, Lysimaque et Antigone demandèrent inutilement

sa main. Cléopâtre, qui vivait à Sardes, comblée d'honneurs, mais captive, résolut de passer en Égypte, auprès de Ptolémée; Antigone, informé de ce dessein, la fit assassiner.

Diodore, XVIII, 23; XX, 37. — Justin, IX, 6; XIII, 6; XIV, 1.

CLÉOPATRE, reine d'Égypte, fille d'Antiochus III, le Grand, morte vers 174 avant J.-C. Elle épousa, en 193, Ptolémée V, Épiphane, à qui elle apporta pour dot la Colé-Syrie. Après la mort de son mari, en 181, Cléopâtre, en qualité de régente, gouverna l'Égypte avec beaucoup de sagesse; elle mourut avant la majorité de son fils, Ptolérée Philométor. Tite-Live, XXXVII, 3. — Polybe, XXVIII, 17.

CLEOPATRE, reine d'Égypte, fille de la précédente, et de Ptolémée Épiphane, vivait vers 150 avant J.-C. Elle épousa son frère Ptolémée VI, Philométor, 164 avant J.-C. Ce prince mourut en 147, laissant avec la reine Cléopâtre, sa veuve, deux filles et un fils encore en très-bas-âge. Enhardi par cette circonstance, Ptolémée Physcon ou Evergète II, frère de Ptolémée Philométor, s'empara de la couronne d'Egypte. Cléopâtre, incapable de résister, lui envoya des députés qui réglèrent avec lui qu'elle deviendrait sa femme, et qu'il prendrait la tutelle du roi. Il entra dans Alexandrie avec le titre de régent, épousa la reine mère, et le jour même du mariage il fit égorger le jeune héritier du trône. Il ne tarda pas à s'éprendre de Cléopâtre, fille de son frère et de sa nouvelle épouse, et répudia celle-ci pour épouser l'autre. Cléopâtre essaya de profiter des troubles de l'Égypte pour remonter sur le trône, vers 130. Elle demanda du secours au roi de Syrie, Démétrius, qui se préparait à envoyer une armée en Egypte, lorsqu'il en fut empêché par la révolte d'Antioche et de plusieurs autres villes de Syrie. N'espérant plus de secours en Égypte, Cléopâtre quitta ce pays, en emportant de grandes richesses, et se retira auprès de Démétrius. On ignore l'époque de sa mort; mais on sait qu'elle se réconcilia avec Ptolémée Physcon.

Justin, 39.Josèphe, Antiq. jud. —Titc-Live.

CLÉOPATRE, reine de Syrie, fille de la précédente et de Ptolémée VI, morte vers 121 avant J.-C. Elle épousa d'abord Alexandre Balas, usurpateur de la couronne de Syrie, et, après la mort de celui-ci, Démétrius Nicator. Apprenant que son second mari, captif chez les Parthes, avait pris pour femme Rodogune, princesse de cette nation, elle se maria avec Antiochus VII, Sidètes, frère de Démétrius; et lorsque celui-ci revint dans ses États, il fut mis à mort par l'ordre de Cléopâtre. Cette reine ambitieuse fit subir le même sort à un de ses fils, Séleucus, qui avait osé s'emparer de la couronne sans le consentement de sa mère. Elle plaça sur le trône son autre fils, Antiochus VIII, Grypus, en 125; mais, ne le trouvant pas assez soumis à ses volontés, elle essaya inutilement de l'empoisonner, et périt victime de son propre attentat. « Cette femme, dit Justin, qu'une soif ardente de dominer avait portée à trahir Démétrius son mari, et à tuer l'un de ses fils, regrettait la victoire de l'autre, qui affaiblissait son autorité; un jour qu'il revenait d'un exercice militaire, elle lui présenta une boisson empoisonnée. Mais Grypus, déjà prévenu des desseins de sa mère, la presse, comme s'il eût voulu lui donner un témoignage de son respect filial, de boire la première. Elle refuse, il insiste. Alors, produisant le dénonciateur du crime, il en accuse sa mère, ajoutant « que le seul moyen de se justifier est de boire ce qu'elle offre à son fils ». La reine, poussée à bout, meurt victime de son crime, et périt par le poison qu'elle avait préparé pour un autre. » C'est à ce récit que Corneille a em

prunté le sujet de sa tragédie de Rodogune.
Josèphe,
Justin, XXXIX, 1.2. — Applen, Syr., 68.
Antiquit. Jud., XIII.

CLÉOPATRE, reine d'Égypte, sœur de la précédente, morte en 89 avant J.-C. Elle épousa son oncle Ptolémée Physcon. Ce prince, en mourant, laissa la couronne à sa veuve et à celui de ses deux fils qu'elle choisirait pour régner avec elle. La reine eût préféré le plus jeune des deux, qu'elle croyait plus dévoué à ses volontés; mais les vœux du peuple d'Alexandrie la forcèrent de placer sur le trône son fils aîné, Ptolémée Lathyre. Cléopâtre le rappela de l'ile de Chypre, où il commandait; elle exigea de lui qu'il répudiat sa sœur Cléopâtre, à laquelle il était uni depuis quelques années, et qu'il épousât son autre sœur, nommée Sélène. A ces conditions, le fils aîné de Physcon monta sur le trône, et prit le surnom de Soter II, vers l'an 117 avant J.-C. Mécontente de ce fils, la reine Cléopâtre excita contre lui la populace d'Alexandrie (109), le sépara de Sélène, dont il avait deux enfants, le força de* déposer la couronne, et la mit sur la tête de son second fils, qui prit le surnom d'Alexandre. Pendant la durée du règue de ce prince, des haines violentes se déclarèrent entre la mère et le fils. Celui-ci, épouvanté par les fureurs de sa mère, la quitta subitement, et se retira en Chypre. Elle le rappela; mais la discorde continua entre eux. Elle méditait de le faire périr, lorsqu'il la prévint, en la faisant assassiner.

Justin, XXXIX, 4.- Pausanias, VIII, 7.

CLÉOPATRE, reine d'Égypte, puis de Syrie, fille de la précédente et de Ptolémée Physcon, morte vers 116 avant J.-C. Elle fut d'abord mariée avec son frère Ptolémée VIII, dit Lathyre, Forcée de divorcer, elle s'enfuit en Syrie, où elle épousa Antiochus IX, Cyzicène, qui dispatait alors le trône de Syrie à son frère Antiochus Grypus. Elle porta pour dot à son nouvel époux une armée, qu'elle leva et qu'elle conduìsit en Syrie. Antiochus Cyzicène fut complètement battu, et Cléopâtre se réfugia dans Antioche. Elle y fut assiégée et prise par Grypus, qui la fit mourir sur la demande de sa femme Cléopâtre Tryphène, sœur de l'épouse de Cyzicène.

Justin, XXXIX, 3,

CLEOPATRE TRYPHÈNE, reine de Syrie, sœur de la précédente, morte vers 115 avant J-C. Elle épousa Antiochus Grypus, et causa la mort de sa propre sœur, femme de Cyzicène. Justin a raconté les horreurs qui ensanglantèrent la décrépitude des monarchies grecques de Syrie et d'Égypte : c'est à cet historien que nous empruntons le récit de la mort de Cléopâtre Tryphène et de sa sœur, qui s'égorgèrent pour ainsi dire mutuellement. « Après la prise d'Antioche par Grypus, Tryphène se hâta de faire chercher sa sœur Cleopâtre, non pour adoucir sa captivité, mais pour empêcher qu'elle n'échappat au châtiment. Elle l'accusa d'avoir amené des troupes pour mettre

sa sœur haïssait ces deux favoris. Ceux-ci, plus habiles qu'elle, la réduisirent à quitter le royaume en 49. Cléopâtre, fugitive, gagna la Syrie, leva des troupes, et vint les armes à la main redemander sa part du royaume. Les deux armées étaient en présence à Peluse, quand César, vainqueur à Pharsale, apparut dans Alexandrie, et reçut en don la tête de Pompée. On sait combien il marqua de froideur aux auteurs de cette triste offrande, et comment la guerre civile, commencée en Italie et en Macédoine, fit sa troisième apparition en Égypte. Heureusement César avait Ptolémée en sa puis

aux prises les deux frères, et de s'être mariée contre la volonté de sa mère. Grypus, au contraire, supplia Tryphène de ne pas le forcer à commettre un erime abominable. Il lui représenta qu'aucun de ses ancêtres, durant la longue série de leurs guerres étrangères ou domestiques, n'avait sévi, après la victoire, contre les femmes, préservées par leur sexe des périls de la guerre et de la cruauté des vainqueurs; qu'outre le droit des gens, les droits de parenté plaidaient en faveur de Cléopâtre, qu'elle était la sœur germaine de celle qui la traitait si cruellement, et sa propre cousine, et la tante maternelle de leurs enfants. A tous ces liens du sang il ajou-sance, et deux légions à sa disposition. Un soir tait la sainteté du temple où Cléopâtre s'était réfugiée, disant qu'il devait d'autant plus respecter les dieux, qu'il avait vaincu sous leurs auspices et avec leur appui ; que d'ailleurs la puissance de Cyzicène ne serait ni affaiblie par la mort de Cléopâtre mi sauvée par le pardon qu'on lui accorderait. Mais plus il la priait, plus elle persistait, avec une opiniâtreté toute féminine, pensant que toutes ces paroles n'étaient pas de la pitié, mais de l'amour. Elle appela ses soldats, et leur ordonna d'alter égorger sa sœur. Ils entrèrent dans le temple, et, ne pouvant l'en arra

Apollodore, intendant de Cléopâtre, entre chez lui et dépose un matelas, qui, dit-il, contient un présent, et tout à coup une femme s'élance de cette prison bizarre et tombe aux pieds du dictateur. C'était Cléopâtre. Le lendemain César déclare au roi, son otage ou son captif, qu'il doit rendre à sa sœur sa part de pouvoir; et à ce prix il le laisse retourner à Alexandrie. Bientôt l'émeute égyptienne reprend une vivacité nouvelle des combats s'engagent, le roi se noie pendant une affaire qu'il livre sur le Nil; et, renonçant à une lutte désormais sans objet, l'É

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cher, lui coupèrent les mains lorsqu'elle embras-gypte reconnaît pour reine Cléopâtre, à qui le sait la statue de la déesse. Cléopâtre expira en maudissant les parricides, et en léguant aux dieux outragés la vengeance de sa mort. Bientôt après, Cyzicène, vainqueur dans une seconde bataille, prit Tryphène, qui avait versé le sang de sa sœur, et l'immola aux mânes de sa femme. » Justin, XXXIX.

CLÉOPATRE SÉLÉNÉ, reine d'Égypte, puis de Syrie, sœur de la précédente, morte vers 76 avant J.-C. Mariée d'abord à son frère Ptolémée Lathyre, elle resta en Égypte pendant l'exil de ce prince. Elle épousa ensuite Antiochus XI, Épiphane et, après la mort de celuici, Antiochus X, Eusèbe. Assiégée par Tigrane dans une ville de Syrie ou de Mésopotamie, elle tomba, selon Strabon, entre les mains de ce prince, et fut mise à mort. Joseph prétend, au contraire, qu'elle fut sauvée par l'invasion de Lucullus en Arménie. Cléopâtre Séléné fut la mère du dernier des Séleucides, Antiochus XIII, surnommé l'Asiatique.

Strabon, XVI. — Josèphe, Antiquit, jud.

CLÉOPATRE, dernière reine d'Égypte, née en 69 avant J.-C., morte en 30 avant J.-C. Elle avait pour père Ptolémée Aulète, chassé du trône par Bérénice, sa fille, et rétabli par Gabinius. Aulète, en mourant, laissa deux autres filles et deux fils, et voulut que Cléopâtre, l'aînée, régnåt avec l'aîné de ses enfants mâles (51 av. J.-C.). Un mariage unit ces deux jeunes héritiers des Lagides; mais Ptolémée Denys (c'était le nom du roi) n'avait que treize ans et sa sœur en comptait dix-huit. Ptolémée Denys était gouverné par l'eunuque Photin et par Achillas, commandant de toutes les troupes de la monarchie;

plus jeune de ses frères, Ptolémée l'Enfant, est alors donné pour associé et pour mari nominal. Amant déclaré de Cléopâtre, César resta quelque temps en Égypte pour elle; et lorsqu'il la quitta, elle était près de lui donner un fils, qui eut le nom de Césarion, et qui périt dans la suite, (l'an 30) par les ordres d'Auguste. La vie du jeune Ptolémée fut moins longue encore : il périt empoisonné à quatorze ans, âge fixé pour sa majorité. Arsinoé, sa sœur, qui avait été reine de Syrie, fut massacrée dans le temple d'Éphèse. Unique héritière des Lagides, Cléopâtre rejoignit César à Rome, et resta dans cette ville jusqu'à l'assassinat du dictateur en 44. Ce séjour à Rome, bien qu'il ait été révoqué en doute, paraît incontestable, d'après les témoignages de Cicéron, de Dion Cassius et de Suétone. Fidèle aux cendres de César, elle se déclara contre ses meurtriers, refusa le concours de sa flotte à Cassius, et sans doute elle allait avoir la guerre à soutenir contre ce défenseur de la république, quand l'apparition des triumvirs en Macédoine rappela le dernier des Romains dans le Nord. Mandée ensuite à Tarse par Antoine, vainqueur, pour rendre compte de sa conduite, elle arriva sur un navire dont la décoration était un chef-d'œuvre de luxe et d'élégance, entourée de suivantes dont les poses et le costume rappelaient les syrènes, et avec tous les attributs de Vénus sortant du sein des eaux (41 av. J.-C.). Antoine, qui dans un premier voyage en Égypte, à la suite de Gabinius, avait reçu une impression ineffaçable à la vue de Cléopâtre, alors âgée de quinze ans, fut ébloui en revoyant cette princesse dans tout l'éclat de sa beauté, et, à l'exem

ple de César, il regarda Cléopâtre comme le plus beau prix de ses victoires. Son amour fut presque un délire: il la suivit dans Alexandrie; il l'emmena dans sa première expédition contre les Parthes; il revint de la seconde sans l'avoir sérieusement engagée, pour ne pas rester loin de son amante. La Phénicie, la Syrie inférieure, la Crète, Cypre, la Cyrénaïque, la Libye étaient annexées à son empire, et formaient les provinces d'une monarchie orientale, qui eût pu de nouveau balancer la fortune romaine. Césarion était déclaré roi d'Égypte avec sa mère, et promettait au pays des Sésostris une 33° dynastie. Ces grandes idées naissaient, croissaient au milieu des parties de plaisir, des fêtes civiles et religieuses, des folles gageures et des banquets dans lesquels la reine se faisait nommer nouvelle Isis. Pline nous a transmis le souvenir d'une de ces folles gageures. Cléopâtre paria avec Antoine qu'elle dépenserait dans un seul repas dix millions de sesterces. Antoine l'en défia. Elle détacha alors de ses oreilles deux grosses perles, se fit apporter une coupe remplie de vinaigre, ou plutôt d'un acide dont la composition nous est inconnue, y fit dissoudre une de ses perles, et l'avala; elle allait en faire autant de la seconde lorsque Plancus, juge du pari, la retint en déclarant Antoine vaincu. Cette anecdote n'est pas très-vraisemblable; on ne comprend pas comment Cléopâtre a pu avaler sans danger un acide assez violent pour dissoudre des perles. Cependant Cléopâtre n'était guère plus fidèle au triumvir que celui-ci ne l'était à Cléopâtre : Marianne lui inspirait de la jalousie et Hérode de l'amour.

Octave, en attendant, laissait Antoine prodiguer les provinces à la reine d'Égypte, résolu de montrer un jour aux Romains dans le triumvir oriental l'ennemi public (l'an 32). Quand il jugea le moment favorable, la guerre éclata. Rome fut pour Octave. Cléopâtre, dont l'empire n'était pas moins en question que la puissance d'Antoine, suivit partout son amant, à Éphèse, à Smyrne, à Athènes et même au cap d'Actium (l'an 31): 60 vaisseaux formaient sa flotte. Par l'ordre de la reine, cette flotte prit la fuite à un instant où la bataille n'était point encore gagnée pour Auguste. Antoine ne se battit plus qu'à regret, et bientôt, donnant le signal de la retraite, il abandonna l'empire du monde et rejoignit Cléopâtre. Il s'attendait à trouver des ressources en Afrique, à trainer la guerre en longueur : la reine ne songeait plus qu'à fuir sur les côtes de la mer Rouge, et à y établir un nouveau royaume. Puis elle fit courir le bruit de sa mort, et s'enferma dans une tour. La fausse nouvelle contribua à déterminer Antoine au suicide. Dès lors rien ne s'opposait plus au triomphe d'Octave. Cléopâtre eut une entrevue avec lui : elle essaya le pouvoir de ses charmes, mais en vain. Une place parmi les dépouilles et les captifs derrière le char de triomphe du vainqueur semblait être

la perspective de cette reine de trente-neuf ans. Elle résolut de tromper l'attente des Romains, avides de ce spectacle. Par ses ordres un paysan vint lui apporter un aspic caché sous des pêches magnifiques : elle l'approcha de son bras gauche, et mourut bientôt, malgré les psylles et les remèdes. Personne, il est vrai, ne retrouva le reptile, et le fait peut être contesté. Quelques historiens pensent qu'elle s'empoisonna au moyen d'un puissant narcotique.

Cléopâtre passe pour une des femmes les plus belles qui aient existé, bien que les médailles qui nous restent d'elle ne répondent pas à cette idée de beauté. Elle avait beaucoup d'esprit et de savoir, et parlait, dit-on, dix langues. Au milieu des projets ambitieux et des voluptés, elle ne cessa de cultiver les lettres. La magnifique bibliothèque d'Alexandrie fut augmentée par ses soins des deux cent mille volumes contenus dans la bibliothèque de Pergame. Elle eut trois enfants d'Antoine, Alexandre, Cléopâtre et Ptolémée Philadelphe. [Val. PARISOT, dans l'Enc. des. g. du m., avec des additions.]

Plutarque, Antoine. - Dion Cassius, XLII, 34; XLIII, 27; XLVIII. 24; XLIX, 32, 33, 39; L, 4, 5, 6, 25, 33; LI, 6, 8, 14. Suétone, Cæsar, 35; Auguste, 17. — César, Bellum civile, III. — Hirtius, Bellum Alex., 31. APpien, Bell. civil., V, 8, 9. — Tite-Live, Epitome, 112. — Cicéron, Epist. ad Atticum, XIV, 8. — Josèphe, ARtiquit. jud., XV, 4. — Velleius Paterculus, 11, 87. Pline, Hist. natur., IX, 58. — Horace, Carmina, I, 37. - Properce, Eleg., III, 11.

CLEOPATRE, reine de Mauritanie, fille de la précédente et d'Antoine, née en 40 avant J.-C. Elle reçut de son père le surnom de Séléné (Lune), tandis que son frère jumeau Alexandre recevait le titre de Hélios (Soleil). Après la prise d'Alexandrie par Octave, Cléopâtre, conduite à Rome pour orner le triomphe du vainqueur, fut recueillie ainsi que ses deux frères par la femme d'Antoine, Octavie, qui les fit élever parmi ses propres enfants. Elle épousa Juba, roi de Mauritanie; et elle eut de ce prince deux enfants, Ptolémée, qui succéda à son père, et Drusilla, mariée à Antonius Felix, gouverneur de Judée. Dion Cassius, LI. 18. Plutarque, Antoine, 87.

CLÉOPATRE, reine d'Arménie, fille de Mithridate, vivait vers 75 avant J.-C. Elle épousa Tigrane, roi d'Arménie. Par quelques détails que les historiens nous ont conservés sur cette princesse nous voyons qu'elle montra beaucoup de courage et d'habileté.

Plutarque, Lucullus, 22. — Appien, Mithrid., 108. Justin, XXXVIII, 3.

*CLÉOPÂTRE, femme savante, vivait vers le premier siècle de l'ère chrétienne. Elle composa un traité sur les Cosmétiques (Kooμntixóv, ou Kooμntixá). Cet ouvrage, qui fut abrégé par Criton, est souvent cité par Galien, par Aétius et par Paul d'Égine. Quelques critiques ont prétendu, mais sans preuves, que Cléopâtre (K)ɛonáτpa) n'était pas le nom de l'auteur, mais le titre du livre. On attribue à cette Cléopâtre, on à la reine d'Égypte, un traité sur les maladies

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