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CLÉMENT

exercer à l'égard de Faustus, auquel il avait
imprimé sa ressemblance. Saint Pierre en aurait
profité pour envoyer Faustus à Antioche, et ce-
lui-ci, sous cette figure, aurait déclaré qu'il avait
calomnié saint Pierre, et pour ramener les esprits
en sa faveur. Rufin, dans sa lettre à Gaudence,
déclare qu'il n'avait pas trouvé cette fiction dans
l'exemplaire qui a servi à sa traduction. Quoi qu'il
en soit, saint Pierre, trouvant les voies pré-
parées par Faustus, se rendit avec Clément et ses
autres disciples dans cette cité, où il convertit Faus.
tus et Annubion à la vraie religion; il y fonda,
et
ainsi qu'il l'avait fait à Laodicée, une église,
lui donna Théophile pour premier pasteur (1).
Là finissent les vingt homélies, et les dix livres
de Rufin, que l'antiquité nous a transmis comme
l'œuvre de saint Clément, et qui sont sans doute
entachés, comme tous les écrits du premier et du
second siècle, de beaucoup d'interpolations, mais
qui respirent, au jugement de Neander, les senti-
ments qu'ont éprouvés les premiers d'entre les
païens qui se soient convertis par un effort de leur
raison.

On sait que c'est après la fondation de l'Église d'Antioche que les nouveaux convertis prirent le nom de chrétiens. Il n'est pas dit, mais il est probable, puisque le récit des Clémentines s'arrête là, que saint Clément retourna immédiatement à Rome avec sa famille, et employa sa fortune au profit de la société chrétienne.

Les Clémentines ne parlent pas, comme saint Justin, du voyage que le Samaritain Simon aurait fait à Rome, de l'impression considérable que par ses artifices il aurait faite sur le sénat et sur le peuple au temps de l'empereur Claude, c'est-à-dire entre l'an 41 et l'an 54, et enfin de la statue qu'on lui aurait élevée dans une île du Tibre avec l'inscription Simoni Dei sancto (2). La découverte qu'on a faite, en 1574, de la base de la statue, avec l'inscription Semoni sancto, a démontré qu'il s'agissait du dieu des Sabins, et nullement du magicien juif.

N'est-ce pas un fait remarquable que les Clémentines se soient préservées de cette erreur, et n'estce pas une preuve qu'elles dérivent d'un ouvrage original, antérieur à l'époque où Justin écrivait?

On a du moins la preuve, par la mention qu'en fait Origène (3), écrivain du commencement du troisième siècle, qu'elles existaient et étaient lues par les chrétiens avant cette époque. On possède avec elles: 1° une lettre en grec et en latin, écrite par saint Pierre à Jacques, seigneur et évêque de la sainte Église instituée par J.-C., dans laquelle le grand apôtre recommande au

(1) Texte latin seulement, X, 72.

(2) Justin, Apol. Ire, § 26. Voy. Otto, 2o éd., 1847, et la

Note.

(3) Sur la Genèse, Phélec., c. 22, et sur l'Évang. de Matt.,
c. 6. Elles sont aussi citées par Eusébe, Hist eccl., III,
38; saint Jérôme (Catal), yo. CLEMENT.; Comm. sur
l'ép. aux Galat., I, 18 saint Épiphane, Her., XXX, 15,
qui reproche aux hérétiques d'en abuser;
d'autres écrivains, trop récents pour qu'il soit utile d'en
parler.

et par

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saint évêque de ne cominuniquer qu'aux fidèles
(et non aux gentils) le récit de ses prédications,
écrit sous sa dictée par saint Clément; 2° une es-
pèce de procès-verbal de la délibération du clergé
de Jérusalem, par laquelle, après avoir reçu de
leur évêque communication de ces documents,
les membres de ce clergé s'obligent à n'en faire
usage qu'avec la plus grande discrétion, ce qui
s'accorde fort bien avec l'état d'une société encore
secrète; 3o enfin, une longue lettre de saint Clé-
ment lui-même au même évêque, comme chef de
toutes les églises, dans laquelle il l'informe que
Simon-Pierre, le chef des apôtres, est venu à
Rome pour éclairer l'Occident, et qu'il y a péri
de mort violente (ẞiziwę). Il ajoute qu'avant sa
mort saint Pierre l'avait présenté à ses frères, et
l'avait institué malgré sa vive résistance évêque
de l'église de cette cité. Saint Clément avait insisté
sur les difficultés et les dangers de cette mission;
mais l'apôtre en avait conclu qu'il ne pouvait
faire un meilleur choix. Du reste, il s'était long-
temps étendu sur les devoirs du pasteur et de
ses coopérateurs ; il lui avait recommandé surtout
de marier les jeunes gens, et même les vieillards,
afin de remédier à la corruption des mœurs et
de diminuer le nombre des adultères et autres
désordres contraires à la chasteté; d'établir la
vie en commun parmi les chrétiens, de visiter
les prisonniers, d'éviter les recours à la justice,
et de remettre la décision de leurs différends à l'ar-
bitrage du clergé ; d'observer une stricte probité,
de catéchiser les ignorants; enfin, de pratiquer
l'obéissance à leur chef.

Rien de plus pur que la morale de cette lettre. On attribuait du temps de saint Chrysostome la rédaction des Actes des Apôtres, dont l'auteur est resté anonyme, tantôt à Barnabas, tantôt à saint Clément, et tantôt à l'évangéliste saint Luc, C'est à ce dernier que l'archevêque de Constantinople donne la préférence (1); en effet, s'il en eût été autrement, la composition des Clémentines eût passé dans les Actes des Apôtres, au moins par abréviation, avec les nombreuses fondations d'églises dont elles font le mérite exclusif à saint Pierre, tandis que la deuxième partie de ces Actes, rédigée évidemment par un compagnon de saint Paul, ne parle que des églises de cet apôtre.

Parmi les premiers pontifes de Rome, la tradition place avant saint Clément saint Lin et saint Clet ou Anaclet, d'après le témoignage formel de saint Jérôme (2). La plupart des Latins le donnent comme successeur immédiat de saint Pierre; selon Tertullien aussi (3), il fut institué directement par cet apôtre; enfin, saint Clément luimême, dans sa lettre à l'évêque de Jérusalem, à moins qu'on ne la suppose tout à fait apocry phe, établit qu'il a été proposé et accepté sans obstacle. Saint Irénée est le premier (4) qui ait

(1) Hom. II, sur les Actes, éd. 1840, tom. III, p. 922,
(2) Catal., v°. CLÉMENT.
(3) De Præscrip., liv. 32.
(4) III, 3.

1

admis l'interposition de deux personnages dans le gouvernement de l'Église de Rome avant saint Clément. Mais il donne à saint Lin la qualité de disciple de saint Paul, ainsi qu'il est dit dans les Épitres à Timothée (1); et il paraît bien que cette qualité a aussi appartenu à Anaclet : une Église que son fondateur, saint Paul, avait quittée, avait sans doute besoin d'un guide pendant ses absences; mais ces guides ont-ils eu le nom d'évêques, dans le sens d'un gouvernement stable et perinanent, comme Eusèbe l'a supposé en donnant la durée précise de chacun d'eux? Cette remarque suffit peut-être pour expliquer comment saint Jérôme (2) penchait à croire que saint Clément était le premier évêque de Rome après les apôtres; comment saint Augustin (3), ainsi qu'Optat (4), l'a mis le second; et comment les constitutions apostoliques (5) ne regardent saint Lin que comme un disciple de saint Paul.

Mais ce qu'on ne conteste plus à saint Clément romain, c'est la rédaction de la première des deux lettres écrites au nom de l'Église de Rome à celle de Corinthe, quoiqu'elle paraisse une imitation de celles de saint Paul: cette lettre, dont le texte n'a été trouvé qu'en grec, il y a deux siècles environ, est mentionnée avec éloge par saint Polycarpe, saint Denys de Corinthe et saint Irénée, au deuxième siècle; par saint Clément d'Alexandrie et Origène, au commencement du troisième; par saint Cyrille, Eusèbe, saint Épiphane, saint Jérôme, au quatrième. La deuxième n'est pas regardée comme authentique, ainsi que plusieurs de ces Pères le déclarent; elle n'a d'ailleurs rien d'historique. La première, à cause de son excessive longueur, et des citations bibliques dont elle est surchargée, a paru interpolée en grande partie, notamment au savant Laurent Mosheim elle se compose de cinquante-neuf paragraphes; mais il en admet la substance. Au reste, quel est l'écrit, même parmi les plus importants du premier et du deuxième siècle, qui n'ait été retouché ou amplifié souvent dans des intentions pieuses? Il suffit de rappeler ici les plaintes de saint Jérôme au pape Damase, sur l'état dans lequel il avait trouvé les copies des Évangiles. Cette lettre donc fut écrite à l'Église de Corinthe à l'occasion de dissidences graves, et même d'un schisme accompagné de violences, survenus parmi les chrétiens de cette cité, évangélisée par saint Paul. Il y est aussi question d'une persécution récente et non encore apaisée; ce qui a porté des savants, qui se sont occupés des origines du christianisme, à conclure qu'il s'agissait de la persécution de Néron, quoique, d'après Tacite, celle-ci n'ait frappé sur les chrétiens qu'indirectement, en les confondant avec les Juifs. Il est plus vraisemblable

(1) Dans la 2e Epit., § 21, il parle de son voyage à Rome

et de ceux qui l'accompagnaient.

(2) Ibid., et Comm. sur Isale, c. 52.

(3) Ep. 53, à Genèr.

(4) Liv. II.

(5) VII, 46.

qu'il est fait allusion à celle qui eut lieu sous Domitien, vers la fin du premier siècle. C'est en effet l'époque où saint Clément était pontife de Rome, puisque selon Eusèbe (1) il n'a gouverné cette Église que neuf ans, et qu'il est mort dès la troisième année du règne de Trajan, en l'an 100. Il est d'ailleurs parlé dans cette lettre de canons, de liturgie, et d'autres détails attestant l'existence d'un culte déjà organisé et l'ancienneté de l'Église de Corinthe (2). Cette lettre annexée aux Clémentines, avec le témoignage de Denys, évêque de Corinthe sous les Antonins (3), et celui du prêtre Caius (4), attestent que saint Paul et saint Pierre ont subi ensemble leur martyre, et qu'on voit leurs monuments sur la voie Ostie, l'un ayant été décapité et l'autre crucifié, selon la tradition complétée par Eusèbe (5).

On a répété souvent que saint Clément était Juif, quoique Rufin l'appelle Clemens romanus, parce qu'il appelle Jacob notre Père (6); mais on a répondu victorieusement que les chrétiens, ayant adopté les livres sacrés des Juifs, donnaient aux patriarches le nom d'ancêtres (7). On a dit, enfin, que Clément avait subi le martyre à Rome, sur la foi d'un martyrologe : « Clément fut accusé par Mamertius, préfet de la ville, devant Trajan, qui le condamna à la déportation dans la Chersonèse Taurique, pour y travailler aux mines. Il y fonda soixante-dix Églises, fit plusieurs miracles; par ordre de l'empereur, le saint fut jeté dans la mer, attaché à une ancre, et son corps fut retrouvé sur le rivage, enseveli dans un tombeau de marbre élevé sur un rocher. » Mais ces actes paraissent être apocryphes; car saint Irénée, qui le premier a donné la liste des pontifes de Rome, à la fin du deuxième siècle, ne signale parmi eux comme martyr que Télesphore; Eusèbe et saint Jérôme ne mettent pas saint Clément au rang des victimes de l'intolérance romaine; enfin, il faudrait des preuves éclatantes pour accuser un prince comme Trajan d'une telle barbarie.

Les écrits réels et supposés de saint Clément ont été imprimés par Cotelier (Pères apostol., tom. V, in-fol.; en dernier lieu, l'épître authentique et la deuxième, suspecte, ont été publiés par Fr.-X. Reithmayr, 1844, in-18; et par C.-J. Hefele, 2e éd., 1839, et 1842, avec variantes et bonne dissert. Les Clémentines, ou Recognitiones, ont été imprimées par Dressel, avec variantes, 1853, et le texte latin de Rufin, par Gersdorf, 1837, in-8°. L'épttre authentique est si surchargée de citations, que l'abbé Genoude en la traduisant (1837, I, 107) l'a abrégée. Il donne d'ailleurs saint Clé(1) Hist. eccles., III, 13, 34, et V, 6.

(2) Αρχαιάν Κορινθίων ἐκκλησιαν (§ 47).

(3) Fragm, 3, Routh, I, 180. (4) 2 Frag., II, p. 127.

(5) Hist. eccl., II, 25.

(6) § 4. Ο πατὴρ ἡμῶν.

(7) Dans sa principale épître, saint Clément annonce clai rement qu'il croit à la résurrection du phénix (§ 25); il est vrai que Tacite partageait la même croyance, avec bien d'autres.

Inent pour un Juif de la famille de Jacob et pour disciple de saint Paul. Guillon, évêque de Maroc, dans sa Bibliothèque des Pères de l'Église, en a donné l'analyse, 114-123. ISAMBERT.

Tillemont, Mémoires, II, 127. - Neander, Kirchen.. gesch. II, p. 1100; Genetische Entwickelung, p. 367. Gersdorf, Bibliotheca Patrum ecclesiasticorum latinorum selecta; Leipzig et Bruxelles, 1837. - Krabbe, Ueber den Ursprung und Inhalt der Apostol. Constitutionen, 1839. Neander, Histoire de l'établissement de l'Église chrétienne, 4o sect., II, 28-30, trad de Fontanès. - Lardner Sur les écrivains ecclésiastiques du premier et du deuxième siècle.

CLÉMENT II, cent-cinquante-unième pape, mort à Pesaro, le 7 octobre 1047. Il était Saxon d'origine, et se nommait ROGER OU SWIDGER. Il fut successivement chanoine d'Halberstadt, chapelain de l'archevêque de Brême, chancelier de Henri III et évêque de Bamberg. Il succéda à Grégoire VI le 21 décembre 1046. L'année suivante il convoqua un concile dans le but d'arrêter les simoniaques, qui désolaient l'Église. Il couronna l'empereur Henri III le 25 décembre 1046, et canonisa sainte Viborade, vierge et martyre hongroise. On attribue à Clément II une Epitre à Jean, archevêque de Salerne. Ce pape a été enterré à Bamberg.

* Baronius, Annal., 1046. — Moréri, Grand dictionnaire historique. Artaud de Montor, Histoire des souverains pontifes, II, 133.

CLÉMENT III, cent soixante-seizième pape, mort le 29 mars 1191. Il était Romain, et se nommait Paulin SCHOLARI. Il fut successivement chanoine de Sainte-Marie-Majeure, cardinal-prêtre de Palestrina en 1180, puis évêque de Preneste. Il fut élu pape à Pise, le 19 décembre 1187. Depuis' cinquante ans il existait des dissensions entre le peuple romain et les papes; Clément conclut un traité avec les Romains, qui reconnurent l'autorité du pontife, à la charge par celui-ci de respecter les libertés du peuple, qui continuerait d'élire pour son administration un préfet et des sénateurs. Clément III fit son entrée à Rome le 13 mars 1188. Il releva le cloître Saint-Laurent extra muros, et répara le palais de Latran, qu'il fit orner de peintures. Il introduisit dans l'office l'usage d'avertir les assistants avec une sonnette au moment de l'élévation ainsi que sur le passage du viatique porté aux malades. Clément III fit publier une croisade contre les Sarrasins, qui venaient de prendre Jérusalem. Philippe-Auguste, roi de France, et Henri II, roi d'Angleterre, se virent entre Gisors et Trie, et résolurent de prendre la croix. Clément s'entremit ensuite pour apaiser les troubles survenus après la mort de Guillaume, roi de Sicile. On attribue à ce pontit diverses Épîtres. Il eut pour prédécesseur Grégoire VIII et pour successeur Célestin III.

Baronius, Ann., 1188-1191. - Louis Jacob, Bibliotheca pontif. Richard et Giraud, Bibliothèque sacrée, — Artaud de Montor, Histoire des souverains pontifes, II,292. CLÉMENT III, antipape. Voy. GUIBERT, CLÉMENT IV (Guido FULCODI OU GUYFOULQUES OU FOUQUET), cent-quatre-vingt-cinquième pape, natif de Saint-Gilles, mort à Viterbe, le 27 novembre 1268. Élu en 1265 pour

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succéder à Urbain IV, après avoir été successivement militaire, jurisconsulte, secrétaire de Louis IX, marié, père de famille, veuf, prêtre, évêque du Puy, archevêque de Narbonne et cardinal, son élévation, qu'il devait à la protection du roi de France, ne changea rien à la simplicité de ses mœurs, et n'altéra point la reconnaissance qu'il avait vouéeļà Louis IX. Il mit, par la pragmatique sanction, un terme aux différends qui régnaient entre les cours de Rome et de France. En 1267 ce pontife rejeta le projet de réformation du calendrier que lui présenta le cordelier Roger Bacon, et qui est à peu près celui que Grégoire XIII adopta depuis. Bien que Clément ait prêché et approuvé les croisades, il est certain néanmoins qu'il chercha à dissuader saint Louis de commander en personne celle qui lui fut si funeste. Quelques historiens accusent ce pape d'avoir conseillé à Charles d'Anjou la mort de Conradin, en lui envoyant une médaille sur laquelle on lisait d'un côté : « La mort de de Conradin est le salut de Charles »>, et de l'autre côté « La vie de Conradin est la perte de Charles ». Mais la plupart des historiens français rejettent cette anecdote, comme fabuleuse. Dom Martenne a recueilli quelques ouvrages et quelques lettres de ce pape dans son Thesaurus anecdot. nov., t. II. [Enc. des g.du. m.]

Martenne, Thes. anecdot., II. — Platina, Hist. de vit. pontif. Sainte-Marthe, Gall. christ. -Sismondi, Hist. des rep. ital.

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CLÉMENT V (Bertrand DE GOTH), le premier des papes d'Avignon, auteur du code des Clémentines, né à Uzeste, probablement vers 1264, mort le 20 avril 1314. Il fonda dans sa ville natale une collégiale, où il voulut être enseveli, selon son épitaphe de 1315. Uzeste est un petit bourg, voisin de Villandraut, territoire de Bazas, où, selon la même épitaphe et les historiens du pays, il fonda une autre église et un château. P. Louvet de Beauvais, dans son Histoire d'Aquitaine (1), dit positivement que dans son enfance Bertrand se rendait pieds nus d'Uzeste à Bazas (à deux lieues) pour aller étudier en cette ville; un cordonnier lui donnait gratuitement un petit local pour travailler, et il retournait tous les soirs chez lui. Mais cet historien, qui prétend que cette relation était écrite dans le chapitre de Villandraut, avoue que d'autres le croyaient gentilhomme; son père, Berard Garcias de Goth ou de Gauth, est désigné dans la chronique comme chevalier, seigneur d'Uzeste et Villandraut. Son aïeul, Arnaud Garcias de Gauth, était lui-même frère de G. Benquet, évêque de Bazas en 1166. Quoi qu'il en soit, Bertrand fut ordonné prêtre à Bordeaux, et six ans après institué évêque de Comminges par le pape Boniface VIII, en 1295. Lors des démêlés de ce pontife avec Philippe le Bel, il fut du petit nombre de ceux du clergé français qui obéirent à la sommation pontificale, et se rendit à Rome malgré la défense (1) Bordeaux, 1659, p. 112.

du roi. Il fut nommé par le même pape archevêque de Bordeaux à la fin de 1299. Lorsque le siége de Rome devint vacant, les cardinaux réunis à Pérouse, au nombre de 15 (selon Labbe; de 19 selon le procès-verbal d'élection), étaient divisés depuis onze mois; ils se réunirent dans une transaction. Ceux du parti français convinrent de laisser au parti de Boniface le choix de trois candidats, et celui-ci de laisser au parti opposé le choix d'un pape parmi eux. L'archevêque de Bordeaux fut porté sur la liste des candidats; comme on avait accordé quarante jours pour l'élection définitive, le chef du parti français écrivit à Philippe le Bel que « ce candidat était d'un caractère cupide et accommodant, et que si le roi s'entendait préalablement avec lui, son élection était assurée ». Le courrier mit onze jours pour venir de Pérouse à Paris, Philippe le Bel six jours pour aller conférer avec l'archevêque, auquel il donna un rendez-vous secret dans une abbaye, à moitié chemin sur la route d'Italie (1). Les conditions du traité furent, à ce qu'il paraît: 1o la réconciliation du roi de France avec l'Église romaine; 2o la remise des décimes ecclésiastiques pendant cinq ans, pour les besoins militaires; 3° la condannation de la mémoire de Boniface; 4o la réintégration des deux Colonna dans leurs fonctions de cardinaux, et 5o la création de cardinaux français. Il y avait une sixième clause réservée. On jura de part et d'autre avec les solennités alors usitées, et l'archevêque donna des otages. Le courrier porteur du consentement du roi rapporta la réponse au cardinal de Prat et à Napolion des Ursins, chefs du parti français, en moins de trente jours, et Bertrand de Goth se trouva élu sans difficulté : le procès-verbal de son élection, du 15 juin, lui fut porté en France; il fut proclamé le 22 juillet, dans la cathédrale de Bordeaux. Il manda aux cardinaux de se rendre à son sacre à Lyon; ce qui mécontenta beaucoup les Italiens. Le sacre eut lieu vers la fin de cette année, en présence de Philippe le Bel, qui l'accompagna à cheval, tandis que les princes tenaient les guides de sa haquenée. Il remplit de suite la plus grande partie de ses engagements, par la création de dix cardinaux français et le rétablissement des deux Colonna, en relevant le roi des excommunications prononcées par Boniface VIII, et en lui accordant les décimes dont il avait besoin.

Au commencement de 1306, il abolit les deux bulles par lesquelles son prédécesseur avait empiété sur les droits de la souveraineté temporelle (voy art. BONIFACE); au mois de juin, il manda le grand-maître de l'ordre des Hospitaliers, alors en Orient, pour conférer sur l'état des affaires en ces contrées. Cette conférence ayant été secrète, il est probable qu'il y fut question de l'or

(1) Ces détails sont empruntés aux Ann. ecclés. de Ray. naldi, contin. de Baronius. Dans un écrit récent (Saintes, 1849), l'abbé Lacurie cherche à prouver que cette entrevue est controuvée.

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dre rival, des Templiers, alors beaucoup plus puissant et plus riche, qui par son insolence s'était rendu redoutable aux princes et suspect d'hérésie ou d'infidélité à la cour de Rome.

En 1307 il se rendit à Poitiers pour conférer avec les rois de France, de Navarre et de Sicile, avec les comtes de Flandre et de Valois; il excommunia Andronic, empereur grec, adjugea la Hongrie au comte de Valois, et convoqua un concile œcuménique. Philippe insista sur la condamnation de la mémoire de Boniface, dont le procès n'était pas encore commencé, et il obtint, non sans peine, qu'une procédure fût instituée par-devant les commissaires nommés par le pape; mais Clément se réserva expressément le jugement. C'est dans cette conférence que fut concertée entre lui et Philippe le Bel la destruction de l'ordre des Templiers. Cette grande mesure était nécessitée aux yeux de la politique par l'indépendance que cet ordre religieux et militaire affectait vis-à-vis des potentats, et par le poids qu'il mettait dans la balance de leurs intérêts, au milieu des guerres si fréquentes entre eux et avec leurs vassaux; d'un autre côté, le grandmaître était jusqu'à un certain point le rival du pape. Les relations qu'ils avaient avec l'Orient et les peuples qui professaient le schisme grec et l'islamisme avaient pu les refroidir beaucoup sur la catholicité. On a découvert dans ces dernières années un coffret-templier qui révèle des signes de l'hérésie des gnostiques. La papauté et la royauté avaient donc des motifs supérieurs pour supprimer l'ordre et pour disperser ses biens, qui s'accroissaient sans cesse; mais était-ce un inotif suffisant pour brûler les templiers et leur chef, et flétrir leur mémoire à l'aide des préjugés du temps? Philippe était un prince alors bien puissant, puis qu'en vertu de ses ordres secrets, des hommes si nombreux, si considérés jusque là, appartenant pour la plupart à la noblesse, furent arrêtés en même temps dans toutes les parties de la France sans qu'il y ait eu de résistance armée. Cette mesure causa une profonde sensation en France et dans toute l'Europe, où les templiers avaient des commanderies. On possède la bulle par laquelle Clément V, à Poitiers, le 31 juillet de l'an de son pontificat, c'est-à-dire en 1308 (1), donne mission à quatre évêques et à trois autres commissaires, non compris un notaire apostolique, de se rendre à Sens, pour y informer contre les templiers. Dans cette bulle il est exposé que, tant avant son couronnement à Lyon (en 1305) que depuis, des révélations lui avaient été faites sur les crimes commis par le grand-maître, les précepteurs et membres de l'ordre, et par l'ordre lui-même, soit par apostasie, soit par sodomie. Le pape ne put d'abord y croire ;

(1) Procès des Templiers, publié par M. Michelet, t. Ier, p. 2-7, 1841, in-4o, d'après les pièces officielles. Cette bulle est sans doute l'original de l'ampliation datée de Toulouse, 3 des calendes de janvier, e anniv. du pontif., publiée par Raynaldi, p. 41.

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mais le roi Philippe, auquel des révélations semblables avaient été portées, et qui avait fait saisir leurs personnes, d'ailleurs sans aucune vue sur leurs biens, dont il avait laissé le dépôt et l'administration à l'Église, lui avait communiqué ses informations. L'infamie de ces templiers avait transpiré. Clément lui-même avait reçu, mais sous le sceau du secret, des aveux d'un templier de grande noblesse; dans ces aveux, il avait été déposé qu'à leur réception les chevaliers niaient la divinité de J.-C., crachaient sur la croix, et se livraient les uns envers les autres à des actes de libertinage. D'après cet aveu, le pontife se croyait obligé d'agir, et de céder à la clameur publique, d'autant plus qu'elle était appuyée par le roi, les ducs, comtes, barons et membres du clergé, et par le peuple, qui se fondaient sur d'autres confessions, attestations et dépositions du grand-maître, de plusieurs précepteurs et chevaliers, reçues par les prélats et inquisiteurs, et rédigées par écrit : il avait entendu lui-même jusqu'à soixante-douze membres de l'ordre, sous la foi du serment, en présence de plusieurs cardinaux, ses assesseurs, et quelques jours après il avait fait lire leurs aveux dans un consistoire public, en présence des inculpés. Ceux-ci y avaient persisté, et des enquêtes avaient été ordonnées soit par le saint-siége, soit par le grand-maître de France et d'outre-mer, en Normandie, en Aquitaine et en Poitou. Plusieurs ayant excipé de leur impuissance à se rendre à Poitiers, Clément avait, indépendamment des procédures suivies par l'inquisiteur de France, délégué trois de ses cardinaux pour entendre les absents et promettre le pardon à ceux qui feraient humblement leur soumission. Il atteste que les trois cardinaux et les quatre notaires assistants, avec d'autres citoyens honorables, ont reçu des aveux spontanés, sous la foi du serment, confirmatifs des mêmes impuretés, sacriléges et hérésies,

que

les pénitents ont reçu leur absolution. Mais à cause de la diffusion de l'ordre, cela ne suffisait pas; et il fallait continuer l'enquête pour laquelle il autorise ses nouveaux commissaires à requérir l'assistance du bras séculier, et à procéder, soit au nombre de sept, six ou cinq, soit même au nombre de deux, pourvu que ce soient des prélats. La copie des enquêtes remise aux archives pontificales n'est pas connue, et on n'a encore publié que les deux premiers volumes de la copie française, que M. Michelet croit authentique, en promettant au public la publication de tous les documents renfermés aux Archives de France. C'est la plus ancienne et la plus considérable procédure que l'on connaisse. Elle renferme la copie d'autres bulles confirmatives de la première, datées d'Avignon, l'une du 6 mải 1309, deux du 22 Inai 1309, an Iv du pontificat. Quelques-uns des commissaires se désistèrent. On sait qu'en mai 1310 le synode de Sens condamna cinquantequatre chevaliers, et qu'ils furent immédiatement brûlés, pendant que la procédure se poursuivait

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à Paris, où elle avait été transportée. Le procèsverbal porte la trace d'une suspension de l'instruction, dans laquelle figure l'interrogatoire du grand-maître et de deux cent trente-un chevaliers ou servants, devant les commissaires pontificaux; plusieurs, et des plus notables, s'étaient rétractés et s'excusaient sur l'atrocité des tortures qu'on leur avait fait subir. On sait que cette procédure se prolongea, et que le grand-maître, J. de Molay, qui à son retour en France avait été reçu avec de grands honneurs à la cour, fut brûlé, l'ordre, qui protestèrent de leur innocence. le 18 mars 1314, avec d'autres dignitaires de

C'est dans le cours de ce procès, et dès 1308, que Clément fixa sa résidence à Carpentras et à Avignon. Il ne faut pas oublier qu'alors la France s'arrêtait aux portes de Lyon, et que l'archevêque de cette ville élevait des prétentions même au partage de la souveraineté, qui ne furent condamnées par Clément V qu'à la fin de son pontificat. La Provence et le Dauphiné étaient, aussi bien que le pays Venaissin, dans des mains étrangères, de sorte que la papauté y était aussi libre qu'en Italie. Clément résista quand il le voulut à Philippe le Bel, et notamment après avoir, par une bulle de l'an Iv de son pontificat, ouvert le procès à la mémoire de Boniface VIII. Il finit par l'acquitter, et le déclarer intact de tout retoyable envers les hérétiques; car non-seuleproche d'hérésie (1311). Clément était impibian et autres, accusés d'incontinence et de ment il fit brûler en Lombardie le moine Duviolation de leurs vœux, mais, en 1308, il fit écarteler comme complice, une femme Margarita, et brûler ses os, d'après une procédure dirigée par l'évêque de Verceil.

Il publia, sur la demande de l'empereur Henri, roi des Romains, une bulle pour la cérémonie du sacre; il y inscrivit l'obligation de l'empereur de baiser les pieds du souverain pontife (19 juin 1311, an vi de son pontificat). Il avait aussi délié le roi d'Angleterre pour l'obligation que ce prince avait contractée de respecter les libertés de son pays. Enfin, le pape prit sur lui d'abolir l'ordre des Tempiers par une bulle de propre mouvement, délibérée dans un conseil secret de cardinaux; il notifia cette bulle au concile dans sa seconde session, en 1312, en présence de Philippe le Bel, qui sans doute l'avait porté à cette résolution. Cette bulle reçut son exé– cution parce qu'elle était nécessaire. Les biens des Templiers furent transférés à l'ordre des partie, pour le couvrir des frais de procédure. La Hospitaliers; mais Philippe en retint une bonne constitution de Clément V sur cette abolition est à-dire le 6 mai 1311. L'ordre des Templiers, qui datée du 6 mai de l'an vi de son pontificat, c'estavait cent quatre-vingt-quatre ans d'existence, n'aquoi, dit Walsingham, écrivain contemporain (1), vait pas été défendu devant le concile. C'est pour

(1) Apud Raynaldi, p. 546, t. XXIII.

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