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une inscription en ancien chinois. On remarquait aussi d'autres caractères tout à fait étrangers à la Chine. Cette découverte excita l'attention des mandarins et de la population de la contrée. La pierre fut exposée en public et visitée par une foule de curieux. Plusieurs missionnaires jésuites, répandus à cette époque dans les missions de la Chine, allèrent l'examiner. Le P. Alvarès Sémédo en prit connaissance le premier, puis vinrent les PP. Martin Martini, auteur de l'Atlas chinois, et Michel Boym, Polonais, qui en entreprit l'interprétation avec l'aide d'un lettré chinois.

A la nouvelle de cette curieuse découverte, le gouvernement de Péking fit demander une copie de l'inscription, et l'empereur donna ordre que l'original fût placé, comme monument, dans une pagode célèbre, à un quart de lieue de Si-ngan-Fou, où sans doute on pourrait encore la retrouver (1). Plusieurs copies, calquées exactement sur la pierre, furent envoyées en Europe par des jésuites qui se disaient témoins oculaires de toutes ces choses. La bibliothèque de leur maison, à Rome, posséda de bonne heure une de ces copies, qui attira de nombreux visiteurs, et plus tard une autre copie authentique, dans les dimensions du monument, fut envoyée à Paris et déposée à la bibliothèque de la rue Richelieu, où on peut la voir encore aujourd'hui dans la galerie des manuscrits.

Ce monument, retrouvé par hasard parmi des décombres, aux environs d'une ancienne capitale de l'empire chinois, excita un grand émoi dans le monde. Car en examinant cette pierre, en cherchant à expli

(1) Durant notre résidence à Péking plusieurs Chinois de nos amis nous ont assuré avoir vu l'inscription dans cette pagode

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quer l'inscription on apprit, avec surprise, que la religion chrétienne avait eu de nombreux apôtres en Chine au commencement du septième siècle et qu'elle y avait été longtemps florissante. Les caractères étrangers se trouvèrent être des caractères estranghélos dont se servaient les anciens Syriens (1). Une semblable découverte était bien faite pour déconcerter un peu les esprits. On était habitué à croire que la Chine avait toujours été séparée de tout contact avec les peuples de l'Occident, et lorsqu'en 1583 le P. Ricci y eut annoncé la bonne nouvelle de l'Évangile, on était persuadé aussi que c'était la première fois que le nom de Jésus était prononcé sur cette terre séquestrée du reste des humains. Mais voilà que Dieu fait sortir des entrailles de la terre comme une voix de l'antiquité, proclamant que le christianisme a été prêché dès le commencement aux peuples même les plus éloignés du centre de la catholicité, que la lumière a lui en temps opportun aux yeux des Chinois et que, s'ils sont encore dans les ténèbres, ils n'ont pas à se plaindre de la Providence.

Il est dit sur la pierre monumentale retrouvée à Singan-Fou qu'un religieux nommé Olopen, homme d'une éminente vertu, vint en 635 du Ta-Thsin ou empire romain à Si-ngan-Fou. L'empereur envoya ses officiers au-devant de lui jusqu'au faubourg occidental, le fit introduire dans son palais et ordonna qu'on traduisit les saints livres qu'il avait apportés. Ces livres ayant été examinés, l'empereur jugea que

(1) Le caractère antique dit estranghelo était consacré aux inscriptions et usité dans la plupart des manuscrits syriaques avant le huitième siècle. Il en était de même du caractère coufique chez les Arabes.

la doctrine en était bonne et qu'on pouvait les publier. Le décret qu'il donna en cette circonstance est cité dans l'inscription. On y dit, à la louange de la doctrine enseignée par Olopen, que la loi de vérité, éclipsée à la Chine au temps de la dynastie des Tcheou, et portée dans l'occident par Lao-Tze, semble revenir à sa source primitive, pour augmenter l'éclat de la dynastie régnante. Cette doctrine proclame qu'Aloho, c'est-à-dire Dieu en langue syrienne, créa le ciel et la terre, et que, Satan ayant séduit le premier homme, Dieu envoya le Messie pour délivrer l'humanité du péché originel; qu'il naquit d'une Vierge dans le pays de Ta-Thsin et que des Persans vinrent l'adorer, afin que la loi et la prédiction fussent accomplies...... Les caractères syriaques formant quatrevingt-dix lignes contiennent les noms des prêtres syriens qui étaient venus en Chine, à la suite d'Olopen.

Tel est le sommaire le plus succinct de l'inscription de Si-ngan-Fou. Cependant, comme le but de notre travail est de recueillir tous les documents qui ont rapport à l'introduction et à la propagation du christianisme dans la haute Asie, nous donnerons une traduction complète de ce curieux monument, qui, à l'époque où il fut découvert, excita en Europe les controverses les plus passionnées. Nous espérons que notre traduction sera aussi fidèle que peut le permettre l'extrême concision de la langue chinoise. Nous y avons travaillé en ayant sous les yeux le texte chinois conservé à la Bibliothèque impériale, et de plus nous nous sommes aidé de diverses traductions qui ont été déjà faites.

Le préambule de l'inscription est surmonté de la

figure d'une croix gravée dans la pierre, semblable

à la croix des chevaliers de Malte et à celle retrouvée · dans le tombeau de saint Thomas aux Indes.

II.

« Monument de la vaste propagation

« de la doctrine lumineuse dans l'empire du Milieu, composé par Khing-Tsing, religieux du temple « de Ta-Thsin.

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I.

« Il y a toujours eu un principe unique, vrai, solitaire, essentiellement premier et sans origine, souverainement intelligent et immatériel, essentiellement le dernier et réunissant toutes les perfections. Il a ordonné les pôles des cieux et accompli toutes les créations. Merveilleusement saint, il est la source de toute perfection. Cet être admirable n'est-ce pas l'UnitéTrine, le véritable Seigneur, sans origine, Oloho (1) ?

«.. Il a divisé par une croix les quatre parties du monde. Après avoir décomposé l'air primordial, il a donné naissance aux deux éléments (2). Le chaos a été transformé, et alors le ciel et la terre ont apparu. Il a fait mouvoir (3) le soleil et la lune pour

(1) Ce nom, étranger à la Chine, est évidemment une transcription d'Eloha, nom du véritable Dieu en langue syriaque.

(2) Le yn et le yang qui jouent un si grand rôle chez les philosophes chinois.

(3) L'astronomie moderno a prouvé que c'est le mouvement du soleil

produire le jour et la nuit. Il a élaboré et perfectionné les dix mille choses (1); mais en créant le premier homme il le doua d'une parfaite harmonie intérieure. Il lui enjoignit de surveiller la mer de ses désirs. Sa nature était sans vice et sans erreur. Son cœur simple et pur était originellement sans appétits déréglés.

11.

Mais Sa-Than répandit le mensonge et souilla par sa malice ce qui était pur et saint. Il proclama comme une vérité l'égalité (2) des grandeurs et bouleversa toutes les notions. C'est pourquoi trois cent soixante-cinq (3) sectes, se prêtant un mutuel appui, formèrent une longue chaîne et tissèrent comme un filet de lois. Les uns placèrent les créatures à la place de l'Éternel; les autres nièrent l'existence des êtres et détruisirent les deux principes. D'autres instituèrent des prières et des sacrifices pour évoquer le bonheur. D'autres affichèrent la sainteté pour tromper les hommes. Les esprits étaient en travail et pleins de sollicitude. Les aspirations vers le souverain bien furent refoulées. Ainsi perpétuellement flottants, ils n'aboutirent à rien; tout alla de mal en pis (4). Les ténèbres s'épaissirent,

les

qui entraîne celui de la terre. Il serait curieux que l'auteur de l'inscription ait eu connaissance de cette vérité.

(1) Wan-ou, dix mille choses, expression qui désigne en chinois l'universalité des êtres créés.

(2) Il nous a semblé que dans ce passage assez obscur l'auteur de l'inscription a voulu désigner le panthéisme indien et chinois.

(3) Ce chiffre, qui correspond au nombre des jours de l'année, exprime dans le génie de la langue chinoise une grande multitude, une série non interrompue.

(4) Littéralement le bouilli tourna en rôti,

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