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en l'âme universelle qui est lui-même. Il avait alors quatre-vingts ans. Avant de dire le dernier adieu à ses disciples, il prédit que le règne de sa doctrine serait de cinq mille ans; qu'au bout de ce temps apparaîtrait un autre Bouddha, un autre homme dieu, prédestiné depuis des siècles à être le précepteur du genre humain. D'ici à cette époque, ajouta-t-il, ma religion sera en butte à des persécutions, mes fidèles seront obligés de quitter l'Inde pour se retirer sur les plus hautes cimes du Thibet, et ce plateau, du haut duquel l'observateur domine le monde, deviendra le palais, le sanctuaire et la métropole de la vraie croyance.

Le caractère dominant du bouddhisme est un esprit de douceur, d'égalité et de fraternité, qui contraste avec la dureté et l'arrogance du brahmanisme. D'abord Chakia-Mouni et ses disciples cherchaient à mettre à la portée de tout le monde des vérités qui étaient auparavant le partage des classes privilégiées. La perfection des brahmanes était, en quelque sorte, égoïste: la religion n'était que pour eux. Ils se livraient à de rudes pénitences pour partager dans une autre vie le séjour de Brahma. Le dévouement de l'ascète bouddhiste était plus désintéressé. N'aspirant pas à s'élever seul, il pratiquait la vertu et s'appliquait à la perfection pour en faire partager le bienfait aux autres hommes. En instituant un ordre de religieux mendiants, qui prit bientôt des accroissements prodigieux, Chakia attirait à lui et réhabilitait les pauvres et les malheureux. Les brahmanes se moquaient de lui, parce qu'il recevait au nombre de ses disciples les misérables et les hommes repoussés par les premières classes de la société indienne. Mais il se contentait de

répondre Ma loi est une loi de grâce pour tous... Un jour les brahmanes se scandalisaient de voir une fille de la caste inférieure des Tchandala reçue comme religieuse. Chakia dit : « Il n'y a pas entre un brahmane <«<et un homme d'une autre caste la différence qui «<existe entre la pierre et l'or, entre les ténèbres et « la lumière. Le brahmane, en effet, n'est sorti ni « de l'éther ni du vent. Il n'a pas fendu la terre pour paraître au jour comme le feu qui s'échappe du « bois de l'Arani. Le brahmane est né du sein d'une femme tout comme le Tchandala. Où vois-tu donc «la cause qui ferait que l'un doit être noble et l'autre « vil? Le brahmane lui-même, quand il est mort, est << abandonné comme un objet vil et impur. Il en est « de lui comme des autres castes; où est alors la dif« férence (1)? »

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Les systèmes religieux du bouddhisme et du brahmanisme se ressemblent beaucoup. Les persécutions acharnées que les bouddhistes ont éprouvées de la part des brahmanes, doivent être attribuées moins à des divergences d'opinions sur le dogme qu'à l'admission de tous les hommes, sans distinction de castes, aux fonctions sacerdotales et civiles et aux récompenses futures. L'empire du brahmanisme tenant essentiellement à la hiérarchie des castes, on a dû traiter en ennemis les réformateurs qui avaient proclamé l'égalité des hommes en ce monde et dans l'autre. Ces persécutions furent longues et d'une violence extrême. A en croire les livres et les traditions bouddhistes, le nombre des victimes serait incalculable. Enfin, vers le sixième siècle de

(1) Eugène Burnouf, Introduction à l'histoire du bouddhisme, tom. Ier.

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LES PAPES ET LES KHANS TARTARES.

notre ère, le brahmanisme obtint une victoire décisive sur les partisans de la religion nouvelle. Ceux-ci, expulsés de l'Hindoustan, furent forcés de franchir les Himalaya, et se répandirent en foule dans le Thibet, la Boukharie, la Mongolie, la Chine, le pays des Birmans, le Japon et même à Ceylan. La propagande qu'ils ont exercée dans toutes ces contrées a été tellement active, que le bouddhisme compte encore aujourd'hui plus de sectateurs qu'aucune autre croyance religieuse.

CHAPITRE IX.

I. Koubilai-Khan favorise les chrétiens. Il envoie les Vénitiens Polo au souverain pontife. — Les deux Vénitiens retournent en Chine accompagnés du jeune Marco-Polo. Leur voyage. Séjour de Marco-Polo Son retour à Venise. — II. Coup d'œil sur la relation de Ses renseignements sur le christianisme en Chine.

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en Chine. Marco Polo.

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III. Apostolat de Jean de Monte-Corvino. Ses lettres aux religieux de son ordre. Persécutions qu'on lui suscite. - IV. Clément V envoie sept évêques en Chine. — Ils sacrent Monte-Corvino archevêque de Péking. Une dame arménienne fait construire une belle église à Han Tcheou-Fou. Lettre d'André de Pérouse.-V. Nombreux mis

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sionnaires en Chine. Odéric de Frioul. Son voyage des Indes en Chine avec les ossements de quatre martyrs. Son apostolat en Chine. En Tartarie. - Au Thibet. Son retour à Pise. Récit de sa mort.

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Koubilaï-Khan ayant trouvé le bouddhisme généralement répandu parmi les populations de son vaste empire, jugea à propos de l'embrasser lui-même et d'accorder aux lamas une protection toute particulière. Cependant, son zèle pour la religion de Bouddha ne l'empêcha pas de respecter et de traiter favorablement les cultes des chrétiens, des mahométans et des juifs. Les jours où les chrétiens célébraient leurs grandes fêtes, il les faisait venir en sa présence, et baisait dévotement le livre des Évangiles, après l'avoir fait encenser. Il disait qu'il y avait quatre grands prophètes révérés par les nations: Jésus-Christ, Mahomet, Moïse

et Chakia-Mouni; qu'il les honorait tous quatre également et qu'il invoquait leur céleste assistance.

Cet amalgame de toutes les croyances était du reste conforme aux institutions de Tchinguiz-Khan et aux habitudes de la plupart des empereurs chinois. Non content d'accorder asile et protection à tous les cultes et à toutes les croyances, Koubilaï, bien différent des souverains de la dynastie mantchoue, accueillait avec bienveillance dans son vaste empire tous les étrangers de l'Europe et de l'Asie. Le plus célèbre de ces voyageurs qui visitèrent la Chine au treizième siècle, est assurément Marco-Polo, dont la curieuse. relation contient quelques détails sur l'état du christianisme dans l'extrême Orient.

Le commerce, qui était la source de la prospérité des Vénitiens, avait attiré à Constantinople, vers l'année 1250, Nicolao et Matteo- Polo. Tous deux se rendirent, en 1256, près du khan des Tartares qui occupaient les rives du Volga; mais la guerre qui survint entre ces peuples nomades les obligea l'un et l'autre à quitter précipitamment les États de Barka, où ils s'étaient arrêtés, et ils passèrent à Bokhara, vers le sud-est de la mer Caspienne. Leur commerce les retint pendant trois ans dans cette contrée; ils étudièrent la langue et les mœurs des Tartares, et se joignirent ensuite à une ambassade qui se rendait en Chine. Ils mirent plus d'un an avant d'arriver à Khanbalik (Péking), où résidait l'empereur Koubilaï. Ce souverain, qui aimait les étrangers, les fit traiter avec distinction. Il les questionna beaucoup sur les princes qui régnaient en Europe, sur les mœurs et les coutumes des peuples qu'ils avaient visités; il leur parla

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