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1667-1669 l'abbé de Choisy 68 nous a racontées en détail, prédit Et. 46-48 assez clairement au duc d'Albret, dans les vers précédents, qu'il obtiendroit cette haute dignité; le duc

pour

le cardinal de

d'Albret reçut en effet le chapeau de cardinal, le 4 Sizain août 1669, et La Fontaine, dans les six vers qu'il lui adressa aussitôt, semble regarder comme naturel en lui ce don de prophétiser.

Bouillon.

Deuxième partie des Contes

De votre dignité je ne suis point surpris;

S'il m'en souvient, seigneur, je crois l'avoir prédit.

Cependant La Fontaine avoit fait paroître un nou

et Nouvelles veau recueil de contes en 1667 ou 1666, en promettant

en vers. 21janvier 1666.

en Hollande,

en 1668.

>>

dans sa préface, « que ce seroient les derniers ouvrages de cette nature qui partiroient de ses mains; promesse qu'il a toujours renouvelée depuis toutes Réimprimée les fois qu'il la rompoit. Le succès de ce nouveau recueil surpassa encore celui du premier 9; on le réimprima l'année d'après en Hollande, en y ajoutant la dissertation sur Joconde, et une partie du conte de la Coupe enchantée, que les éditeurs s'étoient procuré en manuscrit, et qui n'étoit point terminé ceci força La Fontaine de publier encore une nouvelle édition de ses Contes, l'année d'ensuite, en y ajoutant la dissertation sur Joconde et le conte imparfait de cette Coupe enchantée qu'il a depuis Contes et fini tout autrement que dans cette édition ; et comme cers. Edit. de dans une note de cette même édition il prenoit l'en

Nouvelles en

1669.

1

gagement de terminer ce conte, on voit par là que les
promesses qu'il avoit faites de ne plus en écrire,
s'étoient bien promptement effacées de sa mémoire.
Mais déjà, et dès l'année 1668, La Fontaine avoit

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t. 46-48 Fables choi

sies mises en vers.

mars 1668.

donné ses Fables choisies, mises en vers, en un vo- 1667-1669 lume in-4° imprimé avec luxe et accompagné des figures dessinées et gravées par Chauveau7°. Ce Recueil de fables qui contenoit les six premiers livres, est dédié au Dauphin, et on voit par le commencement de la préface que plusieurs des apologues qu'il renferme, ainsi que nous l'avons déjà remarqué pour les contes, avoient été publiés séparément avant qu'on en formât un volume".

Il est nécessaire de nous arrêter un instant sur celui-ci 72. Les petites narrations dont il se compose, variées comme les productions de la nature qu'on y fait agir et parler, renferment les conseils de la plus haute sagesse, et brillent de l'éclat et des richesses de la poésie: elles assurèrent à La Fontaine le rang élevé qu'il occupe sur le Parnasse français. En effet, c'est surtout par ses fables qu'il a mérité, selon l'heureuse expression de d'Olivet, que sa mémoire fût placée sous la protection des honnêtes gens.

De l'Apoloplus aps

gue, depuis

ciens tcmps

jusqu'a des

Tout le monde sait que l'ingénieuse idée d'instruire les hommes, et de leur inculquer les principes de la morale et les vérités utiles à leur bonheur, par récits allégoriques, est attribuée à Esope, qui vivoit environ 620 ans avant Jésus-Christ, et habita la cour de Crésus, roi de Lydie. Ce qui a fait présumer à quelques savants, qu'Esope a pu emprunter cette invention aux Orientaux, attendu que les Lydiens, ainsi que les autres peuples de l'Asie-Mineure, faisoient un grand commerce avec les Assyriens, alors maîtres de tout l'Orient 73. Le livre de Calila et Dimna,

Fontaine.

Esope.

1667-1669 ou les Fables de Bidpaï, qui sont aujourd'hui si Æt. 46-48 répandues en Asie, paroissent être originaires de Bidpa. l'Inde. Quant à Loqman, que l'on a voulu faire consi

dérer comme le même personnage qu'Esope, un saLoqman. vant orientaliste a très-bien démontré que les fables attribuées à cet auteur, transplantées de l'Inde ou de la Grèce sur le sol d'Arabie, n'y ont été connues que long-temps après Mahomet, et sont postérieures au septième siècle de l'ère chrétienne 74. Nous n'avons rien de certain sur Esope, que le peu qu'en dit Hérodote, qui vivoit soixante et dix-sept ans seulement après lui 75. La vie d'Esope, que La Fontaine a mise à la tête de ses Fables, est traduite ou plutôt abrégée, du moine Planude, qui l'a écrite en grec au quatorzième siècle. Ce n'est qu'un mauvais roman, plein de contes puérils. La Fontaine dit que Planude vivoit dans un siècle, où la mémoire des choses arrivées à Esope n'étoit pas encore éteinte, et qu'il a pu savoir par tradition ce qu'il a laissé; cela prouve que notre fabuliste n'avoit pas beaucoup d'érudition, ni de grandes connoissances en chronologie; car, entre Esope et le moine Planude, il y a un intervalle de dix-huit siècles et demi. Il est assez probable qu'Esope n'écrivit point ses fables; mais la tradition les conserva, et on commença de bonne heure en Grèce à s'en emparer, pour les arranger en prose et en vers: on en forma différents recueils. Celui qui de tout temps avoit servi aux Romains, étoit en grec et en vers; il paroît avoir été composé par Babrias 76. Sénèque conseille à une personne de

Babrias.

Avienus Aphtone, Au

sone.

France.

la cour de Claude, d'en donner une version latine; 1667-1669 et Quintilien veut qu'en donnant à lire les fables de ce Æt. 46-48 recueil aux enfants, on leur fasse rompre la mesure des vers, afin de les mettre en état de les redire naturellement et d'eux-mêmes ". Ainsi, dans tous les temps, ces ingénieux récits furent considérés comme propres à l'instruction de l'enfance, aussi bien qu'à celle des hommes faits, qui ne sont le plus souvent que de vieux enfants. Postérieurement, et durant la décadence du grand empire des Romains, on ne manqua pas de fabulistes soit grecs, soit latins: Avienus, Aphtone, Ausone parurent successivement 78. Dans les âges obscurs de la langue Marie de romane, une femme, Marie de France, se distingua par un recueil intéressant de fables en vers, qu'elle annonce avoir été traduites de l'anglais 79; transmigration singulière, qui prouve des relations littéraires peu connues entre les deux pays à cette époque, c'est-à-dire au treizième siècle. Mais l'histoire de la littérature anglaise, dans ces temps reculés, est en grande partie ensevelie dans des manuscrits, que n'ont point lus les modernes, et elle est moins connue que la nôtre. En Italie, Faerne et Verdizotti, l'un en latin, l'autre en italien, écrivirent d'intéressants recueils de fables: toutefois, l'utilité, plus que le talent de leurs auteurs, recommandoit tous ces ouvrages; et tous ne paroissoient que l'ouvrage d'Esope sous diverses formes. Nulle gloire ne contre-balançoit celle de l'inventeur primitif.

Mais il n'en fut pas ainsi d'un auteur latin, qui,

Faerne et Verdizotti.

Æt.

1667-1669 resté pendant des siècles tout-à-fait inconnu, fut El. 46-48 exhumé par Pithou, de sa bibliothèque, lors de la renaissance des lettres en Europe. Je veux parler de Phèdre. Phèdre. Il est étonnant qu'aucun des anciens qui nous restent, ne l'ait cité. Quoi qu'il en soit, lorsque ses fables furent publiées, les meilleurs critiques s'accordèrent à dire que Phèdre, par son élégance, sa pureté, sa précision, avoit atteint la perfection en ce genre. La Fontaine pensoit ainsi, et peut-être avoitil raison. Fontenelle dit que La Fontaine ne se considéroit comme inférieur à Phèdre, que par bêtise. Ce mot est plus gai et plus spirituel que juste. Si l'on avoit à donner, dans un art poétique, des préceptes pour la composition des fables, l'ouvrage de Phèdre seroit un modèle plus classique que celui de La Fontaine, et on en tireroit une théorie plus exacte et plus vraie pour tracer les règles de ce genre de poésie. Cependant, comme dit quelque part La Fontaine, il est bon de s'accommoder à son sujet, mais il vaut encore mieux s'accommoder à son génie : le sien étoit tellement original et d'une telle trempe,

qu'en empruntant des apologues à tous les auteurs La Fontaine, dont nous venons de parler, et en les mettant en vers, il fit de la fable, considérée de son temps comme peu digne d'exercer le talent d'un poëte, un genre tout nouveau, tellement vaste et varié, qu'il embrassoit tout le cercle des idées humaines, depuis les plus hautes spéculations de la philosophie, jusqu'aux plus humbles préceptes de la vie commune; et qu'il s'approprioit tous les styles

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