duchesse de Guise, sœur de Mile de Montpensier; 1664-1667 elle fit sortir du couvent Mile Poussay, qui étoit des- Æt. 43-46 tinée à être religieuse, et la mena avec elle à la cour: alors une nouvelle beauté y devenoit, sur-le-champ, l'objet de l'attention générale. Mile Poussay eut aussitôt ses partisans et ses détracteurs 58. Mlle de Montpensier avertit un jour le roi, qui ne l'avoit pas vue encore, qu'elle alloit passer avec la duchesse de Guise. «Je vous remercie, lui dit le roi, Ce qu'il dit » de m'avoir prévenu; j'aurai soin de m'appuyer selle Poussay. >> contre la muraille, car on m'a persuadé qu'il me seroit impossible de voir cette surprenante beauté, >> sans m'évanouir. » « Cette manière de raillerie, dit Mademoiselle, me fit connoître qu'on lui avoit parlé de cette fille chez La Vallière, chez laquelle Mme de Montespan commencoit à aller 59. » Mile de Guise, qui gouvernoit son frère, craignant qu'il ne devînt amoureux de Mlle Poussay, si elle restoit auprès de la duchesse de Guise, contraignit sa mère de se retirer, avec sa fille, au Luxembourg, auprès de Mme la duchesse douairière d'Orléans, dont elle étoit aussi dame d'atour. C'est alors seulement que Sonnet pour La Fontaine vit Mile Poussay, et c'est pourquoi il Poussay. dit dans son sonnet : J'étois libre, et vivois content et sans amour, Ce sonnet est fort médiocre; mais il rappelle des circonstances, qui ne sont pas sans intérêt pour l'histoire de ces temps, et pour la connoissance Mademoiselle Æt. 46-48 1667-1669 des sociétés dans lesquelles notre poëte étoit admis. C'est vers cette époque que La Fontaine paroît La Fon- avoir obtenu, par l'entremise de ses puissants amis, une charge de une charge de gentilhomme chez MADAME, Henriette d'Angleterre, première femme de MONSIEUR. taine obtient gentilhomme chez MADAM K. Il falloit bien que, malgré ses distractions et ses bizarreries, La Fontaine fût agréable aux grands, car ils le recherchoient. Mauricette Febronie de La Tour, sœur du duc de Bouillon, avoit épousé, à Châ– teau-Thierry, le prince Maximilien de Bavière le 28 avril 1668. Lorsqu'elle fut partie, elle voulut que La Fontaine lui écrivît les nouvelles du temps: il le fit en homme répandu dans le grand monde, et parfaitement bien instruit de tout ce qui se passoit, Epitre à la dans une lettre en vers qu'il lui adressa en juillet Baviere, 1669. 1669 62, qui, pour être bien comprise, a besoin de princesse de quelques éclaircissements. Jean Casimir, roi de Pologne, venoit de renouveler l'exemple de la reine Christine : fatigué des embarras du gouvernement, il s'étoit retiré à Paris où le roi lui donna l'abbaye Saint-Germain-desPrés 63. Toute l'Europe étoit en rumeur pour l'élection d'un roi de Pologne ; chaque puissance cherchoit à en faire un, et répandoit de l'argent pour cet effet. Les esprits Font tantôt accorder le prix De tout côté fait embarras. Nos historiens nous disent bien que le duc de Neubourg, le prince Charles de Lorraine, et le prince de le czar Condé, étoient des concurrents pour cette couronne; 1667-1669 mais la lettre de La Fontaine, d'accord avec les mé- t. 46-48 moires du temps, nous apprend aussi que de Russie s'agitoit pour l'obtenir 64: sur quoi La Fontaine, faisant part à la princesse des raisonnements des politiques d'alors, dit : Quant à Moscou, nous l'excluons, Mais, avant de terminer sa lettre, La Fontaine apprend que Ces messieurs du Nord font la nique A toute notre politique; et qu'ils ont choisi un roi, dont le nom est en ski: c'étoit Michel Konibut Wiénowski, qui fut élu le 19 juin 1669. La Fontaine, regrettant avec raison l'argent qu'on a dépensé pour cet objet, ajoute avec beaucoup de bon sens : Je crois qu'en paix Dans la Pologne désormais La Fontaine donnè aussi à la princesse des nouvelles de tous ses frères; elle en avoit cinq, et il n'en oublie aucun. Mais, pour bien comprendre ce qu'il dit à ce sujet, il faut se rappeler qu'alors, pour nous servir des expressions mêmes de La Fontaine, Mahomet étoit en guerre avec Saint-Marc. Les Turcs, après avoir bloqué Candie pendant huit ans, l'assié 1667-1669 geoient avec une armée de trente mille hommes. étoit considérée comme le boulevard de la chré- Que Saint-Marc souffre dans sa terre, C'étoient les deux plus jeunes, Constantin Ignace, Puisqu'en parlant de ces matières Le chambellan étoit Godefroi Maurice de La Tour duc de Bouillon, l'aîné de tous les Bouillons, le mari de Marianne Mancini, protectrice de notre poëte; il avoit été revêtu, en 1658, de la charge de grand chambellan : après avoir accompagné le roi, en 1668, à la conquête de la Franche-Comté 67, il s'étoit retiré dans ses terres, où il s'amusoit à la C P S L ~', ' chasse. La paix d'Aix-la-Chapelle avoit été conclue 1667-1669 le 2 mai de cette même année, et voilà pourquoi La Et. 46-48 Fontaine, qui espéroit qu'elle seroit durable, dit: Courir des hommes, je le gage, S'il lui plaît, d'une ombre de guerre. Ce prince a, dans Château-Thierry, C'est Frédéric Maurice de La Tour, comte d'Auvergne, dont il est ici question, le second des Bouillons par rang d'âge. Ensuite La Fontaine fait un pompeux éloge du troisième avec lequel il étoit lié, et qui étoit connu sous le nom de duc d'Albret. Son bel esprit, ses mœurs honnêtes Qu'enfin je m'en contenterai. Cet oncle étoit le grand Turenne, qui aimoit notre poëte, et qui, ainsi que nous le verrons, fournit à sa Muse d'heureuses inspirations. Le duc d'Albret, dans le moment même où La Fontaine écrivoit, se servoit avantageusement, et très-habilement, du crédit de son oncle pour obtenir le cardinalat. La Fontaine, qui probablement avoit quelque connoissance des intrigues qui avoient lieu à ce sujet, et que |