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1664-1667 castes privilégiées; les idées mystiques, et l'extrême Æt. 43-46 crédulité, qu'avoient fait naître dans les esprits les

fausses interprétations des dogmes du christianisme: la multiplicité des ordres monastiques; les richesses et la puissance toujours croissantes des prêtres: toutes ces causes réunies produisirent des habitudes et des mœurs entièrement différentes de celles de l'antiquité, et donnèrent à la littérature grossière de nos ancêtres un caractère tout particulier. Ce n'étoient plus ces réunions de plusieurs peuples rivaux et alliés, qui, sous un beau ciel, et sous de délicieux ombrages, considéroient avec enthousiasme la course rapide des chars, ou la lutte des athlètes; ou qui écoutoient avec délices un Homère, célébrant les héros des temps passés; un Pindare, chantant la gloire des vainqueurs aux Jeux Olympiques; un Hérodote, racontant en prose simple, mais élégante et harmonieuse, les révolutions des Etats, et les merveilles des contrées lointaines qu'il avoit parcourues. Les citoyens d'une ville entière ne se réunissoient plus dans de vastes amphithéâtres, pour applaudir aux compositions dramatiques d'un Eschyle, d'un Sophocle et d'un Euripide. Les villes d'Europe, dans le moyen âge, n'étoient peuplées que de serfs et de misérables prolétaires, qui se trouvoient dans la dépendance absolue des seigneurs. Ceux-ci, uniquement occupés de chasse et de guerre, vivoient, retirés dans leurs châteaux, où les rigueurs de la saison les forçoient de se renfermer une grande partie de l'année.

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des des Saints

mièrès productions de la

De là, naquit le goût pour les contes et les récits 1664-1667 propres à émouvoir l'imagination, et à tromper t. 43-46 l'ennui d'une longue et solitaire oisiveté. D'abord, ces récits prirent la teinte dévote et mystique de ces temps on falsifia toutes les annales des siècles passés, pour les accommoder à la croyance religieuse; on chargea l'histoire des martyrs de la religion chrétienne, de circonstances miraculeuses, afin d'émouvoir davantage l'imagination des lecteurs, et les tristes et sombres légendes des Saints furent Les Légenles premières productions de la littérature de tous sont les preles peuples modernes de l'Europe. Le goût des pèle- littérature du rinages, qui alloit toujours en augmentant, mêla moyen âge. quelques fictions orientales à ces pieux récits; et les périls auxquels tant de voyageurs avoient échappé, en visitant des contrées lointaines, les aventures extraordinaires qui leur étoient arrivées, donnoient une sorte de vraisemblance aux fictions les plus étranges, et augmentoient la facilité que l'on avoit à croire tout ce qui étoit surnaturel et merveilleux. D'un autre côté, l'inégalité des rangs, des richesses et du pouvoir, si fortement prononcée, la vie retirée des châteaux, la solitude forcée des cloîtres, rendirent les communications entre les deux sexes plus difficiles et plus mystérieuses, et donnèrent au sentiment de l'amour une délicatesse et un raffinement que les anciens n'avoient pas

connus.

la

Mais les désordres causés par l'abus de la force, de
part de tant de petits souverains retranchés dans

1664-1667 leurs inexpugnables forteresses, s'étoient augmentés Et. 43-46 de manière à menacer l'existence même de toute civilisation. Toujours ceux qui cherchent à remédier

aux grands maux qui tourmentent l'ordre social, s'acquièrent, par une juste réciprocité, la reconnoisLes guerriers sance des peuples. Si, dans les premiers âges de la

du

moyen âge

aux

héros de l'an- Grèce, on mit les Hercule et les Thésée au rang des

tiquité.

demi-dieux, pour avoir terrassé les bêtes féroces, la religion aussi prodigua tous les trésors de ses indulgences envers ceux qui, dans les temps désastreux du moyen âge, au lieu d'abuser du droit de la force, se dévouèrent au secours des foibles et des opprimés. On vit alors des guerriers inspirés par un noble enthousiasme exposer leur vie, uniquement pour soustraire aux coups de l'injustice les êtres les moins capables de résistance, c'est-à-dire, les prêtres et les femmes. En se consacrant ainsi à la défense de ce qu'il y avoit de plus vénéré et de plus sacré, et aussi de plus aimable et de plus intéressant, ces guerriers acquirent une renommée, qui fut pour eux une source de considération et même de pouvoir. Bientôt tous ceux qui avoient l'âme assez élevée, pour aspirer à une honorable réputation, s'empressèrent de suivre leur exemple, et ambitionnèrent le prix obtenu par leur noble courage. Comme tous recevoient des ministres de Dieu, des bénédictions et des prières en récompense des périls qu'ils avoient affrontés pour la défense de l'Eglise, il étoit naturel aussi que le beau sexe exprimât de diverses manières sa reconnoissance envers des héros

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la chevalerie

des sur la lit

qui s'exposoient, pour sa défense, à tant de fatigues 1664-1668 et de dangers. Il fut donc permis à la beauté d'ani- Æt. 43-46 mer leur zèle par des priviléges et par des faveurs réservés pour eux seuls. Ainsi naquit la chevalerie, Influence de qui eut pour soutien et pour véhicule la religion et et des croisala galanterie, et dont les premiers préceptes et les térature. premiers devoirs étoient l'amour de Dieu et des dames. Les croisades furent un des grands résultats de cette institution, et achevèrent d'en exalter tous les principes; mais ces sanglantes et lointaines expéditions produisirent des désordres encore plus grands que ceux dont la chevalerie avoit entrepris la réforme. Une extrême licence dans les mœurs qu'amènent toujours la vie des camps et les violences de l'état de guerre, s'allia avec la piété la plus fervente, et avec l'enthousiasme religieux, qui portoit à affronter la mort, non seulement sans crainte, mais même avec plaisir. Tant il est vrai que l'homme, composé bizarre de vices et de vertus, réunit souvent les extrêmes les plus opposés, et les contrastes les plus inexplicables! Le goût pour les récits merveilleux s'accrut encore par le contact et la fréquentation forcée des croisés avec les Arabes, dont l'imagination, continuellement en mouvement, ne peut jamais s'arrêter dans l'enceinte d'un monde réel. Alors les légendes des Saints, malgré les fictions dont on les avoit surchargées, parurent sombres, uniformes et ennuyeuses. On enfanta des productions plus conformes aux mœurs du temps, et aux grands événements dont on étoit les témoins et les

1664-1667 acteurs. On vit naître les grands romans de chevaEt. 43-46 lerie, comme, chez les anciens, on avoit vu paroître plusieurs poëmes épiques, après la guerre de Troie, qui étoit une croisade de tous les peuples de la Grèce contre ceux d'Asie. Avec ces grandes compositions, si pleines de récits merveilleux, parurent aussi les chansons, les tensons, les rondeaux, les ballades, On compose les romances des troubadours, et des trouvères, des lays, des ainsi que les lays, les novelles et les fabliaux des fabliaux, etc. jongléours, des contéours et des fabléours, qui,

des romans,

novelles, des

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presque toujours, avoient pour sujets des aventures d'amour, et qui réjouissoient le paladin forcé de rester oisif sous sa tente, ou trompoient l'ennui et le désœuvrement des dames et des seigneurs dans leurs châteaux. Les anciens ne pouvoient avoir eu aucune idée de ces sortes de productions, parce qu'elles étoient le résultat de mœurs différentes des leurs, d'une organisation sociale qui leur avoit été étrangère, des formes particulières aux langues modernes, et surtout de l'introduction de la rime.

Ainsi, la littérature du moyen âge prit un caractère particulier et distinct, et, quoique encore irrégulière et grossière, elle renfermoit le germe de beautés différentes de celles qu'avoient pu produire les grands écrivains de l'antiquité. Sans doute, le génie est essentiellement créateur; et l'excellence de sa nature est de mettre au jour des combinaisons de pensées, de sentiments et d'images, qui n'ont auparavant été, ni conçues, ni senties, ni aussi bien exprimées. Cependant, le génie même

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