>> soit des lieux, soit des personnes ; vous auriez de 1658-1664 quoi vous désennuyer toute votre vie, pourvu que Æt. 37-43 >> ce soit sans intention de rien retenir, moins >> encore de rien citer. Ce n'est pas une bonne qua»lité pour une femme d'être savante; et c'en est >> une très-mauvaise d'affecter de paroître telle. » Ces leçons étoient excellentes; mais elles sont données d'une manière peu aimable, et qui montre peu d'affection. La fin de cette lettre nous prouve qu'alors, au moins, La Fontaine n'avoit pas renoncé aux sentiments d'époux et de père. « Faites bien >> mes recommandations à notre marmot, et dites» lui que j'amènerai peut-être de ce pays quelque >> beau petit chaperon pour le faire jouer et pour lui >> tenir compagnie. » La naïveté avec laquelle La Fontaine faisoit confidence à sa femme, de ses penchants, qu'il auroit dû tenir secrets, ne devoit pas contribuer à la paix du ménage. Au Bourg-la-Reine, il se plaint de l'ennui que lui causa la nécessité où il fut d'entendre une messe paroissiale. « De bonne >> fortune pour nous, dit-il, le curé étoit ignorant, » et ne prêcha point. » Il trouva heureusement trois femmes dans la diligence. « Parmi ces trois femmes, il y avoit une Poitevine qui se qualifioit » comtesse; elle paroissoit assez jeune et de taille raisonnable; témoignoit avoir de l'esprit, dégui soit son nom, et venoit plaider en séparation » contre son mari : toutes qualités d'un bon augure, et j'y eusse trouvé matière de cajolerie, si la beauté 'y fût rencontrée ; mais je vous défie de me faire 1658-1664 » trouver un grain de sel dans une personne à qui Et. 37-43 » elle manque. » Ce comique défi que La Fontaine porte à sa femme, vient à l'appui de plusieurs autres passages de ses ouvrages qui nous apprennent que ce qu'il estimoit le plus dans les femmes, étoient les avantages dont elles tirent elles-mêmes le plus de vanité. Dans une lettre suivante, il raconte une de ces distractions, qui devinrent par la suite, en lui, si fréquentes, et qui donnèrent une teinte extraordinaire à ce caractère déjà si naturellement original. Distraction C'étoit à Cléry, près d'Orléans, dont il visita l'église. taine pendant «Au sortir de cette église, dit-il, je pris une autre hôtellerie, pour la nôtre; il s'en fallut peu que je de La Fon son voyage. n'y commandasse à dîner, et m'étant allé pro» mener dans le jardin, je m'attachai tellement à la » lecture de Tite-Live, qu'il se passa plus d'une » bonne heure, sans que je fisse réflexion sur mon appétit. Un valet de ce logis m'ayant averti de » cette méprise, je courus au lieu où nous étions descendus, et j'arrivai assez à temps pour comp >> >> » ter. >>> A Amboise, il En passant par Amboise, où Fouquet avoit été son de Fou- renfermé d'abord, La Fontaine voulut voir la chambre visite la pri quet. qu'avoit habitée l'illustre prisonnier, et c'est dans le » dérer la porte, et me fis conter la manière dont 1658-1664 >> le prisonnier étoit gardé. Je vous en ferois volon- Æt. 37-43 >> tiers la description; mais ce souvenir est trop Quelque peu d'air pour toute grâce, Jours sans soleil, Nuits sans sommeil, Trois portes en six pieds d'espace? Cette plainte a pour moi des charmes. >> Sans la nuit, on n'eût jamais pu m'arracher de La Fontaine fait remarquer à sa femme, combien, Il . 43-46 retourne Thierry. Il est probable qu'au retour de ce voyage, La Fon- 1664-1667 taine se rendit à Château-Thierry, où se trouvoit la duchesse de Bouillon, qu'il vit alors pour la première à fois. Parmi les sept nièces que le cardinal Mazarin avoit fait venir successivement d'Italie, et qui toutes s'allièrent aux premières maisons du deux plus célèbres par les agréments de leur figure et de leur esprit, furent les deux dernières filles de Mancini. L'aînée des deux, Hortense Mancini, royaume, les De la duchesse de Bouillon. 1664-1667 fut donnée en mariage au duc de la Meilleraye, qui E. 43-46 prit le nom de Mazarin 13. La plus jeune, MarieAnne, fut de toutes les nièces du cardinal, celle qui vint la dernière en France; Mme de Noailles l'amena avec elle en 16564, et elle n'épousa le duc de Bouillon, que le 20 avril 1662, c'est-à-dire plus d'un an après la mort du ministre Mazarin, sur lequel elle avoit acquis un grand ascendant. Le duc de Bouillon fut au nombre de ces jeunes Français qui, impatients de la gloire militaire, allèrent en 1664, exercer, sous Montecuculli, leur valeur contre les Turcs 15. La jeune duchesse de Bouillon eut ordre, pendant l'absence de son mari, de se retirer à Château-Thierry, c'est-à-dire au milieu de ses domaines, puisque, peu d'années auparavant, la duché-pairiè de Château-Thierry avoit été cédée au duc de Bouillon, avec celle d'Albret et les comtés d'Auvergne et d'Evreux, en échange de Sedan, de Raucourt et du lui est pré senté. duché de Bouillon 16 Ainsi La Fontaine eut occasion La Fontaine d'être présenté à la Dame des lieux qui l'avoient vu naître. C'étoit une brune piquante, plus jolie que belle, vive et même un peu emportée, aimant les plaisirs, et animant la conversation par une gaieté spirituelle et des saillies inattendues; elle avoit un goût décidé pour la poésie, et même elle faisoit des vers: elle accueillit La Fontaine qui lui fit assidument la cour. Le désir de lui plaire et d'amuser son imagination libre et badine lui inspira, dit-on, ses plus jolis contes, mais malheureusement aussi les plus licencieux. es té es nt a us us ne avec elle à La duchesse de Bouillon fut, depuis ce temps, 1664-1667 constamment l'amie et la protectrice de La Fontaine. t. 43-46 Lorsqu'elle quitta Château-Thierry, elle l'emmena Elle l'emmèavec elle à Paris; elle l'admit dans sa société, où se Paris. réunissoit tout ce que la capitale pouvoit offrir de plus spirituel et de plus illustre ". Elle le fit connoître particulièrement de la duchesse Mazarin sa sœur, du duc de Bouillon son mari, du cardinal de Bouillon son beau-frère, qui tous chérirent en lui la bonhomie de son caractère, et surent apprécier les grâces inimitables de ses légères productions. Il en avoit fait imprimer quelques unes séparément; mais enfin, il en donna un premier recueil en 1665, et publia, déjà âgé de 44 ans, un petit volume intitulé, Contes et Nouvelles en vers, qui n'a pas plus de 92 pages, petit in-12 18; mais ce volume, tout mince qu'il étoit, et quoiqu'il ne renfermât que Joconde, et un trèspetit nombre d'autres contes et de poésies, fait époque dans la littérature française. Pour bien apprécier l'influence de La Fontaine sur cette littérature, et la place que l'on doit lui assigner, il est, ce nous semble, nécessaire de rappeler en peu de mots les révolutions qu'elle éprouva jusqu'à lui. Les guerres et les désordres produits en Europe, dans le moyen âge, par cette multitude de petits souverains subordonnés les uns aux autres, et cependant indépendants; la forme particulière que prirent les différents Etats qui succédèrent à la chute de l'Empire romain; l'abolition de l'esclavage personnel, et l'introduction de celui de la glèbe; la naissance des et Contes en vers, 10 janvier 1665. Digression des différen sur les causes ces des litté ratures an cienne et moderne. |