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1658-1664 tonsurer, et étudioit la théologie par intérêt et par Et. 37-43 nécessité; mais son goût l'entraînoit vers la littéra

ture, et il regrettoit la capitale, les sociétés qu'il y avoit laissées, les plaisirs qu'il y avoit goûtés. Les lettres de La Fontaine qui lui rappeloient tout cela, et le mettoient au courant de toutes les nouvelles de théâtre et du beau monde, étoient sa principale ressource contre l'ennui qui l'obsédoit. En effet, presque toutes les lettres qui nous restent de La Fontaine présentent un mélange d'esprit, de franchise et de bonhomie qui leur donnent un charme tout particulier. Il les entremêle presque toujours de vers, et passe heureusement et avec facilité du langage de la prose à celui de la poésie.

La première lettre que Racine écrivit dès qu'il fut arrivé en Languedoc, fut adressée à La Fontaine qui, ainsi que lui, avoit eu les fièvres peu de temps auparavant. «< Tout ce que j'ai vu ne m'a pas empêché de songer autant à vous que je le faisois, lorsque nous nous voyions tous les jours:

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Avant qu'une fièvre importune
Nous fit courir même fortune,
Et nous mit chacun en danger
De ne plus jamais voyager.

Comme si alors tout dût être commun entre ces deux amis, ils se ressembloient non seulement par leur goût pour la poésie, mais aussi par leur inclination pour les femmes : la lettre dont nous venons de parler le prouve, et n'a pas été lue par ceux qui ont prétendu que c'étoit sous le beau ciel du Lan

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Première

lettre de Racine à La Fontaine.

guedoc que Racine avoit reçu les premières leçons 1658-1664
de l'amour. « Je ne me saurois, écrit le jeune Æt. 37-43
Racine, empêcher de vous dire un mot des beautés
de cette province; on m'en avoit dit beaucoup de
bien à Paris; mais, sans mentir, on ne m'en avoit
encore rien dit auprès de ce qui en est, et pour
le nombre et pour l'excellence il n'y a pas une
villageoise, pas une savetière qui ne disputât de
beauté avec les Fouilloux et les Meneville. Toutes
les femmes y sont éclatantes, et s'y ajustent d'une
façon qui leur est la plus naturelle du monde; et
pour ce qui est de leur personne,

:

Color verus, corpus solidum et succi plenum *.

Mais, comme c'est la première chose dont on m'a
dit de me donner de garde, je ne veux pas en parler
davantage; aussi bien ce seroit profaner une maison
de bénéficier comme celle où je suis, que d'y faire
de longs discours sur cette matière, domus mea,
domus orationis **; c'est pourquoi vous devez vous
attendre que je ne vous en parlerai plus du tout.
On m'a dit soyez aveugle. Si je ne le puis être
tout-à-fait, il faut du moins que je sois muet: car,
voyez-vous, il faut être régulier avec les réguliers,
comme j'ai été loup avec vous et avec les autres loups
vos compères. Adîou sias. »

Ce langage n'est certainement pas d'un novice.

* Un coloris vrai, un corps ferme, la fleur de l'embonpoint et de la santé. TERENT. Eun. Act. II, sc. v.

** Ma maison est une maison de prière.

Fouilloux et

1658-1664 Mais disons quelles étoient ces beautés célèbres si Et. 37-43 bien connues de La Fontaine, auxquelles Racine comparoit les femmes du Languedoc. Mademoiselle De Miles de Fouilloux dont presque tous les éditeurs de Racine Meneville ont défiguré le nom3, amie intime de Mlle de La Vallière, paroît avoir été, comme elle, attachée à MADAME; elle reçut du roi cinquante mille écus pour épouser le marquis de Sourdis 4. Mademoiselle de Meneville qui étoit fille d'honneur de la reine, n'eut pas un sort aussi heureux : lorsqu'on saisit les papiers de Fouquet, on trouva des lettres de dames de la cour qu'il avoit conservées. «< Alors, dit la bonne Mme de Motteville, on vit qu'il y avoit des femmes et des filles qui passoient pour sages, et qui ne l'étoient pas 5. » M1le de Meneville fut une des plus compromises par cette enquête qui fut faite chez le surintendant. Elle fut chassée et forcée de se retirer dans un couvent. Mme de La Fayette dit que c'étoit une des plus belles personnes de ce temps. Le duc d'Anville (auparavant comte de Brionne) en étoit amoureux, et avoit voulu l'épouser ".

Poignant dont nous avons déjà parlé, l'ami commun de La Fontaine et de Racine, se trouve souvent mêlé dans leur correspondance 7. On voit que Racine écrivoit à Poignant sans espoir de réponse; mais il n'en étoit pas de même à l'égard de La Fontaine. Dans une lettre à l'abbé Le Vasseur, Racine dit : « M. de La Fontaine m'a écrit, et me mande force nouvelles de pièces de poésies, et surtout des pièces de théâtre. Je m'étonne que vous ne m'en

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Deuxième aine,

lettre de Racine à La Fon

disiez pas un mot. N'est-ce point que ce charme 1658-1664 étrange qui vous empêchoit d'écrire, vous empêchoit Æt. 37-43 aussi d'aller à la comédie ? » Racine ne fait pas à La Fontaine de semblables reproches; au contraire il lui dit : «< Votre lettre m'a fait un grand bien, et je passerois assez doucement mon temps, si j'en recevois souvent de pareilles. Je ne sache rien qui me puisse mieux consoler de mon éloignement de Paris; je m'imagine même être au milieu du Parnasse, tant vous me décrivez agréablement tout ce qui s'y passe de plus mémorable. » Racine dans cette même lettre qui est mélangée de prose et de vers, après avoir retracé en quatre stances les diverses destinées des Muses, ajoute :

Paris, le siége des Amours,

Devient aussi celui des Filles de Mémoire ;

Et l'on a grand sujet de croire

Qu'elles y resteront toujours.

Puis il termine par une louange aussi fine que déli-
pour son ami.

cate

«Quand je parle de Paris, j'y comprends les beaux pays d'alentour:

Tantôt Fontainebleau les voit
Le long de ses belles cascades;
Tantôt Vincennes les reçoit
Au milieu de ses palissades.

Elles sont souvent sur les eaux
Ou de la Marne ou de la Seine;
Elles étoient toujours à Vaux,
Et ne l'ont pas quitté sans peine.

Nous voyons aussi dans cette même lettre que Racine
alloit souvent à Château - Thierry, et étoit fort

1658-1664 connu des beaux esprits de cette ville, et surtout de

Et. 37-43 la sœur de La Fontaine.. « Renvoyez-moi, dit-il à celui-ci, cette bagatelle des Bains de Vénus, et me mandez ce qu'en pense votre académie de ChâteauThierry, surtout Mlle de La Fontaine ; je ne lui demande aucune grâce pour mes vers : qu'elle les traite rigoureusement 9.

La Fontaine

fait un voyage

>>

Après le jugement de Fouquet, Jannart, qui avoit à Limoges. été son ami, et son substitut dans la charge de pro

femme.

cureur au parlement, fut exilé à Limoges. La Fontaine le suivit dans son exil; et, dans plusieurs lettres à sa femme, il fait en prose, mêlée de vers, la description de ce voyage qui, pour l'enjouement et l'agrément des détails, peut être comparé à celui de Chapelle et de Bachaumont ". Nous y chercherons seulement les traits qui peuvent servir à mieux faire connoître le caractère de La Fontaine.

Il écrit à sa Il commence par des remontrances, qui, toutes justes qu'elles pouvoient être, ne devoient pas plaire, car enfin, c'étoient des remontrances.

« Vous n'avez jamais voulu lire d'autre voyage que » ceux de la Table Ronde; mais le nôtre mérite >> bien que vous le lisiez; il pourra même arriver que si vous goûtez ce récit, vous en goûterez après de

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plus sérieux. Vous ne jouez, ni ne travaillez, ni >> ne vous souciez du ménage, et, hors le temps que >> vos bonnes amies vous donnent par charité, il

>>

n'y a que les romans qui vous divertissent. Consi» dérez, je vous prie, l'utilité que ce vous seroit, si, » en badinant, je vous avois accoutumée à l'histoire

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