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La Fontaine

sir la reli

gion.

1692-1694 teur, mais comme le fils d'un de ses amis. Il y alla Et. 71-73 donc, ne paroissant en apparence avoir d'autre but que celui de s'informer des nouvelles de sa santé de la part de son père, et, pour mieux déguiser son dessein, il se fit accompagner d'un homme de beaucoup d'esprit, intimement lié avec La Fontaine. Entretien de Il fut facile, dès cette première visite, de faire et de Pouget tomber la conversation sur la religion, puisque La Fontaine alors en étoit assez fortement occupé. << M. de La Fontaine (dit Pouget dans la relation qu'il a donnée de cette conversion 56) étoit un homme fort ingénu, fort simple avec beaucoup d'esprit ; il me dit avec une naïveté assez plaisante : « Je me suis mis depuis quelque temps à lire le Nou>> veau Testament: je vous assure que c'est un fort >> bon livre; oui, par ma foi, c'est un fort bon livre; » mais il y a un article, sur lequel je ne me suis pas » rendu, c'est celui de l'éternité des peines; je ne comprends pas comment cette éternité peut s'ac »corder avec la bonté de Dieu. » << J'avois, continue Pouget, ces matières fort présentes, parce que je sortois de dessus les bancs de Sorbonne, où ces questions sont fort agitées; je lui expliquai sur cela, avec étendue et vivacité, les principes de saint Augustin et des autres pères ou théologiens 57.

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Pouget se retira; mais l'ami qu'il avoit amené resta. La Fontaine lui dit qu'il étoit très-satisfait du jeune vicaire; que s'il prenoit le parti de se confesser, il ne vouloit d'autre confesseur pas Mais il ajouta qu'il avoit des difficultés sur lesquelles

que

lui.

il désiroit des éclaircissements; et il pria son ami 1692-1694 d'engager Pouget à revenir.

Æt. 71-73

Nouveaux entretiens de

La Fontaine sur la reli

Jugement que porioit sur La Fon

Pouget revint dans l'après-midi, et engagea seul avec La Fontaine, de nouvelles discussions. Pouget et de Elles furent continuées deux fois par jour, pen- gion. dant dix à douze jours consécutivement. La garde de La Fontaine, qui se trouvoit en tiers à ces longues conférences, craignoit qu'elles ne fatiguassent son malade, et elle dit à Pouget, qui exhortoit le poëte à la pénitence : « Hé! ne le tourmentez pas tant, il est plus bête que méchant. »taire la garde Cette femme étoit surtout singulièrement touchée gnoit. de sa bonté et de sa douceur. Aussi, un jour que Pouget avoit été plus véhément qu'à l'ordinaire, sur les peines réservées aux pécheurs incrédules et endurcis, elle le tira dans un coin de la chambre, et lui dit, avec un air de compassion : Monsieur, Dieu n'aura jamais le courage de le damner 58. >>

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Pouget, dans sa relation, nous apprend que La Fontaine mit, dans ses discussions avec lui, beaucoup d'abandon et de franchise. « C'étoit un homme, dit-il, qui, sur mille choses, pensoit autrement, que le reste des hommes aussi simple dans le mal comme dans le bien. Sa maladie le mit en état de faire des réflexions sérieuses: il saisissoit le vrai, et il s'y rendoit : il ne cherchoit point à chi

caner. »>

qui le soi

La Fontaine, après ces longues conférences, dé- La Fontaine clara à Pouget qu'il étoit convaincu, et voulut se

converti veut se confesser,

1692-1694 confesser à lui; Pouget s'excusa sur sa jeunesse et Æt. 71-73 sur son peu d'expérience; il offrit à notre poëte de mais à Pou- continuer à le voir, et à l'aider de ses conseils, mais

get seul.

deux conditions.

il tâcha de le déterminer à prendre un confesseur

plus âgé. La Fontaine ne voulut point y consentir, et insista pour n'en avoir pas d'autre que le jeune vicaire du curé de Saint-Roch.

Alors celui-ci lui dit qu'avant de se rendre à ses désirs, il falloit qu'il se soumît à quelques conditions consent qu'a indispensables, sur deux points importants : le premier étoit relatif à ses Contes. Pouget exigeoit que La Fontaine prît l'engagement de ne faire usage du talent qu'il avoit pour la poésie, que pour travailler à des ouvrages de piété, et d'employer le reste de ses jours aux exercices d'une vie pénitente et édifiante; que, non seulement il promît de ne contribuer jamais à l'impression ni au débit de ses Contes, mais encore qu'il fìt une satisfaction publique, soit devant le Saint-Sacrement, s'il étoit obligé de le recevoir dans sa maladie, soit dans l'assemblée de l'Académie française, la première fois qu'il s'y trouveroit; et enfin qu'il demandât pardon à Dieu et à l'Eglise d'avoir composé ce livre.

« M. de La Fontaine, dit Pouget, eut assez de peine à se rendre à la proposition de cette satisfaction publique. Il ne pouvoit s'imaginer que le livre de ses Contes fût un ouvrage si pernicieux, quoiqu'il ne le regardât pas comme irrépréhensible, et qu'il ne le justifiât pas. Il protestoit que ce livre n'avoit jamais fait de mauvaises impressions sur

lui en l'écrivant, et il ne pouvoit pas comprendre 1692-1694 qu'il pût être si fort nuisible aux personnes qui le t. 71–73 liroient. Ceux qui ont connu plus particulièrement M. de La Fontaine, ajoute Pouget, n'auront pas de peine à convenir qu'il ne faisoit pas de mensonge, en parlant ainsi, quelque difficile qu'il paroisse de croire cela d'un homme d'esprit, et qui connoissoit le monde. »

en accepte

une,

de la résistance

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pour

Pouget cependant parvint facilement à convaincre La Fontaine La Fontaine, qu'il se trompoit, et il le fit consentir à faire, au sujet de ses Contes, tout ce qu'il lui prescriroit 59; mais notre poëte montra beaucoup plus de mais il fait résistance pour l'autre point. Pouget avoit appris qu'il avoit composé, depuis peu, une pièce de théâtre trouvée excellente par tous ceux qui l'avoient lue, et qu'il devoit bientôt la remettre aux comédiens pour la faire jouer. Pouget exigeoit que La Fontaine fit le sacrifice de cette pièce, se fondant sur ce que la profession de comédien étant interdite par les lois de l'Eglise, il n'étoit pas permis de les entretenir dans cette profession en travaillant à des pièces, pour les faire représenter. Le poëte, qui avoit encore présent à l'esprit la controverse, qui avoit eu lieu à ce sujet entre Nicole et son ami Racine, trouva cette opinion de Pouget trop sévère, et en appela au sentiment d'hommes plus 1 demande âgés et plus instruits. Pouget y consentit volon- des docteurs tiers, et promit d'avance d'acquiescer à la décision, qui seroit rendue par des théologiens compétents. La Fontaine consulta la Sorbonne, et entre autres

pour arbitres

en Sorbonne, qui condam

nent son sentiment.

1692-1694 M. Pirot, savant professeur, et depuis chancelier El. 71-73 de l'Eglise et de l'Université de Paris. Pirot et les autres docteurs de Sorbonne dirent à La Fontaine,

et brûle une

avoit compo

sée.

que son jeune directeur lui avoit dit la vérité, et il se soumet n'avoit rien exagéré; alors il jeta sa pièce au feu, et comédie qu'il comme il n'en avoit pas de copie, elle n'a jamais été publiée. Ces deux articles réglés, notre poëte se prépara à une confession générale ; il y employa beaucoup de temps; sa tête étoit entièrement libre: il se La Fontaine confessa ensuite, ajoute Pouget, avec des sentiments de piété très-édifiants.

se confesse.

Cependant la maladie de La Fontaine s'étant aggravée, ses médecins jugèrent qu'il étoit temps de lui faire recevoir le saint viatique. Il fixa lui-même le jour, et convint la veille avec le jeune vicaire du curé de Saint-Roch, qu'il feroit prier Messieurs de l'Académie française de s'y trouver par députés. Le 12 février 1693, jour fixé, qui étoit le premier jeudi de carême, les députés de l'Académie se rendirent à dix heures du matin à l'église, et accompagnèrent le Saint-Sacrement, qu'on porta chez La Fontaine. La Fon- Lorsque Pouget fut entré dans la chambre, elle ment, le 12 se trouva remplie de personnes de la plus haute février 1693. distinction, et d'hommes de lettres qui s'étoient

taine reçoit le

Saint-Sacre

joints aux académiciens, et qui vouloient être témoins de cet acte pieux. Le Saint-Sacrement fut posé sur la table devant le malade, qui se trouvoit assis dans un fauteuil. Pouget fit les prières prescrites par le rituel, et dès qu'il les eut terminées, La Fontaine, en présence de cette nombreuse assem

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