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Mad. d'Her

Fontaine.

Ces derniers mots nous révèlent toute l'étendue 1689-1692 des bontés de cette jeune et jolie femme pour notre E. 68-71 vieux poëte, dont, par ses remontrances et ses Bontés de conseils, elle cherchoit à réformer la conduite. Com- vart pour La ment expliquer cet attachement si vrai, si désintéressé que La Fontaine inspiroit à tant de personnes d'âge et de sexe si différents? c'est qu'avec tous les Des causes défauts d'un enfant, la légèreté, l'imprévoyance, la foiblesse de caractère, il en avoit aussi toutes les qualités, le naturel, la sensibilité, l'enjouement et la candeur.

de l'attachement qu'inspiroit La

Fontaine.

Détails sur

Mademoiselle

Quelques années après l'époque où nous sommes, lorsque La Fontaine, tout entier au repentir et à la de Beaulieu, pénitence, étoit bien loin de songer aux jeunes filles, Vergier fit aussi la cour à Mlle de Beaulieu. Il inséra, dans une épître en vers qu'il lui adressa, le conte intitulé le Gros Guillaume, aussi licencieux qu'aucun de ceux que La Fontaine ait composés 8. Alors, Mile de Beaulieu n'avoit pas plus de vingt ans, et il falloit, pour qu'on lui envoyât de pareils récits, que cette jeunesse simple et modeste, dont Vergier parle dans sa lettre à Mme d'Hervart, se fùt fort apprivoisée. Nous apprenons encore, par une autre épître de Vergier, qu'à l'âge de vingt-quatre ans, Mlle de Beaulieu avoit eu une inclination, dont l'issue malheureuse lui fit répandre beaucoup de larmes. Elle finit par épouser un gentilhomme, du nom de Nully, de la famille du président Nully, fameux ligueur, assez célèbre dans l'histoire. Elle mourut à Paris, *en 1723, âgée d'environ cinquante ans. Mathieu Ma

1689-1692 rais, qui l'a connue, assure qu'elle avoit conservé Et. 68-71 jusqu'à la fin presque toute sa beauté. Quant à Veret sur Ver- gier, on sait que ce poëte aimable fut assassiné le soir à Paris, au coin de la rue du Bout-du-Monde, par un complice de Cartouche, le 16 août

gier.

172081

LIVRE SIXIÈME.

1689-1692 Et. 68-71

Conti.

Portrait

La jeune douairière de Conti qui aimoit tant la société de La Fontaine, et dont nous avons plusieurs de la jeune fois eu occasion d'entretenir nos lecteurs, fut une des plus belles personnes de ce temps. Aux grâces de Mme de La Vallière, sa mère, elle réunissoit le port et l'air de Louis XIV, son père; et le bruit de sa beauté s'étoit tellement répandu, que l'empereur de Maroc fit demander son portrait au roi, qui le lui envoya. Auprès d'elle, dit Mme de Caylus, les plus belles et les mieux faites n'étoient pas regardées. Elle dansoit, surtout, avec une étonnante perfection. Mme de Sévigné qui vouloit absolument que sa fille eût, sur ce point, la prééminence sur toutes les femmes, se fâche un peu de ce que Mme de Grignan lui parle avec trop d'enthousiasme de la princesse de Conti, qu'elle avoit vue à un bal. Suivant elle, ce n'est point pour la danse qu'on l'admire, «< c'est en faveur de cette taille divine, qui emporte l'admiration, et fait voir, à la cour, que du maître des dieux elle a reçu le jour. »

La Fontaine, pendant le carnaval de l'an 1689, vit un soir la jeune douairière de Conti parée et prête à partir pour le bal. Il rêva d'elle pendant la nuit tel fut le motif d'une petite pièce de vers intitulée le Songe, qu'il adressa à cette princesse:

:

1689-1692

Æt. 68-71

Le Songe, adressé à la princesse de Conti. 1689.

Du grandprieur de

La déesse Conti m'est en songe apparue :
Je la crus de l'Olympe ici-bas descendue.
Elle étaloit aux yeux tout un monde d'attraits,
Et menaçoit les cœurs du moindre de ses traits.
Fille de Jupiter! m'écriai-je à sa vue,
On reconnoît bientôt de quel sang vous sortez:
L'air, la taille, le port, un amas de beautés,
Tout excelle en Conti; chacun lui rend les armes.
Sa présence en tous lieux fera dire toujours :
Voilà la fille des Amours,

Elle en a la grâce et les charmes.

On ne dira pas moins, en admirant son air :
C'est la fille de Jupiter.

Quand Morphée à mes sens présenta son image,
Elle alloit en un bal s'attirer maint hommage.

Je la suivis des yeux; ses regards et son port
Remplissoient en chemin les cœurs d'un doux transport.
Le songe me l'offrit par les Grâces parée.
Telle aux noces des dieux ne va point Cythérée :
Telle même on ne vit cette fille des flots
Du prix de la beauté disputer dans Paphos.
Conti me parut lors mille fois plus légère,
Que ne dansent aux bois la nymphe et la bergère :
L'herbe l'auroit portée; une fleur n'auroit pas
Reçu l'empreinte de ses pas 2.

Quelle verve! quelle touche délicate et gracieuse dans un poëte de soixante-huit ans !

Le grand-prieur de Vendôme, tandis que son Vendôme, et frère se battoit sur le Rhin, étoit revenu passer le

de ses sou

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carnaval à Paris, et faisoit au Temple ses orgies accoutumées. La Fontaine s'y trouvoit souvent; et, comme il avoit coutume d'écrire au duc de Vendôme, qui lui faisoit une pension, il termine une lettre en vers, qu'il lui adressa alors, par le récit d'un souper, fait au Temple, chez le grand-prieur, à la suite duquel on but presque toute la nuit. Mais l'horrible exécution du Palatinat, mis en cendres par ordre de Louis XIV, venoit d'avoir lieu; et on voit

que, malgré le désir de faire sa cour, La Fontaine 1689-1692 en étoit péniblement préoccupé, et qu'il ne pouvoit pas s'empêcher de laisser percer les sentiments d'un bon cœur.

Comment, seigneur, pouvez-vous faire?

Vous plaignez les peuples du Rhin.
D'autre côté, le souverain

Et l'intérêt de votre gloire

Vous font courir à la victoire.
Mars est dur ce dieu des combats,
Même au sang trouve des appas.
Rarement voit-on, ce me semble,
Guerre et pitié loger ensemble 3.

>>

t. 68-71 Lettre à S. A.

R. Mgr le duc de Vendôme. 1689.

chevalier de Sillery.

La Fontaine rapporte ensuite un mot du che- Bon mot du valier de Sillery, qu'il trouve excellent : « C'est que pour bien faire aller les affaires, il faudroit que le pape se fit catholique et le roi Jacques huguenot. Une des grandes causes des malheurs de Jacques II fut en effet un zèle impolitique pour la religion qu'il professoit. Quant au pape, s'il désapprouvoit les persécutions par le moyen desquelles Louis XIV prétendoit convertir ses sujets protestants, il n'en étoit pour cela que meilleur catholique; et si La Fontaine badine sur ce sujet avec autant de légèreté, c'est qu'on n'étoit pas aussi bien instruit à Paris des fatales conséquences des ordres donnés par les ministres dans l'intérieur du royaume, que des événements de la guerre, qui avoient lieu au delà des frontières.

La Fontaine parle ensuite de sa pension, et fait un aveu bien naïf de la manière dont il se propose d'employer l'argent qu'il recevra du duc de Ven

Aveux de

La Fontaine.

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