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1687-1689 nières, pour aller se loger dans le corps d'un prélat, Et. 66-68 où elle reposoit en paix, et où les médecins la choyoient bien, et la faisoient prospérer 6.

La Fontaine n'avoit pas

encore renon

cé aux fem

mes.

Cependant, malgré ses infirmités et son âge, La Fontaine avoit encore assez de vigueur et assez peu d'empire sur lui-même pour ne pas renoncer à son penchant pour les femmes. Deux lettres de lui, adressées vers la fin de 1688 63, à une dame inconnue, décèlent une intrigue, dont il est difficile aujourd'hui Madame de pénétrer le secret, mais dont la nature ne peut

Lettres adressées

1688.

de La Fon

tête à tête

à

être douteuse. Il paroît que La Fontaine avoit fait des remontrances à cette inconnue, qu'elle ne voulut point écouter; soit qu'elle désirât s'amuser des galanteries du vieux poëte, sans vouloir en venir à un dénouement; soit, ce qui nous paroît plus probable, que son imagination licencieuse lui ait inspiré une fantaisie amoureuse pour l'auteur des Contes; ce qui supposeroit que La Fontaine avoit conservé Amabilité même à cet âge, dans le tête-à-tête avec les femmes, taine dans le une amabilité que ses contemporains peuvent ne pas avoir soupçonnée. L'attachement singulier et bien désintéressé qu'il inspira à Mme de La Sablière et à Mme d'Hervart, la bienveillance constante avec laquelle il fut accueilli par Mme de Thianges, Mme de Sévigné, Mm de La Fayette, et par toutes les femmes qui eurent occasion de le connoître particulièrement, donnent à cette supposition beaucoup de probabilité. Les femmes souffrent rarement ceux qui les ennuient; leur curiosité les porte bien à accueillir un instant un homme célèbre; mais quand elles recherchent

avec les fem

mes.

n'est

pendant long-temps sa société et son amitié, ce 1687-1689 pas à cause des qualités qui établissent sa célé- t. 66-68 brité, mais à cause de celles qui le rendent aimable.

Liaison de

La Fontaine

quis de Sablé et l'abbé de

Servien

Liaison par

ticulière de La Fontaine

Dans la première des deux lettres, dont nous parlons, nous voyons que le marquis de Sablé, et avec le marl'abbé de Servien 64, son frère, tous deux hommes de beaucoup d'esprit, mais de mœurs très-licencieuses, et même cyniques, se trouvoient mêlés dans cette intrigue. Cette dame inconnue n'étoit plus très-jeune, puisqu'elle avoit une fille déjà grande, avec Mad.***. nommée Thérèse, dont la fierté choquoit La Fontaine: il loue sa beauté et son teint, « qui sont, dit-il, au dessus de toutes choses. » Cette dame inconnue enfin avoit un époux, dont notre poëte redoutoit beaucoup le retour, qu'il estimoit comme un fort honnête homme, et qu'il ne trompoit pas sans remords, puisqu'il oppose quelques objections aux désirs qu'on lui témoigne : mais ce n'est pas La Fontaine qui pouvoit résister long-temps aux avances d'une femme aimable, et qui lui plaisoit; une telle vertu étoit même alors au dessus de ses forces.

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Délivrez-moi, dit-il, le plus tôt que vous pourrez » de l'inquiétude où je suis, touchant le retour de >> votre époux; car je n'en dors point. » . . «< << Ne >> nous laissons point surprendre. » « Je meurs de » peur que nous ne le voyions arriver, comme le » larron de l'Evangile.... Vous paierez de caresses pleines de charmes; mais moi, de quoi paierai-je ? » Dans la seconde lettre, il dit :

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« Je suis au désespoir de vous avoir fait les re

>>

1687-1689 » montrances, que je vous ai faites: non qu'elles Et. 66-68» ne soient raisonnables; mais votre lettre ne per» met pas qu'on écoute la raison, en façon du

Conjectures

sur les leires

écrites à Ma

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monde, et vous renverserez l'esprit de qui vous

voudrez, et quand vous voudrez, fût-ce un philosophe du temps passé.

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Il paroît que la dame inconnue avoit des ménagements à garder, qu'elle demeuroit à la campagne, et ne vouloit même pas que La Fontaine sût où elle se trouvoit. << Il me semble que vous ne voulez point » de réponse; car vous dites que vous ne me mar» quez pas le lieu où vous êtes; cependant on vous » y a envoyé ma lettre, et d'autres encore. »

Nous apprenons, par la première de ces deux lettres, que les rendez-vous se donnoient à Paris, en maison tierce. « J'accepte, Madame, les perdrix,

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le vin de Champagne et les poulardes, avec une >> chambre chez M. le marquis de Sablé, pourvu que cette chambre soit à Paris..... En un mot, j'accepte tout ce qui donne bien du plaisir, et vous en êtes toute pétrie.

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Ces deux curieuses lettres furent imprimées sept dame de **** ans après leurs dates, dans les OEuvres posthumes de La Fontaine. Il est bien certain qu'elles ne sont pas de celles dont il put garder de copie; il n'y a pas une seule phrase, qui suppose le moindre travail, ni la moindre recherche d'esprit. Elles ressemblent à toutes celles que l'on écrit, quand on s'est tout dit, et qu'on n'a plus que des arrangements à prendre. Comme personne n'a pu être

est Madame Ulrich, l'édi

la

vres posthumes de Fontaine.

Preuves de

cette

asser

possesseur de ces deux lettres, ni avoir envie de les 1687-1689 publier, que celle-là même qui les avoit reçues, il Æt. 66-68 en résulte que nous devons conclure que la dame Madame**** inconnue, à laquelle ces deux lettres sont adressées, a été l'éditeur des OEuvres posthumes de La Fontaine. Mais cette conclusion acquiert un bien plus grand degré de certitude, si l'on fait attention que l'épître dédicatoire de ces OEuvres posthumes est tion. adressée au marquis de Sablé, confident et ami de l'inconnue, et que cette épître est signée par une femme, qui prend le nom d'Ulrich. Il importe peu que ce nom soit vrai ou supposé, ou simplement le nom de baptême de la dame inconnue; mais il importe beaucoup pour l'authenticité des pièces, qui sont insérées dans ces OEuvres posthumes, et pour l'exactitude des détails, donnés par l'éditeur sur La Fontaine, d'achever de prouver ce que nous venons d'avancer. Or, remarquons que Mme Ulrich déclare, dans sa préface, qu'elle n'a songé uniquement qu'à sacrifier aux mânes de l'illustre M. de La Fontaine. «< L'étroite amitié, dit-elle, dont il m'a honorée pendant les dernières années de sa vie, et toutes les marques de distinction que j'en ai reçues, méritoient bien que je ne laissasse pas dans l'oubli les restes précieux qu'il a bien voulu me confier. » Elle dit que ceux qui ont loué La Fontaine ne l'ont pas élevé au rang que méritoit un caractère, aussi rare et aussi original que le sien; enfin elle termine ainsi : « Je ne me plains de personne pour mon ami, persuadée comme je dois l'être qu'il n'appar

1687-1689 tient qu'à ses seuls ouvrages de consacrer dignement Æt. 66-63 sa mémoire. »

Cependant, malgré cette déclaration, dans une lettre adressée à un anonyme, elle trace un portrait de La Fontaine, dont nous avons déjà rapporté les traits principaux. « C'étoit un philosophe, ditelle, mais un philosophe galant. » L'éloge qu'elle fait des contes, et les termes dont elle se sert pour exprimer son enthousiasme, nous semblent aussi confirmer toutes nos conjectures. « Pour ses contes, je ne trouve personne qui puisse entrer en parallèle avec lui; il est absolument inimitable. Quels récits véritablement charmants! quelles beautés! quelles descriptions heureuses! quelle morale fine et galante! tout y coule de source. Leur lecture fait sentir à l'âme un plaisir qu'on ne peut décrire. » On peut tout supposer et tout croire d'une femme qui trouvoit la morale des contes de La Fontaine si fort à son gré. Cette dame ne parle en aucune manière de la conversion de La Fontaine, ni de sa dévotion pendant Epoque à les deux dernières années de sa vie, ce qui prouve

laquelle cessa

la liaison de

La Fontaine que cette conversion lui déplut, et qu'elle fit cesser

avecMad.****.

leur liaison. Enfin les contemporains de Me Ulrich n'ont jamais douté de l'authenticité des OEuvres posthumes qu'elle a publiées. La famille de La Fontaine qui a livré les manuscrits de cet illustre poëte à l'éditeur des OEuvres diverses, imprimées en 1729, n'a contesté ni l'origine d'aucune des pièces des OEuvres posthumes, ni le droit qu'avoit Mme Ulrich de les faire paroître. L'on ne doutoit pas alors que

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